La semaine suivante, l'expérience s'est répétée à plusieurs reprises. C'était comme si j'absorbais les émotions négatives et les douleurs des gens que j'aimais. Mais je n'avais aucun contrôle conscient de ce que je faisais. J'avais remarqué que ça commençait toujours par un contact physique. Puis, je ressentais brièvement, en un éclair, mais très distinctement, les émotions de la personne touchée. Parfois, comme avec ma mère, quand je brisais le contact entre nos deux peaux, la sensation disparaissait chez la personne concernée! Mais ce n'était pas une règle universelle. Ça n'avait pas marché avec Colleen quand elle avait eu des problèmes de cœur par exemple.
Enfin, d'autres épisodes avaient eu lieu, qui agrandissaient encore le champ du possible. Ainsi, mardi, alors que j'étais gelée parce qu'un prof avait trouvé judicieux d'ouvrir la fenêtre, je commençais à frissonner. Corentin, assis à côté de moi, s'amusa de me voir tressaillir. Pour lui montrer que je ne faisais pas des manières, et parce que je suis d'un naturel tactile avec mes amis, je posai ma main gauche sur son poignet dénudé. Alors que mes doigts gelés touchaient sa peau, une vague de chaleur remonta de mes doigts le long de mon bras gauche et en l'espace d'une seconde je me sentis bien mieux. Je n'avais plus froid. Mes doigts étaient toujours très froids au toucher, mais je ne frissonnais plus. Cette fois la, ce don (appelons le comme ça) n'avait pas servi aux autres, mais bien à me réchauffer moi. C'était encore une nouvelle perspective qui s'ouvrait.

Mais cet épisode n'est pas très intéressant comparé à celui de vendredi. Vendredi, je suis rentrée dans la tête de Corentin.
Mais avant de te raconter cet épisode plus en détail, je voudrais revenir sur les nuits qui ont précédées vendredi.

Je t'ai raconté comment j'avais sous hypnose entendu les murmures d'une femme, et comment un rêve avait décrypté la même nuit la signification de ses paroles en « bienvenue ».
Et bien, ce rêve n'était que le premier d'une très longue série. Je n'avais pas réessayé de me plonger en état hypnotique car mes nuits étaient déjà ponctuées de ces rêves étranges.
Je me retrouvais à chaque fois dans l'univers paradisiaque que je t'ai déjà décris, au milieu des nuages. Seulement, le vent prenait à chaque rêve une forme plus humaine. La forme d'une jeune femme avec des cheveux très longs. Elle me parlait. Elle essayait de me guider dans ce nouvel univers. Au réveil je ne me rappelais pas de paroles, mais je gardais des impressions. Je sentais qu'elle veillait sur moi quelque part. C'est étrange de caractériser en personne une forme diffuse présente dans un rêve je sais bien, mais pour moi elle était très réelle. Elle était aussi réelle que toutes ces choses étranges qui m'arrivaient, peut être justement parce qu'elle me donnait l'illusion d'être protégée quelque part. Je ne me sentais pas totalement seule face à cette découverte. Si je te dis tout ça, c'est qu'il est important que tu comprennes que quand je l'ai rencontré, je lui faisais déjà confiance...

Enfin, pour en revenir à son rôle à ce moment de la narration, j'ai en fait senti sa présence ce vendredi là, face à Corentin. Et c'est elle qui m'a guidé dans son esprit. Du moins, c'est ce qu'il m'avait semblé à ce moment là...