Chapitre 18
Inconscient d'être suivi, le sorcier se dirigeait tranquillement vers les dortoirs estyrians. Il ne me semblait pas le moins du monde malade. Peut-être un brin alcoolisé, mais rien de plus. Il aurait très bien pu rester au bal, ce qui me faisait me demander pourquoi est-ce qu'il partait aussi tôt. Il riait à pleins poumons moins de cinq minutes plus tôt et maintenant il était trop malade pour participer à la soirée plus longtemps ? Quelque chose clochait. Ce n'était pourtant pas ça qui allait m'empêcher d'agir. Je réprimai cette vengeance depuis un an. C'était hors de question que je la remette à plus tard parce que le comportement de l'estyrian était étrange.
Tachant de ne pas faire de bruit malgré mes talons qui étaient tout sauf discrets, je cherchais un moyen de l'emmener dans les jardins de l'académie. Je ne pouvais décemment pas le tuer en plein milieu de Moonainst. Ce n'était pas discret. Les jardins ne l'étaient déjà pas totalement, mais le milieu des corridors étaient bien pire. Surtout que l'on se trouvait sur le chemin de l'internat estyrian. Il suffisait qu'un autre élève quitte le bal plus tôt pour que tout soit découvert bien trop rapidement.
Je continuai de le suivre encore de longues minutes. Il passa par le hall, et un sourire étira mes lèvres. Le couvre-feu ayant été repoussé pour la soirée, la porte d'entrée de l'académie, celle qui menait à la cour, n'était pas encore fermée à clé. Ce qui m'arrangeait. Ce n'était pas là que j'avais prévu de passer à l'action, mais c'était mieux que rien. Je cessai d'être discrète et laissai mes talons claquai sur le sol pour annoncer mon arrivée. Le sorcier s'arrêta, surprit d'entendre du bruit derrière lui alors qu'il n'entendait rien auparavant. Je m'arrêtai, bras croisés sur la poitrine. Il allait se retourner, mais je ne le laissai pas faire.
— Pas bouger, lui ordonnai-je comme je le ferais avec un chien.
Immobilisé par ma voix, il n'avait absolument aucune idée de qui j'étais, ni de ce que je lui voulais. J'adorais mon pouvoir. Peu de sirènes étaient capables de faire plier la volonté d'une personne sans avoir besoin de chanter. Je devais être la seule mermailyainne de mon âge à pouvoir le faire. Le sorcier en face de moi n'en avait aucune idée, et imaginer son visage apeuré me faisait jubiler. Mon cœur se gonfla de satisfaction à l'idée de ce qui allait suivre.
— Je sais pas qui t'es, mais je vais te faire regretter tes actes, me menaça-t-il.
Je pouffai de rire. J'aimerais bien voir ça. Comme la sirène que j'étais, je ricanai.
— Si ça te fait plaisir. Sors. Et interdiction de me regarder.
Obligé de m'obéir, il pivota sur lui-même en direction de la porte menant à l'extérieur. Je restai sur place, l'observant faire sans me départir de mon sourire. J'allais vraiment adorer la suite des évènements. Quand il posa sa main sur la poignée et l'abaissa pour sortir, je commençai à le suivre. Ses épaules se crispèrent lorsqu'il m'entendit lui emboîter le pas mais, n'ayant pas le choix, il sortit de l'académie sans essayer de me regarder. Il le voulait, j'en étais certaine. Mais mon ordre était clair. Il pourrait faire tous les efforts qu'il voudrait, il ne parviendrait à rien. Tant que je ne lui aurais pas donné d'indications contraires, il ne me jeterait pas le moindre coup d'œil.
Une à une, je fis craquer les articulations de mes doigts en m'aventurant à l'extérieur. Je fermai la porte derrière le sorcier et sortit une clé de mon sac à main. Un déclic retentit au moment où je le fis entrer dans la serrure et verrouillai derrière moi.
— Comme ça, personne viendra nous déranger.
