Chapitre 12.
Mathis
Ridicule.
C'est le mot qui me caractérise totalement en ce moment. Je me suis complètement ridiculisé devant le père de ma petite-amie.
Lorsqu'il a ouvert la porte de la chambre il y a quelques minutes, il a certainement dû être surpris de voir ses trois filles assises sur le grand lit, écroulées de rire en me regardant à quatre pattes au sol, la jambe gauche levée vers le ciel.
Je ne suis pas quelqu'un qui rougit facilement mais je suis persuadé que mon visage a pris trois teintes en une demie seconde.
Le père des filles était debout dans l'encadrement de la porte, il a ouvert la bouche pour dire quelque chose, l'a refermée en me regardant puis a fermé la porte sous les rires amplifiés des trois sœurs. Il l'a ensuite réouverte pour nous annoncer que le dîner était prêt.
Pourquoi j'ai accepté de jouer à faire des mimes lorsque les jumelles nous l'ont demandé ? Et comment on fait pour imiter un scorpion ?
La honte.
- C'est pas grave Mathis, tente de me rassurer Elya quand ses sœurs quittent la chambre.
- Non, ce n'est pas grave. Ce n'est pas toi qui a eu l'air d'un abruti, marmonné-je.
- Contrairement à ce que tu t'imagines, je pense que tu es monté dans l'estime de mon père.
- Pourquoi ? Parce que je sais imiter le scorpion ?
Elle fronce les sourcils.
- C'était un scorpion ?
Je soupire en levant les yeux au ciel puis me dirige vers les escaliers.
- Attends ! ricane Elya dans mon dos.
Elle me rattrape rapidement, se place devant moi et embrasse chastement mes lèvres en entourant mon cou de ses deux bras.
- Réfléchis une seconde. Quand j'ai un invité, je dois toujours laisser la porte ouverte alors tu imagines comme il a dû paniquer avant d'ouvrir la porte. Donc, il a été soulagé de te voir ailleurs que dans mon lit, tu comprends ?
- Le seul fait de savoir que les jumelles étaient avec nous l'aurait rassuré, contré-je.
- Oui mais tu as rendu la situation plus amusante, me sourit-elle.
- Pour vous !
Elle s'esclaffe à nouveau avant de prendre ma main et de m'entraîner à sa suite dans les escaliers.
- Tu fais un très beau scorpion, m'annonce-t-elle en se retenant de rire quand nous arrivons au rez-de-chaussée.
Je ne suis pas en colère, loin de là ! Je suis seulement un peu vexé et embrassé, mais c'est vrai que ma copine a raison. Et puis, l'entendre rire ainsi ne peut que me faire sourire. J'aurais agit exactement de la même façon si c'était elle qui avait été à ma place face à ma tante.
Quand Elya m'a proposé de venir dîner chez elle ce week-end, je n'ai pas hésité pour accepter. Si son père fait un effort pour m'accueillir, je ne vais certainement pas reculer. Mais la prochaine fois que les jumelles nous demandent de jouer avec elles, je choisirai moi même le jeu.
Maintenant, deux solutions s'offrent à moi : soit je me faufile discrètement jusqu'à la porte d'entrée pour me sauver comme un voleur, soit je fais comme si rien ne s'était passé et je vais m'installer à la table pour dîner.
Tina choisit à ma place puisqu'elle se précipite sur moi, me prend par la main et me fait asseoir sur la chaise situé entre Elya et son père – qui est installé en bout de table, à la place du chef.
La mère de ma petite amie apporte une salade de pâtes qui semble délicieuse puis s'assied face à son mari.
- Je vous remercie de m'avoir invité à dîner, commencé-je en m'adressant à mon voisin de gauche.
- Elya a insisté, répond-il spontanément.
- Eh bien merci d'avoir accepté, souris-je nerveusement.
J'ignore si ça se voit, mais je suis très tendu ! Et le père de famille ne me rassure pas tellement à être aussi froid et peu accueillant.
Ma copine jette un regard sombre et prévenant à son père comme pour lui faire comprendre d'être gentil tandis que sa mère se lève afin de me servir, puis de servir les membres de sa famille un par un.
