Chapitre 26

Les jours passèrent bien trop rapidement à mon goût et la fin de semaine arriva. Dans quelques heures, il sera temps pour moi de quitter la Moonainst Academy pour plusieurs jours.

J'étais impatiente de pouvoir quitter l'école pour une durée indéterminée. Je ne supportais plus l'ambiance qui y pesait, encore moins lorsque Dray était dans les parages. Depuis que j'avais eus la mauvaise idée de le laisser me prendre dans ses bras, il paraissait penser que quelque chose était de nouveau possible entre nous. Il me souriait à chaque fois qu'il me croisait et tentait d'entamer des conversations, chose que je refusais à chaque fois. Je ne voulais rien, avec lui. Pourquoi ne voulait-il pas le comprendre ? Son obstination m'énervait. Au moins ne semblait-il plus si bouleversé par la mort de son demi-frère. Je ne l'avais plus revu alcoolisé depuis le jour où j'avais été obligée de le mettre au lit. C'était toujours ça de gagné.

S'il avait fallut que je subisse ses paroles amoureuses de mec bourré toute la semaine, il était clair que je n'aurais pas tenu.

J'avais bien assez à faire avec les évènements qui se préparaient actuellement au château. Nos cousines des mers arriveraient demain soir au plus tard et, même si elles ne pouvaient pas loger dans le château, leur arrivée causait un réel remue-ménage. Les préparatifs du rituel demandaient beaucoup d'efforts également, alors les servantes n'avaient pas une seconde à elles. Quant à moi, je devais m'assurer d'être fin prête pour ce fichu rituel... Mon regard dériva sur le cadre de ma table de chevet et je m'en approchai, les larmes aux yeux. Je l'attrapai et fixai le cliché de mon frère en sentant mon coeur se déchirer un peu plus. Je reposai le cadre avant de craquer et me tournai vers ma valise. Elle était prête depuis un bon moment, maintenant. Il ne me restait plus qu'à l'amener à l'entrée des appartements pour que l'une des femmes de ménage la dépose dans la voiture que j'allais prendre pour rentrer, mais je ne pouvais pas sortir de ma chambre.

Premièrement, parce que mes yeux étaient rouges d'avoir pleuré. J'étais une véritable fontaine, ces derniers temps, et même Eva ne parvenait pas à me remonter le moral.

Deuxièmement, parce que Dray se trouvait dans la pièce commune. Je ne le fuyais pas ! J'essayais simplement de le croiser le moins possible. Ce n'était pas la même chose.

Toujours était-il que je n'avais plus que dix minutes pour aller déposer ma valise, et qu'il allait bien falloir que je sorte de ma chambre un jour. Un soupir au bord des lèvres, je vérifiai rapidement que les traits de mon visage ne faisaient pas trop pitié avant d'attraper la poignée de ma valise. J'allais forcément devoir sortir, alors autant me débarrasser de cette tâche maintenant.

Sans prêter la moindre attention à Dray bien que je sente son regard rivé sur moi je me dirigeai vers la porte. Je n'avais fait que deux pas qu'il mit sur pause le programme qu'il visionnait pour se tourner vers moi.

— J'ai entendu dire que tu rentrais chez toi, ce soir, lança Dray.

Puisque me saluer ne servait à rien, il entrait directement dans le vif du sujet. Il espérait sans doute initier une discussion quelconque entre nous. Je me contentai donc de l'ignorer, préférant déposer ma valise à l'entrée de la pièce. Je n'avais, à vrai dire, pas besoin d'emmener d'affaires avec moi. j'avais absolument tout ce dont j'avais besoin au palais. Il a avait cependant certaines choses que je ne voulais pas laisser ici, et d'autres avec lesquelles je n'allais même pas revenir.

Les pulls de Dray, par exemple. Ils allaient retourner dans mon dressing et y rester pour y prendre la poussière durant de longs mois. C'était bien trop risqué de les amener à l'académie, et j'aurais dû m'en douter depuis le début.

Je fis demi-tour afin de rentrer dans ma chambre quand, du coin de l'œil, je vis Dray se lever. Je sus ce qu'il allait faire avant même qu'il ne commence à s'approcher de moi. Prenant les devants, je me tournai vers lui avec un air que j'espérais assez antipathique pour qu'il me laisse tranquille.

— Non, je ne veux pas te parler. Ça répond à ta question ?

