La vie d'ado
« 7h00. L'horoscope du jour. On commence avec les Verseaux, vous... ». Je coupais le présentateur radio en éteignant mon réveil. Je n'avais pas envie de me mettre à écouter mon horoscope en plus. J'avais suffisamment d'informations incroyables à traiter comme ça, il n'aurait plus manqué que j'écoute ce que l'alignement des étoiles ou je ne sais quelle bêtise me réservait pour la journée.
Je jetais un coup d'œil à mon téléphone. Pas de SMS, juste une notification pour me rappeler le DS de philo de ce matin. Voilà qui donnait envie de se lever...
Je me reprenais. « La vie continue. Il ne faudrait pas que tu te laisses submerger par tout ça ma grande ! » J'avais besoin de mon dossier pour la suite de mes études. Et comme souvent pour reprendre le dessus, je parlais tout haut. Encore une caractéristique un peu atypique ! Enfin, il me fallait encore décider quoi faire. Mes parents et ma sœur allaient sûrement me demander comment s'était passée ma nuit. J'ai toujours été très proche d'eux et je ne leur avais jamais vraiment cachés quoi que ce soit. Mais plus j'y réfléchissais, moins la carte de l'honnêteté me semblait la bonne à jouer. Après tout, je n'étais même pas sûre de ce qui c'était passé hier, et ça les aurait juste inquiétés pour rien. Et puis, il fallait que je me concentre sur ma journée, et ressasser tout ça n'allait pas m'aider à gagner des points en philo ! Je décidais donc de feindre une bonne nuit de sommeil, et de m'en tenir à cette version pour l'instant. (...)
-« Tu es sure que tu ne veux pas t'asseoir ? Tu n'as pas l'air très reposée... »
Alyssa me regardait fixement, détaillant mon expression dans l'attente d'une réponse.
Ça ne faisait que 3 minutes qu'on était montées dans le tram, et elle avait déjà réussi à me percer à jour.
-« Non, c'est bon t'inquiètes pas. J'ai bien dormi, j'ai pas l'habitude c'est tout ! » lui répondis-je en riant.
Elle me regardait toujours, l'air dubitative, mais n'insistait plus. C'est le problème quand on s'entend bien avec sa sœur comme ça, il est difficile de lui cacher quoi que ce soit. Alyssa n'a que deux ans d'écart avec moi, et elle est très mature pour son âge. Elle rentre au lycée l'année prochaine, mais elle pourrait être en terminale avec moi que personne ne s'en étonnerait. Du coup, on a toujours été proches (pas que tu ne le saches pas bien sûr!). J'étais certaine qu'elle avait compris que quelque chose ne tournait pas rond, mais aussi que je n'étais pas prête à en parler. Elle changeait alors de sujet et dérivait machinalement sur nos plannings respectifs de la journée. On discutait ainsi jusqu'à l'arrivée au collège-lycée. Comme d'habitude, on se séparait en bas de l'escalier qui devait me mener au bâtiment des terminales.
Alors que je gravissais les dernières marches, j'apercevais, à travers la vitre, Colleen au fond du couloir. J'ouvrais la porte et commençais à me diriger vers elle quand je vis Billy à son coté. Je rebroussais chemin, direction mon casier. Loin de moi l'intention de tenir la chandelle, et je n'étais pas certainement pas d'humeur à jouer à la fille sociable. Je préférais sortir mon classeur de philo pour relire l'analyse sur l'allégorie de la caverne de Platon.
8h15. La sonnerie retentit. Je levais la tête de mon classeur et me dirigeais vers ma classe. On me tapait alors sur l'épaule pour que je me retourne. Soulagée, je m'apprêtais à saluer Colleen quand je m'arrêtais instantanément. A la place d'une petite blonde, j'observais un grand brun.
-« Euh, salut Mathys. » J'essayais de paraître la plus neutre possible.
-« Hey Cléo ! Ça va? Je peux voir tes notes de philo vite fait stp ? »
Oui forcément. Pourquoi d'autre serait-il venu me voir ? Alors que je maudissais ma naïveté, je lui passais silencieusement mon classeur. J'évitais de parler pour ne pas me mettre davantage dans l'embarras.
-« Super merci ! Y a que toi pour prendre en note comme ça ! Je ne sais pas comment tu fais pour ne pas t'endormir, mais chapeau! »
Alors là, j'allais de surprise en surprise. Maintenant Mathys me faisait un compliment ? Sur les cours certes, mais quand même. Décidément, tout était étrange ces derniers temps.
-« Hmm merci. T'en as encore besoin ou ? »
Tout moi. Froide et distante. Le combo gagnant !
-« Non non c'est bon. Bah bonne chance pour le devoir hein. »
-« Toi aussi. »
Ouf, j'avais réussi à articuler deux mots gentils quand même. J'avais quand même un sérieux problème. Et dire que je croyais que je m'étais améliorée ces dernières années. Mais la carapace reprenait vite sa place en présence de certaines personnes...
-« Cléo on rentre! »
Colleen me sortit de ma torpeur. Même si elle n'avait pas été présente pour m'éviter l'humiliation devant Mathis, elle m'avait au moins évité d'arriver en retard en cours. C'est que quand je suis dans mes pensées le monde autour de moi n'existe plus. Il faudrait que je lui reparle de Billy, mais à présent je devais me concentrer sur la philo.
