🍁❇ Prologue - Séléna ❇

Comme chaque fois que je rentre du village voisin, où je vends les maigres productions de ma modeste demeure, je passe par la forêt toute proche. J'aime cette forêt et j'y apprécie tous les bienfaits de cette marche. L'endroit est calme, peuplé de magnifiques bêtes aux ramures élégantes. Parfois quelques faisceaux lumineux s'infiltrent à travers l'épaisse végétation et viennent caresser la robe de ces grands herbivores. J'ai parfois l'impression de pouvoir comprendre la nature, de savoir ce dont elle a besoin ou de quels maux elle souffre. Puis, je me reprends et me dis que ce n'est sûrement que mon imagination qui me parle.

Malheureusement, je n'ai guère le temps de rêver, il me tarde de rentrer afin de m'atteler à mes tâches quotidiennes, ma mère ne pouvant assumer seule l'entretien de toute la maison et l'éducation de mes 4 frères et sœurs. Nous vivons dans un petit village, sous l'autorité de Monseigneur le Baron de Louvarguant, maître de ces terres. Être, réputé pour sa dureté et son dédain envers les petites gens.
Accélérant le pas sur le chemin me ramenant au village, afin de ne pas faire attendre ma mère, j'entends au loin un cavalier. Étonnant par ici, car très peu de villageois sont en mesure de s'offrir les services d'un tel animal. Néanmoins, je me garde bien de me retourner. Je vois le cavalier hésiter en arrivant à ma hauteur, puis me doubler. Après quelques pas, il fait halte et me fait face. Il me détaille de haut en bas, d'une manière très impolie mais pas hautaine, contrairement à ce que j'aurais pu m'attendre. Car ce cavalier n'est pas un villageois, ses habits sont bien trop luxueux pour quiconque ici, tout comme le harnachement qui entrave l'animal : fait de cuir et de métaux précieux, ornementé de quelques pierres précieuses.

Après quelques réflexions de sa part, il m'apostrophe en ces termes :

- bien le bonjour, belle demoiselle. Il n'est guère prudent de randonner seule par ces chemins ! Laissez-moi vous raccompagner jusqu'à chez vous !

Son langage laisse deviner une noble naissance, une éducation respectable, tout comme ces beaux habits. Le jeune homme, lui-même guère plus âgé que moi, semble tout droit sorti des contes et légendes de la région, où le héros tel apollon possède mille vertus. Bien qu'il soit sympathique en tout point, je me garde de lui répondre favorablement. Non que je craigne une quelconque entourloupe, mais plutôt que, je me méfie des personnes, trop sûr d'elles et n'ayant pas les mêmes valeurs que moi.

- Messire, je n'ai besoin d'aucun renfort, puisque je ne me sens nullement en danger... Pardonnez mon refus !

Il semble amusé de ma remarque :

-Il est vrai que vous n'avez pas l'air apeuré, mais un danger est si vite arrivé. De plus, permettez-moi d'insister, mais mon destrier vous ramènera plus rapidement chez vous !

Cette insistance commence à m'agacer, aussi lui répondis-je assez froidement :

- Je n'ai nullement besoin d'aide d'autant que je ne l'accepterais jamais d'un homme, tout gentleman soit-il, dont je ne connais pas même le nom ! Si vous permettez, dis-je tout en contournant son cheval qui prenait plus de la moitié du chemin.
- Oh, vous êtes fâchée ? Veuillez m'excuser de vous avoir offensé ! Afin de réparer cette méprise, je me présente : Lord Robin de Louvarguant, pour vous servir Madame !

De surprise, je me retournais. Je n'étais plus irritée, mais en colère :

- Monseigneur excusé mon franc parlé, bien modeste comme celui de toutes les petites gens de ce village là-bas, mais je vous conseille de laisser l'affaire. Je ne viendrais pas avec vous, d'autant que votre charité est bien vaine !

- Madame est bien sévère. Qu'ai-je bien pu dire pour l'offenser à tel point !

- Oh ! Bien ! Qu'elle innocence, j'ai failli y croire ! Demandez donc à votre père, Monsieur le Baron de ces terres. Dites-lui que s'il veut nous expulser, ce sera par la force, car nous ne sommes pas décidés à partir. Si monseigneur veut bien m'excuser, lui répondis-je avec une révérence profonde et un sourire ironique !

