🍁❇ chapitre 5 - Bellegur ❇
Je ne me réveillai qu'au milieu de l'après-midi. Renso aiguisait tranquillement ses lames. En me voyant m'étirer, il sourit. C'était la première fois que je le voyais sourire et cela illuminait son visage. Ça me rassura, puis un éclair passa dans mes yeux et je me tendis : mais... et si les gardes nous avaient rattrapés ?
Comme s'il avait lu dans ma tête, il me dit :
- bien reposé jeune demoiselle ? Je pense que dorénavant, tu n'as plus à t'inquiéter pour tes poursuivants. On est à plus de deux jours de marche de ton village. Je les ai entendus au loin il y a déjà 2h de ça, maintenant il y a peu de chance pour qu'ils viennent te chercher aussi loin dans la forêt.
D'un coup, je respirais mieux. Le poids qui m'écrasait la poitrine depuis que j'étais partie de chez moi, semblait s'être considérablement allégé. Je regardais Renso et lui souris de meilleure humeur. J'entrepris de rattacher mes quelques affaires. Renso près avant moi avait déjà repris la route quand je me relevais. Cette fois-ci, je me positionnais à sa hauteur et commençais une discussion animée et joyeuse.
Il m'apprit que nous étions dans le « Bas Pays » et que nous allions devoir traverser deux autres royaumes avant d'arriver dans celui de la « Sphère Blanche » dont Elésian est la capitale. Tout d'abord, nous devrions traverser le « Pays de la Montagne », puis la « Contrée Émeraude ».
Ces noms me disaient bien vaguement quelque chose, mais je n'avais jamais eu l'envie d'apprendre la géographie du monde.
Je me souviens bien les fois ou Paul avait tenté, mais à l'époque ça ne m'intéressait pas, je préférais l'apprentissage du combat, il avait donc fini par renoncer. Je me maudis une fois de plus de n'y avoir pas prêté plus d'attention et me re-concentrait sur ses explications.
En sortant de la forêt, une majestueuse montagne se dressa devant nous. Si haute que le sommet se perdait dans les nuages. Je comprenais mieux comment elle avait pu donner son nom au pays.
Un village se déployait à ses pieds, plus imposant que toutes les villes que j'avais pu voir jusqu'ici. Renso s'exclama : « Voici Bellegur ».
Certaines maisons semblaient incrustées dans la roche, taillée à même la pierre. L'ambiance très calme, trop calme par rapport aux chants de la forêt, me semblait presque effrayante.
Alors que nous marchions dans les rues de la ville, je remarquais que beaucoup de maisons semblaient vide, inhabitées, comme si la faucheuse était venue ici faire son ménage.
L'auberge pas mieux lotie était désertée. Des planches en bois barraient la porte, et même le linteau d'accueil pendait lamentablement.
Les bras ballants, je me tournais vers Renso :
- « Que fait-on ? je te le dis de suite, je ne me vois pas escalader cette montagne sans une bonne nuit de sommeil ». Je m'arrêtais en voyant son expression.
Les yeux dans le vague, je l'entendis murmurer pour lui-même :
- On m'avait dit que cette ville ressemblait dorénavant à une ville fantôme, mais je n'y croyais pas tant le souvenir que j'en ai est diamétralement opposée. Je suis passé par ici, il y a bien une vingtaine d'années. Tu n'aurais pas reconnu la ville, me dit-il en me regardant soudain, un air nostalgique sur son visage. À l'époque il y avait des badauds à toute heure de la journée, c'était une ville florissante, car elle était le « passage » obligé entre cette partie du monde et le reste des royaumes.
- Que s'est-il passé il y a 20 ans ?
Son regard s'assombrit :
- La guerre est passée par là, une guerre qui fut monstrueuse, comme toutes les guerres d'ailleurs. Bon ! On va chercher un endroit où dormir. Viens, j'ai connu du monde ici, il y a longtemps... avec de la chance...
Sans finir sa phrase, il se dirigea d'un pas rapide dans la direction inverse d'où nous étions venus. La maison devant laquelle nous nous arrêtâmes était bien entretenue, les murs de pierres grises faits d'un seul bloc rendait un coté harmonieux à l'endroit.
Renso frappa à la porte, un jeune homme ouvrit. Il avait 25 ans peut-être plus. Son regard froid, au premier abord méfiant semblait se demander qui étaient ces inconnus.
- Bonjour ! je me présente : Renso, fils de Réon Gaord. Je cherche Mina Desmé, habite-t-elle toujours ici ?
