Chapitre 31
Le jour J était arrivé. Il était temps pour moi de participer au rituel des Perles qui déterminera si je suis apte à gouverner ou non. Le cœur lourd de me retrouver à cette place alors qu'elle revenait à mon frère, je fixais l'espace devant moi sans rien montrer de ce que je ressentais. Ce n'était pas le moment de me laisser aller. Des centaines de regards étaient rivés sur moi.
La caverne dans laquelle je me trouvais actuellement était la seule dans tout le royaume qui permettait d'accueillir à la fois mon espèce et celle des sirènes aquatiques. Elle possédait à la fois une poche d'air pour permettre aux mermailyainnes de respirer et un accès immergé à l'océan pour que le peuple de l'impératrice puisse venir jusqu'à nous.
Tout autour de la grotte se trouvait des gradins où mon peuple avait prit place. Vers le centre, une trouée d'eau de mer permettait aux sirènes de nous rejoindre. Le bassin était bondé de jeunes femmes pressées de savoir si j'allais ou non passer le test. A l'intérieur du bassin se trouvait une plateforme en pierre, sur laquelle j'allais passer le test. Ma mère s'y trouvait et m'y attendait, mais ce n'était pas encore le moment pour moi d'y aller.
Des centaines de perles étaient disposées partout autour de nous, montrant très bien la raison pour laquelle nous étions tous rassemblés ici. Le rituel des Perles.
Actuellement, je me trouvais devant l'entrée de la caverne. Vêtue d'une robe lavande assez décolletée, allant jusqu'à mes chevilles, échancrée sur le devant, j'attendais que ce soit à mon tour de me rendre au centre de la caverne. La pleine lune s'élevait peu à peu dans le ciel, illuminant l'intérieur de l'espace. Sa lueur se reflétant sur l'immense quantité de perles argentées présentes dans la caverne. Des rayons de lumière grise se répercutèrent sur toute la caverne, rendant les liens magiques, et me signalant qu'il était temps pour moi de commencer le rituel. Prenant une profonde inspiration, je m'avançai vers le centre de la grotte, pieds nus sur la pierre froide qui recouvrait les lieux. Les bras le long du corps, je regardais devant moi sans me détourner de mon objectif. Je ne portai aucune attention aux mermailyainnes qui étaient venues voir le rituel, ni aux sirènes qui pataugeaient tranquillement dans le coin d'eau. Je jetai un simple coup d'œil à Eva, qui était au premier rang, et qui m'encouragea d'un hochement de tête. Je lui adressai un sourire discret avant de m'aventurer sur la passerelle qui menait au centre de la caverne. A la plateforme où se trouvait la couronne qui deviendrait mienne si je réussissais le rituel. Elle était magnifique. Forgée en or et surmontée d'un diamant, je la trouvais même plus belle que celle de ma mère.
Je détournai mon regard du diadème pour le poser sur ma mère, qui m'observait m'approcher avec les yeux emplit de fierté. L'impératrice se trouvait à côté d'elle, assise sur le sol, sa nageoire dans l'eau. Ariela, à qui je n'avais pas adressé la parole depuis ses propos sur mon frère, se tenait à quelques mètres de sa mère, presque totalement immergée.Seuls ses yeux sortaient de l'eau et me lançaient des éclairs. J'ignorai totalement la sirène, préférant me concentrer sur ce que je devais faire. Ce n'était pas compliqué, alors pourquoi je sentais mon coeur se mettre à battre de plus en plus fort alors que je m'arrêtais devant ma mère ? Je n'avais qu'à chanter. Je faisais cela presque tous les jours depuis ma naissance. Pourquoi cette fois serait-elle différente des autres ?
Parce que l'avenir du royaume se jouait.
Les mains jointes dans le dos, j'attendis la suite des évènements sans montrer mon stress. Tout se passerait bien. Il n'y avait absolument aucune raison que je ne réussisse pas le rituel.
Je fixai ce qu'il se trouvait devant moi et que j'avais du mal à percevoir depuis l'autre bout de la caverne. Une colonne de pierre s'échappait de la plateforme et montait jusqu'à hauteur de ma poitrine. Deux choses étaient déposées dessus. La couronne qui n'allait pas tarder à m'appartenir et une poudre bleuté qui, apparemment, me permettrait de parler à notre divinité. C'est elle qui devait décidé si j'étais ou non capable de devenir reine. Soit je réussissais son test, soit je perdais ma voix. Personne n'avait jamais vu une sirène incapable de chanter. Si je devenais privée de ma voix, je pouvais dire adieu à tout. Le trône, ma vie au palais, et même Mermailya. Et là, je serai officiellement la pire princesse mermailyainne de tous les temps.
Je secouai la tête afin de sortir ses pensées de mon esprit.
Tout allait bien se passer.
J'étais la future reine du royaume, et il était hors de question qu'une déesse qui n'existait même pas prétendre le contraire.