Le sorcier tenta de se tourner vers moi et une exclamation de surprise s'échappa de ses lèvres.
— T'es la princesse mermailyainne, cracha-t-il.
Je regrettais presque de lui avoir obligé de me tourner le dos. J'aurais adoré apercevoir l'expression de peur s'emparer de son visage au moment où il se rendait compte que j'étais la personne qui le transformait en marionnette.
— Bingo ! Qu'est-ce qui t'as mis la puce à l'oreille ?
J'allais m'asseoir sur les marches menant à la cour en m'étirant, attendant une réponse bien que je m'en fiche totalement. Savoir comment il m'avait reconnue m'importait peu, surtout que j'étais presque certaine que c'était grâce aux clés. Peu de personnes avaient les clés de la porte d'entrée de l'académie. Et j'étais la seule à avoir quelque chose à lui reprocher.
— Remarque, je m'en fous totalement. Tourne-toi vers moi, enfoiré.
N'ayant d'autres choix que de m'obéir, il pivota dans sa direction. Ses cheveux blonds étaient maltraités par le vent. L'étincelle de peur que je lisais dans ses prunelles me ravissait tout particulièrement, même si je préférais que ses prunelles brillent littéralement de terreur. Ce n'était pas grave. J'avais encore du temps pour arriver à ce résultat. Ses lèvres étaient serrées de colère.
Je lui adressai mon plus beau sourire, toujours assise sur les marches du perron.
— Je vais te faire regretter d'avoir utilisé tes pouvoirs sur moi. C'est interdit, dans cette école.
Claquant ma langue contre mon palais. Pourquoi personne ne prenait la peine de retenir le règlement intérieur de cette académie ?
— Chanter est prohibé. Aux dernières nouvelles, pas la moindre note de musique ne s'est échappé de ma bouche.
Contente de la nuance que j'avais instaurée et qui était passée comme une lettre à la poste, je rejetai mes cheveux derrière mon épaule avec fierté. Je cessai cependant de me comporter de la sorte un instant plus tard. Je n'étais pas là pour me vanter de mes talents de manipulatrice. J'étais là pour venger mon jumeau. Et je n'échouais jamais.
— Qu'est-ce que tu me veux ? grogna-t-il.
J'étais étonnée qu'il ose me poser la question. Ce que je lui voulais ? Il se foutait de moi ? Avait-il déjà oublié ce qu'il avait fait à Mike ? S'il fallait que je lui rafraîchisse la mémoire, pas de problème. J'allais le faire. Mais ça ne sera pas agréable pour lui.
— Je suis sûre que tu le sais, rétorquai-je. T'es pas idiot.
Bizarrement, il comprit directement ce à quoi je faisais allusion.
— Le prince.
Je hochai la tête. Lentement, je me relevai, sans le quitter des yeux. Je le tuai du regard en m'approchant de lui. Bien qu'il fasse deux têtes de plus que moi, je ne me laissai pas démonter et levai la tête vers lui avec une expression dure. Dans ses yeux, la peur avait disparue, remplacée par ce que j'identifiai comme de la fierté. Mes poings se serrèrent.
— T'as tué mon frère. Tu croyais quand même pas que j'allais te laisser t'en sortir comme ça ?
A la façon dont il me regarda, il était clair que si. Quel naïf. Je le dévisageai de haut en bas, furieuse. Je lui balançai un regard dédaigneux avant de lui tourner le dos et de m'éloignai de quelques pas. Les mains jointes dans le dos, je levai les yeux vers la pleine lune, retenant mes larmes.
— Tu pensais vraiment qu'on allait laisser passer la mort du prince héritier ?
Je n'eus pas besoin de me retourner pour sentir la peur dans sa voix qui revenait au grand galop. Nous étions seuls dans la cour, la porte d'entrée de l'académie était fermée à clé et l'intégralité des élèves se trouvaient dans la salle de bal. A moins que je ne le laisse partir, il n'avait aucune chance de s'échapper. Je le tenais, et il le comprenait seulement.
