Chapitre 44
Assise sur le balcon attenant à ma chambre, je regardais le soleil se lever à l'horizon. Les bras repliés autour des genoux, je savourais le vent frais sur mon visage en prenant une inspiration tremblante. Il était encore tôt, mais j'étais persuadée que Dray avait déjà dû lire la lettre que je lui avais laissée. Celle que j'avais lâchement écrite parce que je n'avais pas osé le réveiller avant de partir. Celle qui m'avait brisé le cœur à la simple idée de l'écrire.
Mais c'était mieux comme ça. Je ne pouvais pas retourner dans une relation amoureuse avec lui. Son père sera toujours un obstacle entre nous et les liens qu'entretenaient nos peuples étaient bien trop tendus pour que nous puissions avouer maintenant sortir ensemble. Il allait falloir du temps avant que Mermailya et Estyriam n'acceptent que leurs héritiers sortent ensemble.
La décision que j'avais prise était la meilleure qui soit.
Même si cela me rendait folle d'avoir du agir de cette façon.
Nous venions seulement d'arranger un tant soit peu les choses entre nous, et je foutais déjà tout en l'air. J'avais beau me persuader que j'avais agi de la meilleure des manières, cela faisait toujours aussi mal. Je ne savais pas comment Dray avait pu prendre la décision de m'effacer la mémoire.
Il était sûrement plus fort que moi.
De longues minutes, je restai dans cette position, sans rien faire d'autre que regarder le soleil se lever. Mon portable vibra soudain et le nom de Dray apparut à l'écran. Je le fixai sans réagir, attendant que sa tentative d'appel cesse. Quelques secondes plus tard, une notification m'apprit que le sorcier avait laissé un message sur mon répondeur.
Je le supprimai sans même l'écouter. Je reposai mon téléphone à côté de moi, avant de héler le domestique qui s'activait dans ma chambre.
— Ol ?
Sa tête apparue dans l'embrasure de la baie vitrée un instant plus tard.
— Princesse ?
— Faites le nécessaire pour changer mon numéro de téléphone dans les plus brefs délais.
Il hocha la tête, juste avant de retourner à ses occupations. Pour ma part, je soupirai. Changer mon numéro était la seule chose à faire pour éviter que Dray m'harcèle jusqu'à ce que je finisse par lui répondre. En admettant qu'il ne mette jamais la main sur mon nouveau numéro. Comme c'était la seule façon qu'il avait de ma contacter, je devrais être tranquille. Je voyais très mal Dray venir jusqu'au palais pour me parler et il ne pouvait pas m'envoyer de lettre, alors je pourrai faire mon deuil de cette relation sans difficulté. Enfin, dans le meilleur des mondes.
Comme plus rien ne se passait bien dans ma vie depuis plusieurs mois, je pressentais déjà qu'oublier le sorcier allait être long et douloureux.
Perdue dans mes pensées, je n'entendis pas que l'on toquait à la porte de ma suite. Mon homme de chambre alla ouvrir à ma place pendant que je continuais de fixer l'horizon comme si cela pouvait changer quoi que ce soit à la décision que j'avais prise avant de quitter la Moonainst Academy. Mon portable sonna de nouveau. Je ne jetai pas un seul coup d'œil à l'écran avant de rejeter l'appel.
— Je donnerais cher pour savoir ce que t'as fais la personne que tu viens d'ignorer si superbement.
Je clignai plusieurs fois des paupières, avant de poser mes pupilles sur ma mère. Un sourire attendri aux lèvres, ma génitrice vint s'installer sur une chaise en face de moi. Elle observa le soleil se lever en silence de longues secondes, jusqu'à ce que je comprenne qu'elle ne prendrait pas la parole tant que je ne lui aurais pas répondu.
— Elle m'a appelé.