Le début du repas est silencieux, jusqu'à ce que les jumelles se mettent à raconter notre jeu de mimes ainsi que leur journée à l'école. Elya participe joyeusement alors que de mon côté, j'écoute et je ris des anecdotes entendues.
Aucun des deux parents n'interrompt l'une de leurs filles. Ils écoutent et rient beaucoup, leur posent quelques questions et répondent aux leurs. C'est tout à fait ce que je m'imaginais d'un dîner dans cette maison. C'est chaleureux, jovial et très entraînant.
Ce qui me frappe durant ce repas, c'est la façon dont le père regarde sa femme et ses trois filles. Rien que par ce simple regard, je sais qu'il tient à elles plus qu'à n'importe qui d'autre. Il y a une telle intensité dans le bleu de ses yeux, c'est vraiment étonnant. Je comprends alors aujourd'hui que je n'ai pas intérêt à merder avec sa fille. Il serait prêt à faire n'importe quoi pour elle, comme pour Tina et Juliette, ainsi que pour leur mère.
C'est d'ailleurs la même chose du côté de cette dernière. Que ce soit sa fille adoptive ou ses deux filles biologiques, elle donnerait tout pour qu'elles soient heureuse.
J'en reste bouche bée et à l'heure actuelle, je suis jaloux.
Je suis jaloux de l'attention et de l'amour que leur portent leur parents.
Mes parents ne m'ont jamais regardé de cette façon alors que ceux d'Elya le font jour après jour, j'en suis persuadé.
Ils sont peut-être très jeune, mais ce sont des parents aimants et entièrement dévoués à leurs enfants.
J'aurais aimé avoir des parents comme eux, mais ça n'a pas été le cas.
***
À la fin du repas, ce que je redoutais en venant ici est sur le point d'arriver : le père d'Elya souhaite me parler. Sa fille a tenté de le dissuader mais il a été intraitable. C'est pourquoi je me retrouve dans le garage en compagnie de beau-papa.
Je décide de me lancer avant même qu'il ait ouvert la bouche ou que mon courage m'abandonne :
- Je n'ai pas l'intention de blesser votre fille. Je ne compte lui faire du mal d'aucune manière que ce soit. Elya est très importante pour moi et je l'aime beaucoup. Tout ce que je veux, c'est la rendre heureuse. Nous ne sommes ensemble que depuis quelques semaines alors je ne peux pas vous garantir que notre couple durera éternellement...
Il fronce durement les sourcils en m'entendant dire cela alors je me justifie :
- Je ne peux pas vous faire une promesse que je ne tiendrai peut-être pas. J'adore votre fille et pour le moment, tout se passe bien entre nous mais je ne sais pas encore si je suis amoureux d'elle. Je ne suis jamais tombé amoureux mais je pense sincèrement qu'Elya serait capable de me faire tomber amoureux d'elle. Quand elle veut quelque chose, elle l'obtient, pas vrai ?
Un léger sourire se dessine sur son visage et il voit parfaitement de quoi je veux parler. Cette fille est têtue et bornée, mais apparemment, elle a pris ça de son père, alors je devrais peut-être m'inquiéter.
- Tout ce que je peux vous promettre aujourd'hui, c'est que je ne la ferai jamais souffrir intentionnellement.
Il acquiesce lentement et me répond :
- Donc tu es en train de me dire qu'il est possible qu'un jour tu la quittes et la fasses pleurer.
- Peut-être que c'est elle qui me quittera et ne tombera pas amoureuse de moi. Vous n'en savez rien et moi non plus. Elle comme moi ne souhaitons pas précipiter les choses. On est jeune, on a tout notre temps pour aborder des sujets sérieux.
- Ma fille n'est pas un sujet sérieux pour toi ? m'accuse-t-il.
Je soupire discrètement. Soit il ne comprend pas ce que je souhaite lui dire, soit il veut que je lui promette que je serai le seul homme que sa fille aura dans sa vie.
- Si, dis-je simplement.
