Chapitre 3.
Elya
La porte de ma chambre s'ouvre doucement alors que je suis en train de regarder un film sur mon ordinateur, confortablement installée dans mon lit. Les jumelles entrent dans la pièce, un sourire espiègle sur leurs visages identiques. Toutes deux ont de longs cheveux blonds et quelques tâches de rousseur comme notre mère, ainsi que de grands yeux bleus venant de notre père. Elles se ressemblent tellement que nous avons parfois des difficultés à les différencier. Et elles s'en amusent !
- Qu'est-ce que vous voulez ? leur demandé-je en mettant le film sur pause.
Tina grimpe sur mon lit et me tend un de leurs livres qui m'appartenait lorsque j'avais leur âge. Petite, j'étais passionnée par ces livres Disney. Mon père et mon oncle avaient fait en sorte que je possède la collection complète ainsi que les DVDs de chaque dessins animés. Je les ai rendus fous à tel point qu'ils connaissaient par cœur les chansons de Mulan ou du Roi Lion. Aujourd'hui, j'ai Pocahontas entre les mains.
- On était sage toute la semaine à l'école et on a pas été puni. On s'est vraiment retenue de parler.
- Sauf lundi, mais ça compte pas parce qu'on savait pas que t'allais nous faire la promesse, ajoute Juliette.
- Tu peux nous apprendre à lire ?
- S'il te plait, Lili !
J'avais oublié que je leur avais dis que si elles étaient sages à l'école, je leur apprendrais à lire et elles, ne l'ont pas oublié, évidemment.
- Les filles, vous allez apprendre à lire à l'école. Pourquoi vous voulez le faire maintenant ?
- Pour faire comme toi ! répondent-elles en chœur.
- Vous n'avez pas besoin de faire comme moi, soupiré-je.
- Mais Papa dit que tu savais lire depuis loooongtemps à la maternelle. Et on est au CP, nous ! On n'est plus des bébés.
Ça me dérange qu'elles s'obstinent chaque fois à se comparer à moi. Maman dit qu'elles me considèrent comme leur modèle - et c'est très flatteur, c'est vrai - mais ça ne veut pas dire qu'elles doivent faire comme moi quand j'avais leur âge. Parfois, elles se disent que si elles ne font pas pareil moi, elles sont moins bien que moi et je ne veux pas les dévaloriser ni les démoraliser. Ce sont des petites filles géniales alors je refuse qu'elles en doutent à cause de moi.
- Mais le CP c'est fait pour apprendre à lire, leur expliqué-je doucement.
Je les vois se jeter un regard entendu que seules elles peuvent comprendre, puis je me fais fusiller de leurs grands yeux bleus, semblables aux miens.
- Mais t'as dit que tu nous apprendrais ! s'exclame Juliette indignée.
- Oui, je l'ai dit mais...
- T'es une menteuse ! renchérit Tina en descendant de mon lit.
- Non non, attendez ! m'écrié-je en trouvant soudainement une idée.
Elles s'arrêtent en même temps pour me regarder.
- Je vais vous apprendre autre chose que le français, leur dis-je en souriant.
- L'anglais ? sourit Tina.
- Le chinois ? contre Juliette.
Je secoue la tête en souriant.
- Bah quoi alors ?
- Le langage des signes.
- C'est nul ! s'exclament-elles en chœur en rebroussant chemin.
- Ah oui ? C'est nul de pouvoir parler sans avoir à ouvrir la bouche ?
Elles me regardent à nouveau en fronçant les sourcils.
- Vous ne savez pas ce que c'est, pas vrai ?
Les jumelles secouent la tête alors je vais sur internet et lance une vidéo en langage des signes. Les filles regardent attentivement la jeune femme agiter ses mains dans tous les sens.
- Mais on comprend rien, bougonne Tina, déçue.
- Et vous trouver pas ça cool de savoir parler comme ça ? Personne ne nous comprendra quand on parlera entre nous.
