Chapitre 2.
Mathis
C'est toujours un peu compliqué d'être le nouveau dans une classe de Terminale où tout le monde se connaît déjà, mais c'était nécessaire. Je n'avais pas le choix. Je devais tout recommencer à zéro et heureusement, ma tante a accepté de m'accueillir chez elle. Je suis arrivé à Narbonne durant le mois d'août et j'ai eu le temps de visiter le lycée et de rencontrer le proviseur. Cet endroit est plus petit que là où j'étais scolarisé avant, mais ça me convient tout à fait.
Je n'ai jamais eu de problème pour m'intégrer et dès le premier jour, une bande de cinq amis m'ont accueilli et m'ont accepté à leur table à la cafétéria. Ils sont plutôt sympa, me posent beaucoup de questions auxquelles je réponds parfois. Je ne vais tout de même pas dévoiler toute ma vie à des inconnus !
Le lendemain du premier jour, je les ai retrouvés sans peine devant le bâtiment principal. Sur ces cinq personnes, deux filles sont dans ma classe. Nina et Megan. Elles sont très gentilles même si je trouve Nina très exubérante à première vue. Mais ça ne dérange pas. Paul et Jérémy sont complètement cinglés mais très drôles, quant à Solène, elle est la plus réservée du groupe. La veille je ne l'ai pas beaucoup entendue parler. J'ignore si c'est à cause de sa timidité de faire la connaissance d'un nouvel élève ou si c'est dans sa nature, mais son silence est omniprésent.
Aujourd'hui, nous avons notre premier cours de maths. Nina et Megan s'installent côte à côte au dernier rang alors je me dirige vers une place libre au second rang à côté d'une fille aux longs cheveux bruns dont je n'ai pas retenu le nom.
- Je peux m'asseoir ?
Elle lève ses yeux bleus vers moi et acquiesce en souriant. Elle est vraiment très belle tout en étant naturelle, c'est frappant. Ses cheveux foncés font ressortir ses grands yeux clairs et son visage fin donne l'impression que son sourire est d'autant plus lumineux. Cette fille a beaucoup de charme, c'est indéniable.
- Mathis ? m'appelle Nina alors que je suis sur le point de m'asseoir.
Je me tourne vers elle, qui me montre une place libre juste devant sa table.
- Viens plutôt ici, me sourit-elle.
- C'est bon, j'ai trouvé une place, merci.
Elle m'offre un sourire et acquiesce pour me signifier qu'elle est d'accord alors je m'assieds.
- Je n'ai pas eu le temps de retenir tous les prénoms. Tu t'appelles comment ?
- Elya.
- Enchanté Elya, souris-je.
- De même.
Le prof commence son cours par une brève présentation du programme de cette année, aborde ensuite le sujet qui fâche de l'examen final avant d'entrer dans le vif du sujet en nous distribuant un test de connaissance pour voir ce qu'il nous reste de l'année passée. La plupart des élèves proteste mais ma voisine ne dit pas un mot.
- Vous avez vingt minutes, annonce le prof une fois les feuilles distribuées.
C'est un questionnaire dont la note ne comptera pas dans la moyenne, évidemment, mais je le fais tout de même sérieusement. Au bout de quelques minutes, je vois du coin de l'œil que ma camarade a déjà terminé puisqu'elle gribouille sur la feuille blanche supposée nous servir de brouillon. La sienne était totalement vierge avant qu'elle ne se mette à dessiner.
Deux solutions : soit elle n'a que faire de ce test et a répondu au hasard à chacune des questions, soit elle est super intelligente.
Je ne m'attarde pas plus là-dessus et coche deux cases supplémentaires lorsque je remarque le prof face à notre table. Il prend la feuille d'Elya, la parcours rapidement du regard en souriant légèrement et la repose sur la table, face cachée, avant de se promener dans la salle.
- C'était un sourire moqueur ou un sourire qui veut dire que t'as tout juste ? lui demandé-je en murmurant.
Elle me regarde en fronçant les sourcils alors je lui apprends que le prof a sourit en voyant sa feuille.
- Surement parce que j'ai tout juste. Ou presque.
J'écarquille les yeux, amusé de son honnêteté.
- Sans aucune prétention, évidemment, ajoute-t-elle en riant doucement. C'était facile, ce sont des choses qu'on a déjà vu.
- Ouais... C'est facile, lancé-je en prétendant être sûr de moi.
- Excuse moi, c'était maladroit, dit-elle embarrassée.
