Chapitre 30
Renjun pose sa tête sur le ventre de Jeno qui observe le plafond. Il est déjà très tard dans la nuit, ou peut-être est-ce déjà l'aube. Mais aucun des deux n'a réussi à trouver le sommeil.
Taemin l'a enfin laissé tranquille lorsque le Chinois lui a assuré qu'il resterait ici et qu'il ne partirait pas en terre inconnue. Il a menti, un gros mensonge, mais à force de s'entraîner, il est devenu bon à ce jeu ; il a en plus réussi à bloquer ses pensées, de sorte à ce que Taemin ne puisse pas lire en lui, qu'il ne prenne pas conscience de la suite des événements.
Il est allé voir tout le monde, passant un peu de temps avec YangYang et Sungchan, parlant quelque temps avec le petit couple composé de Jisung et Chenle qui ne se quittent jamais. Il s'est même entraîné avec Mark, Hyunjin et Seungmin pour apprendre à se battre avec une épée. Pour une première fois, il ne s'en est pas trop mal sorti.
Puis il a fini par Jeno. Ce garçon intriguant, tellement gentil et doux, qui a son côté colérique comme tout le monde, mais qui veut toujours aider.
Ces derniers jours, il a passé de plus en plus de temps avec lui, et même si Jeno ne lui a jamais parlé de Jaemin ou de n'importe qui d'autre, il voit à travers son regard que toute cette histoire le hante encore. Ça l'empêche de dormir correctement, et Renjun ne s'en est rendu compte qu'aujourd'hui. Alors il a décidé de rester un peu auprès de lui, pour l'aider à s'endormir et pour qu'il se sente moins seul.
— J'ai discuté un peu avec quelqu'un du camp qui m'a parlé de Jaemin.
Renjun se mord la lèvre d'appréhension en sentant le corps de Jeno se tendre et la respiration du plus vieux se faire plus rapide. Il est bien conscient que ce n'est pas une question à poser, c'est sa vie privée et son passé.
Mais c'est en se souvenant qu'on arrive à passer à autre chose. Garder toutes nos peurs, toutes nos faiblesses, toute notre tristesse au fond de nous, ne marchera qu'un temps. C'est comme un verre d'eau, tu peux le remplir encore et encore, mais il arrivera bien un moment où l'eau débordera, et on fini toujours par se noyer dans notre propre obscurité.
Parler sera difficile sur le coup, il est possible que la nostalgie apparaisse et que certaines larmes coulent le long des joues de l'aigle ; mais Renjun sait, que Jeno comprendra plus tard.
Contre toute-attente, le Chinois ne se fait pas crier dessus ou réprimander, seul le silence lui répond, comme si l'autre garçon voulait en savoir plus sur ce sujet. Alors Renjun prend ça comme une invitation à continuer bien que Jeno soit toujours tendu.
— C'est qu'un enfoiré.
— Ne dis pas ça. Tu ne le connais pas, c'est bien l'une des seules personnes qui n'en est pas un dans ce monde.
Le ton était froid, colérique, mais Jeno n'a pas bougé, ne lui a pas interdit d'en parler. Renjun avait besoin d'une confirmation, de savoir si le noiraud était toujours épris de Jaemin. Leur lien d'âme-soeur a certes été brisé délibérément par le loup, il n'en reste pas moins que les deux ont été ensemble pendant de très nombreuses années.
Et Jeno n'a pas l'air d'avoir fait son deuil.
— Alors dis-moi comment il est alors, je t'écoute.
Renjun se relève pour fixer le noiraud dans les yeux, le confrontant à ses souvenirs. Assis en tailleurs, il observe l'aigle qui arbore un air perdu et désemparé. Le Chinois voit ses yeux briller, ses orbes colorés bougent et il plonge dans une vie de centaines d'années pour tenter de trouver dans sa mémoire tous les détails, même les plus futiles, qui pourraient indiquer que Jaemin n'est pas un enfoiré.
— C'est quelqu'un de bien, vraiment.
— Dis-moi comment il était exactement, dans les moindres détails, l'homme de qui tu es tombé amoureux.
Jeno passe ses mains sur son visage, il essaye de ne pas y penser, il ne veut pas de cette discussion. Il sait que parler de Jaemin ne fera que le blesser, l'attrister. La mélancolie et toutes les plus horribles émotions prendront place dans sa tête et dans son cœur, et il sait que cette envie maladive de le revoir et d'embrasser ses lèvres qu'il aimait tant le briseront entièrement.