- T'as appris ça quand t'étais petite ? demande Juliette.
- Non. Jamais. Mais on peut l'apprendre toutes les trois en même temps, pas vrai ?
Elles acquiescent vivement, impatiente de commencer ce truc nouveau. Ça nous fera une occupation et elles oublierons certainement que je dois leur apprendre à lire.
Je commence donc par aller chercher l'alphabet de cette langue et nous apprenons toutes les trois à signer nos prénoms. C'est amusant parce que certaines lettres sont difficiles à faire pour les filles mais elles y parviennent après de longues minutes d'essais. Maman entre dans ma chambre une demie heure plus tard et lorsqu'elle nous demande ce que nous faisons, les jumelles se contentent de dire que nous regardons une simple vidéo. Très bien, c'est un secret entre nous, j'ai compris le message !
***
Le lendemain midi, je raconte à Timéo mon apprentissage d'une nouvelle langue, et ça le fait rire. Il dit que je suis dingue, mais je ne trouve pas.
- Ça amuse les filles et au moins, ça leur change les idées.
- Elles veulent seulement apprendre à lire, comme toi. Je ne vois pas ce qu'il y a de mal à ça.
- Elles veulent faire comme moi et je n'aime pas ça. Elles n'ont pas besoin d'être comme moi.
- Tu es leur exemple, sourit-il. C'est mignon.
- Mais pas adapté, soupiré-je. Je ne veux pas leur bourrer le crâne de toutes ces choses qu'elles apprendront plus tard.
J'ai toujours eu des facilités à apprendre des choses comme la lecture, l'écriture ou les chiffres. J'ai appris pratiquement seule à lire. J'ai une excellente mémoire visuelle qui m'aide énormément encore aujourd'hui. Depuis que je suis petite, mes instituteurs ont toujours souhaité que je saute une classe mais comme je ne voulais pas quitter mes copines, j'ai toujours refusé et mon père aussi. Même si je me suis beaucoup ennuyée en primaire, et un peu au collège. Maintenant que je suis au lycée, c'est un peu plus difficile bien que certaines matières continuent à me lasser, comme les maths, la chimie ou les langues. Toutes les matières nécessitant un apprentissage par cœur ou de la logique, en soit. Néanmoins, j'ai beau m'ennuyer, j'aime tout de même le lycée.
Un peu moins depuis cette histoire avec Nina, néanmoins. Et en parlant d'elle, elle passe près de notre table avec sa bande d'amis, mes anciens amis. La cafétéria étant bondée aujourd'hui, ils n'ont pas d'autres choix que de s'installer à une table qui vient de se libérer derrière nous. Toutefois, Mathis se poste près de nous.
- Ça vous dérange si on s'installe avec vous ? demande-t-il souriant.
Je vois Solène près de lui, la tête baissée et les yeux rivés sur son plateau. Elle n'a pas l'air ravie de cette proposition.
- Prenez seulement les chaises, annonce Nina agacée, on va se serrer.
- Dis pas n'importe quoi, il n'y a pas assez de places, contre Mathis avant de revenir à nous : si vous ne voulez pas, on va ailleurs, c'est pas grave.
- Pas de problème, répond Timéo tout sourire alors qu'il ne connaît même pas ce garçon.
Je lui ai déjà un peu parlé de ce nouvel élève avec qui je parle pendant certains cours mais je ne connais rien de sa vie. Ça ne fait que quelques jours qu'il est ici alors c'est tout à fait normal.
Mathis remercie mon meilleur ami et pose son plateau à côté de moi avant de tirer la chaise pour s'asseoir. Il lève ensuite les yeux vers la brune face à lui.
- Tu veux manger debout ? plaisante-t-il.
Solène jette un œil derrière moi puis se résigne à s'installer, sous les bougonnement de Nina, Megan, Jérémy et Paul. J'adresse à mon ancienne amie un pâle sourire en guises d'excuses auquel elle répond par un petit hochement de la tête à peine perceptible. Elle était déjà timide lorsque nous étions amies mais depuis quelques temps, je la trouve de plus en plus effacée. Je me demande pourquoi.
