🍁❇ chapitre 6 - Connexions (bis)❇

Je ne sus pas pourquoi je ne dis rien. En même temps qu'aurais-je pu dire qui ne paraisse pas totalement fou ? « Je sais parler aux chevaux ? » ou « je ressens tout ce qu'elle ressent ! » Même pour moi qui le vivait ça me paraissait encore dingue, alors lui ; je sentais d'ici qu'il m'aurait ri au nez, alors je lui dis la seule phrase qui me parut logique et juste : je la connais depuis qu'elle est née, elle a confiance en moi. 

- Hum oui, c'est une confiance absolue effectivement.

Je sentais presque comme une jalousie de ma complicité avec Flinna.

- Allez vient ! Le petit-déjeuner nous attend. Le moment le plus important de la journée d'après ma mère, me dit-il avec un clin d'œil.
Je sentis sa main se glisser dans la mienne et je lui souris à mon tour. J'évitais de penser que dans une heure, nous serions repartis et profitais de sa présence.
Avant même d'arriver à la porte des odeurs de pain chaud et de café nous accueillir. Mon ventre se mit à gronder comme par magie et je rougis devant le rire communicatif de Gabriel.
Merci Minas, dis-je en rentrant. Merci pour m'avoir ouvert la grange, ça va permettre à Flinna, ma jument de se reposer quelques minutes. Je ne pensais vraiment pas qu'elle aurait pu me suivre aussi loin, c'est à peine croyable !

J'étais aux anges, l'instant était juste parfait. Je regardais Renso qui ne put s'empêcher de sourire en voyant ma mine réjouie.

- Bon, j'ai compris, on l'emmène... avec de la chance elle pourra porter quelques affaires. Tu as de quoi la harnacher ?
Je le regardais soudain avec horreur, toute joie disparue de mon visage et avec le plus grand sérieux du monde lui rétorquai :
- Il n'est juste pas envisageable de lui « harnacher » quoi que ce soit. Éventuellement, lui sangler deux sacs de chaque côtés, serrés juste ce qu'il faut pour éviter qu'ils glissent, mais je te préviens, pas de mors, pas de licou, pas de filet, rien de tout ça... je ne l'entraverai pas !
Mon ton était sans appel. Et Renso me lança un regard éberlué avant d'être totalement agacé.
- Bon ça suffit ! À quoi sert une jument si elle n'est pas maîtrisable, approchable et qu'on ne peut même pas l'utiliser pour porter quelques affaires ? Cesse de faire l'enfant !Si elle ne nous sert à rien, elle restera ici un point c'est tout ! La route est encore longue et il nous reste environ trois jours de marche, alors si on doit en plus se rallonger pour elle... il n'en est juste pas question.

Je me levais d'un coup de colère :
- Très bien ! Pars ! Après tout notre contrat stipulait juste que tu m'accompagnes à Elésian, mais que tu es libre de me laisser ou bon te semble. Je ne pensais juste pas que ça serait aussi tôt ! Mais je te préviens, je viens de retrouver Flinna, la seule « vraie » amie que j'ai eue jusque-là sans compter Paul et il n'est juste pas question que je reparte sans elle !

Mon ventre grogna de nouveau et me rassit en prenant un pain au passage que je croquais avec envie.

Un silence pesant s'installa quelques minutes, puis Gabriel pris la parole :
- Maman tu aurais dû voir, Séléna est juste incroyable, elle connaît tellement sa jument qu'en deux mots elle devient calme comme un agneau. J'ai voulu refermer la grange et elle a failli me charger, heureusement, elle m'a retenu à temps.
Il posa ses yeux doux sur moi, avec un mélange entre curiosité et admiration. Sa mère sourit en imaginant la scène et Renso fulminait en face et leva les yeux au ciel en entendant que ma jument, ma douce Flinna avait failli le charger. Gabriel se tourna de nouveau vers moi et plus bas comme une confidence, il me dit :
- Tu devrais tester sur le chat du voisin, il passe son temps à hérisser le poil dès qu'un homme passe à côté... une vraie teigne !
Je ris. Renso n'avait toujours rien dit depuis que je lui avais rappelé le contrat. Je sentais comme une certaine tristesse émaner de lui, mais je fis abstraction et me reportais sur le petit-déjeuner tout à fait délicieux.

Après le repas, je rangeais la table et aidais Minas à faire la vaisselle. Quand ce fut fait, j'allais rapidement dans la chambre ranger mes affaires pour pouvoir partir dès que possible. En passant la porte, je vis Gabriel, assit sur le lit, le regarde perdu dans ses pensées, une légère ride creusant son front. Je m'arrêtais face à lui et lui pris les mains.

