Prologue
Je tremble de tous mes membres alors que je suis serré dans les bras de mon frère. La peur a envahit chaque pore de ma peau. Je n'ai jamais ressenti une telle chose.
Les bras de mon jumeau se resserrent autour de moi et je lève la tête pour plonger dans le regard gris si semblable au mien. Il a toujours été plus fort que moi. Et je sais que j'ai de la chance de l'avoir à mes cotés dans cette épreuve. Si Kérian n'avait pas été là, je me serais déjà évanoui une bonne centaine de fois en me faisant dessus.
– T'inquiète frangin, maman va venir nous chercher, me dit-il.
Je doute de ses mots, mais j'essaye de tout mon cœur de lui faire confiance. Il ne m'a jamais menti jusqu'à ce jour. Pourquoi commencerait-il maintenant ?
Soudain, l'homme en qui maman avait confiance se lève et nous rejoins près de notre petit lit tout sale. Mon frère resserre son étreinte autour de moi, et je me fonds contre lui afin qu'on ne forme plus qu'un.
J'entends l'homme nous parler, mais je ne comprends pas ce qu'il nous dit. Il parle dans une langue que je n'ai jamais entendue jusque-là. Je garde mon visage caché dans contre le petit torse de mon jumeau. Je ne veux pas le voir. Je ne veux plus être confronté à ses yeux méchants qui me font peur.
Il doit avoir compris qu'il s'était trompé, car lorsqu'il reprend la parole, je comprends ce qu'il nous dit.
– J'avais oublié que vous ignoriez tout de votre pedigree !
Son rire qui résonne dans la pièce me glace de l'intérieur, et je retiens le gémissement de peur qui me monte dans la gorge. Je ne l'ai jamais vraiment aimé cet homme.
Étrangement, il a commencé à nous coller il y a quelques mois. Au départ, maman s'en méfiait. Mais, au fur et à mesure que les jours passaient, il devenait de plus en plus proche de nous. Jusqu'à nous accompagner tous les jours à l'école. Il lui arrivait même de passer à la maison le soir au goûter.
Jusqu'au jour où maman lui a demandé d'aller nous chercher à l'école. Lorsque mon frère et moi l'avons vu arriver à l'école, cela ne nous a pas surpris. Il avait très bien manœuvrer pour nous endormir.
Mais Kérian et moi avons commencé à nous inquiéter lorsqu'il ne nous a pas ramené à la maison. Et encore plus lorsque nous nous sommes réveillés dans cette chambre miteuse. Mon frère et moi ne nous sommes doutés de rien, lui faisant confiance, comme seuls des enfants peuvent avoir une confiance aveugle dans les adultes.
Je crois que j'ai perdu le compte des jours, mais cela fait un moment que nous sommes enfermés dans cette pièce. Et je désespère de plus en plus de voir maman arriver. Surtout que toutes les personnes qui sont passées dans cette pièce parlaient toutes cette étrange langue que je ne comprends pas.
Pourtant, maman et toutes mes maîtresses, disent que je suis plus intelligent que la moyenne. Je devrais donc être capable de comprendre ce qu'ils se disent. Mais j'ai beau tendre l'oreille, je n'arrive pas à saisir de quoi il retourne. Et je dois avouer que cela m'énerve. Jusqu'à présent, je n'avais pas trouvé de problème que je n'ai pas réussi à résoudre.
Kérian a évoqué l'idée que nous avions peut-être quitté la France, et je dois reconnaître que cette simple pensée m'a effrayé au-delà de l'imaginable. Parce que si nous ne sommes plus chez nous, maman n'arrivera jamais à nous retrouver.
Depuis qu'il me l'a dit, mon jumeau ne l'a plus jamais évoqué, mais je vois bien que c'est ce qu'il pense. Et je dois avouer que je finis par me faire à cette idée. C'est la plus sensée. Sinon, pourquoi maman n'était-elle pas encore là ? Elle aurait du être là depuis des jours.
À moins qu'elle ne nous aime plus. C'est peut-être ça. Peut-être que maman ne veut pas nous retrouver et que c'est pour ça qu'elle nous a donné à cet homme.
Il se rapproche de nous, et je me blottis davantage contre mon frère, cherchant à disparaître à sa vue. Depuis que nous sommes dans cette chambre, l'homme ne s'adresse qu'à mon frère, et cela me va à merveille. Je ne veux pas qu'il fasse attention à moi.
