17. Adrien
Média: À ce moment, je jure que nous étions infinis.
Trois millions quatre cent soixante douzième week-end.
Fais bien attention avec le vélo de Maman, disait Rachel. Bien. Je lui demanderai ce soir si ce serait extrêmement "grave" si j'avais légèrement cassé le guidon. Après tout, ça se recolle non ? J'arrive devant l'appartement dans lequel vit Mélina à pied, avec un guidon dans une main et le reste du vélo dans l'autre en pensant que ce soir, je vais me faire tuer. Pas par ma mère, mais par ma sœur. Néanmoins, je me demande aussi comment je vais faire pour partir en balade... je sonne chez elle et j'entends la merveilleuse voix de Mélina dans le machin phone.
- C'est qui ?
- Bonjour, ici Sarah.
Elle pousse un long soupir. Le genre de soupir qui vous prend au dépourvu et qui vous fait douter sur la blague que vous allez faire.
- Anderson, qu'est ce que tu fiches ici ?
- Mais non, là tu dois demander: Sarah qui ?
- J'ai honte de toi, parfois... Sarah qui ?
- Ça raccroche ! Hé hé ! Euh... comme on fait pour raccrocher ?
- Le bouton rouge.
- Ah, merci. Du coup je refais ?
Je sais parfaitement qu'elle a envie de se tordre de rire.
- Non non, ça ira... bon, juste pour cette blague vraiment suuuper drôle, je te laisse entrer.
Où alors juste pour que je la laisse tranquille. Un petit bip me fait signe qu'elle a raccroché, et je pousse la lourde porte afin d'atteindre le hall. Je monte une série d'escalier avant d'arriver devant la bonne porte. Je toque en interprétant la musique de la souris verte et elle m'ouvre en passant tout d'abord sa tête puis me laisse entrer. Je constate qu'elle porte une robe de chambre par dessus un long pyjama rose et noir avec écrit "Miss Sexy", ce qui me fait sourire bêtement. Elle passe une main dans ses cheveux en ouvrant grand la bouche pour bailler.
- Je te réveille ?
- Devine ?
Oui, bon, il est vrai que nous sommes Dimanche et que je suis "tombé du lit" pour arriver ici comme par magie à huit heures pile. Soudain, mon regard se pose sur un poster accroché sur le mur du couloir, et je reconnais assez aisément Robert Pattinson qui pose devant un fond noir et blanc. Je ne peux d'ailleurs plus me retenir: j'éclate de rire. Les joues de Mélina prennent une teinte rose foncé.
- Vraiment ?! Je t'aurais jamais crue comme ça !
- Rhooo, c'est bon... chacun ses gouts !
Je me ressaisis brusquement en toussotant plutôt élégamment.
- Tu as raison. Ce n'est pas bien de se moquer. En plus, j'adore Twilight. J'ai lu tous les livres et j'ai vu tous les films et, contrairement à ce que tout le monde pense, c'est un vrai chef d'oeuvre.
Elle se mord la lèvre inférieure, comme si elle se retenait de rire. Ce doit être mon accent écossais qui fait cet effet. Elle me confie tout à coup:
- Twilight est le meilleur film dans le genre Fantastique. Pas parce que c'est une histoires de vampires et de loups-garou, mais parce qu'aucun amour de ce genre ne peut exister dans la vraie vie.
Cette dernière confession me laisse pensif. Moi, je peux l'aimer comme dans Twilight. D'après mes statistiques, ce serait possible si elle m'aimait en retour... Il me semble bon d'ajouter:
- Ne crois pas que je dis aimer Twilight juste parce que tu ne me plais. Il faudrait déjà que ce soit le cas.
Elle lève les yeux au ciel en faisant la moue. Trop chou...
***
Nous sortons du grand bâtiment sans un mot, mais je remarque assez facilement qu'elle me jette des regards légèrement distraits par mon physique de rêve. Je me retiens de rire, même si sa discrétion laisse à désirer... elle commence à aller chercher son vélo, mais je l'interpelle tout en pensant que le mien est fichu. Sans guidon, je ne peux pas faire tout ce que je voudrais...
- Moulinet, j'ai un peu abimé mon vélo en venant ici. Est ce qu'on pourrait utiliser ta voiture, finalement ?
Cette demande est très dure à faire pour moi, et elle ne me facilite pas les choses avec son air complètement abasourdi.