L'impératrice Athéna se tourna vers moi, sourire aux lèvres bien que je discerne un peu de pitié au fond de ses prunelles. Je me retins de lever les yeux au ciel. Je faisais de mon mieux pour oublier que Mike devrait être à ma place et il suffisait que la sirène pose son regard sur moi pour foutre mes efforts en l'air. Je failli lever les yeux au ciel, mais me retins. Ce n'était pas vraiment le moment de laisser mon mauvais caractère se manifester. Je devais prouver que j'étais apte à devenir reine, pas que j'étais insupportable et susceptible.
Ma mère leva la main pour demander le silence. L'assemblée entière se tut et le poids des regards de l'assistance entière sur ma nuque me fit déglutir. Je serrai mes lèvres l'une contre l'autre en faisant comme si de rien n'était, bien que je sentais mes mains commencer à trembler contre mon corps. Brièvement, je serrai les poings pour me redonner contenance. Ma mère s'aperçut de ce geste et me lança un regard qui se voulait sans doute encourageant.
Le silence s'éternisa pendant de longues minutes, jusqu'à ce qu'un nuage passe devant la lune et bloque sa lumière, plongeant ainsi l'intégralité de la caverne dans le noir. Seules les lueurs très faibles venant des perles disséminées un peu partout rompaient cette obscurité, mais ce n'était pas suffisant pour nous permettre de voir quelque chose.
La lune cachée par les nuages fut le signal de départ du rituel. Ma mère se déplaça légèrement et prit mes mains dans les siennes avant de se mettre à parler.
— Chères sirènes, c'est un immense honneur de toutes vous voir réunies pour cet évènement si spécial.
Sa voix porta dans toute la caverne sans qu'elle n'ait besoin de faire d'efforts afin de se faire entendre.
— Aujourd'hui, il est temps pour le royaume de Mermailya d'honorer sa princesse en lui permettant de passer sous l'œil attentif d'Ursala, notre déesse sacrée. Tous les dix ans, la lune et cette grotte se retrouvent dans un alignement parfait, permettant à l'esprit de notre divinité de remonter du fond de l'océan pour se pencher sur l'héritière du trône. Il est temps pour Maeve de prouver qu'elle est digne de régner sur notre beau royaume.
Elle s'éloigne de moi et, même si je ne la voyais pas faire, sut qu'elle me désignait la poudre étrange qui trônait à côté de ma couronne.
— Maeve, il est temps pour toi de communier avec Ursala. Avale cette poudre et puisse-tu rencontrer notre déesse comme l'on fait tous tes ancêtres avant toi.
J'attrapai la substance entre mes doigts, puis lançai un rapide coup d'oeil vers le trou de la caverne.
— Je le fais pour toi, Mike, murmurai-je si bas que personne ne m'entendit.
Je portais la poudre à mes lèvres et perdit connaissance.
Je me réveillai en ayant l'impression de flotter. Nul sol ne se trouvait sous mes pieds, et nul mur en pierre ne se tenait au-dessus de ma tête. Je flottais littéralement dans le vide, une unique lueur argentée me permettant de ne pas me retrouver totalement dans le noir. Je regardais autour de moi sans rien apercevoir. J'étais littéralement seule au milieu de nulle part. Je tentai de marcher mais ne pu faire que du surplace, n'arrivant à trouver aucun appui puisqu'il n'y avait rien sous moi. Je soupirai en me retenant d'insulter Ursala. En même temps, qu'est-ce que je pouvais attendre d'une divinité qui n'existait même pas ?
— Je te trouve bien effronté, petite princesse.
La voix provenait de derrière moi. Je me retournai sans rien apercevoir, le cœur battant la chamade. C'était flippant. La même voix me parvint alors de la direction que je regardais quelques secondes auparavant.
— Tu es belle, cela ne fait aucun doute. Tu mérites ton titre de princesse, à ce niveau. Sans doute l'une des sirènes les plus belles que je n'aie jamais vue.
Je tournai sur moi-même afin d'essayer d'apercevoir la personne qui me parlait. Je n'aperçus qu'une ombre, qui disparue aussi vite qu'elle était arrivée. Je fus pourtant certaine d'avoir deviné des nageoires. Une sirène.
Ursala.
— Mais la beauté seule ne fait pas la reine. J'ai vu passer devant moi des centaines de sirènes de tous âges et souvent, les plus belles ne sont pas dignes de porter une couronne.
Elle marqua une pause, avant de reprendre. La déesse continuait de se cacher de sorte à ce que je ne la vois pas, ce qui m'agaçait. Ne voulant pas me ridiculiser en la cherchant sans cesse du regard, je croisai les bras sur ma poitrine dans une posture que je voulais déterminée et regardai droit devant moi.
— Être belle ne suffit pas à te rendre digne du trône. Nous allons voir tout de suite si tu l'es réellement ou non.