10h10. L'heure de la pause. « Sommes nous maîtres de nous même ? ». Sérieusement, le prof aurait difficilement pu trouver pire sujet. Moi qui pensait qu'on allait avoir une interro de cours sur Platon... Non à la place j'ai du réfléchir pendant deux heures sur la conscience et la maîtrise que l'on a sur notre conscience, notre corps. Difficile à traiter quand on vient de perdre confiance en tout ce qu'on croyait auparavant en la matière. Enfin, je m'en suis sortie quand même, mais maintenant difficile de m'ôter ces dernières 24h de la tête...
Colleen me pinçait le bras.
- « Mais ça va pas la tête ? ». Je me retournais vers elle, surprise et énervée.
- « Ça fait 5 minutes que je te parle, tu n'as rien écouté en fait ? ». Elle haussait le sourcil, attendant une réponse.
- « Hmmm, si. Tu parlais de Billy non ? ». Je n'en avais pas la moindre idée, mais bon comme 80 % de nos discussions tournaient autour de lui maintenant...
- « Il est venu me voir ce matin ! Il a laissé ses potes pour venir me dire bonjour !! »
Bingo... Colleen était plus mature que beaucoup des terminales que je connaissais, mais c'était aussi un vrai cœur d'artichaut. Dès qu'un mec apparaissait dans sa vie, elle semblait perdre un peu de bon sens et de retenue...
- « Je sais, je vous ai vus tous les deux au fond du couloir. »
- « Ah bon ? Pourquoi tu n'es pas venu me voir alors ? »
J'aurais du m'y attendre, la question qui fâche... Alors que je cherchais un moyen pour lui dire sans la vexer que je n'étais pas vraiment d'humeur à sympathiser avec son coup de cœur, la sonnerie retentit. Sauvée par le gong comme on dit !
- « Je t'expliquerai » me contentai-je de répondre brièvement, avant de suivre le flot de lycéens qui remontaient en cours.
J'avais la sensation que je n'allais pas m'en tirer à si bon compte si je n'arrivais pas à me changer les idées rapidement. Je ne m'étais jamais sentie à ce point en décalage avec Colleen. Je ne me voyais pas lui raconter mon secret, pas avant d'avoir compris ce qui m'était arrivé en tout cas. Et elle n'était de toute façon pas franchement disposée à m'écouter en ce moment, occupée comme elle était à vivre sa petite histoire d'amour. Il fallait que je trouve une excuse rapidement, ou elle allait se douter elle aussi que quelque chose n'allait pas, voire se vexer que je sois tout le temps dans la lune comme elle disait.
12h10. Fin de la matinée. Colleen revint à la charge.
- « Alors ? Tu vas m'expliquer ce qui t'arrive ? Tu ne viens pas me voir ce matin, et tu es tellement perdue dans tes pensées que tu n'entends même pas quand on te parle ! Même Mme Carleau a été obligée de te reprendre en cours ! Ça ne va pas ? »
Je savais qu'elle s'inquiétait pour moi. C'est vrai que ça ne me ressemblait pas d'être absente en cours, ou d'ignorer ma meilleure amie quand elle avait besoin de mes conseils.
- « Si ça va, ne t'inquiète pas. C'est juste que... j'ai parlé avec Mathis ce matin. »
Je ne sais pas pourquoi j'avais dis ça. C'était la première excuse qui m'était venue à l'esprit.
La tête de Colleen changea. Elle adorait parler de garçon décidément.
- « Ooooh je vois. Qu'est ce que vous vous êtes raconté ?? »
- « Pas grand-chose. Il voulait mes notes de philo. Il a essayé d'être gentil mais je l'ai rembarré comme d'hab... Je m'en veux un peu en fait. »
Ouf, elle avait l'air de croire à mon histoire. En même temps ce n'était pas faux techniquement !
Après une discussion sur comment je devais essayer de m'ouvrir aux autres, que tout le monde ne me voyait pas comme une pierre froide et distante et que je devais juste arrêter de me prendre la tête, j'arrivais enfin à changer de sujet.
- « Et sinon, je voulais te demander aussi on se met bien ensemble pour l'exposé d'anglais ? »
Elle eut l'air embarrassée.
- « Euh en fait Billy m'a proposé, et j'ai dit oui vu qu'on habite à côté c'est plus pratique. Ça te dérange pas ? J'ai pensé que tu pourrais te mettre avec Corentin... »
Quelque chose me disait que ce n'était que le début d'une longue série... D'autant plus que la prof d'anglais nous donnait tout le temps des travaux de groupe. Et Billy étant américain, travailler avec lui représentait aussi un avantage non négligeable... Enfin, ça me donnerait au moins un peu plus de temps pour faire mes recherches sur l'hypnose.
- « Non non t'inquiètes pas. Je lui demanderai. »
La journée se poursuivit sans beaucoup plus de vagues. Colleen assumait que j'avais l'esprit accaparé par Mathis, et savait qu'elle était très mal placée pour m'en blâmer. A la sortie des cours, je filais prendre le tram pour rentrer chez moi, et me retrouver enfin seule avec moi-même.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top