Chapitre 4
La Moonainst Academy se tenait devant moi.
La main droite serré contre la poignée de ma valise, j'observai l'établissement en masquant au mieux mon animosité. Les murs extérieurs noirs étaient moche au possible malheureusement, je n'avais pas eu mon mot à dire sur la décoration extérieure. Mes idées de rénovation de la façade avaient toutes étés rejetées par les estyrians. Ils ne voulaient pas que l'aspect authentique de cet endroit qui appartenait auparavant à un membre important de leur peuple disparaisse. Cela m'énervait encore. S'ils avaient accepté d'utiliser ce lieu pour créer l'académie, il fallait qu'ils se conforment aux changements nécessaires au réaménagement du bâtiment. Malgré mes nombreux efforts, toute modification extérieure avait été refusée.
Maintenant que je me trouvais face à l'académie et que j'avais tout le loisir de l'observer, je la trouvais toujours aussi moche. Heureusement que j'avais pu faire tous les changements que je voulais à l'intérieur. Cela rattrapait la façade noire flippante.
Quelques élèves estyrians me dépassèrent en parlant de manière assez bruyante, comme s'ils étaient tous sourds. Je les fusillai du regard et aussitôt, ils baissèrent le volume sonore.
Où se croyait-ils ? Dans un cirque ?
Je n'avais pas envie d'être ici, mais ce que je voulais n'était pas très important et surtout, personne ne devait savoir ce que je pensais réellement de cet établissement.
J'avais aidé à son inauguration, écris le règlement intérieur, donné mon accord sur certaines matières qui seront communes être mon peuple et les estyrian, recruté la plupart des professeurs, choisi l'aménagement des salles de classes, des dortoirs et même des pièces de repos. J'avais littéralement participé à tout ce qui était possible et inimaginable concernant cette académie. Il était hors de question que quelqu'un se rende compte que je ne croyais pas du tout au bien fondé de cet endroit. Ou que j'entende quelqu'un se plaindre que quelque chose ne lui allait pas. Je n'avais pas passé des journées et des nuits à parfaire cet endroit pour que, dès le premier jour, des étudiants trouvent quelque chose à redire. Encore plus s'il s'agissait d'un sorcier.
J'inspirai profondément avant de faire un pas en avant. il était temps de cesser de dévisager le bâtiment pour me rendre dans ma chambre. Il fallait que je range mes affaires avant de rejoindre les professeurs pour la réunion de rentrée. Il fallait également que je trouve le temps de me changer, alors je devais me presser si je ne voulais pas être en retard.
Ici, j'étais la représentante de ma mère. Je ne pouvais pas la décevoir.
J'avançai dans la cour du manoir en resserrant ma prise contre la poignée de ma valise. Dans un vacarme de roulette qui attirait l'attention sur moi, je tirai mon bagage moi-même, puisque je n'avais pas mes femmes de chambre pour le faire pour moi. En plus de ne plus vivre au palais, cette vie forcée à l'internat m'obligeai à me passer de mes domestiques. J'allais tout devoir faire toute seule. Comme si je savais faire mes lessives. Je n'avais jamais approché un seul appareil qui lavait le linge depuis ma naissance.
Heureusement, toutes mes autres malles avaient étés apportées en avance par les employés du palais. C'était ça de moins à monter.
Plus je m'approchai des marches menant à la portée d'entrée de l'académie, plus je reconnaissais la silhouette qui semblait m'y attendre, puisque ses yeux ne se détachaient pas de moi depuis que mon chauffeur m'avait déposé devant l'entrée. Le regard vers le sol, feignant de regarder où je posais les pieds, je fis comme si je n'avais pas vu Dray, ce qui était assez difficile. Il était planté au milieu du perron, en plein milieu de mon chemin. J'allais devoir le contourner pour pouvoir entrer dans l'école. En le contournant, je ne pouvais pas faire semblant de ne pas l'avoir vu. Il était fort...