- Que se passe-t-il Gabriel ? Tu ne te sens pas bien ?
Il me regarda dans les yeux, comme pour me sonder et je lui rendis son regard, avec une touche d'interrogation :
- Dis-moi... Séléna... je... tu... Il soupira soudain, ne trouvant pas ses mots. Je le laissai continuer, à l'écoute. Il me regarda une nouvelle fois, et reprit : Séléna dis-moi, veux-tu vraiment partir ?
Un peu abasourdi par la question, je réfléchis avant de répondre :
- Écoute Gabriel, oui c'est important pour moi, il faut que je trouve ma place... je sens qu'il faut que je me rende à Elésian. Que j'en sache plus sur qui je suis. Et je sais que tu ne peux pas partir quand tu le souhaites alors je ne te le demanderai pas.
- Mais... tu le sens toi aussi non ? Je vis dans ses yeux comme une inquiétude. Je me sens bien avec toi, je sais que c'est rapide... mais je sais que je m'en voudrais de te laisser partir sans que tu saches.
- Oui, je le ressens aussi Gabriel, mais s'il te plaît ne me retiens pas. Viens plutôt me rejoindre à Elésian quand tu le pourras et si tu le veux. A moins que tu penses faire toute ta vie ici ?

- A vrai dire, je ne m'étais pas posé la question avant que tu débarques hier soir ici. Mais tu as raison, je ne peux pas partir d'ici, comme ça. Et je ne suis plus sûr de vouloir faire toute ma vie ici, sans connaître un minimum le monde. Je t'envie, tu sais... d'être aussi libre.

Je ris malgré moi. Libre ? oui peut-être de son point de vue. Mais je n'ai pas la liberté de revenir chez moi, auprès des personnes que j'aime. Et j'allais de l'avant à l'aveuglette sans savoir si je trouverai un jour ma place.
Je me penchais vers lui, lâchai ses mains et pris son visage entre mes paumes. Il leva la tête vers moi et je l'embrassais doucement. Il se leva et me dominant d'une tête, il se pencha et m'embrassa à nouveau en passant une main dans mon dos et me rapprocha de lui.

Je me collais à lui, une chaleur se dégagea de nos deux corps. Une alchimie que je ressentais chaque fois. Ça me coûtait de l'admettre, mais il avait raison, il y avait quelque chose de beau entre nous.
Mais ça ne changeait rien pour mon départ. Il le fallait, je n'aurais pu dire pourquoi, mais il manquait trop de pièces de puzzle à ma vie. Et quelque chose me poussait inexorablement à poursuivre.
Je me détachais de lui et rassemblais mes affaires. Au moment de partir, je me retournais vers lui et lui demandais :
- Alors, tu viendras me voir et visiter Elésian ?
- Oui ! je ne sais pas quand et comment... mais oui.
Et je vis apparaître le plus beau sourire sur son visage et ses yeux s'illuminèrent. Il vient m'enlacer par-derrière, je sentis son torse contre mon dos et ses doux baisers dans mon cou. Je frissonnais à son contact. Je me laissais faire, jusqu'à me souvenir que si je voulais y arriver, il me fallait absolument suivre Renso. Je détachais ses bras de moi, et l'embrassais une dernière fois.

Dans le salon, je vis que Renso était déjà parti et ses affaires n'étaient plus là. Une légère appréhension me prit, m'aurait-il vraiment laissé là ? je ne pouvais y croire, mais après tout, on ne se connaissait que depuis à peine deux jours, autant dire, presque pas.
En sortant de la maison, je vis Flinna qui broutai les quelques touffes d'herbe du chemin. Je remerciais chaleureusement Minas qui m'offrit quelques provisions que j'ajoutais à celle d'Elena. J'avais de quoi tenir trois jours, ce qui me laissai amplement le temps de trouver de quoi me restaurer d'ici là.

Je demandais où était passé Renso. Elle m'apprit qu'il était parti à peine dix minutes plus tôt et m'indiqua la direction. Je n'en revenais pas ! il était parti sans même me dire au revoir. J'allais prendre la route, quand je le vis revenir au loin. Il portait quelque chose dans ses bras, je ne voyais pas bien d'où j'étais.
Puis arrivant à ma hauteur, en voyant mon visage fermé, il me dit :
- Non je ne suis pas partie sans toi, j'étais juste allé chercher deux sacs pour les provisions et à voir comment ton balluchon est rempli ça ne fera pas de mal de mieux répartir les poids.

Malgré moi, je poussais un soupir de soulagement et je me détendais.
- Merci Renso. Je suis prête. Et tu as raison, si je lui demande, Flinna acceptera peut-être de porter quelques provisions, mais je te le redis, je ne l'entraverai pas, ni ne l'attacherai et elle sera libre d'aller où bon lui semble.
- J'ai compris ! soupira-t-il, et il me tendit les deux sacs en sortant une sangle de son propre sac.
Je ne dis rien et pris les sacs, j'appelais Flinna et lui fit sentir les affaires, puis je cherchais à lui communiquer par la pensée que je souhaitais les lui mettre sur le dos. Ça me parut plus difficile que d'habitude. Je ne réfléchissais pas habituellement, j'exprimais mes émotions seulement.

