Chapitre 11.
Elya
Mathis et moi sommes ensemble depuis maintenant un peu plus d'un mois et tout se passe pour le mieux entre nous.
Le seul problème est mon père. Il m'étouffe de plus en plus et je ne parviens même plus à communiquer avec lui. Chaque fois que je veux aller voir mon petit-ami, j'ai droit à un interrogatoire très poussé ou à un refus – le second choix prime la plupart du temps.
« Vous ne sortez que tous les deux ? Qui d'autre vient avec vous ? Vous allez où ? Qu'est-ce que vous allez faire ? »
J'adore mon père plus que tout mais ça devient oppressant. Heureusement que ma mère est là pour me venir en aide quelques fois. Sauf ce week-end. Mon paternel a été intraitable.
Il nous a improvisé un week-end en famille chez mon grand-père et me laisser seule à la maison était inconcevable. Mes parents m'ont déjà laissé la maison durant tout un week-end, mais à ce moment-là, je n'avais pas de petit-ami. Je ne comprends vraiment pas mon père. Il m'a toujours fait confiance, mais depuis un mois, j'ai l'impression d'être une vraie délinquante qu'il doit surveiller vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
C'est agaçant.
Je comprends parfaitement qu'il craigne de me voir souffrir parce que je serai tombée amoureuse et pas Mathis, ou parce qu'il m'aura quittée, mais c'est vraiment agaçant. Et douloureux.
Mathis est un garçon bien, mais mon père ne le comprend pas. Il ne veut pas comprendre ni apprendre à le connaître et ça me blesse terriblement. J'ai déjà essayer de communiquer avec lui à ce sujet, mais il refuse toujours, me donnant chaque fois le même argument : « tu es trop jeune ». Je n'ai pas l'intention de faire comme lui et d'avoir un bébé maintenant, je veux seulement pouvoir sortir librement avec mon petit-ami. Juste sortir. Passer du temps avec lui, rien de plus.
Je suis bien décidée à parler de tout ça avec mon père durant ce week-end, qu'il le veuille ou non. Autant profiter de l'occasion !
Lorsque nous arrivons devant la maison de notre grand-père, les jumelles s'éjectent de la voiture et courent jusqu'à la porte qui s'ouvre au moment où elles arrivent. Nous ne l'avons pas vu depuis quelques mois bien qu'il ne vive qu'à quelques dizaines de kilomètres de chez nous.
Je découvre rapidement que mon oncle Max et sa femme, Emma, sont arrivés eux aussi, accompagnés de leur fille de onze ans et de leur petit garçon âgé de presque trois ans. Ils sont adorables tous les deux.
Une fois les nombreuses embrassades terminées, nous nous installons tous autour de la grande table. En plus de ma famille et de celle de mon oncle, il y a aussi la compagne de grand-père, Julie et Quentin, leur fils de treize ans. J'ai donc un oncle plus jeune que moi.
Pour un week-end improvisé, je trouve ce déjeuner un peu trop organisé !
***
Pendant le début repas, mon oncle décide de larguer la bombe sans attendre et de parler du sujet qui fâche.
- Alors Elya, j'ai entendu dire que tu avais un copain ?
Ma première réaction est de jeter un œil à mon père. Il ne laisse rien paraître, mais je sais que ça l'énerve.
- Oui, elle a un amoureux ! répond Tina à ma place.
- Tu aurais dû l'emmener ce week-end pour qu'on fasse sa connaissance, propose mon grand-père.
- Déjà que Papa ne veut pas le connaître, il n'allait tout de même pas participer à un repas de famille, réponds-je sans réfléchir.
Ce que je regrette immédiatement, puisque mon oncle s'en mêle.
- Ça ne m'étonne pas de ton père.
- Quand Marina ramènera un garçon chez toi, on en reparlera, rétorque durement le concerné.
- Si elle a un copain à dix-sept ans, je ne vois vraiment pas où est le problème. C'est pas comme si Elya en était déjà à son quinzième mec, n'abuse pas Nathan.
Pourquoi j'ai ouvert ma bouche... Je ne prononcerai plus un seul mot sans y avoir réfléchi longuement auparavant. Ce qui risque d'être compliqué...
- Max, s'il te plaît, intervient calmement ma mère au moment où mon père allait répondre. Laisse tomber.
- J'ai pas envie de laisser tomber ! s'exclame-t-il brusquement. T'en as pas marre d'être égoïste ? Ta fille n'a même pas le droit d'être heureuse d'avoir un petit-ami, elle est obligée de faire comme s'il n'existait pas face à toi parce qu'elle ne veut pas te blesser ou je ne sais quoi. Mais tu ne crois pas que c'est elle que tu blesses en agissant comme un con ?