— Il était assez solitaire et ne traînait avec personne mis à part moi. Les autres ne l'aimaient pas beaucoup, ils le trouvaient trop froid, sans sentiments, et c'était réciproque. Il s'en foutait parce que l'important c'était lui et moi, ça a toujours été comme ça. Il m'aimait, comme un fou, jamais il n'a levé la main sur moi comme d'autres loups le faisaient sur leurs partenaires. Moi, il m'a toujours traité comme le plus précieux des rubis, la plus belle chose du monde, le trésor qu'il doit protéger envers et contre tous. Ce n'est pas quelqu'un de méchant. Il m'aimait.
— Oui, il t'aimait, et toi tu l'aimes, là est toute la différence. Tu devrais l'avoir aimé, mais dans ce présent, dans cette vie que nous sommes en train de vivre, tu devrais le haïr. Parce que pendant que tu l'aimes, lui est un tueur de sang-froid qui obéit aux ordres d'un psychopathe.
Jeno ne dit plus rien, parce qu'il sait que Renjun a raison. Mais lui a connu Jaemin, le vrai, et s'il déteste la personne qu'il est devenu aujourd'hui, celui qu'il était avant, il en est encore amoureux, profondément et intensément amoureux.
Jaemin n'a jamais été réellement accepté par la famille de Jeno, par ses amis, et par l'intégralité du camp où ils vivaient. Les loups ont, depuis la création de Narnia, toujours été des fiers ennemis d'Aslan, les seules personnes qui se rebellaient et détestaient toutes les personnes n'étant pas comme eux.
Jaemin a été recueilli par Aslan lui-même lors d'une escapade dans la forêt. Le petit loup n'était encore qu'un bébé fraîchement abandonné par ses parents, alors le lion n'a pas hésité à l'emmener avec lui, et il s'en est occupé pendant quelques mois à l'aide de son mari, lui inculquant les bonnes manières, l'aidant dans son apprentissage et essayant par tous les moyens de le faire se sentir chez lui.
Au début, ça marchait, il jouait avec les autres enfants, il était heureux, et il a même rencontré Jeno. Les deux n'ont pas mis longtemps avant de passer leurs journées ensemble à faire les fous. Ils étaient constamment collés et détestaient tellement être loin l'un de l'autre, que Johnny a décidé de prendre Jaemin chez lui pour le laisser dormir avec Jeno autant de fois qu'il le souhaitait.
Pendant plusieurs années, les deux ne se quittaient jamais. Puis comme l'avait prédit Jaehyun, les deux se sont épris l'un de l'autre et leur lien d'imprégnation est apparu. Ils ont ensuite grandi, et ils ont changé, l'adolescence les a frappés, les autres ressentaient la différence entre Jaemin et eux. Lors des cours, Jaemin était bien plus bruyant que les autres, il répondait plus à ses professeurs, il écoutait moins les cours, et commençait même à enfreindre certaines règles que lui avait imposé Jaehyun.
Mais sa relation avec Jeno ne s'effritait pas, au contraire, plus les jours passaient et plus leur lien se faisait fort. Leur sentiments se faisaient plus puissants, et avec eux son lot de problèmes. Jaemin devenait plus protecteur, plus jaloux, et même s'il tentait de faire des efforts, sa nature reprenait toujours le dessus.
Après tout, c'est un loup, un prédateur, et Jeno ne la comprit que lorsque son amoureux a frappé un camarade qui était beaucoup trop près de l'aigle et qui le regardait avec bien trop d'intensité pour être simplement curieux.
Doyoung lui a expliqué que les loups n'étaient pas comme les autres, et que ce n'était que le début. Que Jaemin continuerait à se rebeller et que l'en empêcher ne ferait qu'aggraver les choses, que tout empirerait, mais que ça ira. Qu'il faut être patient et essayer de le comprendre, le rassurer, et lui dire qu'il fait parti de la famille.
Mais Jaemin n'acceptait que l'amour de Jeno. C'était la seule personne qu'il refusait de laisser tomber, le reste, il ne s'en préoccupait pas, ça n'avait pas d'importance.
Il était follement et éperdument amoureux de Lee Jeno.
***
Dans une ambiance sensuelle et charnelle, Jaemin embrasse une nouvelle fois les lèvres sucrées et si tentatrices de Jeno qui se sent partir tellement la sensation de la bouche de son âme-sœur sur la sienne est douce.
Pourtant, le baiser est loin d'être doux, au contraire, les lèvres des deux garçons sont rougies, gonflées et celles de Jeno laisse même échapper quelques gouttes de sang à force d'être mordillées par Jaemin.
La chaleur qui émane des deux corps embrase la pièce et la température ne fait que monter au fil du temps. Ce n'est pas la première fois qu'ils font l'amour, loin de là, mais la sensation est toujours la même, ce plaisir intense qui donne toujours plus envie.
Jeno offre son cou au plus jeune tout en frémissant lorsque la langue du loup appuie sur sa peau. Une main se pose sur son bassin et par réflexe, le noiraud se cambre, suffoquant de plaisir. Chaque caresse, chaque baiser, lui procurent une sensation de plaisir intense, tellement intense qu'il ne sait jamais où donner de la tête.