– Tu sais que je m'en fou de ta maman. Moi ce qui m'intéresse, c'est ton père.
Bien malgré moi, je tends l'oreille afin de mieux entendre la conversation. Heureusement pour moi, mon petit mouvement n'a pas été perçu. Ni par l'homme, ni par mon frère qui continue de me serrer fort contre lui.
– On a pas de papa. Maman nous a dit qu'il ne savait pas pour nous, et qu'elle ne savait pas où il était.
Je me fige une fois de plus dans les bras de Kérian en entendant le rire grave et cynique de l'homme. Il me fait vraiment peur.
Je me souviens de la conversation qu'évoque mon jumeau. Il demande très souvent à maman qui est notre père. J'ai le sentiment qu'il a un vide en lui qui ne pourra être comblé qu'en trouvant son père.
Personnellement, j'aimerais bien savoir qui il est. Mais ce n'est pas une information indispensable à ma vie. À partir du moment où maman continue de m'aimer, c'est tout ce qui m'importe.
– Je t'assure que tu es aussi normal que n'importe quel gamin ! Tu as bien un père. Et je peux t'assurer qu'il va venir te chercher. Mes indics m'ont dit qu'il l'avait vu avec votre mère. Vous voyez, quand elle veut, elle est capable de le trouver.
Je sens mon frère s'énerver autour de moi. Je sais que cette histoire lui tient énormément à cœur. Tout comme moi, il fait confiance à maman. Il sait qu'elle ne nous aurait jamais menti sur une chose pareille.
Je resserre mes doigts sur ceux de mon frère pour lui faire comprendre qu'il ne doit pas croire cet homme. Il est malveillant. Tout ce qui sort de sa bouche n'est que mensonge. Kérian me répond, et je pousse un petit soupir de soulagement.
Mon jumeau a tendance à avoir un caractère un peu vif. Il s'emporte un peu trop rapidement des fois. Heureusement que je suis là pour le calmer le plus souvent.
– C'est vrai que je lui ai un peu forcé la main et donné le numéro de téléphone. Mais elle n'a pas hésité à l'appeler en renfort.
Je sens un petit feu se mettre à flamber au fond de mon cœur. Est-il possible que toute cette histoire nous permette de rencontrer notre père ? J'ai franchement du mal à y croire, mais j'aimerais tellement.
La main de mon frère passe lentement dans mes cheveux, comme pourrait le faire maman, et je relève la tête. Je plonge dans le regard si semblable au mien et découvre la même flamme dans ses prunelles grises. Nous avons la même envie tous les deux. Pour une fois, nous sommes exactement sur la même longueur d'onde.
Quelques heures plus tard, des coups sont frappés à la porte, et je me recroqueville contre mon frère, la peur remontant en flèche en moi. Kérian m'entoure de son corps, faisant barrage entre le monde et moi. Malgré tout, les larmes coulent lentement sur mes joues et mon jumeau me demande de ne pas faire de bruit.
J'entends une conversation dans cette drôle de langue avant que des pas lourds ne se dirigent vers nous. Une voix grave se met alors à nous parler avec un drôle d'accent.
– Salut les garçons. Je suis envoyé par votre maman. Elle s'inquiète beaucoup pour vous.
Je sens mon frère se redresser au-dessus de moi, et je me demande ce qui a pu l'intéresser pour qu'il se relève de la sorte. Mais j'ai trop peur pour le découvrir par moi-même. Je reste caché contre lui. La voix du nouveau venu raisonne encore une fois, avec une note plus gaie dans la voix. Comme s'il était vraiment heureux de nous voir.
– Elle est dehors. Elle vous attend impatiemment.
Mon cœur s'accélère dans ma poitrine en entendant ses mots. Maman ne nous a pas oubliés. Elle nous cherchait. Tous ses jours, elle n'a pas arrêté de nous chercher. Je le savais.
Les larmes affluent sur mes joues, mais ce sont à présent des larmes de joie. Je vais retrouver ma maman. Je vais pouvoir enfin me serrer contre elle, et respirer de nouveau son parfum si spécial de maman.
La voix de l'autre homme me parvient alors, et je me fige contre mon frère.
– Voyez-vous les garçons, le monsieur qui se trouve là n'est autre que...
