Chapitre 7

Installée à l'avant du groupe de Serpentard et de Gryffondor qui assistaient au cours de soins aux créatures magiques, Maeve ne parvenait pas à se concentrer. Hagrid leur faisait cours à l'orée de la Forêt Interdite et le regard de la brune était beaucoup plus souvent posé sur l'endroit que le fantôme de sa meilleure amie hantait plutôt que sur la créature que leur présentait Hagrid. Pour tout dire, elle n'en avait même pas retenu le nom et n'avait pris aucune note depuis le début du cours, qui avait pourtant commencé il y a une heure et demie.

— Maeve concentre-toi, la sermonna Hermione.

Cette dernière se doutait de la raison de l'égarement de son amie. Elle savait qu'Eva était morte dans la Forêt Interdite, où elle s'était réfugiée après avoir été poursuivie par des mangemorts. Elle savait exactement tout ce qui s'était passé puisqu'elle était allée dans la forêt le jour de la rentrée. McGonagall avait proposé au fantôme de la jeune fille de rejoindre les fantômes de Poudlard pour ne pas rester seule à errer pour l'éternité dans la forêt et elle avait demandé à Hermione de l'accompagner puisque les deux filles se connaissaient. Elle avait accepté à une condition, attendre que Maeve ait fini ses études à Poudlard. Hermione ne comprenait toujours pas le fondement de cette condition.

— Désolée, marmonna Maeve en jetant un nouveau coup d'œil à la forêt.

Mais Hermione n'était pas la seule à avoir remarqué la dispersion de l'ancienne Serdaigle. Un certain blond au regard bleu-gris avait intercepté plusieurs des œillades de la jeune fille. Il ne comprenait pas du tout la raison de son obsession pour la forêt mais il savait que si elle ne se concentrait pas, elle finirait par avoir des problèmes avec la créature dont Hagrid leur parlait, un Focifère. Leur chant pouvait, paraît-il, rendre fou. Et celui vers lequel elle se dirige avec Granger, Weasley et Potter a l'air pas mal énervé. Le blond avait d'ailleurs raison puisqu'au bout de seulement quelques minutes, Maeve manquait de se faire mordre la main par la petite créature orange. Draco grimaça en voyant le regard perdu de la jeune fille qui ne comprenait pas pourquoi Hagrid était en train de la réprimander. Elle n'a absolument rien écouté du tout.

Heureusement pour les mains de Maeve, le cours prit fin peu de temps après la soudaine fringale de son Focifère. Alors que tous les élèves se dépêchaient de rentrer au château pour échapper aux créatures désagréables, la brune prenait son temps pour aller récupérer son sac et y ranger son manuel. Elle avait autre chose en tête que de rentrer tout de suite. Voyant que ses amis l'attendaient, elle prétexta avoir quelque chose à demander à leur professeur et qu'elle les rejoindrait plus tard. Elle attendit que tous les élèves soient partis et que Hagrid ait le dos tourné pour s'aventurer dans la Forêt Interdite. Si le fantôme de sa meilleure amie était dans le coin, elle voulait le voir. Elle n'avait parcouru que quelques mètres quand des bruits de pas se firent entendre derrière elle. Se demandant qui pouvait bien la suivre, elle sortit sa baguette de la manche de sa cape et la prit dans les mains.

— Je peux savoir où est-ce que tu t'enfuis comme ça ? demanda une voix masculine derrière elle. Ta semaine d'essai n'est pas terminée.

Maeve se détendit légèrement en reconnaissant la voix du blond. L'air exaspéré, elle se tourna vers le serpentard, qui fixa sa baguette magique comme si elle allait la mordre.

— Tu comptes m'attaquer ?

— Non espèce d'imbécile, lâcha-t-elle en levant les yeux au ciel.

Elle se mordit intérieurement les lèvres en remarquant qu'elle l'avait traité d'imbécile. Ce n'était pas quelque chose que l'on disait à un mec qui vous avait pourri toute votre scolarité. Enfin, presque toute. Elle examina quelques secondes le visage curieux du blond. Tel qu'elle le connaissait, il ne la laisserait pas tranquille jusqu'à ce qu'elle retourne dans l'école avec lui. Ou alors il n'en avait rien à faire et il n'était là que parce qu'il voulait se moquer d'elle. Elle se gifla intérieurement en s'entendant penser ça. Draco n'était pas comme ça, il le laisse juste croire. Et la petite étincelle d'inquiétude qui perlait dans son regard lui montrait bien qu'elle avait été stupide de penser ça. Mais pourquoi s'inquiétait-il pour elle ? Ils n'étaient plus ensemble et depuis le temps, il ne pouvait plus avoir de sentiments pour elle. Il n'y avait qu'elle pour rester amoureuse du même garçon aussi longtemps alors qu'ils ne se parlaient même plus.

