Chapitre 24 - Dray

Lorsque je me réveillai, j'étais dans mon lit, sans aucun souvenir d'être monté dans ma chambre. Sourcils froncés, la bouche pâteuse, je me redressai sur un coude pour attraper mon portable, qui se trouvait sur ma table de chevet. Là aussi, je ne me souvenais pas l'avoir posé là. La lumière provoquée par l'écran me fit reposer mon portable immédiatement. Elle me faisait mal aux yeux. Avec un soupir, je m'allongeai de nouveau en fixant le plafond. J'avais sans doute un peu trop abusé sur l'alcool, à midi. J'aurais dû écouter Blaze quand il m'avait dit de me calmer. A l'aveuglette, je cherchai un flacon de potion dans le tiroir de ma table de chevet pour tenter de faire passer ma gueule de bois. Grâce à la forme du bocal, je repérai rapidement le philtre dont j'avais besoin et l'englouti en une seule gorgée.

Au bout de quelques minutes, lorsque mon mal de crâne eut presque disparu, je récupérai de nouveau mon portable pour vérifier l'heure qu'il était. Apercevant que l'après-midi était déjà si avancé, je me redressai brusquement.

— Merde. Roy !

J'étais censé donner des cours particuliers au petit frère de Blaze, cet après midi ! Je sautai de mon lit, remarquant par la même occasion que je m'étais couché habillé. Je devais vraiment être bien alcoolisé pour aller dormir en costard. En même temps, puisque je ne me souvenais de rien...

Je me changeai rapidement pour une tenue décontractée et sortit de ma chambre en espérant que Roy l'attendait dans la pièce commune. Clignant plusieurs fois des paupières pour me faire à la luminosité du salon, je détaillai la pièce sans croiser la chevelure rousse de Roy. En revanche, je vis celle de Maeve qui, assise par terre, était penchée sur une feuille posée sur la table basse. Elle leva la tête à mon arrivée, avant de reporter son attention sur sa feuille.

C'était toujours un plaisir de discuter avec elle.

— T'aurais pas vu un roux qui donne l'impression d'avoir dix ans ? lui demandai-je.

— Il est venu mais je lui ai dis de dégager.

J'écarquillai les yeux, sans comprendre. Pourquoi aurait-elle fait ça ? Elle leva ses prunelles vertes vers moi et, voyant l'incompréhension sur mon visage, elle fit la moue en claquant sa langue contre son palais.

— Je vois mal comment t'aurais pu lui donner un cours en étant complètement bourré, asséna-t-elle.

Je grimaçai aussitôt. Alors, elle s'en était rendu compte. Ce n'était pas vraiment l'image que je désirais donner à mon ancienne petite-amie. Je redoute aussitôt ce que j'avais pu lui dire et la manière dont j'avais pu agir avec elle. Je ne me souvenais vraiment de rien à partir du moment où j'avais commencé à boire avec Blaze. Ce n'était pas étonnant puisque je n'avais aucune idée de la manière dont j'avais atterris dans ma chambre. Je connaissais la manière dont je me comporte lorsque j'étais alcoolisé, et aller me coucher sagement n'en faisait pas partie. Me connaissant, j'aurais sans doute été voir Maeve pour lui dire des choses qui n'avaient pas de sens pour elle puisqu'elle ne se souvenait pas que l'on était sortie ensemble. Je serrai les lèvres, me demandant comment je pourrais lui demander si je n'avais pas été trop chiant avec elle sans en dire trop.

— Je... heu...

Comme si elle comprenait ce que je voulais lui demander, elle leva les yeux au ciel avant de recommencer ses devoirs.

— Tu m'as remercié de ne pas avoir tué ton frère devant toi et tu m'as proposé d'essayer de tuer quelqu'un pour voir si tu étais capable de m'en empêcher ou non, avant de déclarer que ce serait dommage qu'il y ait un autre mort, me résuma-t-elle.

Ma mâchoire se décrocha. Sourire aux lèvres, elle leva rapidement les yeux vers moi pour observer ma réaction avant de ricaner.

— Si tu veux mon avis, tu devrais arrêter de te bourrer la gueule à ce point, lança-t-elle. Ce serait con que tu crée un incident diplomatique...

