🍁❇ chapitre 2- Exil ❇
Je montais dans ma chambre, pris mon sac de toile et commençais à le remplir : une lampe à l'huile, des allumettes, une robe d'été solide, un pantalon (celui que je prenais lors de mes entraînements avec Paul), un peigne, une gourde et quelques sous-vêtements, ainsi que quelques deux ou trois autres affaires pratiques qui me seront sûrement utiles. Je pris également mon livre où j'avais noté tous les remèdes que j'avais découvert grâce à la flore présente sur Maïtora, et récupérais le maximum de plantes et préparations médicinales élaborées en prévisions.
Parce que contrairement à ce que j'avais laissé entendre, je ne comptais pas me laisser mourir, pas encore. Je laissais mes autres affaires, je n'en aurais probablement pas l'utilité sur les routes.
En sortant, j'attrapais ma sacoche pour les herbes ainsi que ma dague et ma petite serpe. J'entrais à la cuisine, emportais un reste de miche qui traînait, ainsi que du jambon et du fromage pour quatre jours environ. Au-delà, il me faudra improviser. Je rempli ma gourde et me dirigeais vers la penderie. J'y décrochais mon vieux manteau d'hiver, plus un châle, ainsi qu'une couverture que je ficelais afin de la transporter plus aisément. Enfin, je sortis.
Je savais que mes maigres provisions étaient tout ce que je pourrais emmener avec moi, je ne devais en aucun cas me surcharger, si je voulais échapper aux sbires du Baron. Car je me doutais qu'ils partiraient à mes trousses pour me faire taire définitivement.
Les villageois étaient maintenant en grandes conversations, par petits groupes, toujours attroupés devant la maison. Ma mère semblait toujours aussi bouleversée, je n'aurais jamais cru qu'elle puisse faire preuve d'autant de compassion à mon égard, à moins que cet état ne soit seulement le contre coup de la terreur que lui avait inspiré le Baron lorsqu'il l'avait exhorté à partir.
Liliane claudiqua jusqu'à moi et me serra dans ses bras. Je sentais que je ne la reverrai plus ; plus qu'un au revoir, c'était un adieu. Aussi, je me mis doucement à pleurer, je sentais s'évacuer toute la rancœur accumulée depuis que le Baron avait débarqué dans notre village. J'avais l'impression que des jours s'étaient écoulés en quelques instants. Et je réalisais que ma vie venait de prendre un tournant définitif.
Puis Paul vient aussi, il avait les yeux humides. Il espérait que je m'en sortirais et me proposa de m'accompagner, au moins quelques jours. Je lui promis de réfléchir et de passer le voir avant de prendre la route. J'espérais moi aussi que je survivrais à cette épreuve et une aide était la bienvenue.
Puis mes frères et sœurs accoururent, ils m'enserrèrent dans leurs maigres bras tout en pleurant à chaudes larmes, tandis que je leur recommandais de veiller sur notre mère et de l'aider autant qu'il est possible, sachant que je ne pourrais plus le faire. Ils me le promirent. Je pris alors le chemin de l'alpage.
En passant les villageois, me touchaient l'épaule, le bras, la joue afin de me témoigner leur pitié ou compassion selon chacun. Je trouvais ça pitoyable venant de leur part et n'éprouvais rien pour ces marques d'affection hypocrites.
Ma mère ne me regarda pas, je voyais son visage noyé de larmes et me détournais bien vite. Elle avait peur pour moi, j'en étais sûr à présent et c'était la raison de son geste, de cette gifle : elle m'en avait voulu pour avoir gâché ma vie ainsi. Elle ne vint pas à moi, parce qu'elle savait que ça me ferait plus mal encore. Elle me comprenait bien finalement.
J'occultais son visage de mon esprit et me concentrais sur Maïtora, mon paradis secret. C'est là que je passerais ma nuit, mon ultime nuit au village.
Bizarrement, le chemin me paraissait différent, comme vu à travers des yeux étrangers. La nature semblait triste et endormie comme si elle avait compris le drame qui se tramait ici-bas. Mais ce devait probablement être due au fait que j'étais moi-même triste et que tout me paraissait être injuste.
Je passais une grande partie de la soirée à récolter des plantes afin de me garantir une provision de plante suffisante pour un mois. Puis passait le restant de la soirée auprès de Flinna et de sa nouvelle petite sœur.
Quand Flinna vit que je ne redescendais pas comme à l'accoutumée, elle se coucha près de moi m'offrant ainsi la chaleur de son flan et une protection pour la nuit. Je lui parlais une bonne partie de la nuit de ce qui s'était passé plus tôt, puis lui relatais tout ce que j'aurais aimé faire de ma vie. Elle me prêtait une oreille attentive et semblait comprendre tous mes mots. Je me sentis mieux et finalement à bout de forces, je m'endormis.