Il n'avait rien fait, lors de la cérémonie d'inauguration. Il n'avait absolument rien fait qui aurait pu me laisser croire un seul instant qu'il regrettait la décision qu'il avait prise. Il s'était contenté de m'observer en cachette durant les quelques minutes qu'avaient duré la cérémonie d'inauguration. Absolument rien dans son comportement ne pouvait me faire croire un seul instant qu'il était toujours amoureux de moi ou qu'il voulait réparer son geste.
Il s'en fichait. Voilà ce que m'inspirait sa façon d'être. Il avait tenté de m'effacer la mémoire pour, soi-disant, mon propre bien et maintenant que la paix revenait. Il continuait de faire comme si de rien n'était.
Cela me donnait envie d'hurler. Ou de chanter.
L'un était bien plus dangereux que l'autre, surtout dans un lieu aussi fréquenté.
Je réprimai un soupir et commençai à gravir la vingtaine de marches qui se trouvaient devant moi en me battant avec ma valise. Je cessai de la faire trainer sur le sol et commençais à la portée lorsque des pas précipités vinrent dans ma direction. Je ne levai pas les yeux vers l'élève qui descendait les escaliers aussi vite. C'était sans doute un estyrian stupide qui avait oublié quelque chose chez lui et qui sortait de l'enceinte de l'école pour faire venir cet objet à lui d'un sortilège.
C'était une règle que je m'étais plu à rédiger.
Tout estyrian, s'il ne le fait pas dans un cours, se voit interdire l'usage de la magie dans l'enceinte de la Moonainst Academy.
J'étais curieuse de voir ce qu'ils savaient faire sans magie. Pas grand-chose, à n'en pas douter.
— Tu as besoin d'aide ?
L'espace d'une seconde, je restai figée sur les marches. Pourquoi Dray venait-il me voir ? Passer mes journées à l'avoir dans mon champ de vision serait déjà bien assez déchirant pour moi sans qu'il ne vienne m'adresser la parole. S'il se mettait à m'adresser la parole et à se comporter comme si de rien n'était avec moi, je n'allais pas m'en sortir. Je me souvenais de tout, même s'il n'en savait rien. Cette situation était presque plus dure à vivre pour moi que pour lui. Je n'avais franchement pas besoin qu'il vienne jouer au diplomate. Je me repris assez vite pour qu'il ne puisse pas saisir ma réaction et posai sur lui un regard que j'essayai de rendre meurtrier.
— J'ai l'air d'avoir besoin d'aide ? cinglai-je.
Il fit mine de réfléchir quelques instants. Il me dévisagea, puis observa mon bagage, avant de secouer la tête de droite à gauche. Il paraissait presque heureux que je l'envoie balader.
— Non. J'essaie simplement de me montrer aimable.
Je roulai des yeux. Il pensait vraiment que j'allais le laisser m'aider comme si j'étais une damoiselle en détresse ? Je ne le laissais déjà pas faire lorsque nous étions ensemble, ce n'était pas pour accepter maintenant. Je ne lui fis bien sûr pas la remarque.
— Je peux très bien me débrouiller seule.
Je continuai à monter les marches, et il me suivit sans se départir de son sourire. Ce sourire qui me rappelait tant de souvenirs... Je ne pus m'empêcher de lui jeter des regards en biais. Je ne comprenais pas à quoi il jouait. Comment pouvait-il paraître heureux au vu de la situation ? Tout cela me dépassait. Je cessai de le regarder et fixai les marches devant moi sans porter plus d'attention à Dray. Il finirait bien par me laisser tranquille, si je l'ignorais. En tout cas, cela fonctionnait avant que l'on sorte ensemble.
— Je n'en doute pas, répondit-il. Mais on doit montrer aux autres qu'on s'entend bien et pour ça, on doit s'adresser la parole.
Ce qui voulait également dire passer du temps avec lui.
Arrivée en haut des marches, je posai ma valise devant moi avant de me tourner vers lui. Puisqu'il se situait quelques marches en dessous de moi, son visage se trouvait juste en face du mien. Je l'observai. Ses cheveux blonds négligemment coiffés, ses yeux bleus, ses fossettes... Non. C'était définitivement hors de question que je joue à ce petit jeu avec lui. Je n'avais pas le cœur assez accroché pour ça.
— Je ne crois pas, non.