Il s'arrêta, bouche bée. Il s'apprêtait à dire quelque chose mais se ravisa au dernier moment. Un court instant, Dray garda le silence avant de reprendre.

— En fait, j'allais seulement te demander pourquoi tu partais.

Je le dévisageai sans rien dire, alors il en rajouta une couche.

— Et si tu voulais que je te prenne les devoirs.

Il aurait pu trouver mieux, comme prétexte. Il dut s'en rendre compte puisqu'il recommença à parler dans la seconde.

— Oui, non. T'as Eva pour ça.

— T'es vraiment incapable de te taire plus de cinq secondes, grondai-je.

Il se passa la main dans les cheveux en haussant les épaules.

— C'est ce qui fait mon charme.

Je retins mes paroles juste avant de le lui confirmer. A la place, je haussai un sourcil, surprise par son narcissisme. D'ordinaire, c'était les sirènes qui se comportaient de la sorte. Pas les sorciers. Les joues de Dray virèrent au rouge écarlate dans la seconde qui suivie.

— Mon peuple déteint sur toi, commentai-je.

Une grimace dégoûtée déforma les traits de son visage et je me vexai, les bras croisés sur la poitrine. Il pourrait au moins faire semblant de ne pas le prendre comme une insulte.

— Je veux juste savoir comment tu as réussi à convaincre ta mère de te laisser t'évader, m'expliqua-t-il. Même avec la mort de mon frère, mon père refuse que je rentre chez moi. J'ai même pas le droit d'aller à l'enterrement.

Hé bien. Je savais que vivre avec son père n'était pas facile tous les jours, mais de là à empêcher son fils de se rendre aux funérailles de son autre fils ? C'était un bel enfoiré.

— Et tu l'écoutes ? m'étonnai-je. C'est ton frère, Dray. Qu'est-ce que t'en a à foutre de ce que te dis ton père ?

Si ma mère m'avait interdit d'aller à l'enterrement de Mike, je n'aurais même pas pensé une seule seconde à l'écouter. S'il y avait bien une chose que ma génitrice n'aurait jamais pu m'imposer, c'était ça. Dray, sachant qu'il n'aurait jamais de réponse à sa question si nous changions de sujet de conversation, ne se laissa pas avoir.

— Alors, pourquoi tu pars ? T'en as déjà marre de me supporter ?

Mon premier réflexe fut de lui répondre par l'affirmative pour me débarrasser au plus vite de lui et pouvoir retourner déprimer dans ma chambre mais aucun mot ne s'échappa de mes lèvres. Oui, j'en avais marre de le supporter, mais uniquement parce que j'avais de plus en plus de mal à faire semblant. Ce n'était déjà pas facile de prétendre ne pas le connaître lorsque tout allait bien, alors le faire quand j'avais l'impression d'avoir du verre pilé à la place du cœur, c'était encore pire.

Je réflechis une seconde à ce que je pourrais lui dire, avant de décider que la vérité était une bonne réponse. De toute manière, l'océan allait être envahi de sirènes. Il ne faudrait pas longtemps aux estyrians pour s'en rendre compte.

— Un banc de sirènes va arriver dans la journée demain. Il faut que je sois là pour les accueillir.

Cela attisa immédiatement la curiosité de Dray et l'expression qui étira son visage me donna envie de rire. Je me retins à grand peine de ne pas le faire pendant que je pouvais presque voir les rouages du cerveau du sorcier s'activer pour tenter de comprendre les raisons de la présence de mes cousines aquatiques. Je restai là, à attendre qu'il parvienne à des conclusions sans doute fausses, au lieu de retourner dans ma chambre. Voir Dray réfléchir de la sorte était assez distrayant, puisqu'il multipliait les mimiques à chaque fois qu'il rejetait une théorie. Son petit manège dura environ trois minutes avant qu'il ne soupire en secouant la tête.

— Non, je ne vois pas. Je croyais que les sirènes détestaient nos eaux et que c'était pour ça qu'on ne les voyait jamais dans le coin.

Apparemment, il se souvenait de ses leçons. Je haussai les épaules, ne désirant pas lui en dire trop quand même. Nous n'étions plus ensemble. Cela paraîtrait trop étrange que je lui raconte les traditions de mon royaume juste pour satisfaire sa curiosité.