- Ce n'est pas ce que tu viens de dire, rétorque-t-il durement. Si tu es avec elle seulement pour t'amuser et profiter d'elle...
- Ce n'est le cas ! le coupé-je brutalement.
Je me reprends après avoir baisser la voix et adopter un ton neutre afin de ne pas énerver l'homme face à moi :
- Ce n'est absolument pas le cas. Je prends notre couple très au sérieux, sinon je ne serais pas là ce soir. Je sais que sa famille est très importante pour elle alors j'ai vraiment envie de faire votre connaissance à vous tous.
- Seulement pour lui faire plaisir ?
Je veux mourir. Là maintenant, je souhaiterais mourir. Creuser un trou dans le jardin et me cacher à l'intérieur pour toujours.
- Non, affirmé-je calmement. Je veux lui faire plaisir évidemment, mais je veux aussi vous connaître.
L'homme face à moi croise ses bras sur son torse et me jauge durement du regard. Je suis un tout petit peu plus grand que lui, mais il n'empêche qu'il est impressionnant. Je n'ai jamais eu affaire au père de mes ex alors c'est une première pour moi. Et qu'elle première ! Je m'en serais bien passé... Je le fais seulement pour Elya.
- Tu veux donc apprendre à me connaître alors que tu n'as pas l'intention de rester avec ma fille, réplique-t-il en hochant la tête, comme s'il venait de comprendre ce que j'essaie de lui faire entendre depuis tout à l'heure.
J'ai la sensation de m'enfoncer un peu plus à chaque phrase que je prononce et je ne sais plus quoi dire désormais. Je ne retiens pas le soupire exaspéré qui veut s'échapper de mes poumons depuis une bonne dizaine de minutes et le regarde droit dans les yeux en passant une main dans ma tignasse brune.
- Très bien. Vous voulez que je vous promette que j'épouserai votre fille et qu'on aura plein d'enfants ? Vous voulez que je vous promette de rester avec elle même si nous ne sommes pas heureux ensemble ? Je ne sais pas de quoi demain est fait. Vous non plus, Elya non plus, personne ne le sait. Peut-être qu'elle ne m'aimera jamais, peut-être qu'un jour on emménagera ensemble, peut-être qu'un jour elle me trompera, je ne sais pas !
- Tu sors avec ma fille mais tu n'as pas confiance en elle ?
Je me retourne vivement avec la ferme intention de sortir d'ici. Il est insupportable, bon sang ! Ma petite-amie m'avait prévenue que j'aurais droit à un tête à tête mais jamais je n'aurais imaginé qu'il me pousserait à bout. Je n'ai qu'une envie, c'est de lui demander d'arrêter de me faire chier avec ses questions toutes plus connes les unes que les autres, mais je ne le fais pas. Pour Elya. Je me contiens, je prends une grande inspiration, expire lentement, et lui fais face de nouveau. Il n'a pas bouger et attend patiemment ma réponse.
- Vous voulez me faire fuir, c'est ça ? le défié-je.
Il ne répond pas et ne bouge pas d'un poil. Nous nous observons en chiens de faïence pendant de longues secondes avant que je ne reprenne la parole.
- Si c'est ce que vous souhaitez, ça ne fonctionne pas. Je suis avec Elya et je suis bien avec elle. Votre fille est une femme formidable, magnifique et adorable. Elle a aussi des défauts comme tout le monde et il lui arrive d'être casse-pied quand elle s'y met mais je l'adore quand même. Elle parle beaucoup mais j'aime ça aussi chez elle. J'aime beaucoup de choses chez Elya et je n'ai pas l'intention de la quitter pour le moment. Alors c'est soit vous acceptez que nous soyons ensemble et tout se passera bien, soit vous le refusez et vous savez aussi bien que moi la manière dont Elya va réagir. Je refuse qu'elle se sente mal d'être avec moi seulement parce que vous ne m'acceptez pas ou que vous ne faites aucun effort pour ça. Ça m'a suffisamment pesé de la voir perdue ces dernières semaines pour que ça recommence encore.