Le lendemain, je laissais mes affaires sur le mont Maïtora et redescendis au village. J'allais chez Paul comme prévu où il réitéra son offre de m'accompagner. J'avais bien réfléchi et je ne pouvais priver le village très longtemps de ses atouts. Aussi, il me proposa un compromis : il m'accompagnerait une journée avant de retourner au village, ainsi, il pourrait s'assurer que je ne tombe pas dans les griffes du Baron.
Pendant qu'il rassemblait quelques affaires, j'en profitais pour aller chez Liliane. Elle me serra de nouveau sur son cœur, je la regardais et me rendis compte qu'elle semblait vraiment fatiguée et lasse. Plus aucune joie n'apparaissait sur son visage. La voir ainsi me comprima la poitrine.
Juste avant de partir, je lui léguais les trois derniers flacons de pommade, ce qui devait suffire pour trois mois environ en application quotidienne. Cela me semblait peu, mais quelque chose me disait qu'elle en aurait largement assez.
Je partis. Paul me rejoignit et nous montâmes à l'alpage, je lui parlais alors de mon secret, de Maïtora. Il fut stupéfait par la beauté du site et me promit de protéger ce lieu, coûte que coûte, afin de préserver toutes ses richesses.
Je récupérais mes affaires et lui présenta Flinna et sa troupe. Je redoutais la réaction de l'étalon, le souvenir de ses charges me revenais subitement en mémoire ; mais depuis ces difficiles débuts, il s'était habitué à ma présence et Paul ne lui paraissait pas une menace, du moins se contenta-t-il de nous suivre du regard. Par contre, Flinna ne me quitta pas d'une semelle ; même arrivée à la faille, elle m'épaulait toujours. Je m'attendais à la voir partir soudainement, au grand galop agrémenté de quelques ruades, mais elle n'en fit rien.
Je n'étais jamais allée si loin dans cette direction. Le sentier qui descendait était escarpé, mais praticable et long de quelques kilomètres.
Au fur et à mesure que l'on avançait, Flinna s'était mis en tête de la troupe. Elle nous guidait dans la descente, ce qui facilitait la marche. Elle ne semblait nullement incommodée par les ravins qui tombait à pic à seulement quelques mètres ; au contraire, sûr d'elle, sa démarche était régulière.
La petite pouliche avait cessé de nous suivre après quelques mètres seulement de descente, tandis que son aînée nous ouvrait la voie. Nous entendîmes au loin des hennissements, d'abord faibles provenant de la pouliche puis furieux provenant de l'étalon. Flinna prit le temps de répondre et se remit en marche. Les hennissements cessèrent.
Après trois bonnes heures de marche forcée, nous nous autorisâmes une pause. Le soleil s'était levé depuis une demi-heure maintenant et j'essayais en vain de prédire les agissements du Baron, ma mère, Liliane et de Robin. Qu'elle serait sa réaction quand il saurait ? Peut-être le savait-il déjà et c'était sûrement la raison de son absence d'hier matin. Je décidais de penser à autre chose et entamais la conversation avec Paul.
J'employais un ton qui se voulait jovial et cela eu l'effet escompté, la discussion fut animée et légère. J'en profitais pour avaler un peu de pain et de jus de fruit pressé le matin même par Liliane. J'en proposais à Paul qui déclina l'offre.
Flinna nous guidait à travers des sentiers seulement tracés par des sabots, nous gravissions des pans de montagnes entiers, puis l'on descendait vers des ravins peu profonds, avant d'enjamber quelques minuscules ruisseaux serpentant entre les roches et s'étalant sur les prairies avoisinantes.
Depuis moins d'une heure, nous étions entrés dans une forêt de conifères et de fougères. La densité végétale était telle que nous n'apercevions pas nos genoux à travers les fougères et autres buissons, parfois même la végétation atteignait la taille. Il était mal aisé d'avancer, mais Flinna semblait savoir où elle allait.
Néanmoins, j'espérais secrètement que nous trouverions un paysage plus civilisé avant la nuit. Je me rendais compte que sans ça, nous risquerions de faire de mauvaises et dernières rencontres.
Puis je pensais à Paul. Il lui fallait rentrer au village. Or, je doutais qu'il fût capable de retrouver la route par le chemin que l'on venait d'emprunter et Flinna ne semblait pas avoir l'envie de rentrer, au contraire, elle nous emmenait toujours plus avant dans la montagne.
