Chapitre 28
La jambe de Renjun tressaute et il se mord la lèvre d'appréhension, tenant dans ses bras le corps frêle de son petit frère qui tente d'arrêter ses soubresauts.
Taemin est revenu et fixe Chenle avec des yeux désolés, pendant que Jisung s'est éloigné pour éviter d'être confronté au plus jeune.
La nouvelle a bouleversé Chenle qui n'avait pas été mis au courant par le lionceau. Il ne connaissait rien, aucun détail, personne ne lui avait rien dit, et malgré la réticence de Jisung, Renjun a décidé d'expliquer ce qu'il savait à son frère qui a très mal pris le fait d'avoir été mis à l'écart.
Jisung va mourir lorsqu'il atteindra dix-huit ans, dix-huit ans qui arrivent à grand pas puisque son anniversaire est dans quatre jours. Quatre petits jours, c'est pour ça que Jongin et tous les proches de Jisung s'agitent autant. C'est parce qu'ils savent que le danger arrivera bien plus vite que prévu, dans quatre jours, Jisung va mourir et la guerre fera rage.
Taemin s'approche du lionceau qui lui grogne dessus pour lui indiquer qu'il ne veut pas lui parler, le considérant comme un traître. Ils lui ont tout raconté, et si son envie de crier au monde entier ce qu'il se trame est à son comble, Chenle lui a interdit de le faire, ne supportant pas le fait que son grand frère puisse avoir des ennuis ; qu'importe s'il l'aime ou pas. Renjun reste son frère et l'une des seules personnes qu'il suivra quoi qu'il se passe.
— Balance les informations Jisung. Qu'est-ce que tu sais sur toi, ta famille ?
Le blond fusille du regard Renjun, mais son regard se voile d'une expression triste en apercevant le visage de Chenle crispé, comme s'il se retenait de fondre en larmes.
Alors dans un soupir, Jisung décide de prendre la parole.
— Je ne sais rien, rien de plus que toi. Irène m'a expliqué que mon père est Aslan, mais je ne l'ai jamais rencontré, ni lui, ni même ma mère. Je ne connais pas son existence, et Irène non plus. Personne ne sait qui est elle est, c'est pour ça que Jongin, Mark ou encore Jeno ont si peur, parce que ça peut être n'importe qui, je ne suis en sécurité nulle part, nous n'avons aucune information.
Renjun se masse les tempes. Comme si une prophétie ne suffisait pas, il en faut d'autres qui viennent s'y ajouter, et de nouvelles questions font surface.
— Est-ce que tu as connaissance de l'époque où Doyoung était le mari de ton père ?
Jisung secoue la tête de droite à gauche, pour signifier qu'encore une fois, il n'a aucune information à lui donner. Il est aussi perdu que les autres.
Renjun commence à s'énerver, il pensait tellement que Jisung pouvait avoir des choses croustillantes à leur faire parvenir, mais ils n'ont pas avancé d'un seul centimètre.
Quelqu'un doit bien savoir.
— Et Irène ? Questionne encore une fois le Chinois en croisant les doigts.
— Rien. Elle ne sait rien, personne n'est au courant Renjun, personne.
Le Chinois a soudainement une envie d'abandon, et il ne sait pas pourquoi il essaye de comprendre, encore et encore, comme un besoin obsessionnel d'avoir la vérité, d'être celui qui découvrira tout.
Celui qui possédera la clé du coffre enfermant tous les plus précieux trésors.
— Est-ce qu'il y a des personnes qui sont plausibles de savoir un tout petit quelque chose ? Ou carrément de connaître la localisation d'Aslan ?
Jisung hoche les épaules comme pour signifier qu'il ne s'est jamais renseigné, et Renjun trouve ça aberrant que le plus jeune ne semble pas plus anxieux que ça alors qu'on parle quand même de sa vie, et surtout de sa mort. Renjun serait devenu fou à sa place, il aurait tout fait pour retrouver ses parents et enfin découvrir la vérité.
Mais ce n'est pas son combat, et une fois encore, le Chinois se demande pourquoi il s'obstine à vouloir s'immiscer dans l'histoire.
Est-ce sa curiosité ?
Ou il y a-t-il quelque chose d'autre ? Une chose plus profonde qui le pousse à savoir ? Qui est si importante que comprendre est une question de vie ou de mort ?
— Shotaro est le dernier à avoir vu Aslan et le Roi Doyoung, mais il a probablement été tué puisque c'est lui qui faisait régner l'été à Narnia. Si l'hiver est arrivé, alors il est tombé. À part lui, je suis sûr que personne ne sait, Irène aurait été prévenue sinon.
