Je n'en revenais pas que Maeve ait essayé de tuer mon frère. Qu'est-ce qui lui avait prit ? Ce n'était pas son genre...

Planté au milieu de la cour, je le regardais s'éloigner sans même essayer de m'assurer qu'elle n'irait pas rejoindre mon frère. Ce n'était plus la Maeve que je connaissais. Mon ancienne petite-amie n'aurait jamais commis un meurtre de façon si délibérée. Elle en aurait été incapable. Alors qu'est-ce qui avait changé depuis que je lui avais effacé la mémoire ? Elle savait pourtant que les meurtres effectués pendant la guerre ne demandait pas vengeance...

La main dans les cheveux, je l'observai entrer dans le hall de l'école, immobile.

J'avais immédiatement trouvé bizarre qu'Eva vienne me voir en plein milieu du bal sans raison vraiment valable, pile au moment où Maeve me faussait compagnie. J'avais écouté les dires de la sorcière pendant quelques minutes avant de me rendre compte qu'il ne manquait que deux personnes au bal. Maeve et mon frère. Il ne m'avait pas fallu longtemps pour comprendre que si je ne me dépêchais pas, j'allais retrouver Eryl en morceaux. Je ne me doutais pas un instant que j'empêcherais Maeve de le tuer.

Un orage se mit à gronder un peu plus loin dans la vallée, me faisait sursauter et me sortant de mes pensées. La pluie commença à tomber à torrent et je rentrai dans l'école, n'ayant plus rien à faire dehors. Je n'eus besoin que d'un instant pour replonger aussitôt dans mes pensées.

Maeve avait tant changé depuis que je l'avais vu pour la dernière fois. Elle paraissait toujours en colère ou sur le point d'exploser. Son habituel air hautain que je lui connaissais bien avant de sortir avec elle n'était plus le même non plus. Auparavant, ce n'était qu'une façade. Une impression qu'elle donnait pour cacher à tout le monde qu'elle n'était pas aussi froide et sans-cœur que l'exigeait son rôle de princesse. Aujourd'hui, je n'apercevais plus cette étincelle d'infériorité au fond de son regard qui me montrait qu'elle ne se sentait pas à l'aise dans ce rôle. Toute sa faiblesse semblait avoir disparue en un an et demi, et je n'étais pas certain que ce soit une bonne chose.

Elle allait tuer quelqu'un alors qu'avant, elle rechignait à marcher sur des fourmis. La seule mort de son frère ne pouvait pas l'avoir changée à ce point... Je me demandais vraiment ce qu'il s'était passé dans sa vie pour qu'il agisse de cette façon.

Je ne le saurais sans doute jamais.

Instinctivement, mes pas me portèrent jusqu'à la salle de bal, là où se trouvait la nourriture. Je plaquai un sourire factice sur mon visage et pénétrai dans la pièce, direction le buffet à volonté. Je fis intercepté par plusieurs estyriannes qui désiraient danser avec moi. Bien que je n'étais absolument pas d'humeur à roucouler avec elles, je leur promis de revenir plus tard pour leur accorder une valse. Ravies, elles me laissèrent tranquilles, me permettant de ruminer davantage.

Arrivé devant les tables pleines de nourriture, je me servis un verre d'alcool et me retournai pour examiner la pièce. Comme je m'y attendais, Maeve n'était pas revenue. Elle était sans doute partie ruminer dans sa chambre. Celia dansait avec l'un des nobles les plus en vogue du moment et j'eus beau chercher, je ne vis Blaze nul part. Où était donc passé mon meilleur ami ? J'avais besoin de me confier à lui.

— Dray !

Ma cousine, ayant terminé de faire du charme à un homme qui n'était pas son fiancé, s'approcha de moi, sourire aux lèvres. Elle fronça un instant les sourcils à la vue de mon visage abattue avant de hausser les épaules et de faire comme si elle n'avait rien vu.

