Chapitre 9

Le cœur de Winwin bat très vite, trop pour qu'il arrive à le supporter. Sa respiration se bloque à cause de la peur et il a de plus en plus de mal à laisser passer de l'air dans ses poumons à mesure qu'il court.

Il n'a pas cherché à comprendre les raisons de cette soudaine cacophonie, poser des questions ne ferait que les retarder. La seule chose dont il est sûr, c'est qu'ils sont tous en danger, autant eux, que les deux castors.

Taeyong a disparu, il ne les suit plus. Est-ce qu'il s'est fait attraper ? Winwin n'en a aucune idée, mais vu les larmes qui coulent en abondance sur les joues de Ten, il se doute que l'absence de leur guide n'était pas dans le programme et est loin d'être une bonne nouvelle.

Le castor court au milieu de cette galerie dans laquelle tout le monde se serait perdu. Il y a des milliers de couloirs différents, tel un labyrinthe sous la terre ; celui qui a créé tout ça à dû mettre des dizaines et des dizaines d'années pour y arriver. C'est incroyable qu'une personne puisse connaître ces couloirs par cœur, Kun en arrive même à se demander si Ten est réellement un homme ou une création artificielle.

Les hurlements de loups se font toujours entendre, de plus en plus fort, derrière eux, au-dessus d'eux, de partout. Les garçons ne cessent de se répéter qu'ils vont être rattrapés, ils ne sont pas assez rapides, leurs petites jambes ne leur permettent pas de courir aussi rapidement que les carnivores.

— Ten, on n'y arrivera pas ! Crie Xiaojun en direction du castor qui emprunte un nouveau chemin.

Celui-ci se stoppe enfin après plus de dix minutes de course et pointe du doigt une échelle qui représente leur porte de sortie, intimant aux garçons de monter.

— Vous sortez d'ici, et vous courez sans vous retourner vers la rivière. Les loups n'aiment pas la glace et ils ne savent pas nager.

Ten n'attend pas de réponse et fait demi-tour en courant, jetant un dernier regard à Kun qui comprend directement.

Il va gagner du temps, se battre contre une horde de loups qui n'attendent qu'un seul faux pas pour le tuer.

Chenle sent ses yeux se remplir de larmes en comprenant que Taeyong et Ten sont en train de mettre leurs propres vies en danger pour eux, des inconnus qu'ils ne connaissent que depuis quelques heures.

— Chenle, bouge !

Renjun est déjà en haut, tout comme YangYang et Hendery, et si le dernier aide les retardataires à atterrir sur la terre ferme, les deux adolescents sont déjà en train de repérer les lieux. De la neige, encore de la neige, des arbres, et une immense rivière. Une rivière gelée, semblable à une patinoire, sur laquelle il est probablement difficile d'avancer. Une rivière qu'il faut traverser le plus rapidement possible pour pouvoir semer les loups.

Alors les deux garçons ne perdent pas de temps en se remettant à courir malgré les points de côté qui les font souffrir et grincer des dents.

Un coup d'œil en arrière leur permet d'apercevoir les cinq autres garçons les suivre, malheureusement moins rapides qu'eux. YangYang est le premier à finir sa course tout près de la rivière, il commence à poser un pied sur la glace, simplement pour vérifier si celle-ci peut supporter son poids, puis finit par pousser le bord à l'aide de ses mains et glisser jusqu'à l'autre bout en patinant lentement.

Renjun met plus du temps, se rappelant encore de la dernière fois qu'il s'est retrouvé sur de la glace et de comment il a failli en mourir lorsque celle-ci s'est brisée. Mais il n'a pas le temps d'hésiter puisque YangYang lui prend la main en le poussant avec lui, pour traverser ces dix mètres qui les séparent de la berge opposée.

Un nouveau hurlement s'élève dans le ciel au moment même où Kun arrive au bord. Les loups sont sortis, et malheureusement pour eux, ils sont plusieurs et n'ont pas l'air de vouloir abandonner cette course-poursuite. Mais ce n'est pas ce qui intéresse le plus les garçons, car leurs yeux sont fixés sur deux autres personnes qui tentent de les rejoindre en trottinant malgré les blessures.

— Kun, emmène les garçons ! Ne ralentissez pas ! Crie Ten en leur faisant un signe de la main.

Xiaojun récupère Chenle et l'aide à rejoindre les deux adolescents qui les encouragent à aller plus vite en voyant les loups commencer à courir dans leur direction.