Il ouvrit la bouche pour défendre son point de vue mais je ne lui en laissai pas le temps.
Dray était mon ex.
Il était l'héritier d'un royaume ennemi.
Il n'avait pas hésité une seule seconde avant de m'effacer la mémoire.
Je n'allais pas le laisser croire que cela ne me touchait pas, même si j'étais censée avoir tout oublié.
— On est là pour encourager nos peuples à se mélanger et à créer des liens. Je ne me souviens pas que nous faisions partie du lot.
Il parut presque... déçu.
— Ce qui ne veut pas dire qu'on doit continuer à se... détester.
Je remarquai très vite qu'il avait hésité sur ce dernier mot. Détester. Il savait très bien que ce n'était pas le cas.
— Je ne te déteste pas. Je ne te connais pas, c'est tout.
Ce mensonge me brûla les lèvres et je remarquai un subtil changement dans sa manière de se comporter. Ses épaules se crispèrent légèrement. Il pinça ses lèvres et déglutit.
C'est ça. Souffre autant que moi lorsque tu t'es amusé à jouer avec mon cerveau et mes souvenirs.
— Et je n'ai aucune envie de te connaître, ajoutai-je. On va peut-être régner en même temps, mais ça s'arrête là.
Je tournai rapidement les talons pour ne rien voir de sa réaction. Sur le perron de l'académie, j'inspirai profondément avant d'entrer dans l'intérieur du bâtiment. Je redressai les épaules, plaçai mon habituel air hautain sur le visage et passai le seuil de la Moonainst Academy.
L'intérieur était exactement comme je l'avais demandé, sans aucune exception. Les architectes avaient suivi mes instructions à la lettre, ce qui était une bonne chose pour leur survie. Pendu au plafond, à une quinzaine de mètres du sol, un lustre en cristal illuminait le hall en entier. Le sol était en marbre blanc et les murs en faux bois. J'observai le rendu, satisfaite. Des escaliers parfaitement lustrés se trouvaient en face de moi et menaient aux différentes salles du cours, que j'avais toutes fais installer au centre du manoir. D'un point de vue pratique, c'était le meilleur choix que je pouvais faire. Pas besoin de traverser la moitié des bâtiments pour se rendre d'un cours à l'autre, les salles seraient l'une à côté de l'autre. Sur ma droite, le couloir menant à l'internat des estyrians était plein à craquer de sorciers et sorcières qui cherchaient à savoir où se trouvaient leurs chambres. Des valises flottaient dans l'air, signe que certains utilisaient leurs pouvoirs pour rendre leur arrivée plus agréable. Un sourire narquois étira mes lèvres tandis que je demandai à un surveillant de me rejoindre d'un geste de la main. Le jeune homme, d'environ trente ans, était sans aucun doute un estyrian. Jamais un membre de mon peuple ne pourrait être aussi moche.
— Princesse Maeve. Il y a un problème ? s'enquit-il.
L'animosité contenu dans sa voix ne m'étonna pas. Les employés venant du royaume voisin allaient avoir du mal à accepter que je puisse leur donner des ordres lorsque je le voulais. Je lui désignai les sorciers qui faisaient usage de leur magie.
— La magie est proscrite en-dehors des cours et ses étudiants sont en train de bafouer les règles.
Le surveillant ne fit absolument aucun effort pour cacher sa désapprobation. Je croisai les bras sur ma poitrine et attendit patiemment qu'il aille remettre les estyrians à leurs place. Il ne le faisait pas de bonne volonté, cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. Un nouvel élève entra dans le hall d'entrée et je sus de qui il s'agissait avant même de me tourner vers lui.
— Tu rappelleras à tes sujets que je n'ai pas écris le règlement pour qu'il se torchent le cul avec, lançai-je à Dray.
Sans même attendre de réponse, je me dirigeai vers l'escalier central. Ma chambre se trouvait à l'étage juste au-dessus des salles de cours, et il était temps que j'aille y poser mes affaires. Juste avant de partir, je m'assurai que l'estyrian faisait bien son travail et remarquai avec satisfaction que Dray obligeait tous ses sujets à porter leur bagage sans utiliser le moindre sortilège.
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