Jaemin joue avec lui, il s'amuse de le voir si impatient, si à sa merci, il devient incontrôlable devant cette vision. La vision du corps nu qu'il est le seul à pouvoir contempler, à pouvoir toucher, à pouvoir embrasser.
Ses mains jouent habilement avec sa victime et son aura emplit une nouvelle fois la pièce, lâchant des phéromones au goût prononcé de cannelle, contrastant avec l'odeur pomme de l'aigle. Il empoigne avec insistances les fesses de Jeno qui ferme les yeux en posant ses mains sur les épaules du plus jeune.
Il se cambre une nouvelle fois en gémissant lorsque Jaemin vient titiller l'un de ses bouts de chair qui lui sont si sensibles.
— Jaemin... Dépêche putain..
Le loup lâche un grognement de satisfaction en voyant qu'une fois de plus, l'aigle a abandonné le combat, ne tenant pas plus de deux minutes sans en vouloir plus. Il en veut plus, encore et toujours, mais le plaisir qu'il ressent et l'émotion qui le transperce ont raison de lui et s'il veut pouvoir respirer correctement et ne pas hyper-ventiler, Jaemin doit arrêter son supplice qui l'emmène jusqu'aux étoiles.
— Bouge bordel, je t'en supplie !
Le loup lâche un petit rire et plante son regard dans les yeux du noiraud qui peine à garder les siens ouverts. Si d'habitude, Jaemin déteste recevoir des ordres, ceux de Jeno pendant l'acte sont toujours aussi délicieux à entendre, une douce mélodie entrecoupée de gémissements qui l'excite plus que tout.
Alors il n'attend pas une seconde de plus, embrassant les lèvres de Jeno qui répond à son baiser passionné, laissant ses mains se balader sur le corps offert du plus vieux ; puis il s'enfonce dans l'antre de Jeno qui hoquète en prononçant le prénom de son amant d'une voix aiguë qui ne rend que plus fou son âme-sœur.
Une fois encore, l'envie les gagne, l'amour qu'ils se portent l'un pour l'autre se fait sentir et ils passeront une nuit de plus à s'aimer à la folie, à plonger tête la première dans la luxure, et à s'embrasser dans la nuit la plus parfaite.
***
Son tempérament de feu agaçait de plus en plus, néanmoins, malgré toutes les critiques, il était l'un des meilleurs guerriers que Narnia n'avait jamais connu.
Jaehyun vantait énormément son potentiel et sa puissance, il l'aidait à canaliser son énergie, il lui apprenait tout ce qu'il savait, et sans même s'en rendre compte, il en faisait une machine de guerre qui finirait par le détruire.
Sa transformation en majestueux loup entièrement noir était impressionnante, sa vitesse dépassait celle de bien du monde, son habilité à manier les armes et à se battre était exceptionnel pour un garçon de seulement dix-sept ans.
Il faisait parti d'un groupe de combattants redoutables du même âge, mais il s'est vite retrouvé en duo avec Jeno car les deux étaient beaucoup plus forts que les autres.
Même si leur relation était vue d'un mauvais œil par la famille de l'aigle, ils ont commencé à sortir ensemble assez tôt, à seulement douze petites années. Puis le jour des quinze ans de Jeno, ils ont eu leur première fois, et ont ensuite vécu une fin d'adolescence plutôt normale, à s'aimer, mais aussi à se disputer.
Le caractère brutal et désobéissant du loup contrastait beaucoup avec la sérénité et l'intelligence des aigles, Jaemin aimait faire n'importe quoi et faire tourner Jeno en bourrique était sa passion, il ne l'écoutait jamais, n'en faisait qu'à sa tête, il avait besoin de son espace personnel, de sa liberté.
Parfois, ça leur arrivait de ne pas se parler pendant quelques jours, surtout quand le côté bestial et indéniablement jaloux faisait surface chez Jaemin. Jeno détestait plus que tout ce côté méchant et mesquin qui n'a ce qu'il veut que par la force et la peur que les gens ressentent.
Le loup ne tardait jamais à recoller son âme-sœur, comprenant que sa jalousie ne serait que plus maladive encore s'il s'éloignait trop de l'aigle. Des efforts étaient faits un temps, puis une nouvelle dispute fusait, comme un cycle de vie, une boucle infinie.
Beaucoup décrivaient leur relation comme toxique, mais au final, la toxicité, ce sont les autres qui en étaient les coupables.
Leur relation était beaucoup plus forte que ça, ils pouvaient résister à tout tant qu'ils étaient ensemble, ils le savaient et se contentaient de ne pas écouter les autres.
Ils pouvaient tout surmonter.