Winwin et Kun se lancent un regard et n'hésitent pas une seule seconde de plus avant de s'élancer vers les deux castors pour les aider. Taeyong semble à peine conscient et se retrouve recouvert de sang de la tête au pied, Ten n'a pas l'air mieux et peine à marcher, jetant des regards de détresse vers les autres garçons.

Kun décide de porter Taeyong et se remet à courir pour atteindre la berge qui n'était heureusement pas très loin. Hendery commence à traverser en l'aidant partiellement, faisant en sorte de les tenir pour ne pas qu'ils tombent.

Malheureusement, les loups sont bien plus rapides et l'un d'eux a déjà foncé sur Ten qui a poussé Winwin le plus loin possible sur la glace. Le cri de ceux qui sont déjà arrivés à destination retentit et Kun perd l'équilibre en sentant l'un des loups mordre le bras de Taeyong pour le faire tomber. Le castor ne réagit presque pas tellement ces blessures sont nombreuses, lâchant seulement un grognement de douleur.

Xiaojun balance un caillou dans la tête du loup qui tenait Taeyong le faisant lâcher, ce qui permet à Kun de pouvoir s'extirper du danger et glisser jusqu'au bord opposé. Les deux adolescents décident de s'occuper du blessé pendant que Kun tente de ramener Hendery et de partir aider Winwin qui est au beau milieu de la rivière, entouré de plusieurs loups contre lesquels il ne peut rien faire.

Le cri de Ten venant de se faire mordre et les larmes qui perlent dans ses yeux sont pour Winwin le signe qu'ils ne s'en sortiront pas. Après tout, sept garçons inoffensifs accompagnés de deux autres hommes qui ne peuvent plus se relever, contre une dizaine de loups féroces, c'est loin d'être un combat équitable.

Ils auraient dû partir comme leur avait ordonné Ten, les laisser mourir même si c'est égoïste. Ils auraient eu deux morts sur la conscience, à tout jamais, ils auraient probablement été traumatisés pour le restant de leurs vies. Mais au moins, ils seraient vivants. Parce que maintenant, le sacrifice de leurs deux guides n'a servi à rien et les a condamnés à mort.

Hendery est comme bloqué, toujours assis sur la glace, voyant avec horreur les loups se rapprocher de Winwin, apercevant Ten n'essayant même plus de se défendre, observant les larmes de tristesse et de peur sur les joues de Chenle. Le regard de son grand frère lui hurlant de se relever et de lui attraper la main.

Et instinctivement, sa main se pose sur son sac qu'il n'a pas quitté. Précautionneusement, il fouille à l'intérieur pour en ressortir la corne de brume que Seulgi lui a légué. Et après un dernier regard vers le champ de bataille, il avance l'objet près de ses lèvres et souffle fort dedans, la tête vers le ciel.

Le bruit qui feint le paysage est si strident que les garçons doivent poser leurs mains sur leurs oreilles s'ils ne veulent pas finir sourds. Les loups semblent souffrir de cette haute fréquence, tournant en rond comme s'ils n'avaient plus aucun sens de l'orientation.

Quelques secondes après, des centaines d'oiseaux apparaissent dans le ciel, tous colorés différemment, majestueux et grands. Ils se mettent à fondre sur les loups qui tentent de les tuer pour éviter que leurs becs acérés ne les blessent. Ces nouveaux ennemis semblent assez accaparés les carnivores pour permettre à Winwin de courir vers Ten qui ne bouge plus, étalé sur la glace.

Soudainement, un garçon apparaît à quelques mètres d'eux, un bâton dans la main et une cape reliée à une capuche cachant une partie de son visage. Les oiseaux se sont pour la plupart envolés, comme s'ils attendaient la venue de cet homme et qu'ils n'étaient là que pour dévier l'attention quelques minutes.

Les loups sont maintenant revenus sur Terre et s'approchent de nouveau des trois garçons réunis sur la glace. Mais ils n'ont pas le temps d'attaquer qu'un bruit de craquement résonne. Winwin sent Ten lui prendre la main en lui souriant et sans qu'il ne comprenne quoi que ce soit, un deuxième craquement retentit suivi de plein d'autres, et ses yeux s'agrandissent en voyant la glace fissurée.

Le cri de Hendery le fait se retourner et c'est à ce moment-là que la glace craque complètement et que Winwin tombe dans l'eau, se faisant emporter, tout comme la majorité des ennemis qui n'ont pas eu le temps de revenir sur la terre ferme.

Winwin tente de garder la tête hors de l'eau, mais le courant ne l'aide pas et c'est un bâton qui l'aide à sortir de l'eau, celui de l'inconnu. Le Chinois se retrouve trempé sur un morceau de glace qui n'a pas fondu, auprès d'Hendery qui a lui aussi été sauvé, et de cet inconnu qui a enlevé sa capuche, laissant apercevoir un visage inexpressif. Ses yeux sont dirigés vers les autres garçons, qui sont déjà loin, et en croisant les yeux de Taeyong, il hoche la tête lentement.