Toujours planté à l'entrée de ma chambre, je m'avançai vers Maeve afin de m'asseoir sur l'un des canapés. Je m'installai en face d'elle et prit ma tête dans mes mains pour me masser les tempes. Elle n'avait pas tort. Je ne supportais pas l'alcool. Je ne savais même pas ce qu'il m'avait prit pour que je boive autant. Je ne supportais pas Eryl. Sa mort ne m'affectait pas tant que ça, alors je ne comprenais pas mon propre comportement.

— T'as sûrement raison, grognai-je.

Je crus l'entendre marmonner quelque chose comme J'ai toujours raison. Je ne pus m'empêcher de sourire, reconnaissant là une phrase que j'avais entendue plus d'une fois à l'époque où nous sortions ensemble. Elle saisissait toujours la moindre occasion pour me la dire.

Inconsciente des souvenirs que faisaient naître en moi cette phrase, Maeve ne m'adressa plus la moindre attention et se concentra sur ses devoirs. Je jetai un coup d'oeil sur la feuille qu'elle tentait de remplir. j'avais du mal à lire, mais j'avais l'impression qu'il s'agissait de devoirs de potions que nous devions faire pour le lendemain. Le silence s'installa jusqu'à ce qu'un profond soupir s'échappe des lèvres de la sirène. Elle laissa tomber son stylo sur le table et s'adossa au canapé qui se trouvait derrière elle en fusillant sa feuille du regard.

— T'as besoin d'aide ? lui proposai-je.

Elle m'observa un instant, avant de hausser les épaules. Je pris cela comme une réponse positive et descendant du sofa pour aller m'asseoir par terre près d'elle. Elle me regarda faire sans rien ajouter, l'air perdue dans ses pensées.

Collée à elle au point que je la touchais presque à chaque mouvement, j'attrapai la page de devoir pour vérifier les questions qui y étaient inscrites. Je ne m'en souvenais plus, puisque j'y avais répondu le jour même où le professeur nous avait donné nos devoirs. Rapidement, je lus l'intégralité de la feuille avant de me tourner vers Maeve, surprit. Elle était en train de me fixer et se détourna au moment même où je posai les yeux vers elle. Sourcils froncés, je fis comme si de rien n'était bien que je trouvais ça bizarre. Pourquoi est-ce qu'elle me regardait comme ça ?

— T'es au courant que les questions sont super faciles ? lui demandai-je.

— Pas pour tout le monde.

Elle jeta un coup d'œil à la feuille, avant de souffler. Son visage exprimait un désintérêt total pour le cours de potion qu'elle était en train de réviser. Elle préférait observer le ciel par la fenêtre plutôt que de poser de nouveau les yeux sur moi. Son comportement m'intriguait. Pourquoi ce tel changement d'humeur ? Est-ce que je l'avais vexé en lui disant que les questions étaient trop faciles ? Je ne pensais pas. Il fallait plus que ça pour la vexer, en temps normal. Je la dévisageai de longs instants, et le seul fait qu'elle ne me fasse pas de remarque à ce sujet accentua mon idée que quelque chose n'allait pas.

Je posai la feuille sur la table et me tournai vers elle.

— Quelque chose ne va pas ?

Surprise par cette question, Maeve pivota dans ma direction sans parvenir à cacher ce qu'elle ressentait. Les sentiments que je perçus sur son visage, je ne les avais jamais vu chez elle auparavant. Elle avait des remords. Je ne savais pas ce qu'il s'était passé dernièrement, mais elle le regrettait. Qu'est-ce qui lui arrivait ?

Elle ouvrit la bouche pour parler, avant de se raviser au dernier moment. Elle se contenta de reprendre son stylo et sa feuille pour faire semblant de travailler. Je soupirai. Déjà à l'époque, elle avait du mal à se confier à moi mais maintenant, je pouvais toujours rêver pour qu'elle le fasse.

Sentant mon mal de crâne revenir à la charge, je me levai dans le but de retourner dans ma chambre. De toute manière, je n'avais rien à faire ici puisque Maeve ne paraissait pas avoir envie d'entamer une discussion digne de ce nom avec moi. Je n'avais pas franchement envie de rester là, à la regarder faire la tête. Me connaissant, j'allais vouloir la consoler et ça allait partir en vrille. Je n'avais fait que quelque pas lorsqu'elle se décida à parler de nouveau.

— Pourquoi t'as rien dit aux flics ? me demanda-t-elle.