J'ai vidé mon sac et tant pis s'il me déteste. Il commence sérieusement à m'énerver.
- Mathis, m'interpelle le père d'Elya lorsque je m'apprête à sortir du garage.
Je lutte contre mon envie de l'ignorer et me tourne à nouveau face à lui. Je suis surpris de le voir sourir.
Pourquoi il sourit ? Il se fout de ma gueule ou quoi ? Il semble amusé et fier de lui. Qu'est-ce qui lui prend d'un seul coup ?
Il fait un pas dans ma direction, décroise ses bras et prend la parole sur le ton de la confidence :
- J'ai eu beaucoup de mal à accepter que ma fille ait un petit-ami, mais je pense que tu es quelqu'un de bien. Je te conseille vivement de prendre soin d'elle parce qu'elle soit amoureuse de toi ou non, si tu lui fais du mal, je te tomberai dessus. Tu peux en être certain.
Il m'a perdu, c'est bon. Ce mec est lunatique, c'est insensé.
- Tu m'en as dit bien plus que ce que j'espérais entendre mais ne me parle plus jamais d'avoir des enfants avec ma fille. Pas avant une bonne cinquantaine d'années, au moins.
Je rigole doucement, soulagé en comprenant qu'il s'est payé ma tête durant tout ce temps pour me pousser à bout et entendre ce que je pourrais lui dire. Ce type est taré !
- Vous ne voulez pas être grand-père ? plaisanté-je.
Il me jette un regard si sombre que si je le pouvais je remonterais le temps maintenant pour me retirer l'envie saugrenue de faire une blague pourrie.
- Trop tôt ? grimacé-je.
- Beaucoup trop tôt.
Ne pas faire de blague sur une éventuelle grossesse, c'est noté.
Il passe près de moi pour atteindre la porte du garage et je le suis.
- Je vous remercie de me laisser une chance, dis-je en entrant dans le salon.
- J'espère que j'ai raison de le faire.
- C'était pas sympa de me faire paniquer, admets-je en soupirant.
- C'était amusant de te voir perdre patience !
Ça dépend pour qui...
Cette soirée s'est beaucoup mieux déroulée que je ne l'espérais. La preuve est devant moi puisque le père de ma copine et moi plaisantons déjà ensemble. C'est parfait ! Surprenant, mais parfait.
Elya a dû nous entendre revenir puisqu'elle sort de la cuisine, un air inquiet sur son beau visage. Sa mère la suit et elle aussi n'est pas très sereine.
- Tout va bien ? demande timidement ma petite-amie en nous regardant tour à tour.
- Je ne pense pas que ce soit quelqu'un pour toi, déclare le père.
Mon cœur s'arrête subitement de battre et Elya devient livide mais il s'approche d'elle, pose sa main sur son épaule et lui murmure des mots rassurants à l'oreille puisqu'elle sourit. Encore une blague pourrie. Génial, merci beau-papa !
Il rejoint ensuite sa femme tandis que la jolie brune avance dans ma direction. Ses bras s'enroulent autour de mon cou et elle me sourit.
- Ça s'est bien passé ? demande-t-elle en faufilant ses doigts dans mes cheveux.
Si on oublie l'agacement que j'ai ressenti tout au long de la discussion...
- Oui, ça s'est bien passé.
Ma réponse la rend heureuse et elle m'embrasse délicatement au moment où mes mains s'emparent de sa taille menue.
Un raclement de gorge nous fait sursauter et Elya s'écarte de moi en voyant son père, devant le porte de la cuisine. Ses épaules sont tendues et ses lèvres pincées ; il ne doit pas particulièrement apprécier ce qu'il a sous les yeux.
- Une dernière chose, Elya, annonce-t-il.
Nous le regardons tous les deux, curieux.
- Mathis dit que tu es casse-pied.
Puis il disparaît dans la cuisine pendant que j'affronte ma petite-amie qui fronce les sourcils, exactement de la même façon que son paternel quelques minutes auparavant.
- Je suis casse-pied ? répète-t-elle.
Pas de doutes, elle tient véritablement de son père...
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