Les larmes me montent aux yeux. C'est de ma faute. J'aurais fermé ma bouche, rien de tout cela n'aurait été dit. Je voulais parler de Mathis, mais seulement en tête à tête avec mon père. Pas comme ça, devant tout le monde.
- Max, tu dépasses les bornes, gronde mon grand-père alors qu'un silence de mort s'est abattu dans la pièce.
- Non, je ne pense pas. Il ne...
- Ça suffit, le coupe durement sa femme. C'est entre elle et ton frère alors tu les laisses régler leur problème.
Elle se lève brusquement et me fait signe de la suivre. Je n'hésite pas une seule seconde et nous grimpons les escaliers pour entrer dans la chambre d'amis. Elle me prend la main afin de me faire asseoir sur le lit, près d'elle.
- C'est de ma faute s'ils se disputent, murmuré-je en m'installant.
- Non. C'est de la faute de mon abruti de mari et de ton crétin de père. Ils ne sont pas frères pour rien ces deux-là.
Je ris doucement en essuyant mes yeux qui menacent de déborder.
- J'aurais quand même dû me taire. Je savais que ça allait énerver Papa et j'ai pas réfléchi avant de parler.
- Même si tu n'avais rien dit, Max se serait énervé et ton père aussi. Je peux te l'assurer. Mais maintenant qu'on est entre fille, parle moi de ce garçon.
Elle m'offre un sourire chaleureux qui me fait rougir.
- Il s'appelle Mathis et c'est vraiment quelqu'un de bien, commencé-je.
- T'as une photo de lui ? quémande Emma, très curieuse.
- Oui, mais mon téléphone est en bas. Mais je vais te le décrire. Alors : ils est très grand, les cheveux bruns, il a une barbe courte et taillée qui le rend trop sexy et ses yeux sont trop bizarres. Ils sont verts mais des fois avec le soleil il y a un peu de brun très clairs. C'est étrange mais vraiment magnifiques.
- Rien que dans ton regard, j'arrive à comprendre qu'il est canon, ricane Emma.
- C'est le cas ! m'esclaffé-je. Et en plus...
Quelques coups tapés sur la porte en bois me font sursauter. Je me retourne vivement vers l'entrée de la chambre et mon sourire disparait lorsque je vois mon père.
- Je peux lui parler seul à seule ? demande-t-il en s'adressant à Emma.
Elle me regarde pour savoir ce que je pense et lorsque j'acquiesce, elle me promet que nous continuerons cette discussion tout à l'heure. Mon père referme derrière elle et vient prendre place près de moi. Il s'en suit un silence de plomb de plusieurs minutes et je n'ose pas le briser. C'est lui qui s'en charge.
- C'est vrai ce qu'a dit Max ? Ça te blesse que je refuse de t'entendre parler de lui ?
Je lève les yeux vers lui. Il est embarrassé et ne sait visiblement pas comment aborder le sujet. Je décide d'être honnête et hoche doucement le tête. Ma réponse le fait soupirer. Je pense qu'il se sent mal parce qu'à cause de lui j'éprouve ce malaise depuis un peu plus d'un mois. Je vais certainement lui faire du mal, mais j'ai besoin de dire tout ce que j'ai sur le cœur aujourd'hui.
- Tu sais que j'aime te parler de tout ce que je ressens et de tout ce qu'il se passe dans ma journée. Mais depuis plusieurs semaines, je m'empêche de te parler de Mathis alors qu'il est devenu très important pour moi. Et ça me fait mal de ne pas pouvoir te parler de lui. J'ai besoin de te parler de lui parce que j'ai toujours abordé n'importe quel sujet avec toi. Sauf celui-ci, alors que c'est un sujet qui me tient très à cœur. J'ai envie de me confier à toi comme je le fais avec Maman, mais je ne le fais pas parce que je sais que tu ne veux rien entendre. Et ça me pèse de plus en plus, Papa.
Il se lève, soupire à nouveau plus longuement cette fois, se passe les mains sur le visage et s'approche de la fenêtre. Il fixe l'extérieur durant un long moment avant de revenir vers moi. Il voulait certainement réfléchir à ce qu'il allait me dire. Lorsqu'il se lance et me dit finalement ce qu'il ressent, je suis soulagée.