Claquant ma langue contre mon palais, je lui fis comprendre qu'il n'aurait rien de plus venant de moi. Aussitôt, il fit la moue et alors que je tournai les talons pour aller m'isoler dans ma chambre et continuer à redouter les événements des prochains jours, la femme de ménage qui devait venir chercher ma valise entra dans la pièce. Après une révérence destinée tout autant à Dray qu'à moi, elle attrapa la poignée de mon bagage avant de se tourner dans ma direction.

— Votre mère m'a chargée de vous prévenir que la date de la cérémonie avait été déterminée. Il se déroulera samedi.

Elle quitta la pièce sans se douter qu'elle venait de faire deux erreurs. La première, avoir parlé de nos traditions devant un sorcier. La deuxième, faire revenir au galop mon anxiété face à cet événement. Depuis des jours, je tentai de ne rien ressentir, et elle venait de tout foutre en l'air. Certaines servantes feraient mieux d'être muettes.

Je lançai une oeillade à Dray par-dessus mon épaule, et son sourire vainqueur me fit soupirer. Il était bien trop content d'avoir eut la réponse à sa question même si je ne lui avais rien dit.

— Maintenant, je sais.

Je le dévisageai. Il ressemblait vraiment à un enfant, avec son sourire débile.

— Bravo, t'es au courant pour le rituel. Non mais t'as quel âge pour te réjouir de cela ?

— Un rituel ? s'étonna Dray. C'est un terme utilisé par les sorciers, normalement.

Je roulai des yeux. Je n'étais pas au courant que les sirènes ne pouvaient pas utiliser certains mots parce qu'ils étaient réservés aux estyrians. Je n'en fis pas la remarque à Dray, sachant que cela ne pouvait que finir en dispute. Et je n'avais franchement aucune envie de m'engueuler avec lui aujourd'hui.

— Rituel, tradition, appelle-ça comme tu veux. Ça ne change rien au fait que c'est de la merde et que je suis obligée d'y participer.

Il y avait très peu de traditions chez les mermailyainnes, aussi Dray n'eut pas beaucoup de mal à savoir de laquelle j'étais en train de parler. Il lui suffisait simplement de savoir qu'une lune spéciale se levait durant tout le week-end.

Je vis dans ses yeux qu'il saisit aussitôt de quoi je parlais, et une légère lueur de tristesse ainsi que de pitié naquit dans ses prunelles. Je serrai les poings devant cette constatation. Pourquoi jugeait-il à ce point nécessaire d'avoir pitié de moi ? C'était insupportable.

— Et ça consiste en quoi, ce rituel ?

Je dévisageai Dray. Je le lui avais déjà expliqué lorsque nous étions ensemble tout en m'extasiant parce que c'était à Mike de le faire, et non à moi. Il faisait semblant de ne pas savoir, et j'allais le tuer. Il était au courant que j'avais pris la place de Mike à cause de sa mort et il m'interrogeait à ce sujet ? Je ne le pensais pas à ce point dénué d'intelligence. Sentant de nouvelles larmes poindre dans mes yeux, je le fusillai du regard pour me donner contenance.

— Pourquoi ça t'intéresse ? grondai-je. Tu prévois de te servir de l'info pour envahir Mermailya ?

Dray commença à rire, avant de se rendre compte que la situation n'était absolument pas amusante. Il se racla la gorge pour tenter de se reprendre, pendant que je croisai mes bras sur ma poitrine. S'il n'avait pas encore compris que j'étais de mauvaise humeur, il allait bientôt le découvrir s'il continuait de se comporter de la sorte.

— Désolé. C'est juste que ça m'a fait rire que tu penses qu'on veuille vous envahir. Vous avez gagné la première bataille, Maeve. On n'est pas débile. On sait que même si on voulait réessayer, on perdrait encore.

— Va dire ça à ton père, rétorquai-je. Il est assez stupide pour réessayer.

Dray se vexa légèrement, mais il ne fit pas de commentaire sur la stupidité de son père.

— Heureusement que ta mère ne l'est pas, alors.

Un sourire mauvais sur les lèvres, je me dirigeai vers ma chambre. La main sur la porte, je me tournai vers lui sans me départir de mon air hautain.

— Ça tombe bien. Si je réussis à passer le rituel, je serai déclarée apte à gouverner, et je prendrais toutes les décisions avec ma mère.

Autrement dit, toutes les provocations des estyrians seront punies. Et Dray le comprit très bien.

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