Le jeune homme se détendit légèrement:
- c'est ma mère. Elle rentre dans peu de temps. Son regard coula vers moi interrogateur.
Au moment, ou je m'apprêtais à répondre, Renso sembla se souvenir de ma présence et me présenta :
- Je te présente Séléna Filado qui m'accompagne jusqu'à Elésian. Dis-moi, si Mina est ta mère, tu dois être Gabriel non ?
Le jeune homme leva la tête surpris.
- Effectivement, répondit-il, on se connaît ?
- Je suis venu ici avec mon père, il y a de ça 20 ans. Ton père et le mien étaient très liés, on est resté une semaine ici. Je me souviens encore lorsque tu avais voulu attraper une poule qui en s'envolant était venue heurtée la fenêtre la faisant éclatée dans un nuage de plumes et tu t'étais retrouvé étalé dans la boue.
Ils se mirent à rire de bon cœur. Gabriel se décala de l'entrée pour nous laisser entrer :
- Je m'en souviens oui... alors c'était toi ? haha, j'avais été puni deux semaines et de corvée de ménage en même temps. Mon père était dans une fureur noire à cause de la fenêtre. Une lueur de tristesse passa dans ses yeux et remplaça soudain sa bonne humeur et son sourire.
Il reprit tout à coup : il nous a quitté l'année dernière, un éboulement dans la montagne, il a glissé au pied de la montagne et mort sur le coup.
Je le regardais désolée et horrifiée par ses propos ; c'est à ce moment-là qu'une femme fit son apparition, grande, calme avec un regard accueillant.
- Maman, voici Renso Gaord, fils de Réon, et voici Séléna qui l'accompagne. Je pense qu'ils cherchent un toit pour s'abriter cette nuit.
- Bonjour Mina, tu n'as pas changé enchaîna Renso. Comment vas-tu ? je viens d'apprendre pour Vallin... Toutes mes condoléances.
Mina le détailla de la tête aux pieds et déclara soudain :
- Mon dieu ce que tu as grandi ! tu ressembles à ton père à s'y méprendre... et elle le prit dans ses bras affectueusement. Merci dit-elle en se souvenant de la fin de sa phrase, avec la même lueur de tristesse que dans les yeux de son fils. Bienvenue dans notre modeste maison Séléna, fit-elle avec un grand sourire. Commençons par dîner, vous me raconterez ensuite ce que vous venez faire par ici.
J'en profitais pour poser mes baluchons, mon manteau et la suivie dans la salle à manger. Mon estomac en profita pour grogner au même moment et Mina se mit à rire joliment. Le dîner était déjà prêt et nous nous-mêmes à table sur le champ. C'était délicieux et ce repas me fit un bien fou.
Un feu était allumé non loin de là, qui réchauffait la pièce de vie et mes joues. L'ambiance détendue me permit d'oublier momentanément le pourquoi de ma présence ici. Gabriel se révélait être un bout en train et nous riions de bon cœur à ses plaisanteries.
Son regard doux se posait parfois sur moi et je me perdais dans ses yeux azur quelques secondes, une chaleur m'envahissant le corps. Les joues devenant roses, mais cette fois pour une autre raison que la chaleur du feu. Mina surprit ce jeu de regards et souris. M'en rendant compte, je me concentrais soudain sur la délicieuse tarte aux fruits, tout intimidée et rougissante.
Que m'arrivait-il ? Ça ne m'était jamais arrivé de me laisser intimidée par un homme de cette façon. Même Robin n'avait jamais eu cet impact sur moi, on était ami, c'était clair pour moi. Était-ce clair pour lui ?
Peu importe à présent, et là dans cette maison, je me sentais bien, légère et ne pouvais m'empêcher de rire à chacune des blagues de Gabriel.
À un moment, frissonnant, je me rapprochais du feu. Je vis Gabriel s'éloigner dans la pièce à côté. En quelques minutes, je me retrouvais seule dans la pièce. Renso était sortie récupérer des bûches pour le feu ; Minas s'affairait encore dans la cuisine et m'avait assurée qu'elle n'avait pas besoin de mon aide. Je me retrouvais donc là, seule, le regard plongé dans les flammes hypnotisantes. Je n'arrivais pas à me réchauffer et par réflexe je me frictionnais les bras.
C'est à ce moment-là qu'une couverture bien chaude apparue comme par magie sur mes épaules. Je remerciai d'un grand sourire mon sauveur, qui n'était autre que Gabriel. Il se plaça à mes côtés.