- Non, ne t'inquiète pas, il n'y a aucun problème, la rassuré-je avant que le prof ne nous somme de nous taire.
Je me dépêche de terminer le test, répondant au hasard à deux des dix questions puis nous commençons à rédiger le premier chapitre de ce cours.
- Tu as déjà eu ce prof ? lui demandé-je après quelques secondes de silence.
- Oui, l'an dernier. Et je le trouve vraiment bien, ajoute-t-elle. Tant que tu fais ton travail, il est sympa avec toi et ne te prend pas la tête.
- Et tu es du genre à faire ton travail, pas vrai ?
Elle m'adresse un regard septique mais, comprenant que je plaisante, elle me sourit.
- Pas toi ?
- Si, mais j'ai quelques lacunes en maths. Ce qui n'est pas ton cas, visiblement.
- Pour moi, les maths c'est de la logique et un apprentissage par cœur. Alors je trouve ça plutôt facile. N'y vois toujours aucune forme de prétention, s'il te plaît, termine-t-elle en grimaçant.
- Pas de problème, ricané-je.
Je connais une personne de plus dans ma nouvelle classe et elle me semble sympa elle aussi. Tout se passe donc pour le mieux. Pour l'instant.
***
Les jours avancent lentement et après une semaine de cours, j'ai déjà parlé avec une bonne moitié de la classe, mais je continue à passer le plus clair de mon temps avec Megan et les autres. Nina m'a beaucoup questionné lorsqu'elle a remarqué, la semaine dernière, que je parlais avec Elya pendant le cours de maths. C'est vrai que cette fille semble un peu à l'écart des autres et que Nina et sa bande n'ont pas l'air de vraiment l'apprécier, mais ce n'est pas ça qui m'empêchera de parler à qui que ce soit.
- J'ai vu que tu t'entendais bien avec Nina et sa bande, déclare soudainement ma voisine pendant le cours de maths.
Tiens, elle aussi va me questionner à son tour. C'est donc qu'il y a réellement quelque chose entre elles.
- Je ne les connais pas vraiment. Elle a seulement été la première à me parler et je les trouve plutôt sympa.
Elya acquiesce doucement. Ces deux filles sont l'opposées l'une de l'autre. L'une brune, l'autre blonde ; la première est timide, la seconde n'a pas ce mot-là dans son vocabulaire ; Elya est naturelle alors que Nina aime le maquillage, ça se voit – mais ça ne fait pas d'elle quelqu'un de superficielle, je ne la connais pas assez pour pouvoir affirmer cela. Toujours est-il qu'elles sont toutes deux très belles mais chacune d'une beauté bien différente.
- Tu veux manger avec nous ce midi ? lancé-je spontanément alors qu'un silence était en train de s'étirer longuement pendant que nous recopiions le cours.
- Non, ricane-t-elle nerveusement. C'est une mauvaise idée mais c'est gentil de proposer.
- Comment ça, c'est une mauvaise idée ? la questionné-je en fronçant les sourcils.
Elle me fixe quelques secondes puis grimace légèrement avant de continuer sa recopie. Elle me répond après une longue hésitation.
- On ne s'entend pas très bien, Nina et moi.
J'avais deviné sans trop de difficulté...
- Pourquoi ?
- Désaccord, répond-elle simplement.
Je comprends qu'elle ne souhaite plus en parler alors je me tais. Je ne vais pas forcer une inconnue à se dévoiler alors que nous n'avons parlé que cinq ou six fois ensemble.
Quelques minutes plus tard, la sonnerie retentit. Nous rangeons tous nos affaires dans un vacarme assourdissant et j'attends qu'Elya termine afin que nous allions à notre prochain cours ensemble mais Nina m'attrape par le bras et m'entraîne hors de la salle de classe en compagnie de Megan.
- Hé ! Je peux marcher tout seul, tu sais ! m'exclamé-je en me libérant de son emprise.
- Ouais, désolée, rit-elle avant de passer une main dans sa chevelure blonde. Tu parlais de quoi avec Elya ?
- Rien de spécial, pourquoi ?
- Je demandais simplement.
- J'ai l'impression que tu ne l'aimes pas.
- Exact. Cette fille est une menteuse et une faux-cul. Ne crois pas ce qu'elle te racontera.
Je fronce les sourcils sous ces aveux et au même moment, Elya passe à côté de nous. Elle offre un sourire hypocrite à Nina avant de s'arrêter et de me regarder, nous obligeant ainsi à nous stopper à notre tour.
- Elle a raison, il ne faut absolument pas me faire confiance.