Mais Flinna resta tranquille et je testais. Une fois les sacs passés sur son dos, je m'attelais à sangler doucement le tout. Elle renâcla et souffla, nerveuse, mais je ne serrais pas trop.
- Je pense que pour un début, elle s'en sort bien. Je ne remplirai les sacs que lorsqu'elle se sera habituée aux frottements du tissu sur son dos. Une chose à la fois, n'oublions pas que c'est nouveau pour elle.
Contre toute attente, Renzo acquiesça.

- En route ! Merci pour tout Minas, ce fut un plaisir de te revoir Gabriel.
- Tout le plaisir était pour nous Renso, et si vous repassez dans le coin n'hésitez pas. Séléna tu est également la bienvenue chez nous ; s'exclama joyeusement Minas.
- A très vite, me souffla Gabriel et je partis.

J'essayais de ne pas trop songer a toutes ces séparations successives. Et me dit soudainement que ma vie était devenue bien étrange. Je repensais à la fois ou pour la première fois, j'avais « communiqué » avec un autre animal que Flinna, maintenant, je m'en souvenais comme si c'était hier ; sur la monture de Robin j'avais voulu qu'il ralentisse et il l'avait fait. Mais visiblement, la communication fonctionnait surtout par échange d'émotions.
Je regardais Renso, qui marchait silencieusement à mes côtés. Je ne pus m'empêcher de l'interpeller :
- Renso, dis-moi pourquoi m'as-tu finalement attendu ?
- J'en ai fait la promesse à Paul et je tiens mes promesses, dit-il d'un ton bourru.
- Merci, dis-je émue et je glissais mes doigts dans les crins de Flinna. Elle se frotta à moi et me transmit sa douce chaleur.

Après une heure à un bon rythme, le sentier se mit à grimper de plus en plus. Flinna contre toute attente était parfaitement à l'aise. Les sacs ne semblaient plus la gêner le moins du monde. Renso n'avait plus rien dit depuis notre départ et semblait s'être muré dans un mutisme obstiné. Je le laissais dans ses réflexions, me concentrant sur la route et ma marche.

Le chemin depuis quelques minutes était bordé d'un côté par un pan de montagne et de l'autre à deux mètres de là un ravin qui tombait à pic. Flinna se tenait à côté de moi du côté de la montagne. Elle paraissait tranquille et avançait d'un pas rapide régulier.
Au bout de trente minutes où je caressais machinalement son flan, je la sentis de nouveau en moi, un sentiment de joie, de bonheur. Je me mis à sourire et me dis que la vie dans sa peau semblait vraiment simple.

Je me penchais légèrement tout en marchant afin de voir si l'emplâtre sur sa patte tenait toujours : visiblement oui. Renso s'était retourné voir ce que je faisais. Au moment de me relever, je trébuchais sur un rocher saillant, je ne dus mon salut qu'aux réflexes aiguisés de Renso, qui m'attrapa machinalement le bras pour me stabiliser. Je m'arrêtais soudain, reprenant mon souffle qui s'était bloqué dans ma poitrine quand je m'étais senti tombé et ne put m'empêcher de regarder vers le précipice, non sans un frisson, me parcourant tout entière. 

- Merci, lui dit-je d'une petite voix encore blanche.
- Que faisais-tu bon sang ? tu veux mourir ? me balança-t-il tranchant.
Je ne répondis pas encore sous le coup de l'émotion. Mais mon regard de glace lui faisait comprendre que son attitude hautement agréable (noter l'ironie), commençait réellement à m'agacer. Et je repris la route en l'ignorant superbement.
- Vient ma belle dis-je avec un petit claquement de langue pour inciter Flinna à me suivre.
En arrivant en haut d'une côte, je regardais autour de moi, et ne pus m'empêcher de soupirer en voyant que le paysage n'était pas prêt de changer. Nous étions au milieu de la matinée et j'avais l'impression que nous n'étions pas prêt de redescendre de la montagne. D'ailleurs, la côte que je voyais au loin m'indiqua clairement que nous n'avions même pas encore fini de monter sur ce côté-ci de la montagne.