Je lui jetai un coup d'œil par-dessus mon épaule, étonné par sa question.

— Comment tu sais que j'ai rien dis ?

Personne n'était au courant des avancées de l'enquête mis à part mon père et moi. Même la mère d'Eryl était tenue à l'écart. Ce qui était sans doute une bonne chose puisque pour elle, il n'y avait que Maeve qui pouvait être coupable. Elle était déjà prête à envoyer la garde royale aux trousses de mon ancienne petite amie.

— J'ai lu le rapport et sa mort a été classée comme un suicide.

— Comment t'as fais pour mettre la main sur le rapport ?

Bouche bée, j'étais impressionné, et presque un peu effrayé qu'elle ait réussi un tel exploit. Ce dossier était pour le moment un des mieux gardé du royaume.

— Tu veux pas le savoir. Je t'assure.

Je grimaçai, regrettant presque de comprendre. Les pouvoirs d'une sirène étaient sûrement dans le coup.

— Alors, pourquoi tu leur a pas dis que j'avais voulu le tuer ?

— Tu m'as assuré que t'y étais pour rien. Je ne voyais pas l'intérêt de leur parler de toi.

Elle resta silencieuse un court instant, avant d'expirer profondément. Quand elle releva les yeux vers moi, paraissait déjà regretter ce qu'elle s'apprêtait à me dire.

— C'est moi, tança-t-elle.

Je l'examinai, ne comprenant pas ce qu'elle voulait dire par-là.

— Comment ça ?

— C'est moi qui ait tué ton frère.

Lentement, elle se leva du sol pour se mettre debout. Les bras le long du corps, elle attendait ma réaction. Trop surpris, je ne réagis pas tout de suite. Je sentis mon visage devenir livide. Mais pourtant...

— Tu m'as promis le contraire hier soir, lui fis-je remarquer, la voix blanche.

J'avais eu du mal à la croire quand elle m'avait assurée n'y être pour rien, mais je l'avais cru. Je ne la pensait pas capable de me mentir. Apparemment, elle l'était. Je le fixai, sentant la colère monter en moi. C'est lorsque je la vis baisser les yeux vers le sol d'un air gêné que je compris qu'elle ne m'avait pas menti volontairement. Je le connaissais assez pour remarquer qu'elle se sentait coupable de m'avoir induit en erreur, hier. Les remords dans son regard venaient donc de là.

— Parce que hier, j'étais certaine que ce n'était pas moi mais j'ai appris deux trois trucs entre temps et... il se pourrait que cet enfoiré ait suivi mes ordres avant même que je n'ouvre la bouche.

Je ne tiquai même pas lorsqu'elle insulta Eryl.

— Depuis quand les sirènes savent faire ça ? m'étonnai-je.

Si les mermailyainnes avaient développé de nouveaux pouvoirs, il fallait que je prévienne mon père au plus vite. On ne pouvait pas se permettre une nouvelle guerre si nos ennemies n'avaient même plus besoin d'ouvrir la bouche pour nous soumettre à leur volonté.

Maeve haussa les épaules, fuyant toujours mon regard.

— Parait que j'ai le cœur brisé, alors je peux faire ça.

J'eus l'impression qu'une enclume écrasa chaque millimètre de mon cœur. Comment pouvait-elle avoir le cœur brisé alors que je lui avais effacé la mémoire ? Est-ce que... Est-ce qu'un autre homme serait derrière ça ? Une jalousie très mal venue m'imprégna. Elle venait de m'avouer être derrière la mort de mon frère et tout ce que je trouvais à faire, c'était être jaloux parce que quelqu'un d'autre lui avait brisé le cœur.

Je soupirai, faisant de mon mieux pour ne pas lui montrer ce que m'inspirait ses paroles.

— Si tu veux mon avis, il faut être sacrément con pour te briser le cœur, commentai-je.

Un rire hypocrite sortit de ses lèvres avant qu'elle ne plante son regard dans le mien.

— Il l'est. Je te l'assure.

Elle tourna les talons puis récupéra ses affaires afin de retourner dans sa chambre. Je la regardai faire en serrant les lèvres. Si je retrouvais ce type...

— Merci, lançai-je avant qu'elle ne ferme la porte de sa chambre.

Elle se tourna vers moi, sans comprendre.

— De m'avoir dit la vérité.

Maeve haussa les épaules, avant de se détourner.

— Pas de quoi.

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