Ma mère pouffa de rire, ce qui arrivait rarement. Lorsque je tournai mon regard vers elle, elle me fixait déjà. Qu'est-ce qu'elle faisait là ? Normalement, elle devrait être en train de lire les comptes rendus de tous les vêtements ayant eu lieu dans le royaume cette nuit. Après, elle devait recevoir ses conseillères. Elle n'avait généralement pas de temps à m'accorder avant le milieu de la matinée. Sauf lorsque j'avais fais une connerie. Puisque je n'étais rentrée que depuis trois heures, je doutais fortement qu'elle puisse déjà avoir quelque chose à me reprocher.
— Voyons, Maeve. On sait toutes les deux que tu n'aurais pas l'air si triste si ce n'était qu'un simple problème d'appel.
Je le dévisageai un instant, avant de détourner le regard. Triste ? Moi ? Oui, totalement. Mais si ma mère avait réussi à s'en rendre compte aussi vite, c'était que je devais de toute urgence reprendre des cours de théâtre. Je cachais mes émotions bien mieux que cela, avant.
— Ce n'est rien. Tu avais quelque chose à me dire ? lui demandai-je.
Il y avait très peu de chance qu'elle soit venue me voir uniquement pour admirer le lever de soleil en ma compagnie. Nous n'étions pas ce genre de famille, et encore moins depuis que Mike n'était plus là.
— En effet. Je viens de raccrocher avec le roi d'Estyriam.
Les battements de mon cœur se mirent à accélérer. Quel genre de conversation pouvait-elle bien avoir avec cet enfoiré ? Dray et moi ? C'était impossible. Le roi était bien la dernière personne à laquelle Dray se confierait. Il avait bien trop peur de ce que ce dernier pourrait me faire.
— Et ?
Rien dans ma voix ne laissait croire que je stressais à la simple idée que ma mère puisse être au courant de la relation que j'entretenais jadis avec Dray. C'était à moi de le lui dire si je le jugeais nécessaire un jour et sûrement pas à quelqu'un d'autre.
— La personne qui est allée raconter que tu avais tué le fils du roi était sa nièce. J'ai demandé le monopole de sa punition mais apparemment, le prince Dray a pris les rênes. Il l'a banni du continent. Dès qu'elle partira pour aller se marier, elle n'aura plus le droit de remettre un pied à Estyriam ou mermailya.
Je fronçai les sourcils. Dray avait exilé sa cousine... pour avoir dit la vérité ? Il était allé jusque là pour me protéger et m'éviter la justice estyrianne ? Ma poitrine se comprima. Hier soir, il bannissait sa cousine pour qu'elle ne puisse plus m'accuser de rien et aujourd'hui, je lui annonçais que nous ne pouvions plus nous voir ni nous adresser la parole. Une boule de culpabilité m'étreignis mais je fis de mon mieux pour que ma mère ne se doute de rien.
Le visage impassible, je me contentai de hausser les sourcils d'un air désinvolte.
— Si tu veux mon avis, il cherchait juste une excuse pour se débarrasser d'elle. Elle était insupportable.
Ma mère ne sembla pourtant pas vraiment convaincue et mon air ennuyé ne la trompa pas.
— On n'exile pas sa cousine uniquement parce qu'elle est chiante, Maeve. Surtout lorsqu'elle fomente des accusations aussi graves. Elle aurait pu déclencher la guerre.
Et quelque chose me disait que c'était justement pour ça que Dray avait saisit cette occasion pour la dégager.
— Elle m'a accusée sans aucune preuve, puisqu'il n'y en a pas. Personnellement, il ne m'en aurait pas fallu beaucoup plus pour me débarrasser d'un parasite.
Ma mère garda un silence de réflexion, les yeux posés sur moi. Très vite, je détournai le regard pour qu'elle ne puisse pas voir qu'il n'y avait pas que de la vérité dans ce que je venais de dire. D'accord, je me serais servi d'une occasion pareille, mais je n'aurais pas exilé la personne. Dans le pire des cas, je l'aurais laissé en prison pendant quelques mois pour lui apprendre la leçon. Sauf si ses actes mettaient en danger une personne que j'aimais...