Puis je m'empressai de reprendre le chemin vers le village. Tout en espérant qu'il ne me poursuivra pas. Ce qu'étonnamment, il fait. Je me retourne après quelques instants. Il a disparu, sans même un bruit. Je m'interroge une seconde, bien vite oubliée à mon arrivée au village.

Je salue au passage Suzette, l'une des tisserandes du village. Puis je m'arrête près d'une vieille dame, elle porte comme à son habitude une robe noire agrémentée de motifs rouge en dentelles. Elle porte, par-dessus, un châle de cette même couleur pourpre, ses cheveux ont blanchis avec le temps, mais elle a gardé son air chaleureux. Elle m'avait toujours témoigné de la tendresse, elle me disait enfant que j'étais comme « la fille qu'elle n'avait jamais pu avoir ». Aussi, lorsque je l'aperçus, je viens à elle :

- Bonjour milady, comment vont vos jambes ce matin ?

- Ma petite Séléna, tu es bien la seule à m'appeler ainsi... Milady... je ne suis qu'une vieille femme ! Mes jambes sont encore douloureuses, mais ne t'inquiète pas de ça. Et toi mon enfant où étais-tu ? Ta mère te cherche depuis 10 minutes, apparemment, tu es de corvée de traite ce matin... aurais-tu fait de mauvaises rencontres ?

- Si on veut oui, j'ai rencontré le fils Louvarguant, tu me connais, je lui ai dit ce que je pensais de leur politique familiale. Je n'aime pas les manières du Baron, obtenir tout, quel qu'en soit le prix !
- Oh le pauvre garçon, te connaissant, il a dû passer un mauvais quart d'heure, dit-elle en riant !
- C'est probable en effet... Répondis-je avec, pour la première fois depuis cette rencontre impromptue, une pointe de remords.

Ma mère arrivant telle une furie, cria :

- Ah te voilà Séléna ! Un quart d'heure que tu devrais être assise au milieu du troupeau, au lieu de quoi je te surprends là à bavasser... allez, allez... si tu crois que c'est de cette manière que le Baron nous laissera en paix ! Liliane, laissez Séléna travailler, je vous en prie... adressez-vous plutôt à moi si vous avez besoin de quoi que ce soit et...

- Liliane, dis-je interrompant ma mère, je vous rapporterais la pommade que je prépare avec les tiges de ces fleurs provenant du mont Maïtora ! ... Cela va de soi, après que j'aurais ramené le troupeau à l'Alpage, fis-je ironique. Mère, je vous laisse, dis-je en me précipitant à la grange.

Derrière moi, j'entendis Liliane lui reprocher :

- Oh Théodora, vous êtes trop dure avec la petite ! Ce n'est pas une méchante enfant, vous le savez bien...
- Liliane vous savez toute la sympathie que j'ai pour vous, mais ma fille n'est pas toujours raisonnable et elle doit apprendre à assumer ses responsabilités ! Alors laissez-moi gérer l'éducation de mes enfants, si vous le permettez !

- Bien sûr, bien sûr !» Puis elle rentra s'allonger un instant afin de soulager ses jambes.

En général, après avoir ramené le troupeau, je prends le temps d'admirer le paysage qui s'étend à mes pieds. Une prairie s'étire à perte de vue d'un côté et le troupeau y broute paisiblement. De l'autre côté, juste avant de redescendre au village, un chemin, pratiquement recouvert de végétation, serpente jusqu'à un sous-bois. Enfant, j'y venais chaque jour, le chemin était alors large et régulier. Aujourd'hui, à partir de l'instant où l'on franchit le couvert des arbres, la trace du sentier n'est plus visible. Je me dirige donc à travers les fougères et autres buissons souvent épineux, à l'aveuglette, jusqu'à ce que j'aperçoive cette ancienne cabane, maintenant en ruine. À compter de cet endroit, le chemin redevient visible, il part en montant légèrement, puis plus abruptement jusqu'à n'être plus un chemin, mais un sentier d'escalade. Après quelques mètres d'effort, l'on retrouve un sentier égal amenant à un plateau. C'est ici, que les plantes, pour confectionner la pommade de Liliane, poussent. Outre les centaines d'autres plantes et roches aux vertus médicinales d'une variété inouïe, la vue qu'offre ce point de vue haut perchée est exceptionnelle. Je surnomme cet endroit "le paradis de Maïtora".