- Tu fais quoi samedi ? demande mon meilleur ami à mon voisin de table.
- Rien de prévu, pourquoi ?
- On va au cinéma, Elya et moi : tu veux venir ? Ça te donnera une occasion de visiter le coin si tu ne l'as pas déjà fait.
Mathis me jette un coup d'œil avec un sourire en coin avant de hocher la tête. S'il accepte, c'est que Nina ne lui a toujours pas parlé de moi, ce que je trouve étrange.
De plus, j'espère que Tim n'est pas en train de manigancer quoique ce soit pour forcer le moindre rapprochement entre Mathis et moi. Ça ne m'étonnerait pas venant de mon meilleur ami ! Depuis le jour de la rentrée, il tente de me faire avouer que le nouveau me plaît. Ce qui est totalement faux !
Mathis est très mignon, c'est certain. Il est bourré de charme et ses joues parsemées d'une courte barbe sombre ainsi que ses yeux clairs le rendent très attirant, je dois l'admettre. C'est tout à fait le genre de garçon qui plaît à Nina : très grand, brun, barbu, sexy... Bref. Je connais la fille dont je suis tombée amoureuse même si certains aspects de sa personnalité ont changé depuis quelques mois. Le type de garçon qui lui plaît est toujours le même et je sais que j'ai raison puisque j'ai été jalouse à de nombreuses reprises lorsqu'elle sortait avec Hugo ou Louis. C'était très désagréable comment sentiments.
- C'est d'accord, répond soudainement Mathis, me tirant vivement de mes pensées qui sont allées bien trop loin.
Puis il se tourne vers Solène :
- Tu veux venir aussi ?
Mon ancienne amie semble paniquer à cette question et elle nous fixe tour à tour.
- Heu... Je... Non. Je ne pourrai pas, bafouille-t-elle avant de continuer à manger.
- T'es sûre ? insiste-t-il.
- Oui, c'est gentil de proposer, sourit-elle, crispée.
- Comme tu veux !
Malgré qu'ils ne se soient jamais parlé, les garçons trouvent rapidement un sujet de conversation sur lequel ils tombent immédiatement d'accord. Ils se mettent à discuter du match de basket de la veille et j'apprends par la même occasion que Mathis pratiquait ce sport l'an passé. Tout comme Tim. Ce dernier lui propose alors de venir s'inscrire dans le club où il joue déjà mais je n'écoute déjà plus la suite.
Inconsciemment, je me mets à observer Solène. Elle mange lentement sans dire un mot quand soudain, elle relève la tête et fixe un point derrière Mathis et moi alors je me retourne : c'est le regard desaprobatif de Nina que je croise. J'ignore pourquoi mais ça m'énerve. Pourquoi lui jeter un tel regard alors qu'elle s'est simplement installée à notre table ?
Je reste silencieuse pendant pratiquement tout le déjeuner, mais lorsque nous rejoignons le cours suivant, la chimie, je ne perds pas de temps pour interroger Mathis sur le sujet qui me préoccupe.
- Tu passes un peu de temps avec Nina et sa bande, pas vrai ?
- Oui, un peu. Pourquoi ?
- Qu'est-ce que tu penses de Solène ?
S'il est surpris de ma question, il n'en laisse rien paraitre et me répond spontanément.
- Elle est très timide et ne parle pas beaucoup, mais je pense qu'elle est plutôt sympa. Tu m'en veux de l'avoir invitée, c'est ça ? me questionne-t-il en fronçant les sourcils. Je sais que tu t'es embrouillée avec Nina et que les autres l'ont suivi mais je voulais seulement être poli.
- Non, je ne t'en veux pas, lui souris-je. Tu sais, quand j'étais encore amie avec eux, elle était déjà un peu réservée mais j'ai l'impression qu'elle l'est encore plus maintenant.
