Chapitre 32
— Reine Maeve, se moqua Eva.
Levant les yeux au ciel, je lui donnai un coup de poing sur l'épaule pour qu'elle arrête de se moquer de moi. Elle s'amusait à m'appeler Reine Maeve depuis que nous étions rentrées de la caverne et du rituel et, même si c'était vrai que j'allais reine, c'était insupportable. Sans compter que ce n'était pas de cette façon qu'on s'adressait à une souveraine.
— On dit Votre Majesté, quand on est polie, la repris-je.
Eva me fixa en fronçant les sourcils, avant d'exploser de rire. Incapable de garder mon sérieux, je rigolai à sa suite. Je n'avais pas entendu ce son sortir de ma bouche depuis si longtemps que je trouvais ça bizarre. Ses derniers jours, je n'avais pas vraiment eu l'occasion de rire de la sorte, et me lacher comme ça me faisais du bien. Assise sur mon lit, j'arrêtai de me marrer en reprenant mon souffle, avant de rejeter la tête en arrière et de me laisser tomber sur le matelas. Ma meilleure amie s'affala à mes côtés quelques secondes plus tard, toujours hilare.
— Il faut que tu rigoles plus souvent, Maeve, lança-t-elle une fois calmée. Tu manques de cardio.
Pour la forme, je la fusillai du regard, bien que j'étais d'accord avec elle. Depuis que j'étais arrivée à la Moonainst Academy, je n'avais pas beaucoup l'occasion de rire. Sans compter que rester assise sur une chaise à longueur de journée ne m'aidait pas vraiment à garder la forme. J'aurais dû ajouter du sport à la liste des matières obligatoires.
Puisqu'elle était venue me voir pour ça, elle attrapa à bout de bras son sac de cours et fouilla un instant à l'intérieur avant de me tendre un paquet de feuille. J'eus envie d'abandonner rien que de les voir.
— Il y a tout ce qu'on a fait en cours depuis que t'es partie, m'annonça Eva.
Je dévisageai la pile comme si elle allait me mordre, ne comprenant pas comment c'était possible de faire autant de choses en aussi peu de temps.
— J'ai loupé que deux jours, lui fis-je remarquer.
Son tas paraissait faire le double de ce que l'on écrivait habituellement en une semaine. Elle se fichait de moi. Je ne voyais que cela.
— Je sais, rétorqua Eva.
Du bout des doigts, j'attrapai les feuilles et les observai avant de secouer la tête. Ils ne pouvaient pas faire autant en à peine seize heures de cours.
— Très drôle, commentai-je. Et sinon, qu'est-ce que vous avez vraiment fait pendant que j'étais pas là.
— Je plaisante pas, Mae. Les profs estyrians ont profité de ton absence pour tripler la vitesse à laquelle ils énoncent leurs cours. On est tous complètement paumés dans ces matières. Mis à part les sorciers, bien sûr.
Je serrai les poings. Apparemment, certains n'avaient pas attendu longtemps pour faire preuve de favoritisme. Ça allait changer dès que j'allais revenir, ce qui ne saurait tarder. A cette idée, je perdis le peu de bonne humeur que j'avais récupéré depuis que j'avais réussi le test d'Ursala sans même avoir besoin d'aller jusqu'au bout. Un retour à la Moonainst Academy ne me tentait absolument pas. Cela signifiait me retrouver de nouveau à proximité de Dray, et je n'en avais pas envie du tout. Ou plutôt, j'en avais bien trop envie.
Je voulais savoir ce qu'il allait me dire pour justifier son appel de l'autre jour. Je voulais savoir comment il allait se comporter en ma présence et s'il se souvenait de la conversation que l'on avait eu. Même s'il y avait énormément de chances que je n'apprécie pas ce qu'il allait me dire.
— Maeve, tu pourrais revenir sur terre ? m'interrogea Eva en me secouant l'épaule.
Je posai mon regard sur elle, sortit de mes pensées par ses paroles. Je n'avais pourtant aucune idée de ce dont elle me parlait juste avant, puisque je ne l'avais pas entendue. Voyant que j'étais complètement perdue dans cette conversation qu'elle avait seule, Eva souffla. J'avais l'air de la dépiter.
— Au moins, tu ne fais pas semblant de savoir de quoi je parlais.
Rapidement, elle ramassa ses affaires, sous mes yeux écarquillés. Pourquoi partait-elle ? Ce n'était quand même pas seulement parce que j'avais arrêté de l'écouter pendant quelques secondes ? Apercevant le questionnement dans mon regard, ma meilleure amie m'adressa un sourire qui se voulait rassurant.