- Ce que je déteste par dessus tout, c'est de te savoir triste. Déjà quand tu étais toute petite, je craignais le jour où tu me présenterais ton petit-ami, alors après ce qui est arrivé avec Nina, c'était encore pire. Depuis que tu es bébé, j'ai peur que tu souffres, que quelqu'un te fasse du mal. Mais il n'y a pas que ça. Je refuse de l'admettre à voix haute, mais je ne veux pas que tu tombes amoureuse. Je suis égoïste. Je veux te garder à la maison pour toujours. Je ne veux pas que mon bébé grandisse. Ce sera la même chose pour tes sœurs même si c'est vrai qu'il y a une différence entre elles et toi. Le fait de t'avoir eue très jeune et le fait de t'avoir élevée seul avec ta grand-mère renforce ce lien entre nous. Je ne parviens pas à me dire qu'un jour, tu quitteras la maison. Peut-être même que tu te marieras, que tu auras des enfants. Je te souhaite tout cela, bien entendu, parce qu'avoir des enfants est la plus belle chose qui puisse arriver. Mais d'un autre côté, je n'arrive pas à couper le cordon. Je n'arrive pas à concevoir l'idée qu'un autre homme que ton père puisse te rendre heureuse.
L'écouter ouvrir son cœur de la sorte me rassure parce qu'il me parle enfin, mais ça me fait du mal aussi. J'ai besoin de le rassurer.
- Même si un jour je me marie et que j'ai des enfants, tu resteras le premier homme de ma vie, Papa. Je t'aimerai pour toujours et personne ne pourra m'enlever ça.
Les larmes coulent avec abondance sur mes joues. Mon père s'approche de moi et les essuie délicatement avant de me prendre dans ses bras.
- Je sais, mon cœur. Je m'excuse pour ces dernières semaines et je te promet de faire des efforts. Mais ne m'en demande pas trop d'un coup, d'accord ?
- Merci.
Je reste dans ses bras de longues minutes avant que ma mère vienne nous chercher pour continuer le déjeuner. Avant de descendre, il m'annonce qu'après le dessert, nous irons nous promener rien que tous le deux pour que je lui parle du garçon dont je suis en train de tomber amoureuse.
Mathis
Nous étions censés nous voir ce week-end Elya et moi mais son père en a décidé autrement et a emmené toute sa famille à Montpellier. J'étais surpris mais sincèrement heureux d'apprendre que ma petite-amie avait très bien discuté de notre couple avec son paternel. J'ai bien vu que ça lui pesait depuis quelques temps. J'ai même voulu aller parler moi-même avec lui, mais Elya me l'a interdit. Elle craignait que ça envenime la situation.
Nous nous sommes envoyés des messages tout le week-end, et rien que par ses textes, je parvenais à ressentir sa joie d'avoir retrouvé son père, en quelques sortes. Ils ont une relation si fusionnelle tous les deux que jamais ils ne pourront être fâchés bien longtemps.
Ma tante me tire de mes pensées en frappant à ma porte alors je l'invite à entrer. Sauf que je suis surpris puisque ce n'est pas Kate, mais Elya qui débarque dans ma chambre, affolée.
- Comment tu t'es fait ça ? s'écrit-elle en s'approchant vivement de moi.
Elle me rejoint près de mon bureau où je suis installé et avec précaution, elle lève sa main afin de poser ses doigts sur ma pommette gauche.
- Qu'est-ce qui t'ai arrivé ? quémande-t-elle inquiète.
- Ce n'est rien, ne t'inquiète pas, tenté-je de la rassurer en retirant sa main. Je me suis seulement pris un coup pendant le match de ce matin.
- Tu t'es battu ?
- Non. Je me suis pris un coup de coude non intentionnel, et par Gabriel en plus.
C'est un de mes coéquipiers. En voulant attraper la balle, il a sauté et mon visage était juste à hauteur de son coude lorsqu'il est redescendu. Ce qui me vaut un bel hématome juste sous l'œil.
Magnifique.
Voyant qu'Elya reste tout de même inquiète, je l'attrape par la taille et l'installe sur mes genoux.
- Je vais bien, répété-je.
Vu la tête qu'elle fait, je me serais fait renversé par une voiture ça aurait été la même chose.
Ma petite-amie dépose un minuscule petit bisou sur ma blessure puis un baiser plus appuyé sur mes lèvres. Ses bras entourent mon cou pendant que mes mains s'approprient sa cuisse et sa hanche.
- Comment ça se fait tu sois là ? lui demandé-je pour changer de sujet.
Son air inquiet disparait subitement pour laisser place à un immense sourire.
- Mon père m'a déposée chez toi sans que je lui demande.
J'écarquille les yeux, surpris.
- Il a fait autant d'effort après une seule discussion ?