Personne ne semble y venir moi mis à part. Les jeunes enfants n'en ont pas connaissance pour la plupart et les plus grands sont défendus d'y monter à cause de la dangerosité du site. Les hommes et les femmes du village ne s'y sont jamais vraiment intéressés et les anciens qui se souviennent de l'endroit ne sont plus en mesure de gravir le sentier escarpé. C'est la raison pour laquelle chaque fois que je ressens le besoin de me ressourcer, je viens ici. J'en profite alors pour remplir ma sacoche d'herbes et plantes de toutes sortes, afin d'approvisionner notre pharmacie, laquelle d'ailleurs, profite souvent à tout le village. Les anciens me passent commande en toute connaissance et les mères de famille viennent régulièrement quémander, non ouvertement, quelques conseils de guérison et cicatrisation pour tout type de maux courants.

Une autre raison existe à ces escapades, mais plus secrète cette fois. Je disais précédemment que rares étaient les gens assez fortunés pour s'offrir le luxe de même louer les services d'un cheval. Or, ici, et cela, depuis près une dizaine d'années, s'est établi un troupeau de chevaux sauvages. Il compte désormais quatre membres dont une pouliche de deux mois à peine. La jument m'a toujours tolérée, ce qui n'a pas été le cas de l'étalon. Il m'a fallu trois années de visites quotidiennes pour que je puisse approcher la jument sans que l'étalon ne charge ou ne s'inquiète. Un an après, la jument mis bas deux petites. L'une la plus fragile, ne survécut pas à l'hiver, l'autre, une femelle alezane aux crins lavés s'établit définitivement au sein du troupeau.

Durant ces quelques années, j'ai appris à comprendre leurs comportements, leurs besoins. Il arrive qu'ils partent pendant quelques mois et généralement ces périodes coïncident avec le retour du froid, ou l'époque des tempêtes. Puis passées les intempéries, ils reviennent. Je n'ai jamais su où ils partaient, ne m'étant pas aventuré plus loin que nécessaire sur le pâturage. Tout ce que je sais, c'est que mise à part le chemin par lequel je viens, le plateau surélevé n'est accessible que par une faille dans la roche d'où s'éclipsent les chevaux avant l'hiver. Tout autour, la falaise tombe à pic. On voit la vallée en contrebas, puis si l'on se penche suffisamment, on aperçoit le village et encore plus loin la demeure et le domaine des Louvarguant.

La pouliche qui est restée vivre sur le plateau a atteint sa taille adulte vers trois ans, elle ne me craint nullement, je pourrai même dire qu'une certaine complicité nous unit. Je la surnomme Flinna. Après ces trois ans, je me permis de la monter, progressivement bien sûr, et sans harnachement. Au début, je ne restais que quelques minutes sur son dos, puis de plus en plus longtemps. Maintenant, c'est devenu une habitude. Nous galopons quelques heures heureuses de nous retrouver et de ce bonheur partagé. Elle semble voler par-dessus les rochers qui affleurent et les troncs d'arbre couchés avec une grâce qu'elle seule possède. Je me souviens qu'au début du printemps dernier, après que la récente fonte des neiges ait formé une petite retenue d'eau dans un creux du terrain, nous amusions à nous éclabousser Flinna et moi. À la fin, j'étais tellement trempée que j'avais à grande peine réussi à convaincre ma mère que j'étais tombé accidentellement dans une mare. Mais je crois qu'elle n'a jamais été totalement convaincue.

Voici mon petit secret. Personne au village n'est au courant, hormis Liliane pour qui je ne fais pas de mystères. Je sais qu'en parler aux villageois condamnerait les chevaux à être domestiqué à court terme. Or, les voir en liberté suffit à me faire comprendre qu'ils ne pourraient être aussi heureux et magnifiques s'ils devaient être entravés.

Lorsque je reviens après quelques heures passées en leur compagnie, et qu'on me demande ce que j'ai bien pu faire tout ce temps, je prétexte qu'une des bêtes du troupeau m'a paru malade et que je suis restée la veiller, ou que j'ai découvert un autre endroit avec d'autres plantes sauvages et qu'il y en avait tant que n'ai pas vu les heures défiler. L'on me prend pour une jeune fille rêveuse et paresseuse, mais je n'en ai cure, du moment que je peux revenir le lendemain et m'occuper de mes petits protégés. La suite de la journée se succède en une suite de corvées : le repas, le ménage, le nettoyage de l'étable, l'entretient du potager, la lessive...

