Chapitre 5.

Elya

Lorsque j'arrive au point de rendez-vous, les garçons sont déjà en train de m'attendre.

- Tu vois, je t'avais dit qu'on serait en retard, me taquine ma mère.

- C'est pas de ma faute, on a eu tout les feux rouges.

- Et tu étais en retard, aussi.

Je lève les yeux au ciel en souriant et embrasse sa joue.

- À ce soir !

Un dernier signe de la main et elle démarre alors que j'avance vers le cinéma.

- Je ne veux aucune remarque sur mon retard : c'était la faute des feux rouges ! m'exclamé-je en arrivant face aux garçons.

Tous deux se mettent à ricaner et Timéo embrasse mes deux joues.

- Évidemment. Quelques feux rouges t'ont fait prendre vingt minutes de retard ! À ton avis, pourquoi j'ai donné rendez-vous une demie heure avant le début de la séance ?

Je lui tire la langue de façon puérile avant de saluer Mathis et nous entrons dans le cinéma. Les garçons ayant déjà pris les places, nous nous retrouvons rapidement confortablement installés dans des fauteuils rouges et je prends le siège situé entre mes deux amis. La salle est pratiquement pleine alors nous nous retrouvons au premier rang, ce que je déteste par dessus tout. Mais je ne vais rien dire parce que c'est de ma faute si on se retrouve ici...

Néanmoins, j'ai quand même un remarque à faire.

- Tim ?

- Quoi ?

- On a oublié le popcorn, déclaré-je.

- Et alors ?

- Bah j'ai faim.

Je lui jette un coup d'œil coupable et il lève les yeux au ciel, puis me sort un paquet de Malteser – mes préférés – de son sac à dos qu'il trimballe partout. Je le remercie d'un baiser sur la joue après lui avoir assuré qu'il était le meilleur. J'en propose aux garçons puis je me tourne vers Mathis.

- Toi aussi, t'es comme Timéo et tu détestes qu'on te parle pendant un film ?

- C'est un sacrilège de parler pendant un film au cinéma, rétorque-t-il. À la télé, je m'en fiche mais pas au ciné.

- Vous êtes vraiment pas drôles.

Je me renfrogne dans mon siège, déçue. Je ne vais pas pouvoir parler pour leur poser des questions ou émettre des hypothèses. Même si nous regardons une simple comédie. On passait notre temps à faire ça avec Nina, lorsque nous étions amies, évidemment. C'était la seule avec qui je pouvais le faire, d'ailleurs !

Je soupire longuement au moment où les lumières s'éteignent et me retiens tant bien que mal d'ouvrir la bouche pendant le film.

Deux heures plus tard, nous sortons et je suis obligée de parler du film. Cette fois, les garçons ne me rembarrent pas et nous rions tous les trois en nous dirigeant vers la terrasse d'un café. La conversation dérive rapidement et Mathis se retrouve à nous parler de lui, même si j'ai déjà fait un peu connaissance avec lui ces deux dernières semaines. Il n'a pas l'air de trop aimer se dévoiler.

- Pourquoi tu vis avec ta tante ? le questionné-je soudainement.

- Parce que je n'avais pas le choix, dit-il en baissant les yeux.

- Pourquoi ?

Voyant qu'il se contente de hausser les épaules, Tim intervient.

- Il n'a peut-être pas envie d'en parler.

Je grimace, embarrassée, et écarquille les yeux, ce qui fait rire Mathis.

- Je suis désolée, j'ai vraiment aucun tact.

- C'est pas grave. Tant que tu n'insistes pas, ça va.

- Tant mieux ! Je reviens, je vais chercher à manger.

- Encore ? s'exclame Mathis.

- Tu ne connais pas Elya et son amour pour la nourriture, ricane mon meilleur ami. Elle passe sa journée à manger. Je me retrouve ruiné chaque fois qu'on sort !

Je lui assène une claque à l'arrière du crâne ce qui le fait d'autant plus rire, pendant que Mathis me reluque de la tête aux pieds.

- Et tu la stock où cette nourriture ?

- Aucune idée ! Vous voulez quelque chose ? proposé-je.

Ils me répondent tout deux par la négative alors je disparais à l'intérieur du café qui, heureusement pour moi, vend aussi des viennoiseries. Lorsque je reviens vers eux, je comprends qu'ils parlent encore de basket. Mathis a décidé d'intégrer l'équipe locale où joue Timéo et semble ravi. C'est un sport que j'ai déjà pratiqué pendant quelques années alors j'aime bien aller voir jouer mon meilleur ami quand je le peux.

- Et toi Elya, tu pratiques un sport ? me questionne Mathis.

- Je fais de la gymnastique depuis onze ans. Mes parents ont décidé de m'y inscrire pour être tranquille un soir par semaine quand je suis entrée en primaire.