— Tu n'as pas le droit de me toucher ! s'écria-t-il. Les crimes de guerre ne sont pas punis par la loi !
Je me retournai vers lui si vite que des points blancs valsèrent dans mon champ de vision. Je posai un doigt sur la bouche pour lui signifier de se taire, l'air navrée pour lui.
— Chut ! Chut. Arrête de crier. On pourrait t'entendre.
Dégoûtée par le contact de mon doigt sur ses lèvres, je le retirai en grimaçant et le secouai comme s'il avait attrapé la peste. La tête penchée sur le côté, j'en venais à me demander si ce que j'avais prévu pour lui n'était pas trop gentil. Il ne semblait avoir absolument aucun remord sur ses actes, ce qui scellait son destin bien plus qu'il ne le croyait.
— Et pour ta gouverne, j'ai tous les droits. C'est mon frère, que t'as tué. Les lois de Mermailya me donnent le droit de le venger de la manière qui me plaira.
Acte premier du code de la vengeance : Toute personne ayant des intérêts à venger la mort d'un proche peut le faire à condition de n'impliquer personne dans cette vengeance et de ne pas amplifier le mal qui a été commis.
Bien entendu, cette loi ne s'appliquait pas aux crimes commis pendant la guerre sinon, la moitié des mermailyains serait actuellement en train de préparer des représailles envers les estyrians. Le sorcier en face de moi n'avait pas besoin de connaître ce détail, même s'il ne vivrait pas assez longtemps pour aller s'en plaindre à qui que ce soit.
— C'était lui ou moi.
Je secouai la tête en passant ma main dans les cheveu, un rire jaune franchissant mes lèvres. L'estyrian s'aventurait sur un terrain dangereux. J'étais là. J'avais vu ce qu'il s'était passé. Et Mike ne l'avait pas menacé une seule fois. Il ne s'était rendu compte de la présence du sorcier que lorsque celui-ci avait commencé à l'attaquer.
— Un conseil. Avant de mentir, assure-toi que la personne à qui tu mens n'était pas présente sur les lieux.
Un éclair de peur traversa ses prunelles et je l'accueillis avec joie.
— A genoux. Tout de suite.
Trois secondes. Ce fut le temps que le sorcier lutta contre mon ordre. Il resta debout, tremblant, sa volonté contre ma voix. Il finit par s'écraser au sol sous le poids de mes pouvoirs, un cri s'échappant de ses lèvres lorsque ses genoux s'écrasèrent contre le béton de la cour. Je laissai mes lèvres esquisser un sourire en entendant le bruit sourd de ses os contre le sol. C'était encore plus satisfaisant lorsqu'il se faisait mal tout seul.
Il essaya de se mouvoir, mais il n'y avait rien à faire. J'étais plus forte que lui. Il n'y avait qu'une seule personne dans ce manoir qui pouvait résister à ma voix, et ce n'était certainement pas le meurtrier que j'avais en face de moi.
Les mains toujours jointes dans le dos, je fis le tour du sorcier plusieurs fois, l'examinant comme s'il s'agissait d'une bête de foire. Je finis par m'arrêter en face de lui, une moue déçue sur le visage. Le torturer n'était pas aussi réjouissant que ce à quoi je m'attendais.
— Sorcière, gronda-t-il, incapable de bouger.
Je l'observai, à genoux sur le sol, tremblant de fureur à l'idée d'être impuissant face à moi. Je secouai la tête, ravie de le contredire.
— Sirène, apprends à faire la différence.
Il me fusilla du regard, m'arrachant un éclat de rire. Je m'étirai, avant de me baisser de manière à ce que mon visage et le sien soient à la même hauteur.
— Une dernière volonté avant que je ne te crève les yeux ? lui demandai-je. Je te préviens, il y a cent pour cent de chances que je ne l'accomplisse pas.
Je me redressai en m'étirant, avant de jeter un coup d'œil en direction de l'école. Il fallait que j'arrête de traîner. Il y avait peu de chances que quelqu'un passe par-là et regarde à l'extérieur à travers les fenêtres, mais on ne savait jamais.