- Oui. Il a compris que tu étais important pour moi alors il a décidé de te laisser le bénéfice du doute. Il ne m'avait rien dit et au lieu de prendre la route pour aller à la maison, il m'a dit qu'il faisait un détour alors quand il s'est arrêté devant chez toi, j'étais trop contente. Je l'ai remercié une bonne dizaine de fois. Il a même été obligé de me virer de la voiture sinon il allait changer d'avis. Même lui était surpris de son comportement. Peut-être que c'était l'idée de ma mère finalement, termine Elya, pensive.
C'est presque si elle sautille sur mes genoux tellement elle est heureuse. Sa joie est communicative et je me mets moi aussi à sourire.
- On ne se voit pas beaucoup en dehors des cours alors j'espère que ça va changer, lui dis-je en embrassant sa joue.
- Ça ne changera pas radicalement mais s'il accepte petit à petit c'est déjà pas mal.
Elle me répète ensuite tout ce qu'elle m'a dit au téléphone hier soir et je ne me donne même pas la peine de la couper. J'adore l'entrain qu'elle met à me raconter tout cela alors je la laisse faire.
- Par contre, il m'a harcelée de questions tout le week-end.
Ça, elle ne l'avait pas dit.
- Comment ça ?
- Il voulait tout savoir de nous. Jusqu'au moindre petit détail.
- Il s'inquiète pour toi.
- Ouais mais les questions gênantes je m'en serais bien passée.
Ses joues commencent à rougir et deviennent écarlates quand je lui demande de m'expliquer de quel genre de questions il s'agit.
Elle ne se démonte pas et me répond en me regardant droit dans les yeux.
- Il a demandé si on avait déjà couché ensemble.
C'est plus fort que moi, j'éclate de rire. J'imagine parfaitement le père demander ça à sa fille qu'il chérit plus que tout au monde et qu'il considère encore comme une enfant.
- Je suis sûr qu'il ne voulait même pas connaître la réponse à cette question, rétorqué-je.
- Si ! Mais il n'y avait qu'une seule réponse possible pour lui.
Elle s'esclaffe à son tour et je décide de continuer sur ce sujet.
- Tu lui a répondu quoi ?
- Je lui dit que non, crétin. Si j'avais répondu le contraire, je serais en train de regarder mon père mettre des barreaux aux fenêtres et un verrou à la porte de ma chambre. Et tu serais à la morgue. En pièce détachées.
- Ça donne envie ! soupiré-je.
Gênée, Elya cache son visage contre mon cou. Je raffermi ma prise autour de sa taille et l'enlace tendrement.
- Je lui ai dit que ça n'arriverait pas maintenant étant donné que je ne suis pas encore prête, continue-t-elle en parlant à voix basse près de mon oreille, comme si elle me confiait son plus grand secret.
Mon sourire est instinctif. Elle est adorable.
L'une de mes mains se glisse dans ses cheveux pendant que l'autre caresse distraitement sa cuisse. J'ai l'impression qu'elle est embarrassée de m'avouer ça mais elle n'a pas à l'être. Pas du tout.
- Tu es vierge ? demandé-je tout de même.
Elya se redresse pour me regarder dans les yeux puis elle hoche la tête.
- C'est pas grave, hein ?
- Bien sûr que non, ris-je. Que tu sois vierge ou non ne change rien et ce n'est absolument pas grave. C'est ton corps, c'est toi qui choisi. Si jusque là tu n'as pas été prête, alors tu as bien fait de t'abstenir.
Elle m'offre un sourire à la fois timide et rassuré, puis ses mains passent dans mes cheveux.
- Je ne veux pas te décourager ou quoique ce soit dans le genre, mais j'espère que tu es patient Mathis. Ça ne fait qu'un mois qu'on est ensemble et je veux prendre mon temps. Je ne veux pas qu'on se précipite.
J'embrasse immédiatement ses lèvres et la rassure.
- Je suis très patient alors tant que tu n'es pas prête ça attendra. Je ne veux pas que tu t'inquiètes à propos de ça. Il n'y a aucune pression à avoir. Ok ?
Elle me serre très fort dans ses bras et me remercie. Je ne comprends pas pourquoi elle me remercie, mais ça doit lui tenir à cœur.
- Par contre, ajouté-je, la faisant de reculer à nouveau, je n'attends pas plus d'un mois, je te préviens.
Le son mélodieux de son éclat de rire m'entraîne moi aussi avant que je ne l'embrasse langoureusement.
Si elle veut attendre, j'attendrai Elle n'a aucun soucis à se faire pour ça.
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