— Tu veux que je te dise ce que j'en pense ? demanda ma mère.
D'un hochement de tête, je lui fis signe que oui alors que je n'avais qu'une envie, que cette discussion se termine. Je n'aimais pas le regard que ma mère me lançait. Elle ne me regardait de cette façon qu'en une seule occasion. Quand elle n'approuvait pas l'un de mes actes.
— J'en pense que si ce cher Dray a banni sa cousine, c'est pour protéger une certaine personne des conséquences que cette fausse accusation pourraient engendrer. Une personne à qui il tient énormément. Sa petite amie, peut-être ? Ou son ancienne petite amie.
Je restai bouche bée, incapable de prononcer un mot. Comment est-ce qu'elle savait ? Seule Eva était au courant. Je dévisageai ma mère, la reine, sans même trouver la force de lui dire qu'elle se trompait ou de trouver un mensonge cohérent.
Comprenant que j'essayais de penser à une réponse fausse mais plausible, ma mère secoua la tête.
— Ce n'est pas la peine de chercher à me détromper, Maeve. Je suis au courant de ta relation avec Dray depuis un petit moment.
— Comment ?
J'avais pris toutes mes précautions pour qu'elle ne se doute jamais de rien et cela faisait des mois que je n'étais plus avec lui. Pourquoi m'en parlerait-elle que maintenant ? Et comment pouvait-elle être au courant ? Eva ne m'avait pas balancée. J'en étais certaine. Mais alors...
— Tu pensais peut-être te montrer discrète, mais je me suis rendu compte que quelque chose clochait au bout de.. disons deux semaines ? Une princesse qui disparaît plusieurs heures par jour, plusieurs fois par semaine, ça se remarque facilement. Même quand sa meilleure amie essaie de la couvrir.
A plusieurs reprises, j'ouvris la bouche, sans savoir quoi dire.
— Pourquoi tu ne m'as rien dit avant ?
Un an et demi qu'elle avait connaissance de ce secret et qu'elle le gardait pour elle. Elle décidait de ne me le révéler que le jour où je prenais la décision d'abandonner Dray. Soit son timing était vraiment pourrie, soit elle l'avait prémédité. Et là, il faudrait m'expliquer comment elle pouvait être au courant du contenu de la lettre que j'avais écrite à Dray. Parce que soit elle était devin, soit elle avait un instinct de folie. Aucune de mes deux hypothèses ne me plaisait plus que l'autre.
— Je voulais attendre que tu me le dises de toi-même.
— Alors pourquoi maintenant ?
Comme rarement, elle prit le temps de chercher ses mots avant de me répondre.
— Parce que plus le temps passe, plus tu sombres. Et j'en ai marre de te voir te détruire parce que tu ne sais pas comment agir avec lui. Alors, tu veux bien m'expliquer ce qu'il s'est passé entre vous ?
Après avoir soupiré, je lui relatai l'intégralité de ma relation avec Dray. Ses yeux lancèrent des éclairs quand j'abordai le sortilège qui aurait dû m'effacer la mémoire mais elle sourit rapidement en apprenant que cela n'avait pas marché. Elle ne pipa mot jusqu'à ce que j'ai terminé. Les larmes aux yeux, je les chassai rapidement en clignant des paupières. Ma mère vint s'installer sur l'accoudoir du siège où je me trouvais et me pris dans ses bras en essuyant mes larmes.
— Son père ne sera pas éternel, Maeve. Et notre peuple peut comprendre que tu sois tombée amoureuse d'un estyrian. Alors envoi-lui un message en lui disant que tu regrettes et que tu préfères simplement attendre que son enfoiré de paternel crève comme un chien.
Surprise par ses propos virulents, je tournai la tête vers elle en fronçant les sourcils.
— L'un de ses fils a tué le mien. Je ne laisserai pas le deuxième faire de même avec ma fille.
Je souris tristement, avant de regarder mon téléphone.
Et si ma mère avait raison ?
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top