Eva était peut-être collante, mais elle ne parviendrait pas à retenir Dray très longtemps. Il finira par se rendre compte que ma meilleure amie ne cherche qu'à attirer son attention et il partira à ma recherche. S'il pouvait ne pas me trouver en train de torturer ou d'assassiner un membre de son peuple, cela m'arrangerait.
Je reportai mon attention sur le meurtrier de mon frère, dont je ne connaissais pas le nom, et ne prêtai aucune attention au regard haineux qu'il me lançait
— Va pourrir en enfer, diablesse.
Je haussai un sourcil. Il pouvait trouver mieux comme dernières paroles. Cela manquait franchement d'originalité.
— Non. Sirène. T'es sourd ?
Il ne faisait vraiment aucun effort. Poings serrés, je le fixai.
— Comment il s'appelle ?
Sourcils froncés, le sorcier ne comprit pas de qui je parlais. Il était vraiment idiot. Nous étions ici parce que je voulais venger mon frère et il ne saisissait pas de qui je lui demandais l'identité ? Comment un imbécile pareil avait pu m'enlever la personne qui comptait le plus pour moi ?
— Qui ?
— Mon frère. Comment il s'appelle ?
Une esquisse provocatrice imprégna les traits de son visage.
— S'appelait, me corrigea-t-il. Il est mort.
Mes traits se durcirent. Je me penchai vers lui. Mes ongles allèrent se planter dans sa poitrine et déchirèrent le tissu de sa chemise. Avec une grimace de douleur, le sorcier posa les yeux sur moi pendant que du sang commençait à s'écouler des blessures que j'étais en train de lui infliger.
— Son nom, ordonnai-je. Dis-moi son nom.
Insensible à la douleur qu'il pouvait être en train de ressentir maintenant que j'enfonçais un peu plus profondément ma manucure vers son cœur. Je ne pouvais pas le tuer de cette façon, mais je comptais bien le faire souffrir autant que possible.
Le sorcier réfléchissait à la question que je venais de lui poser, les yeux brillant de peur. Son délai de réponse m'indiqua ce que je voulais savoir. Il n'en avait aucune idée. Il ne savait absolument pas le prénom de mon frère. S'il espérait encore que je me montre conciliante après cela, il rêvait.
— Pourquoi je le saurais ? répondit-il, abandonnant toute espérance de survie. Ce n'était qu'un enfoiré. Il a eu ce qu'il méritait et si j'avais su que sa timbrée de petite sœur viendrait le venger, je t'aurais descendue aussi, princesse. Votre espèce devait être éradiquée de la planète. Vous êtes des abomin....
Je ne le laissai pas terminer sa phrase. Mes ongles s'enfoncèrent si profondément dans sa poitrine que je fus étonnée qu'il soit encore vivant. Indifférente au sang qui s'écoulait de la blessure, je laissai durer le supplice aussi longtemps qu'il me le plairait.
— L'abomination, c'est toi. Mon frère était la personne la plus gentille de ce royaume. T'as fais la plus grosse connerie de ta vie le jour où tu l'as tué.
Parce que Mike aurait fait un bien meilleur monarque que moi.
J'ôtai mes ongles de sa poitrine en chuintement dégoûtant et entrepris de sécher mes doigts dans sa veste de costard. Je ne pouvais décemment pas retourner au bal avec les mains pleines de sang. Ce n'était pas très discret.
— Alors maintenant, espèce d'enfoiré, tu vas m'écouter attentivement. Tu vas aller te coucher en oubliant l'intégralité de cette conversation. A dix heures pétantes, tu vas gravir la tour du manoir. Tu vas monter sur le rebord de la fenêtre et tu vas sauter. Mais av...
— Maeve !
Je reconnu sans aucun problème la voix qui venait de me couper la parole et de ruiner mon pouvoir.
Dray.
Je n'avais pas été assez rapide.
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