— Tu me suis ? demanda alors Maeve quand un silence gênant s'installa.

Les deux sorciers étaient tellement perdus dans leur réflexion que cela devait bien faire cinq minutes qu'ils étaient l'un en face de l'autre sans se parler.

— Non, je voulais juste savoir ce qui t'amenais dans la Forêt Interdite alors qu'on n'a pas le droit d'y aller.

— Depuis quand tu respectes les règles toi ? s'étonna-t-elle.

Même s'il passait pour l'élève modèle, les personnes qui le connaissaient bien savaient qu'il ne respectait rien. Et c'est là qu'elle se rendit compte de la boulette qu'elle avait faite et que Draco avait remarqué aussi.

— Comment tu sais ça ?

Pour lui, elle ne pouvait pas connaître ce détail, elle ne devait pas s'en souvenir. Il trouvait ça étrange.

— J'ai entendu Zabini et Parkinson parler de ton incapacité à suivre les règles et je m'en suis souvenue, mentit-elle.

C'était bien possible, cette fille avait une mémoire phénoménale, pensa-t-il.

— D'accord mais qu'est-ce que tu fais là, Maeve ?

— Rien qui ne te regarde.

Cette réponse fit froncer les sourcils du blond. Il était certain qu'elle allait faire une bêtise. Il croisa alors ses bras sur sa poitrine et attendit qu'elle lui dise la vérité. Il l'avait oubliettée pour qu'elle ne soit plus en danger, il avait failli la traiter d'inconsciente quand il avait appris qu'elle participait à la bataille de Poudlard et s'était retenu à grand-peine d'aller voir Harry pour qu'il essaie de la faire changer d'avis alors il était hors de question qu'elle se mette en danger pour rien. Surtout que maintenant, la guerre était terminée.

— Ok, ne me le dit pas, mais dans ce cas je t'accompagne. Ta chère cousine me tuerait si elle savait que je t'avais laissée t'aventurer toute seule.

— Depuis quand tu as peur d'Hermione ?

— Depuis qu'elle m'a mis un coup de poing dans la figure en troisième année, grimaça-t-il.

Maeve se mit à rire en se remémorant ce moment de sa scolarité. À l'époque, elle prenait encore le blond pour un gosse de riche pourri gâté et elle s'était moqué de lui jusqu'à la fin de l'année scolaire à cause de ça. C'était à ce moment-là qu'il avait appris l'existence de la brune, même s'il ne s'était embêté à renchérir.

— Bon d'accord tu peux venir, dit-elle. À condition que tu restes en arrière quand je te le demanderai.

Quand le serpentard eut acquiescé, le brune reprit sa route en direction du lieu qu'elle redoutait tant. Dans le fond, elle était contente de ne pas être seule. Elle ne se voyait pas retourner à Poudlard sans personne pour la réconforter après ce qu'elle allait faire. Car elle savait que partir lui brisera le cœur.

Marchant silencieusement à côté de la nouvelle Gryffondor, Draco ne savait pas ce qu'il voulait faire. Pour cause, il ne savait pas que le fantôme d'Eva était dans le coin, il ne savait même pas qu'elle était morte ! Il remarqua tout de même les mains tremblantes de la brune et se retint de la prendre dans ses bras pour essayer de la rassurer, même s'il ne savait pas ce qui la mettait dans cet état. Le stress de la sorcière augmentait au fur et à mesure qu'elle s'approchait du Lac Noir. Quand elle arriva, ses jambes se figèrent sur place. La silhouette fantomatique de sa meilleure amie se tenait devant elle, lui tournant le dos.

Draco comprit alors pourquoi son ancienne petite-amie était aussi triste et avait aussi peur de retourner à Poudlard. Cette école lui avait enlevé absolument toutes les personnes à qui elle tenait hormis Hermione. Son frère jumeau et sa meilleure amie avaient péri pendant la bataille de Poudlard, son frère aîné avait disparu sans laisser de trace juste après son entrée à Poudlard et ses parents l'avaient abandonnée quand ils avaient appris que c'était une sorcière. Il savait maintenant pourquoi elle lui avait dit que la magie lui avait tout pris. Elle n'avait plus qu'Hermione.