De leur côté, YangYang et Xiaojun aident Ten qui a réussi à vaincre le courant, le remontant sur la berge avec eux.

— Il faut partir, chuchote t-il en se tenant le ventre où une blessure sanglante se situe.

— Winwin et Hendery se sont fait emporter, il faut les retrouver, qu'on aille les chercher ou qu'on fasse quelque chose ! S'exclame Chenle en paniquant.

Ten puise dans ses dernières ressources pour se mettre debout, toujours aidé des deux frères qui sont restés silencieux depuis le début.

— Ils sont entre de bonnes-mains. Maintenant, il faut qu'on s'en aille et vite. Les loups vont faire le tour de la rivière pour la traverser et ils seront là dans quelques heures. Ils ne nous lâcheront pas alors il faut fuir.

Renjun n'écoute pas les indications que leur donne Ten sur l'endroit où ils doivent aller, son regard est encré dans celui de ce loup, Jaemin. Il est là, de l'autre côté de la rivière, caché par les arbres. Il l'observe avec ce regard intimidant qui fait frissonner le Chinois qui se contente de détourner la tête après un ultime regard.

Il aurait dû les aider, ne pas sauver Taeyong, ni personne d'autres. Mais la panique générale l'a totalement dévié de son objectif principal, qui est de livrer ses frères et sœurs à la Reine qui demande à les rencontrer. Et elle lui a dit, elle ne leur fera pas de mal, c'est une promesse qu'ils ont faite.

Il aide les loups à capturer ses frères et sœurs et elle le fait Roi à ses côtés. À lui la vie rêvée, tout le monde sera à ses pieds et il jubile déjà rien que d'y penser. La donne changera et il ne sera plus le petit Renjun qui est isolé et qui se fait marcher sur les pieds.

Ses yeux dévient sur Ten et il se sent quand même soulagé que celui-ci soit toujours vivant. Alors il efface l'image de Jaemin de son esprit pour aider les autres à porter les deux castors qui n'ont pas assez de force pour le faire seul. Il ne connaît pas leur destination, mais les autres semblent le savoir après les indications rapides que Ten leur à donnée.

Chenle se repère grâce aux arbres avec lesquels il semble arriver à communiquer. C'est comme si le vent créé par leurs feuilles lui montrait le chemin, il avance sans se retourner, aidé par les instructions de Ten qui peine à rester éveillé.

Kun porte un Taeyong ayant déjà abandonné depuis longtemps, saignant abondamment quand bien même YangYang se soit occupé de ses blessures comme il le pouvait. Xiaojun s'occupe de Ten et les deux plus vieux semblent réfléchir à ce qu'il vient de se passer.

— J'ai laissé Winwin avec un inconnu..

Xiaojun soupire en lançant un regard vers son meilleur ami, lui signifiant qu'il se sent lui aussi coupable en sachant qu'il ne s'est pas rebellé lorsque Ten leur a dit qu'ils n'étaient pas en danger.

Ce n'est pas dans leurs habitudes d'abdiquer sans rien faire. Quelques jours plus tôt, Kun n'aurait pas hésité à courir pour chercher Winwin, sans se soucier du reste. Qu'il soit en sécurité ou pas, le plus vieux n'aurait écouté personne et aurait tout fait pour garder Winwin près de lui. Et là, il vient non seulement d'abandonner Winwin avec un inconnu, mais en plus de ça, ce n'est que maintenant qu'il s'en rend réellement compte.

— C'est trop tard, écoutons les castors et on avisera plus tard. Ils doivent être loin maintenant.

Xiaojun tente de rassurer Kun en se rassurant lui-même. Cette forêt semble interminable et il a l'impression de devenir fou à mesure qu'ils avancent. Après tout, il ne sait même pas s'il peut se fier aux deux castors ou pas, Seulgi ne leur a rien dit, ils ne connaissent pas leurs alliés. Qui leur dit que les deux ne sont pas des servants d'une personne ennemie à la Sorcière Blanche, mais tout aussi mauvaise ?

Seuls les trois plus jeunes semblent sereins, et Kun en vient à se demander s'ils comprennent vraiment ce qu'il se passe. Malgré la bataille qui s'est déroulé plus tôt, les adolescents semblent en parfaite santé, comme si rien n'était arrivé. Alors que lui, tout comme son meilleur ami sont dérangés, se demandant même s'ils ne vont pas finir traumatisés en ayant assisté à cette attaque d'une violence qu'ils n'avaient jamais vécu.