- Ils ont raison, s'esclaffe Timéo. Un soir par semaine sans toi ça devait les faire respirer.

- Pourquoi t'es méchant avec moi ? le grondé-je faussement énervée. Si c'est parce que je suis arrivée en retard, il va peut-être falloir me pardonner parce que le jour où je serai à l'heure ne risque pas d'arriver.

- Tu m'étonnes ! soupire-t-il désespéré.

Je le frappe à l'épaule ce qui le fait éclater de rire. Il faut dire que je n'ai pas tellement de force comparé à lui.

- Vous vous connaissez depuis longtemps ? nous questionne Mathis, installé face à nous, le sourire aux lèvres.

- Depuis la première année de maternelle. C'était un gamin insupportable ! déclaré-je.

- Ouais mais contrairement à toi, j'ai évolué depuis, s'esclaffe mon voisin.

Et dire qu'il est mon meilleur ami...

- En tout cas, je constate que tu es nettement plus bavarde qu'au lycée ! s'exclame Mathis en s'affalant contre le dossier de sa chaise.

Je lui offre un sourire timide et baisse les yeux.

- J'économise la semaine pour me lâcher le week-end, plaisanté-je.

- Pauvre Timéo...

- C'est ce que je dis tout le temps ! s'écrit l'intéressé.

Nous éclatons de rire tout les trois en chœur puis Mathis se met à nous parler de ses amis, à Avignon.

Ça fait beaucoup de bien de passer une journée comme celle-ci. J'adore Timéo de tout mon cœur, mais c'est agréable d'avoir une autre personne à qui parler et qui ne me déteste pas. Je me sens vraiment bien aujourd'hui.

Mathis

Timéo est parti il y a quelques minutes parce qu'il avait un rendez-vous chez le dentiste. Je me retrouve donc seul avec Elya et nous nous baladons en ville tout en discutant. Ou plutôt : en l'écoutant. Elle me parle de ses petites sœurs ainsi que de ses parents et je comprends alors qu'elle est très proche de sa famille.

Elya me retourne certaines questions concernant ma famille mais je les évite à chaque fois. Je n'ai pas une famille comme la sienne, ça ne sert à rien de m'étendre là-dessus, alors je décide de changer de sujet.

- Tu es vraiment proche de Timéo, déclaré-je.

- Oui. J'étais même amoureuse de lui quand j'étais petite mais ça m'a très vite passé, ricane-t-elle. En maternelle, je changeais d'amoureux tout les mois !

- Comme tout les enfants, rétorqué-je. Moi j'avais plusieurs amoureuses en même temps.

- J'espère pour toi que tu as changé ! s'esclaffe-t-elle en levant les yeux vers moi.

- Pas d'inquiétude à avoir pour ça, rigolé-je.

Le silence se fait quelques secondes durant lesquelles j'hésite à balancer la bombe que je retiens depuis tout à l'heure. Mais je me lance tout de même.

- Tu aimes toujours Nina ?

Elle s'arrête de marcher, perd son sourire qui lui allait si bien et me jette un regard suspicieux.

- Elle t'en as finalement parlé, murmure-t-elle avant de baisser les yeux et de continuer à avancer.

Je regrette aussitôt d'avoir abordé ce sujet parce qu'à cause de moi, Elya vient de se renfermer. Elle était tellement joyeuse, je n'aurais pas dû l'ouvrir.

- Pourquoi tu as accepté de traîner avec moi alors ? me questionne-t-elle, sincère.

- Parce que tant que je n'aurai pas ta version de l'histoire, je n'ai pas envie de la croire, elle.

Nina m'a pris à part hier, pendant la pause du matin et m'a parlé d'Elya et de ses aveux. Plus j'y pense, plus je me dis que c'est vraiment gros comme histoire. Quand je vois l'attitude d'Elya, j'ai vraiment beaucoup de mal à l'imaginer agir de la façon que Nina m'a décrit. Surtout que la jolie blonde s'est décidée à me parler quand elle s'est rendue compte que je passais plus de temps avec son ennemie qu'avec elle. Serait-elle jalouse ? Certainement. Je n'ai pas envie de la croire, c'est pour cette raison que je veux la vérité.

- Je dois rentrer, déclare-t-elle en tournant brusquement dans la rue à droite.

- Elle ment, pas vrai ? Tu n'as rien fait de tout ce qu'elle a dit, c'est ça ?

Elya s'arrête si soudainement que je lui rentre dedans.

- Tu ne la crois pas ? demande-t-elle surprise en se retournant.

- Je devrais ?

Nous nous regardons dans les yeux durant de longues secondes et je me rends compte que je la trouve encore plus belle aujourd'hui. Bien loin de la jeune femme timide et renfermée, je découvre une nouvelle Elya qui me plaît encore plus qu'hier. C'est donc de plus en plus dommage qu'elle me soit inaccessible...