En milieu de journée, le paysage n'avait pas évolué, nous alternions entre forêts, prairies et plateau, sans apercevoir un seul hameau ou habitation, pas même un abri de berger. Je commençais à désespérer d'un jour retrouver une présence humaine et commençais à me demander si suivre Flinna était une bonne idée.
Je me félicitais d'avoir acceptée que Paul m'accompagne, sa présence me rassurait énormément. Bien sûr, les paysages étaient magiques, car la nature en était la seule maîtresse.
De nombreuses espèces animales, dont beaucoup m'étaient inconnues jusque-là, y avait élu refuge et la végétation resplendissait de toutes les couleurs. Au cours du chemin, je découvrais de nombreuses plantes dont certaines que je connaissais, car elles poussaient sur le mont Maïtora.
D'autres en revanches que je n'avais jamais vues me paraissaient fort intéressantes. Parfois, j'avais la certitude que telles fleurs étaient comestibles et que telles autres seraient fatales à faibles doses. Je ne savais si je l'imaginais ou bien si une force quelconque me dictait son savoir ou encore si le temps passé au côté des chevaux ne m'avait enseigné quelles herbes prendre et lesquelles laisser.
De toute manière, ce vague sentiment ne pourrait être clarifié tant que je ne serais en sécurité. Parfois, je regrettais presque d'avoir laissé ma famille au village, au moins nous aurions été ensemble.
Je voyais Flinna devant nous toujours aussi tranquille, déterminée et cette certitude qu'elle gardait me permis de me détendre un peu. Puis lorsque les ombres commencèrent franchement à s'allonger, je vis Flinna changer de direction.
On abordait de plus en plus de descentes et la végétation faisait place à des forêts de feuillus, chênes et autres espèces, preuves que nous allions vers la vallée.
Après ce qui me sembla une heure de marche, je vis pour la première fois depuis que j'avais quitté mon village, un chemin. Celui-ci avait bien été créé par le passage d'une roulotte comme le laissait deviner les deux sillons parallèles sur le sol, ainsi que les marques de fers-à-cheval. Sûrement des marchands ou des saltimbanques, preuve que l'on approchait d'un village.
Nous n'avions guère parlé sur le chemin, chacun étant déjà occupé à ses pensées. Nous profitions de la vue qui nous était offerte. Flinna avait naturellement emprunté le sentier de plus en plus visible sur le sol.
Après quelque temps, l'on aperçut des clôtures le long du chemin, l'on dépassa une maison, puis deux. Flinna vient alors à moi, me renifla la main que je lui tendais et se laissa caresser entre les deux yeux. Puis me souffla dans la paume avant de prendre le galop en direction du versant montagneux que l'on venait de quitter. Triste qu'elle soit si vite partit, je restais un instant à fixer le chemin qu'elle venait de prendre.
Paul me mit une main sur l'épaule :
- Selena, il se fait tard, allons chercher une auberge. Je pense qu'il doit y en avoir une par ici. Flinna doit avoir trouvé refuge pour la nuit, peut-être reviendra-t-elle demain. Quant à moi, il me faut connaître où nous sommes que je puisse trouver un itinéraire pour rentrer, car je ne pense pas être capable de retrouver ma route par ces montagnes et surtout sans Flinna.
Juste à l'entrée du village à gauche une enseigne indiquait qu'une auberge s'y trouvait, nous nous y rendîmes. Le patron fût fort accueillant et nous permit de loger pour cette nuit à moindre coût. Il fut de bon conseil pour Paul et lui indiqua l'itinéraire le plus court qu'il connut. Sois une journée et demi de marche en passant par de nombreux petits villages.
Il s'avéra très surpris lorsqu'on lui apprit par quels chemins l'on était venu et nous informa que l'on avait eu bien de la chance d'être sorti de la montagne avant la nuit, car des loups y rôdent la nuit tombée.
Je m'inquiétais pour Flinna seule dehors. Paul m'assura qu'en tant qu'animal sauvage, elle saurait se défendre et s'abriter par n'importe quel temps, d'autant qu'elle semblait connaître l'endroit comme sa poche.
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Coucou à tous!
Nous revoici pour un nouveau chapitre! j'espère que vous avez passé une bonne semaine.
Nous retrouvons une Séléna bien déterminée et dans une posture difficile.
Heureusement elle peut compter sur Paul, mais il ne pourra pas l'accompagner longtemps.
A votre avis que va-t-il se passer? Que va faire Séléna? et Flinna va-t-elle revenir?
je vous dis suite au prochain chapitre pour connaitre la suite de ses aventures et de nouvelles rencontres.
hésitez pas à commenter, me laisser vos avis ou voter pour savoir ce que vous en pensez.
bisous a très vite
Camille
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