Mais pas cette malédiction.
— Il a tué Sanha. Il a tué mon meilleur ami, la seule personne en qui j'avais une totale confiance.
Une moue triste se dessine sur le visage de Renjun qui tente d'arrêter à l'aide de ses mains les larmes qui coulent en masse sur les joues de l'aigle. Voir le noiraud dans un tel état de tristesse le rend coupable, parce qu'après tout, c'est lui qui a lancé le sujet.
— Tu sais, les aigles ne peuvent pas être séparés de leur moitié trop longtemps, ils sont dépendants de leur partenaire, complètement, plus que toutes les autres espèces. Je n'ai pas réussi à le raisonner, je m'en veux tellement, parce qu'il a souffert plus que n'importe qui ici. Il n'est pas comme ça, Jaemin n'est pas un meurtrier, il n'aurait jamais fait ça de son plein gré, il ne m'aurait jamais quitté...
Le Chinois prend Jeno dans ses bras et le berce d'avant en arrière pour le calmer. Il le sait, que quelque chose cloche, il leur manque des pièces, le puzzle n'est pas encore fini.
Leur comportement à tous n'est pas normal. Rien n'est complètement normal à Narnia. Il y a trop de mystères, trop d'énigmes incomplètes et Renjun ne sait plus vraiment ce qu'il faut faire pour les résoudre.
— Allez, va dormir, tu es fatigué. Ça ira mieux demain, ne t'inquiète pas. Moi aussi parfois je repense au passé, et ça fait mal, tu es fort, ça passera.
Jeno hoche la tête, pleurer rend ses yeux lourds et c'est une bonne manière d'arriver à trouver le sommeil. Lui-même sait qu'il en a bien besoin, les récents événements l'ont rendu anxieux. Recevoir un message de Yuta était déjà quelque chose d'inhabituel, mais quand il a appris ce qui était arrivé au village de celui-ci, l'endroit où il passait beaucoup de temps étant petit, à jouer avec le Roi, à assister aux repas et aux fêtes avec tous ses modèles. En entendant les nouvelles, il s'est souvenu de beaucoup de choses, et il comprend maintenant pourquoi Yuta a décidé de s'éloigner. Le manque est quelque chose qu'on ne peut pas combler, du moins pas dans la situation actuelle, pas tant que cette Sorcière reste à la tête de Narnia.
Il pose sa tête sur son oreiller en remerciant Renjun qui lui sourit. Le Chinois veut vraiment aider Jeno, faire en sorte que ses démons le quittent, qu'il puisse réellement vivre dans le présent, se concentrer sur autre chose que la douleur et la tristesse.
Alors il se dirige vers la sortie, laissant le plus vieux rejoindre les bras de Morphée. Néanmoins, la petite voix de Jeno chuchote une dernière chose qu'il juge trop importante pour ne pas être dit.
— Tu sais, Johnny, celui qui a mené l'attaque contre les Contrées du Nord... C'est celui qui m'a élevé, c'est mon frère, mon tout. Lui, Jaemin et Sanha, ce sont les trois personnes que j'ai le plus aimé dans ma vie. Aujourd'hui, ils ne sont plus là. Il ne reste personne. Juste moi.
C'est avec détermination que l'humain sort de la tente de Jeno. Il le savait déjà, il en sait beaucoup plus que lors de son premier jour. Renjun a des réponses, et il le sent, il peut faire quelque chose pour Jeno, pour Narnia. Il peut devenir important, être celui qui vaincra le chaos, qui réussira. Pas les autres, mais lui, un simple adolescent que personne n'a jamais réellement apprécié à sa juste valeur.
Un garçon toujours dans l'ombre des autres, une personne invisible, qui était juste là comme décoration ; quelqu'un sans importance.
Mais il sera plus que ça, parce qu'il peut devenir le héros, celui que les gens aduleront, que les gens aimeront, qui deviendra populaire, un homme dont on se souviendra pendant des millénaires.
Alors il récupère une lance posée à même le sol près des armes d'entraînement et se dirige d'un pas assuré vers l'entrée magique, l'illusion qui lui permettra de sortir du camp et de se retrouver dans la forêt.
Il apporte l'une de ses mains à son poignet où se trouve la montre offerte par Jaemin, et il appuie sans hésitation sur le bouton rouge.
Ce bouton qui annonce son arrivée, qui prévient les ennemis que c'est l'heure, c'est le moment, c'est maintenant.
Rendez-vous sous le saule pleureur.
Rendez-vous pour rencontrer Renjun, le vrai, celui bien plus intelligent et sadique que vous ne le pensez. Celui qui gagnera, qui ressortira vainqueur de cette guerre, qui manipulera ses victimes de sang-froid.
Celui qui tranchera la tête de cette Sorcière Blanche.
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