— T'étais passé où ? me demanda-t-elle. Blaze m'a plantée juste après la première danse et t'avais disparu.

Les bras croisés sur la poitrine, elle tentait de me faire culpabiliser. Si elle savait qu'en ce moment, sa solitude sur la piste de danse était le cadet de mes soucis. Je me retins de lever les yeux au ciel devant ses préoccupations futiles.

— Je vois que tu n'as pas eu de problème pour te trouver un autre cavalier, lançai-je en désignant le sorcier avec qui elle venait de danser.

— Ne dis pas de conneries. J'aurais eu bien plus de prétendants si j'avais dansé avec toi. Mes fiançailles sont en train de partir en vrille. Il faut que je me trouve une solution de secours.

Je réprimai un soupir devant son discours. Mon ancienne petite amie venait d'essayer de tuer mon frère et elle me parlait de son prétendu mariage ? Même si elle n'était pas au courant de ce qu'il venait de se passer, je trouvais ça vachement déplacé.

— J'en ai absolument rien à foutre, Celia ! grondai-je.

Ses yeux s'écarquillèrent avec surprise. Cela faisait bien longtemps que je ne lui avais pas parlé sur ce ton. La musique s'interrompit et tous les regards se tournèrent vers nous. Les joues de Celia rougirent de colère à l'idée que l'attention était portée sur elle uniquement parce que je venais de lui crier dessus, mais je n'en avais rien à faire. Sa réputation était déjà à moitié fichu depuis que son fiancé avait repoussé leur mariage.

— Qu'est-ce qui te prends, Dray ?

— Tu m'emmerdes, Celia. J'ai autre chose à faire que de m'occuper de tes petits caprices.

Des éclats de rire fusèrent de parts et d'autres de la salle de bal, venant de sirènes et de sorciers heureux que j'envoie balader ma cousine.

— Arrête de jouer au dur juste parce qu'il y a du monde, Dray.

— Et toi, arrête de croire que tout le monde est à tes pieds, Celia. Tu fais chier.

Je reposai mon verre sur le buffet et tournai le dos à ma cousine sans lui laisser le temps de répliquer quoi que ce soit. Je n'étais vraiment pas d'humeur à me disputer avec elle. Il s'était passé beaucoup trop de choses ce soir pour que je perde mon temps et mon énergie avec Celia

Conscient des regards posés sur moi, je quittai la salle de bal le dos droit et la tête haute. Dès que les portes se refermèrent derrière moi, je soupirai en passant ma main dans mes cheveux et en allant m'adosser au mur.

Je n'avais qu'une envie, aller me coucher, mais je ne pouvais pas le faire maintenant. Je devais aller vérifier qu'Eryl allait bien et que Maeve n'était pas allé finir le travail. Je ne pensais pas qu'elle aille jusqu'à prendre le risque de se faire attraper en plein milieu de la tour réservée aux estyrians, mais je devais m'assurer qu'elle ne lui avait pas suggéré de se suicider ou quelque chose du genre. Après, je pourrai aller me coucher.

En espérant que ma nuit soit moins mouvementée que cette soirée et en priant pour qu'il n'y ait plus jamais de bal à la Moonainst Academy. Il était hors de question que je passe encore une soirée comme ça.

Je n'avais même pas encore atteint le hall d'entrée que des bruits de pas précipités retentirent dans la direction que j'allais emprunter. Sentant les ennuis arriver, je soupirai en m'arrêtant. Il y avait très peu de chances que j'apprécie ce qui allait suivre.

— Dray !

Blaze courut dans ma direction, l'air presque paniqué. Je fronçai les sourcils en le rejoignant, un mauvais pressentiment m'envahissant. Mon meilleur ami ne paniquait jamais de la sorte. Il s'arrêta devant moi, complètement essoufflé, à deux doigts de tomber par terre.

— Eryl vient d'être retrouvé mort. Il a sauté du haut de la tour.