Chenle était pourtant en larmes avant, mais plus aucune trace de pleurs n'apparaît sur son visage, et ça ne fait que renforcer l'inconfort des plus vieux. Ce monde n'est pas fait pour eux et ils n'ont qu'une envie : rentrer au manoir.

C'est après plus de trois heures de marche intensive dans le silence le plus total qu'une petite maison apparaît devant leurs yeux. À première vue, elle a vraiment l'air minuscule, encore plus que l'habitation de Lucas.

Il y a un petit jardin entouré d'une clôture noire où pousse des roses aussi sombres que la couleur de la maison. Elle est isolée, loin de tout, encore plus loin du monde que la cabane des castors ou que la maisonnette de Lucas. Et tous les garçons ont la chair de poule en approchant du grand portail, cet endroit ne leur dit rien qui vaille.

— C'est encore plus terrifiant que le manoir de Monsieur Kyuhyun, chuchote YangYang dans l'oreille de Renjun qui grimace, complètement d'accord avec lui.

En plissant les yeux, ils peuvent apercevoir un champ de force quasi-invisible, qui empêche donc quiconque d'accéder à la maison sans se faire électrocuter.

— Ça a l'air bourré de pièges, regardez par terre.

Tout le monde écoute Xiaojun pour constater qu'il a bien raison. Un fil noir est attaché à deux grands arbres et c'est sans aucun doute qu'une hache doit se cacher quelque part dans le décor, prêt à bondir dans la tête du premier venu.

Kun s'avance, Taeyong dans ses bras, et appuie sur la sonnette près de la boîte aux lettres, ne lâchant pas la porte d'entrée des yeux qui se trouve quelques mètres devant. À vrai dire, il ne sait pas vraiment si c'est la bonne maison ou pas, Ten s'est évanoui il y a déjà quelques minutes, leur ordonnant simplement de demander de l'aide à une certaine Irène.

Une amie à eux, l'une des dernières sorcières de sa lignée apparemment.

Après quelques secondes à attendre, un grincement très désagréable arrive aux oreilles des cinq garçons qui voient la porte de la maison s'ouvrir sur une jeune femme à la peau pale et aux yeux noirs ensorcelants. Elle porte une longue robe noire qui touche le sol et plusieurs bagues ornent ses longs doigts fins. Un corbeau est perché sur son épaule et fixe les garçons qui se figent instinctivement.

Chenle se place derrière son grand frère en voyant la jeune femme l'observer sans aucune expression. Il détourne le regard, ayant l'impression de se faire aspirer l'âme s'il reste trop longtemps à la fixer dans les yeux.

— Elle a l'air encore moins agréable que Seulgi, murmure Renjun en la jugeant très clairement du regard.

Celle-ci tourne directement la tête vers l'adolescent en le fusillant des yeux, une pointe de surprise sur son visage. Elle semble avoir entendu et Renjun ne peut que baisser la tête face a l'aura nettement supérieur de la femme.

En voyant Taeyong et Ten inconscients dans les bras de Kun et Xiaojun, la sorcière appuie sur un bouton et le portail s'ouvre, leur permettant d'entrer dans le jardin. Un chemin fait de fumée blanche se crée, probablement pour leur permettre d'éviter les nombreux pièges qu'ils n'auraient pas pu vaincre sans aide.

C'est avec un peu d'appréhension qu'ils s'avancent tous et que le portail se referme après leur passage. Renjun est obligé de se faire du vent avec son tee-shirt car une chaleur obscure l'envahit, et il se rend compte qu'il n'est pas le seul puisque YangYang peine à respirer et que Chenle regarde tout autour de lui le regard effrayé.

La jeune femme se tourne pour rentrer chez elle et Kun ne peut qu'ouvrir grand les yeux en entrant à son tour. La maison qui avait l'air minuscule de dehors n'est en fait qu'un sortilège qui cache en réalité un endroit qui pourrait être comparable à une villa.

Si de l'extérieur, l'endroit est effrayant, l'intérieur est fait d'or et de lumière. La salle dans laquelle ils sont n'est autre qu'un grand salon où se trouve une longue table en son centre. Des escaliers se trouvent de part et d'autre de la salle et un canapé fait face à une cheminée qui monte haut dans le ciel.

Les garçons sont stoppés dans leur contemplation par la jeune femme qui se racle la gorge en ouvrant les bras, un petit sourire aux lèvres.

— Bienvenue dans ma demeure, chers souverains de Narnia !

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