Lorsqu'Elya secoue lentement mais négativement le tête pour répondre à ma question, je lui souris.

- Alors explique moi, lui intimé-je doucement.

Elle soupire longuement puis se dirige vers le banc d'un arrêt de bus désert. Je m'installe à côté d'elle lorsqu'elle commence à vider son sac.

- Ça faisait des mois que j'étais amoureuse d'elle alors j'ai voulu me jeter à l'eau mais elle n'a pas réagit comme je le voulais. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle me saute au cou en m'avouant que mes sentiments étaient réciproques puisque je savais qu'elle était hétéro à trois cent pourcent, mais j'avais tout de même un mince espoir qu'avec moi, ce soit différent. Je pensais qu'elle allait seulement me repousser et me dire que ça ne changerait rien entre nous, mais elle a fait la seule chose que je pensais impossible. Elle m'a humiliée et rabaissée à tel point que j'ai honte de moi maintenant. J'ai honte d'être tombée amoureuse d'elle et j'ai l'impression d'avoir fait quelque chose de mal. Et je ne dis pas ça pour que tu aies pitié de moi ou quoique ce soit dans le genre, je veux juste que tu comprennes que je n'ai rien fait d'autre qu'avouer mes sentiments à la filles que j'aimais.

À cet instant, elle lève les yeux vers moi et je décèle dans ses beaux yeux bleus, une immense vague de tristesse et d'amertume.

- Après, c'est vrai que j'aimais dormir avec elle ou la prendre dans mes bras, évidemment. Mais je n'ai jamais profité d'elle. Je n'aurais jamais pu faire ça. Je n'ai jamais eu d'arrières pensées à son égard quand nous n'étions que toutes les deux ou dans les vestiaires de sport, comme elle l'a si bien dit à tout le monde. J'étais simplement amoureuse, mais comme je suis une femme, elle ne l'a pas apprécié. J'ignorais qu'elle était homophobe avant mes aveux. Je ne lui aurais jamais rien avoué dans le cas contraire. Mais comme je te l'ai dit la dernière fois, je ne regrette pas d'avoir parlé. Au moins, j'ai vu son véritable visage et même si ça me déçoit au plus haut point, je suis contente de m'être ouverte à elle. Elle m'a permis d'ouvrir les yeux et même si j'ai perdu mes amis à cause de ça, j'en suis heureuse. Parce qu'au moins maintenant, il ne me reste que celui sur lequel je suis sûre de pouvoir compter. Je préfère avoir qu'un seul véritable ami, que des dizaines de potes superficiels en qui je ne peux pas avoir confiance.

Elle n'a pas tort sur ce dernier point. Moi-même j'ai pas mal de potes à Avignon mais seuls mes amis prennent de mes nouvelles. C'est dans des moments comme celui-ci qu'on voit pour qui on compte vraiment.

- Avec le temps, reprend-elle en regardant fixement le mur face à elle, je me dis que son aversion pour les relations homosexuelles a certainement un rapport avec ses parents.

- Pourquoi ? Ils sont contre ça ?

- C'est compliqué. Et même si je la déteste aujourd'hui, ce n'est pas à moi de te raconter ça.

Je hochement lentement la tête. Elle m'en a déjà dit plus que ce que j'attendais alors je ne vais pas insister davantage.

Lorsque je vois le bus arriver au bout de la rue, je me mets debout face à elle :

- Tu montes dans le bus ou je t'offre une glace ?

Elle éclate de rire et je suis heureux de ne plus entendre la tristesse dans sa voix quand elle me répond.

- Une journée en ma compagnie et tu m'as déjà cernée. T'es vraiment un tricheur !

Je m'esclaffe à mon tour avant de lui faire signe de me suivre. J'avais repéré un marchand de glace sur le chemin mais elle me dit préférer une gaufre alors nous traversons la rue pour aller chercher la nourriture que nous allons manger dans le parc, à deux pas d'ici.

- Si tu acceptes de rester avec moi, c'est que tu crois ce que je t'ai dit ? me questionne-t-elle lorsque nous nous installons sous un arbre.

- Oui. Et puis de toute façon, je le découvrirai si tu mens, lui souris-je.

- Je ne mens pas.

- Tant mieux.

Et je le pense réellement. Je ne veux pas que ce qu'elle vient de me dire soit un mensonge parce qu'après cette journée, j'apprécie d'avantage encore Elya.

L'humiliation de sa meilleure amie l'a changée mais elle n'a pas entièrement perdu sa joie de vivre. Je m'en suis rendu compte aujourd'hui et je ne regrette absolument pas.

Il n'y a qu'un seul problème dans cette histoire. Plus j'apprends à la connaître, plus cette fille me plaît. Il faudrait peut-être que je commence à me rentrer dans le crâne qu'elle ne sera jamais plus qu'une amie.

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