Parfois, je rends visite à Paul, le forgeron amateur d'armes. Il m'apprend à forger quelques dagues, boucliers, couteaux, se réservant le monopole des épées, haches et équipements agricoles. Il façonne également tout autre ustensile métallique ou artistique commandé par les villageois ou les autres villages alentours. Grâce à lui, j'ai pu me forger seule ma petite serpe me servant à récolter les plantes, ainsi que ma dague à manche de corne, gravée à mon nom et ornementé d'un motif celtique.
Avant de s'installer définitivement au village, Paul avait suivi un enseignement initiatique auprès de religieux. Mais pas n'importe quel religieux. Ceux-ci pratiquaient les arts-martiaux et enseignaient la forge selon un procédé authentique et rigoureux, transmettant cet art avec un talent non égalé. Dans cette communauté, était également inculqué et pratiqué l'art de la verrerie, poterie, menuiserie, faïence, peinture, teinture, tapisserie, calligraphie, comme nulle part ailleurs. Paul avait donc été initié pendant un an à ces diverses disciplines, puis s'était concentré sur la forge et les arts-martiaux, deux domaines dans lesquels il excellait.

Il se révéla être un enseignant consciencieux et sérieux. Lors des séances d'entraînement au combat qu'il me prodiguait, l'amusement était proscrit, mais dès lors que se terminait la leçon, il redevenait le camarade enjoué et blagueur que je connaissais. Il est de sept ans mon aîné et je le considère comme un frère.

À chaque entraînement qui passe, je me révèle meilleure. Je progresse rapidement. Néanmoins, il est rapide et a acquis des réflexes grâce à l'enseignement reçus des meilleurs professeurs connus. À mes 18 ans, je réussis à le mettre en échec, mais par un tour de force, il renversa la situation in extremis. Ma mère, contre ces séances, estime qu' « une jeune fille se doit d'être présentable, douce et jolie ». Ce que bien sûr, je ne peux être à l'issue de ces séances : les cheveux emmêlés, les vêtements trempés de mon eau et la peau couverte d'ecchymoses.

À présent, mon corps est svelte et musclé, ma peau halée par mes journées en plein air et mes cheveux bouclés châtains aux reflets roux descendent en cascades jusqu'au creux de mes reins. Les hommes depuis quelques années, déjà, me couvent d'un regard langoureux que j'ai réussi à occulter au fil du temps. Il n'en est pas de même de leurs blagues et répliques à mon endroit, mais je me suis lassé de leur répondre ce que je pensais de tels propos. D'ailleurs, depuis que j'ai répliqué par une prise bien placée à l'entrejambe d'un homme qui avait eu la mauvaise idée de vérifier les dires de son camarade à propos de la proportion de mes hanches, les remarques se font moins intenses. Je pense que le pauvre s'en souvient encore à voir ses regards fuyants.

C'était ma vie... avant.

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Bonjour à tous! 

Bienvenue sur cette histoire, imaginée et commencée il y a déjà des années (oui oui des années, 6 ans pour être exacte). Pourquoi ne pas l'avoir dévoilée plus tôt vous allez me demander? Tout simplement parce que je l'avais laissé dans un placard à peine commencé (quelques chapitres seulement)...

Alors voilà je me lance enfin et oui! Mais surtout, je voulais d'abord remercier une auteure Wattpad qui est surtout devenue une très bonne amie et c'est grâce à elle que j'ai eu envie de me remettre a écrire.
Cette auteure n'est personne d'autre qu' @Elrolya. Merci pour ton soutien et me remotiver quand je mets tout de côté. c'est aussi à elle que je dois cette magnifique couverture! Merci 😘
Et mon homme qui me soutient aussi et m'aide a relire et aérer mon texte. 💗

Je publierai un chapitre par semaine et l'histoire comportera 3 parties distinctes... 
j'espère que cette histoire vous plaira autant que je prends plaisir à l'écrire. N'hésitez pas à laisser un commentaire et cliquez sur cette petite étoile si ça vous plait. 

Bonne année 2018 à tous! 

A très vite. bise.

Camille

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