— Non, je ne me casse pas uniquement parce que tu as la capacité d'attention d'un poisson rouge. Les cours commencent dans une heure et on n'a pas dormi de la nuit. J'aimerais bien faire un petit somme avant d'aller en potions. On a pas toutes le droit à des vacances.
Je grimaçai devant la teneur de mes soi-disant vacances. J'aurais préféré rester à Moonainst plutôt que de supporter ce que j'avais enduré depuis le début de la semaine. Les images que j'avais vu lors de ma rencontre avec la déesse ne voulaient pas quitter mes pensées. La mort de mon frère et le moment où Dray ne m'avait pas effacé la mémoire tournait en boucle dans ma tête, sans que je ne comprenne pourquoi Ursala avait décidé de me montrer cela.
Je me redressai sur mon lit en m'étirant.
— On échange de place quand tu veux, lui proposai-je.
Ce fut à son tour de grimacer. Elle n'appréciait visiblement pas l'idée.
— Tu sais quoi ? Je préfère ma vie.
Je haussai un sourcil, prétendant être étonnée par sa réponse.
— Ah oui ? T'es sûre ?
— Ouais. Je préfère devoir faire le deuil de mon meilleur ami plutôt que de mon jumeau et de mon couple.
Je me renfrognai devant ce manque de délicatesse et Eva rentra la tête dans les épaules un instant, avant de faire comme si de rien n'était. Devant ma moue scandalisée, elle ramassa son sac et haussa les épaules.
— Quoi ? C'est vrai.
Elle s'approcha ensuite rapidement de moi, déposa une bise sur chacune de mes joues et se dirigea vers la sortie de ma chambre. Je la regardai partir et, une fois seule, je me tournai vers ma fenêtre. La lune était déjà en train de se coucher alors qu'elle était haute dans le ciel lorsqu'Eva et moi nous étions rejoints dans ma chambre après le rituel. Nous avions passé plus de la moitié de la nuit à parler. J'allais avoir du mal à récupérer toutes ses heures de sommeil mais, bien loin d'avoir envie de dormir, je me levai et me dirigeai vers ma penderie. Là, la première chose qui attira mon attention fut la couronne que j'avais gagnée en réussissant le test étrange de la divinité. Je passai mes doigts dessus, avant d'attrapai un pull qui se trouvait juste à côté. Je l'enfilai par-dessus la robe que je n'avais toujours pas prit la peine d'enlever et sortit de ma chambre.
Une quinzaine de minutes plus tard, je me trouvais au cimetière. En route pour la tombe de mon frère, je ne croisai pas âme qui vive en cette heure bien matinale compte tenue de l'heure à laquelle c'était terminé le rituel. Les mains dans les poches de mon pull, j'étais presque arrivée lorsque j'entendis une voix non loin de moi. Sourcils froncés, je m'arrêtai, cherchant à savoir qui et où se trouvait la personne qui troublait la tranquillité de l'endroit. Il n'y avait que les tombes de la famille royale, ici. Hormis ma mère et moi, personne ne devrait venir dans cet endroit. Et ce ne pouvait pas être ma génitrice. Elle ne pleurait pas en public. Jamais.
A pas de loups, je m'avançai, et ce que je découvris pesa sur mon cœur. C'était bien ma mère qui pleurait, à genoux devant la tombe de mon père. Je déglutis devant ce spectacle, me demandant comment réagir. Je ne pouvais pas la laisser comme ça, mais je ne voulais pas la déranger.
— Maeve a réussi, susurra ma mère. Elle a passé l'épreuve d'Ursala sans même avoir besoin de chanter. Tu l'aurais vue. Elle était magnifique. A peine avait-elle ingérer la poudre que les perles prenaient en intensité. Je n'avais rien vu d'aussi beau depuis la naissance des jumeaux.
Elle marqua une pause, pendant que je rebroussai lentement chemin. J'espionnais ma propre mère. Ce n'était pas digne de la confiance qu'elle m'accordait.
— J'ai l'impression qu'elle est en train de sombrer, continua ma mère, ce qui me poussa à m'arrêter.
Est-ce qu'elle parlait de moi ?
— Elle a perdu toute sa joie de vivre depuis que Mike est venu te rejoindre... Je ne sais pas quoi faire pour l'aider à remonter la pente. Elle fait comme si tout allait bien à chaque fois qu'elle se trouve en public, mais je vois bien que ce n'est qu'une apparence. Je n'arrive même pas à lui en parler. Qu'est-ce que tu ferais à ma place, mon amour ?
Les larmes aux yeux, je m'éloignai.
— Tu ne peux rien faire, maman, murmurai-je. Je suis la seule à pouvoir me reprendre en main.
Et j'allais y arriver, même si c'était de plus en plus difficile à mesure que les jours passaient.
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