Il n'a pas le temps de finir sa phrase, qu'un grand bruit raisonne dans toute la chambre et que je me retrouve écrasé contre le corps de mon frère. D'autre détonations se font entendre, et les larmes ne cessent de dévaler mes joues. Je suis mort de peur.
Soudain, un grand silence remplace le bruit assourdissant et je sens qu'on me redresse d'un coup. Je plonge alors dans des yeux gris si semblables à ceux de mon frère ou les miens. Mon regard détaille l'homme en face de nous alors que mon cœur se met à tambouriner à tout rompre dans ma poitrine.
De ses cheveux noirs, à ses yeux, à sa fossette sur la joue. Tout en lui me fait penser à mon frère, et donc à moi. Combien de fois maman nous a-t-elle dit à quel point Kérian et moi nous ressemblions ? Je serais bien incapable de le dire tellement c'est arrivé souvent.
Cet homme me palpe partout avant de faire de même avec mon frère. De toute évidence rassuré par notre bonne santé, il enroule ses bras autour de nous et nous serre tous les deux fortement contre son corps musclé. Ça change de maman, mais c'est très agréable. J'aime bien cette nouvelle sensation.
Soudain, la voix de maman nous sort tous les trois de notre effusion et Kérian se lève d'un bond avant de se ruer sur elle. Je fixe cet homme avec un petit sourire avant de courir à mon tour vers maman. À cet instant, j'ai besoin de la sentir contre moi.
Nous sommes dans une maison que je n'ai encore jamais vue. Le monsieur qui est venu nous sauver, et qui je suis sur est notre papa, nous a déposé ici avant de repartir rapidement. Depuis, maman n'arrête pas de nous serrer contre elle en nous faisant des câlins et des bisous.
Je la laisse faire. J'en ai tellement manqué ses derniers jours. Je rêvais toutes les nuits de pouvoir être au creux de ses bras. Maintenant que je peux enfin le faire, je ne m'en prive pas.
Soudain, un bruit derrière nous attire l'attention de mon frère, et je me fige de peur avant de me tourner à mon tour pour voir d'où il provient. Je pousse un petit soupir de soulagement en reconnaissant l'homme.
Je n'ai franchement pas envie de revivre ce genre d'expérience. Maintenant que j'ai ma maman, je ne vais pas la lâcher de sitôt.
Pourtant, lorsque maman commence à nous parler de la discussion que nous avions eu quelque temps plus tôt sur notre papa, je ne me retiens plus et saute dans les bras de cet homme. Dès que j'ai levé les yeux sur lui dans cette chambre d'hôtel minable, mon cœur m'a dit qui il était pour nous. Je le savais avant même que maman ne nous le dise.
Je le serre contre moi avant de me tourner vers mon frère pour savoir ce qu'il attend, et pour la première fois de ma vie, je le vois hésiter. Mon jumeau, toujours si fort, si sûr de lui, à peur de cet homme. Pour une fois, ce sont sur ses joues que les larmes roulent, et non pas sur les miennes.
De le vois ainsi me donne un léger coup au cœur. Serait-il possible qu'en réalité il n'y ait ni fort, ni faible dans notre duo, mais juste deux petits garçons avec des caractères différents ? Je dois bien admettre que de voir Kérian pleurer de la sorte me donne une certaine force.
Je plonge mon regard dans celui de mon jumeau pour lui faire comprendre qu'il n'a pas à avoir peur. Je sais que cet homme est notre père et qu'à présent, il sera toujours là pour nous.
Malgré tout, il reste collé contre maman. J'essaye donc autre chose, et noue mes doigts à ceux de mon papa tout en haussant les épaules et en me calant plus confortablement contre lui.
Maman discute avec Ian, lui assurant que notre papa ne va pas s'envoler. L'homme tend une main vers mon frère, me maintenant contre lui de l'autre, attendant patiemment que Kérian vienne vers lui. Il reste plusieurs minutes dans cette position inconfortable avant que mon frère ne se jette contre nous pour se serrer contre le torse musclé de notre papa.
Je redresse la tête et croise le regard embué de maman. Je fronce légèrement les sourcils, ne sachant pas si ce sont des larmes de joie, ou des larmes de peine. J'ai toujours eu du mal à lire en maman. J'espère juste qu'à partir de ce jour, nous allons former une grande et belle famille tous les quatre.
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