— Reste ici, murmura Maeve en ignorant le désarroi du blond.

Prenant son courage à deux mains, la jeune fille s'avança dans la lumière du jour déclinante pour s'approcher de celle qu'elle considérait comme sa sœur de cœur. Eva ayant entendu du bruit, elle se retourne et son visage translucide se figea d'étonnement quand elle aperçut sa meilleure amie.

— Maeve, chuchota-t-elle si doucement que la brune n'était même pas sûre qu'elle ait vraiment parlé.

Les deux filles restèrent l'une en face de l'autre sans bouger pendant quelques minutes, trop occupées à s'observer. Eva fut choquée par la mine de son amie. Elle la trouvait beaucoup plus maigre que la dernière fois qu'elles s'étaient vues et ses yeux étaient entourés de cernes. Elle se demanda ce qui avait bien pu se passer pour que Maeve, la fille la plus forte qu'elle connaisse, ait l'air brisée à ce point. Puis elle se rappela de ce qu'Hermione lui avait dit quand elle était venue la voir avec McGonagall. Mickael n'avait pas survécu à la guerre. La lueur bleue qui entourait Eva emplissait Maeve de tristesse. Elle portait la même tenue que le jour où elle était morte et le bracelet qu'elles s'étaient acheté à Pré-Au-Lard brillait à son poignet. Maeve toucha le sien en remarquant toutes les égratignures que lui avait causé la guerre et qui étaient désormais figées sur le visage de la blonde.

— Que fais-tu ici ? l'agressa alors Eva.

Maeve fut tellement surprise du ton employé par son amie qu'elle arrêta de marcher dans sa direction, les jambes tremblantes.

— Je... Je suis venue te voir, bredouilla-t-elle.

— Tu n'aurais pas dû venir ici. Ça fait des mois que je suis toute seule ici comme une pauvre idiote. Si tu voulais vraiment venir me voir, tu l'aurais fait avant.

La brune ne comprenait pas pourquoi Eva réagissait comme ça. Elles ne s'étaient jamais disputées avant aujourd'hui.

— Pourquoi tu dis ça, Eva ? Tu sais bien que ce n'est pas vrai ! J'étais avec l'équipe qui a été envoyée pour venir chercher ton... ton corps. Je t'ai cherchée dans la forêt pendant des jours après la bataille, en vain !

— Et bien tu as mal cherché.

En vérité, Eva s'était cachée pour que sa meilleure amie ne puisse pas la trouver. Elle ne voulait pas qu'elle la voit dans cet état.

— Une vraie amie ne serait pas partie comme ça, me laissant toute seule au beau milieu de la bataille. Si tu étais restée avec moi, je ne serais peut-être pas morte.

— Ou alors vous seriez mortes toutes les deux, entendirent-elles dire Draco.

Le sorcier se retenait pour ne pas envoyer bouler la blonde et rejoindre Maeve, qui avait l'air au plus mal.

— Mickael avait besoin de moi ! s'exclama Maeve en ignorant l'intervention du blond. Tu m'avais assurée que tu pouvais te débrouiller sans moi !

— Bien sûr ! Je n'allais pas t'empêcher d'aller sauver ton frère. Est-ce que tu es arrivée à temps au moins ?

Les paroles blessantes du fantôme firent pleurer Maeve, qui n'arrivait pas à se contrôler. L'une des personnes qu'elle aimait le plus au monde était en train de dire que c'était de sa faute si elle était morte. Et si son frère avait pensé la même chose juste avant de succomber ?

— Si je le pouvais, j'enlèverais ce bracelet stupide. Il ne vaut plus rien.

Brisant encore plus le coeur de sa meilleure amie, Eva lui jeta un dernier regard avant de disparaître dans les eaux du Lac Noir. Draco se précipita vers Maeve quand il la vit tomber à genoux sous le poids du chagrin. Il ne se soucia pas de leur ancienne relation et la prit dans ses bras, attendant patiemment qu'elle se calme. Elle pleura à chaudes larmes dans le cou de son ancien amant. Ce bracelet représentait l'amitié et le fait qu'Eva veuille l'enlever l'avait anéantie.

Ce qu'ils ne savaient pas, c'est qu'Eva n'avait dit ça que pour une seule raison. Que Maeve l'oublie et qu'elle ne gâche pas sa vie à se souvenir de sa meilleure amie décédée. Elle ne voulait pas que la brune vive dans le passé.

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