- Tu vois, même elle le dit, ricane la blonde près de moi.
- Sauf que si je suis une menteuse, continue Elya, et que je dis que tu as raison, c'est donc que tu as tort.
- Pas faux, ris-je amusé.
- N'importe quoi ! s'exclame Nina alors que sa camarade sourit fièrement et fait demi-tour. Je te le dis, cette fille est folle.
- Je la trouve plutôt drôle, moi.
- C'est parce que tu ne la connais pas !
Eh bien, ça pourrait être amusant de la connaitre. J'aime bien les personnes naturelles et sans retenue.
- Vous vous rendez compte qu'elle a terminé le test de maths en même pas dix minutes ? annoncé-je aux filles.
- C'est normal, elle est surdouée, rétorque Megan avec nonchalance.
- Ah ouais ?
- Ouais, soupire Nina. Et ça la rend tellement prétentieuse que c'est insupportable. Crois moi, ce n'est pas une fille fréquentable. Elle peut retourner sa veste à n'importe quel moment.
Ce que ces filles ne savent pas, c'est que je n'ai besoin de personne pour me dire à qui parler ou non. C'est moi qui fait mes propres choix, pas des personnes que je connais depuis seulement sept jours. Mais je ne dis rien et pose davantage de questions sur cette haine qu'elles semblent éprouver envers Elya.
- Elle a retourné sa veste avec vous ?
- Ouais. Je l'ai vite dégagée.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Nous nous arrêtons devant notre prochaine salle de classe et Nina se poste face à moi, les bras croisés sur sa poitrine. Elle a un très beau visage et est vraiment jolie. Ses longs cheveux blonds et ses yeux verts clairs qui me fixent attentivement ajoutent un peu à son charme. Elle a de nombreux atouts physiquement parlant et elle le sait.
- Elle n'a pas été honnête avec moi et c'est une vraie garce.
Nina n'en dit pas dit plus et nous entrons dans la salle de classe. Je choisis une place libre à côté d'un mec blond dont j'ignore le prénom. Ce n'est pas en une semaine que j'ai réussi à mémoriser trente prénoms ! J'ai toujours eu un problème avec ça...
Je ne parle pas avec ce mec pendant le cours de philosophie mais j'apprends qu'il s'appelle Alexis et qu'il ne souhaite pas faire ma connaissance. C'est son choix et ça ne me vexe pas le moins du monde !
Une fois la journée terminée, je rentre chez moi à pieds étant donné que je ne vis qu'à quelques centaines de mètres du lycée. Kate, ma tante, n'est pas encore rentrée du travail alors je vais dans ma chambre et m'affale sur mon lit en soupirant longuement.
Je m'assoupis au bout de quelques minutes et c'est Kate qui me réveille une demie heure plus tard.
- Je ne pensais pas que tes journées de cours te fatigueraient autant, plaisante-t-elle alors que je m'étire avec beaucoup de difficulté.
- J'ai pas encore eu le temps de retrouver un vrai cycle de sommeil, me justifé-je.
Après deux mois de vacances à dormir vingt heures sur vingt-quatre par jour, il va me falloir du temps pour me remettre dans le rythme scolaire. Ça s'annonce compliqué.
- Tu viens m'aider à préparer le diner ? demande-t-elle en passant l'encadrement de la porte.
- Je vais dormir encore un peu, marmonné-je.
- Je n'aurais pas dû formuler ça comme une question puisque c'est un ordre, sourit-elle hypocritement.
Je souffle, désespéré, avant de m'emparer d'un oreiller et de le jeter sur elle qui se met à ricaner.
- Dépêche-toi ou je viens avec une bouteille d'eau !
- T'as cru que ça m'empêcherait de dormir ? rigolé-je.
- Comme tu voudras !
Elle disparait dans le couloir et je referme les yeux. Toutefois, quelques secondes plus tard, je l'entends revenir.
- Kate, je voudrais seulement... Oh merde, soupiré-je en prenant une douche froide au sens propre du terme. C'est vraiment pas cool. Ce sera même pas sec pour tout à l'heure.
Je me lève en grimaçant et attrape la serviette qu'elle me lance au visage.
- Tu retourneras ton matelas et tu changeras les draps. Ne crois pas que tu vas passer toutes tes soirées et tes weekends à dormir comme tu le fais depuis une semaine. Tu n'es plus en vacances alors tu vas te remuer un peu. Maintenant, viens m'aider.
Cette fois, elle ne plaisante plus alors j'obtempère et je me tais.
Parce que je sais qu'elle a raison.
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