- Tu t'inquiètes pour elle ?
Je hausse les épaules et lui réponds en continuant de prendre mon cours en note :
- On dirait presque que Nina est devenue le grand patron, ricané-je, et comme Solène n'est pas du genre à l'ouvrir, je pense qu'elle se laisse faire.
- T'as pas tort, c'est elle la chef, rigole-t-il avant de reprendre son sérieux. Mais t'as peut-être raison là-dessus : je vais essayer de lui en parler. Mais j'aurais une question.
Je devine facilement la question qui va suivre mais je hoche tout de même la tête pour lui donner la parole.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé entre elle et toi ?
- Je te l'ai déjà dit, réponds-je vaguement.
- Tu m'as parlé d'un désaccord et de son côté, elle a mentionné des mensonges de ta part. Je veux seulement savoir la version qui est juste.
- Un peu des deux, dis-je sincèrement. Je n'ai pas été honnête avec elle pendant longtemps, mais ce n'était pas un mensonge. Et c'est cette vérité cachée qui a provoqué des désaccords.
- Tu ne veux pas m'en parler, pas vrai ?
Je me tourne vers lui et lui souris et riant doucement :
- T'es perspicace, quand même !
La prof nous somme de nous taire lorsqu'elle nous entend rire alors nous restons silencieux pendant de longues minutes, avant que je ne craque :
- Ça m'étonne qu'elle ne t'ait pas tout révélé. Tout ceux à qui elle en a parlé m'ont évité comme si j'avais la peste. C'est étrange qu'elle n'ait pas fait en sorte de t'éloigner de moi.
- Pourquoi ?
- C'est évident.
- Pas pour moi.
- Tu lui plais Mathis, lui souris-je. Ça se voit. Et comme tu parles avec son ennemie, ça m'étonne beaucoup de sa part.
Je l'entendrais presque réfléchir, c'est dingue ! Je savais qu'il ne s'était rendu compte de rien. C'est toujours comme ça de toute façon : le garçon qui plait à une fille ne se rend compte de rien. L'inverse est tout autant vrai et c'est le cas aussi pour deux filles. Je sais parfaitement de quoi je parle.
- Elle ne va pas tarder à te parler, déclaré-je.
- Pourquoi tu ne te défends pas ?
Parce qu'au fond de moi, j'ai honte. Je sais que je n'ai pas à éprouver ce sentiment parce que je suis tombée amoureuse d'une fille, mais Nina a provoqué cette honte en me rabaissant. Je n'en ai parlé qu'à Timéo et à mes parents et même face à ces trois personnes qui me sont le plus chers, j'ai eu honte. Alors face à un inconnu, je risque de creuser un trou pour aller m'enfoncer très très loin sous terre afin de ne plus jamais recroiser son regard. Je n'ai jamais fait attention aux regard que les gens posaient sur moi auparavant, mais depuis quelques mois, c'est plus fort que moi.
Je décide tout de même de lui répondre mais en lui faisant part d'autres raisons toutes aussi vraies.
- Parce que grâce à elle j'ai compris qui étaient mes véritables amis, lui souris-je sincèrement. J'ai compris que les onze années que j'ai passé à être amie avec elle étaient du temps perdu. Personne n'a cherché à comprendre et ils se sont tous tournés vers elle sans me poser de questions, excepté Timéo.
- Et ça ne t'a rien fait ?
Je repense instinctivement à ces journées que j'ai passé à pleurer et aux semaines qui ont suivi où je me suis retrouvée éloignée de force de tout mes amis. C'était difficile et ça l'est encore aujourd'hui, mais beaucoup moins. C'est triste à dire, mais je me suis habituée.
- Elle m'a brisé le cœur, murmuré-je.
Mais elle m'a ouvert les yeux sur un aspect de sa personnalité que je ne connaissais pas, alors je la remercie.
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