Renso qui était resté derrière moi toute cette seconde partie de marche, n'avait toujours rien dit. Il passa devant moi et me regarda furtivement, probablement pour sonder dans quel état d'esprit j'étais. Il dut remarquer ma lassitude, et mon regard un peu éteint parce qu'il se mit à grommeler entre ses dents :
- Désolé ! Tu m'as fait peur, c'est tout...
- Ce n'est pas une raison pour m'agresser ! lui claquais-je soudain. C'est quoi le souci ? On dirait que tu es énervé depuis hier soir... si tu as quelque chose à dire c'est le moment !
J'étais passablement énervée, et je me rendais compte maintenant que l'ambiance qu'il s'était évertué à maintenir depuis ce matin, m'avait miné et que la « presque » chute de tout à l'heure ne pouvait pas expliquer tout mon énervement.

Au lieu de m'envoyer sur les roses comme je m'y attendais. Il prit un air désolé et d'une voix devenue calme, et le regard presque triste ; triste ? je ne comprenais pas ce que je voyais ou pensais avoir vu et ce qu'il me répondit me calma aussitôt :
- Qui suis-je pour toi Séléna ? dit-il d'une voix douce.
Sur le coup je ne sus que répondre. Il me prenait de court. Je ne m'étais jamais posé la question, après tout, c'était seulement le troisième jour que l'on se côtoyait. Je ne pouvais pas dire que je le connaissais, puisque jusque-là, il ne m'avait jamais parlé de lui ou de sa vie. Je ne savais même pas vraiment ce qu'il allait faire à Elésian, mis à part qu'il fallait qu'il arrive avant que le grand marché ne commence. Tout ce que je savais, c'est qu'il avait connu Paul dans une espèce de communauté, où ils avaient suivi ensemble un enseignement dans diverses disciplines.

Voyant que je ne répondais pas, il se retourna vers moi et reprit sur le même ton :
- Tu as dit ce matin, je te cite « je viens de retrouver Flinna, la seule « vraie » amie que j'ai eue jusque-là sans compter Paul et il n'est juste pas question que je reparte sans elle ! ». Alors je répète ma question, Qui suis-je pour toi ?
J'écarquillais les yeux de surprise ! je n'avais pas pensé que mes paroles avaient pu le blesser. Je me souvenais bien avoir dit quelque chose dans ce goût-là. Peut-être même étaient-ce exactement ces mots-là maintenant que j'y repensais. J'avais dit ça sur l'impulsion de la colère. Décidément il allait falloir que j'arrive me tempérer un peu plus, je commençais à me dire que je craquais un peu trop souvent dernièrement.

- Je ne..., commençais sans arriver à trouver quoi dire. Je repris tout en le regardant dans les yeux. Écoute Renso, je suis vraiment désolé, sincèrement, si j'ai pu te blesser, ce n'était pas le but. Je voulais juste que tu comprennes que Flinna fait comme partie de ma famille. Et...
Je ne pus continuer, des larmes menaçant de s'écouler de mes yeux et des sanglots dans la voix. Il me regarda soudain mal à l'aise. Je repris en refoulant mes larmes
- Et dernièrement, il n'y a plus grand-chose de stable et réconfortant dans ma vie. Je suis ici à te suivre, te faisant aveuglément confiance, alors que je ne te connais presque pas. J'ai dû quitter ma famille, mon foyer, ma vie entière, pour les protéger. Je n'ai pas eu le choix et non-content de m'avoir exilé, IL a en plus cherché à me tuer. Alors je ne sais pas quoi te répondre Renso. Mais il faut que tu saches que Flinna est comme un phare dans ma vie, elle est le seul lien qui me reste avec tout ce que j'ai connu jusqu'ici. Tu comprends ?... et tu menaçais de m'enlever la seule chose qui a encore un sens dans ma vie.

Les sanglots étaient réapparus, avec toute la détresse que je ressentais, maintenant que j'avais enfin formulé le tout à haute voix. Je tremblais de tous mes membres et décidais de m'asseoir contre la roche le temps de me calmer. Flinna pencha sa belle tête vers moi et me souffla dans le visage, m'envoyant une onde de chaleur dans la tête. A moins que je ne l'avais seulement rêvé, tellement j'avais besoin de son réconfort.

A mon grand étonnement, Renso s'assit à côté de moi et passa un bras autour de mes épaules pour me réconforter. Je me crispais malgré moi, mais ne dis rien de plus, ni ne le repoussais. Et après tout, j'en avais besoin.

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Coucou!

Voilà la suite de ce chapitre 7 et comme vous pouvez le voir, il y a encore une bonne longueur!
Cette fois, je ne vous ai pas fait attendre trop longtemps!

On retrouve Séléna qui craque au bout de quatre jours d'exil, le temps de la prise de conscience. Que pensez-vous qu'il va se passer ensuite? Séléna va-t-elle un jour revoir Gabriel? a vos suppositions ;)

Sur ce petit mot, bon weekend à tous 

bisous bisous

Camille

PS: Je fais un petit sondage: pour ce chapitre je n'ai pas mis d'images, vous préférez avec ou sans?

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