Voyant que je peinais à me réchauffer, il se colla à moi sur le canapé et entreprit de réchauffer mes mains dans les siennes.
Pour une raison obscure, je ne réagissais pas, comme anesthésiée, le laissant me dorloter ou bien était-ce peut-être tout simplement la fatigue de ces derniers jours de marches, qui avait anéanti mon côté rebelle. D'ailleurs, avais-je vraiment envie de me rebeller ? Son contact était doux, chaud et agréable. La douce fragrance de sa peau, mélange de pin, lavande et un, je ne sais quoi de masculin, m'arrivait par vague à chacun de ses mouvements, me transportant dans une sorte de transe.
Après 10 bonnes minutes, ainsi, je me sentis mieux. Renso rentra déposer les bûches dans le panier à proximité, il en remit une sur le feu et rejoignit Mina, sans un mot, ni même un regard.
Sur le coup, je m'en fichais et reportai mon attention sur Gabriel. Il était châtain clair, les cheveux courts et des yeux bleus à s'y noyer, la bouche fine et les pommettes bien dessinées, Magnifique ! J'apercevais ses bras musclés et j'imaginais que son torse devait l'être tout autant.
Je ne saurais dire si c'était ses mains ou mes pensées, mais j'avais de nouveau chaud. Je le remerciai et retirais mes mains des siennes. Une petite moue se dessina furtivement sur ses lèvres, il semblait presque déçu, cette pensée m'amusa.
J'entamais la conversation, lui demandant ce qui pouvait occuper ses journées. Il m'apprit qu'il avait repris le travail de son père dans la montagne : soit repérer les arbres abîmés, à abattre et maintenir les chemins praticables. Malheureusement, depuis la dernière guerre, de nombreuses zones sont truffés de « pièges » qui se déclenchent à n'importe quel moment, faisant s'écrouler des pans entiers de la montagne.
Ces pièges totalement indétectables depuis toujours n'ont jamais été désamorcés ; occasionnant des dégâts et des pertes régulières (bétails, hommes, matériels...).
- Qu'elle est cette guerre dont tu parles ? j'ai déjà entendu Renso l'évoquée à notre arrivée dans votre village, mais d'où je viens, je n'en avais jamais entendu parler.
- Il y a de ça 20 ans, une guerre éclata entre le pays des rochers et celui des forêts enchanteresses. Elle fut meurtrière comme jamais auparavant, on disait que le pays de forêts était aidé par les Dieux tellement certaines choses paraissaient « magiques » ou « démoniaques » selon dans quel camp on se trouvait. Parfois, la montagne s'écroulait sur un périmètre tellement précis qu'on aurait dit qu'une lame gigantesque venait de couper la montagne.
D'autres fois, le vent soufflait si fort que les arbres se couchaient. Mon peuple, celui de la montagne fut presque exterminé et notre « souverain » décida de capituler. Depuis, notre ville qui était le passage entre ces deux royaumes fut rebâti, mais jamais elle ne retrouva son prestige. Les voyageurs la fuient comme la peste, avec ces éboulements qui surviennent toujours sans « crier gare », derniers vestiges de cette guerre.
J'étais totalement absorbé par son récit, le passage concernant les croyances des dieux m'avait pour une raison obscure, « chamboulée », comme s'il y avait là quelque chose qui manquait... Comme un mot-clé qui permettrait de débloquer toute l'énigme, ou la pièce du puzzle qui permet de comprendre tout le sens de l'image.
Il me regarda sans un mot et devant mon air grave et pensif, il reprit :
- Je suis étonné qu'on n'en parle pas chez toi...
- Pour quelle raison cette guerre éclata ?
- A vrai dire, je crois que c'était une histoire de richesse et minerai dans la montagne, avec des taxes de passage entre les royaumes et nous étions largement désavantagés, pour nous rendre à Elésian... Enfin, c'est du passé, depuis un nouveau souverain a pris la place et les lois se sont assouplies d'un côté comme de l'autre.
Je bâillai soudain et Gabriel souri. « Viens, je vais t'emmener à ta chambre. Je te laisse mon lit pour ce soir. Renso prendra le sofa ». Je me levais tout endolorie d'être restée dans la même position aussi longtemps, et le suivi dans la pièce adjacente.