- Quoi ? Mais je pensais que tu détestais prendre la voiture.
- Oui, mais ce sera une exception. Tu sais, ce genre de chose qu'on ne fait qu'une fois dans une vie ? Et puis, je ne voulais pas tester la voiture avec n'importe qui. Parce que je m'étais un peu trop emballé, la dernière fois...
Je repense à ma dernière escapade avec le quatre quatre de ma mère. Une vraie catastrophe... j'ai presque été dans le ravin.
- D'accord. Comme tu voudras. Mais j'ai seulement mon permis de conduite accompagnée...
- J'ai 18 ans. Donc c'est bon.
C'est totalement faux, j'ai à peine 17 ans, mais je veux absolument y aller en voiture. Elle sort un trousseau de clef de sa poche de jean et s'approche d'une toute petite voiture jaune poussin en expliquant:
- C'est celle de mon frère adoptif. Il me l'a prêtée pour la semaine parce que je me fais un peu d'argent en emmenant ma voisine de 75 ans un peu partout. Et elle me paye. Tu sais, tous les moyens pour se faire du fric sont bons à prendre.
Je m'installe du côté passager, les bras et les jambes tendus comme deux bâtons de bois. Mélina lève les deux sourcils, intriguée par cet étrange attitude.
- Est ce que ça va ? Tu as dû subir un gros traumatisme des voitures, toi...
- M'en parle pas...
Je suis bien trop crispé pour qu'elle ne me jette pas des regard intéressé de temps en temps. Elle enclenche le contact, et le moteur se met à vrombir sous mes pieds. Je sursaute puis interviens en disant:
- S'il te plait, ne dépasse pas les 30 kilomètres heure au début, parce qu'on risquerait d'avoir un accident...
Et c'est moi qui dit ça.
- Sérieusement ? C'est si grave que ça ?!
- Oui. Je ne me sens vraiment pas bien, en plus.
- Ne vomis pas dans la voiture de mon frère s'il te plait, ou je vais me faire tuer.
Elle démarre et enclenche la première vitesse. Nous quittons le parking à une vitesse d'escargot, et je lui demande même d'accélérer un peu mais elle répond:
- Ah non, on est déjà à 25 kilomètres heure. J'irai peut-être un peu plus vite sur l'autoroute mais ça c'est encore à voir.
Mais lorsque je regarde le compteur de vitesse, je m'aperçois qu'elle est au dessus des 30 que je lui avais demandés. Des voitures nous klaxonnent, à l'arrière. Ils doivent penser que c'est Mémé et Pépé qui se sont perdus dans la ville, mais ils seraient surement bien surpris de savoir qu'Adrien Anderson a tout simplement peur des voitures. Dans l'habitacle, je sens une goutte de sueur perler sur mon front, mais je n'arrête pas de répéter "ça va", "ok", "accélère", "vas y", "tout droit", "fonce", ... à un moment, elle est bien obligée de me dire de me taire. Je suis néanmoins le seul à savoir où aller, Moulinet ne le sait pas encore. Je dois avouer que la guider à travers cette ville toute moisie me prouve qu'elle a confiance en moi. Que c'est touchant...
- Pourquoi tu n'es pas venu, Vendredi ? Me demande t'elle finalement.
- Migraine.
C'est la vérité. Parfois, je sens mon esprit se compresser petit à petit, et je suis soudainement plus fatigué que d'habitude. Toute la tristesse de ce monde me revient en mémoire dans ces moments, et je perds les notions de couleurs et de formes. Tout est flou ou noir et blanc. Comme si je me refermais petit à petit sur moi-même... comme si mon cerveau cessait de fonctionner. Comme si je sombrais dans la folie, de temps en temps. J'ai déjà tenté de me confier, autrefois. Avec Valentin, nous étions de bons amis et je lui ai tout dit. C'est ce qui m'a valu aujourd'hui le surnom de "fêlé" mais aussi la fin de ma mini popularité déjà presque inexistante. La fin de l'existence d'Adrien Anderson.
- C'est vrai ? Et ça va mieux maintenant ?
Je souris devant toute cette admirable attention qu'elle me porte à moi, le fêlé.
- Oui oui, c'est bon.
Je la fixe et elle a l'air un peu plus gênée que tout à l'heure, mais cette fois, elle ne me regarde plus. Bon sang, cette fille est coincée "du cul tout plat". Mais j'aime les défis...
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