La maigre lueur qui me permettait de ne pas être plongé dans le noir disparue. Sous mes pieds, des milliers de perles apparurent. Au centre de cet amas, un trou rempli d'eau se dévoila. Des images se matérialisèrent à l'intérieur et ma vie défiler devant moi. La première chose que je vis fut Mike. Le visage souriant de mon frère provoqua en moi un sanglot que je réprimai de mon mieux, sans pourtant y parvenir complètement.
— Mike, reprit la déesse. C'est lui qui devrait se trouver devant moi aujourd'hui. Le prince parfait. Il aurait fait un très bon roi, mais il est mort en voulant protéger votre royaume.
Je sentis des larmes s'agglutiner dans mes paupières. Que cherchait la déesse avec ses images ? Me faire comprendre que je n'étais pas digne de me présenter devant elle ? Si c'était ça, ces visions étaient inutiles. Je savais très bien que je ne méritais pas de prendre sa place sur le trône. Ce rappel ne servait à rien.
De nombreux moments joyeux que j'avais vécu avec mon frère défilèrent devant mes yeux sans que je n'en comprenne l'utilité. Puis, le moment de sa mort. Je m'étouffai avec l'air que je respirais et le sanglot que je ne parvins pas à retenir résonna en un écho très désagréable. Je tombai à genoux en revoyant le frère de Dray lancer un sort mortel à Mike, qui ne parvint pas à l'éviter.
Les perles se matérialisèrent juste sous mon corps, me rapprochant un peu plus de cette vision que j'essayais d'enfouir en moi depuis plus d'un an. Je tendis ma main vers la surface. L'image de mon frère se brouilla et ce fut le deuxième homme de ma vie qui apparut.
— Dray, lança la déesse. Prince estyrian. Je suis étonnée de voir que l'une des membres de mon peuple ait pu tomber amoureuse d'un sorcier. C'est assez cocasse.
Mon coeur se serra. Si la déesse était au courant de cela, j'étais fichue. Jamais elle n'accepterait de bénir une sirène qui était sortie et qui avait couché avec l'ennemi. Je serrai le poing contre l'une des perles. J'allais finir privée de ma voix et obligée de quitter ma famille. Des images de mes souvenirs avec Dray défilèrent, comme quelques secondes auparavant avec ceux de Mike, me provoquant des haut-le-cœur. Je ne voulais pas voir ça. Je n'en avais pas besoin. Je fermai les yeux, ne supportant pas de revoir tous ses moments heureux avec mon ancien petit ami.
— Vous formiez le couple le plus harmonieux que je n'ai jamais vu.
Le sol, si l'on pouvait l'appeler comme ça, changea sous mes genoux. Je rouvris les paupières, constatant que je me trouvais maintenant assise sur du sable chaud. Devant moi se tenait une silhouette. Lorsque je levai les yeux sur cette inconnue à la nageoire écarlate, je fis face à une femme aux yeux bleus océans.
— Ursala, marmonnai-je.
La sirène hocha la tête et me tendit la main. Je l'attrapai, et elle m'attirai vers elle, dans l'océan aux neaux noirs qui se trouvait derrière elle. Je la suivis sans résister, bien incapable de faire quoi que ce soit après ce que je venais de voir. J'étais bien trop bouleversée.
— Tu es l'une des sirènes les plus tourmentée que je n'ai jamais vu, commenta la déesse en m'entraînant dans l'eau. La mort de ton frère, ta relation avec le sorcier... Tout cela causera ta perte... ou ton salut. C'est certain. Tu seras la meilleure reine que Mermailya ait connu, ou la pire. La décision ne dépend que de toi.
Alors que j'allais lui demander ce qu'elle entendait par là, elle me noya.
Je rouvris les yeux, un cri de peur au fond de la gorge. Devant moi se tenaient ma mère et l'impératrice, qui me regardaient toutes les deux en souriant. La lune n'était toujours pas visible, seules les perles fluorescentes éclairaient encore l'endroit. Cette constatation me fit froncer les sourcils, les perles devraient être éteintes. Je n'avais pas encore chanté.
Des larmes coulaient sur les joues de ma mère, chose que je n'avais jamais vu. Athéna, elle, semblait fière de moi et même Ariela ne me fusillait plus du regard.
— C'est la première fois depuis des siècles que les perles s'illuminent sans que l'héritière n'ait besoin de chanter, m'apprit l'impératrice.
Ma bouche s'ouvrit en un o de stupéfaction pendant que je tournais sur moi-même. L'intégralité des perles éclairait la grotte.
Ma poitrine se contractant alors que, derrière moi, ma mère posait ma couronne sur le sommet de ma tête.
— Agenouillez-vous devant la princesse Maeve, clama l'impératrice.
Je regardai devant moi en souriant.
J'allais devenir reine.
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