Sa chambre était composée d'un vrai lit avec un matelas bien épais, le mobilier plutôt rustique était bien agencé de sorte que ce soit pratique. Je me rapprochais du lit, les draps sous mes doigts étaient plus fin que ceux dans lesquels j'avais eu l'occasion de dormir. Je souris en pensant au bonheur de me glisser dedans. Je me tournais vers Gabriel et le remerciai lorsqu'il me tendit une couverture supplémentaire.
- Mais et toi ? Où vas-tu dormir, si je prends ton lit ? le questionnais-je
- Ne t'en fais pas, je vais ajouter une latte sur le sol, on en a toujours une en cas d'invités à la maison. Ce ne sera pas la première fois.
Il resta là quelques instants à me regarder avec un sourire sur les lèvres. Son regard se fit plus dense. D'un coup, la chaleur revient me colorer les joues et malgré moi, je baissais le regard, soudain gênée. Et je me sentis prononcer d'une petite voix que je ne me connaissais pas :
- Si tu veux, tu peux dormir à côté, je ne prends pas beaucoup de place, j'avais l'habitude de dormir avec mes frères et sœurs... soudain je me rendis compte qu'il pouvait aussi pendre ça pour une invitation. Me reprenant plus sur de moi : ça m'embêterai que tu t'enrhumes sur le sol... d'autant que je serai repartie demain.
À cette dernière phrase, je le vis faire une petite moue, comme s'il venait de se souvenir que je n'étais que de passage. Il me répondit :
- Ce ne serait pas convenable de dormir dans le même lit que toi. Il se retourna pour installer son lit de fortune et dans un murmure à peine audible, je l'entendis soupirer : « et tellement tentant aussi... ».
Je sortis de la chambre récupérer mon baluchon avec mes quelques affaires pour la nuit. Je croisais Renso qui allait se coucher des couvertures dans les bras. Il me regarda d'un air indéchiffrable.
- A quelle heure repart-on demain, lui demandais-je ?
- Tu es sûr de vouloir repartir Séléna, dit-il d'un ton bourru.
Je le regardais interloquer. Serait-il en train de me faire une crise de jalousie ? Non, pas Renso, il n'avait jamais été autre qu'un compagnon de route, non ? pff, décidément, je n'y comprenais rien de rien. Jusque-là, les hommes m'avaient paru très faciles à identifier : soit ils étaient pervers, soit à l'instar de Paul un ami, presque un frère. Je commençais à comprendre que Renso que j'avais « rangé » dans cette catégorie ne me voyait peut-être pas de la même façon. Je bâillai de nouveau, mes yeux se fermant à demi, me coupant là dans mes réflexions.
- Bien sûr, pourquoi ? dis-je en haussant les épaules et en retournant tranquillement dans la chambre.
Dans mon dos, je l'entendis me répondre : « après le petit-déjeuner et ne soit pas en retard ! ». Comme si j'avais été une seule fois en retard depuis le début du périple.
En revenant dans la chambre, je vis Gabriel torse nu en train de se changer pour la nuit. Je le regardais absorbée une seconde avant de m'excuser en me retournant.
Ah, mais entre Séléna, ne t'inquiète pas, j'ai fini, je vais voir ma mère, profites-en pour te mettre à l'aise. Et sur ces mots, il sortit.
Une fois seule, je me changeais rapidement et préparais mes affaires pour le lendemain. Je tombais sur mon petit carnet répertoriant les plantes du mont Maïtora. Je l'ouvris et commençais à relire les mots écrits à l'encre noire. La moitié du carnet était noircie de mon écriture et de dessins représentant ces plantes. Une nostalgie me prit soudain et une larme coula sur ma joue. Je le rangeais en me demandant quelles épreuves pouvaient bien m'attendre encore. Je me glissais dans les draps moelleux, en somnolant déjà à moitié. J'entendis des pas près de moi et une main douce et chaude me caresser la joue avant de sombrer totalement dans le sommeil.
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Bonjour Bonjour!
Un nouveau vendredi et voilà un nouveau chapitre! =D
Des informations primordiales ont été dévoilés ces deux derniers chapitres et pose la base de la suite.
Une fameuse guerre ancienne, des phénomènes étranges dans la montagne avec des éboulements...
et surtout...
Un nouveau personnage arrivé dans l'histoire! Le beau Gabriel, qui ne semble pas laisser notre petite Héroïne de marbre...
A très vite pour la suite. En espérant que l'histoire vous plaise toujours! Hésitez pas à me laisser des commentaires, des remarques, des idées... 😜
a bientot
Camille
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