Renjun se mordille la lèvre, se plongeant dans tous ses plus anciens souvenirs qui pourraient l'aider à mettre la main sur une piste, un indice, n'importe quoi qui les décoincerait de cette situation.
Seulgi avait demandé à Chenle de trouver Shotaro, celui qu'on appelait l'esprit du vent. Mais en rencontrant Taeyong et Ten, au fil de leurs péripéties, ils ont fini par oublier ce détail, ne s'en préoccupant pas le moins du monde.
Soudain, une lumière apparaît. Renjun ouvre grand les yeux en fixant Taemin qui fronce les sourcils. Celui-ci secoue rapidement la tête après être rentré dans l'esprit de Renjun et s'oppose catégoriquement à cette idée.
— C'est du suicide Renjun, tu ne peux pas faire ça, c'est impossible !
Mais trop tard, le Chinois est buté, il n'écoute pas les avertissements de Taemin et fonce hors de la tente, suivi de près par le plus vieux.
Chenle et Jisung se retrouvent à nouveau seuls et n'osent pas s'approcher l'un de l'autre. Que faire ? Quels conseils suivre ?
— J'ai peur Jisung.
Le blond semble touché par les propos de Chenle et décide de réduire l'espace entre eux pour le prendre dans ses bras. Si le Chinois a peur, le lionceau est calme, serein, comme s'il s'était préparé à cette journée toute sa vie, comme s'il admettait la triste vérité qu'il ne survivra pas. Il caresse les cheveux d'un Chenle perdu, se demandant ce qu'il adviendra d'eux.
— J'aimerais tellement rencontrer mon père. Je veux savoir pourquoi il m'a abandonné. Est-ce qu'il ne voulait pas de moi ?
Chenle lève les yeux en posant ses mains sur les joues du blond qui lui apparaît triste, comme frappé par la réalité qu'il est orphelin.
— Je suis sûr qu'il y a une raison derrière tout ça. J'en suis même persuadé. Je te promets que je te protégerai, je ne laisserais personne te faire du mal.
— Tu penses pouvoir me protéger avec ta petite force ? Le taquine gentiment Jisung en le prenant par la taille pour le faire basculer sur le lit.
Chenle sourit en levant les yeux au ciel et caresse la joue du plus jeune avec une douceur infinie.
— Je pourrais faire diversion. Qui sera le plus important à leurs yeux, le fils d'Aslan ou le jeune garçon de la prophétie ?
Les yeux de Jisung auparavant pétillants s'assombrissent et il serre la mâchoire en tenant les poignets de Chenle au-dessus de sa tête, faisant sursauter le plus vieux qui ne s'y attendait pas.
— Tu ne risqueras pas ta vie pour moi, je te l'interdis. Je tiens trop à toi pour ça.
Chenle rougit doucement et se libère de la poigne de Jisung pour passer ses bras autour du cou de son amant qui approche sa tête pour que leurs fronts se touchent.
D'un accord commun, leurs lèvres se rencontrent, d'abord timidement, un simple baiser en surface. Jisung se recule légèrement et observe, amusé, un Chenle bougeant dans tous les sens en se mordant l'intérieur des joues. Trop gêné, il décide de cacher ses yeux à l'aide de ses mains, mais Jisung est plus rapide et repose ses lèvres contre celles du plus vieux qui ne peut empêcher son ventre de se tordre.
Chenle se sent fondre sous les caresses de son amant et un sentiment de bien-être qu'il n'avait jamais connu avant s'installe en lui. Ce fil invisible les relie et dans un éclat de lumière que seuls eux perçoivent, l'imprégnation totale se fait et ils se retrouvent vite comblés et heureux.
Ils se détachent lentement avant de se regarder avec amour. À partir de maintenant, leurs vies sont liées, tout comme leur destin, et personne ne pourra les séparer.
***
Le soleil éblouit Seulgi qui est obligé de fermer les yeux pour ne pas finir aveugle. La jeune femme est allongée sur l'herbe de cette petite clairière qu'elle adore, après avoir une fois de plus fugué du château où elle réside.
Rester enfermé n'est pas quelque chose qu'elle apprécie, elle se sent contrôlé, trop protégé, comme si elle était incapable de vivre sa vie par elle-même, comme si elle était encore une petite fille de onze ans.
Cela fait maintenant de nombreuses années qu'elle est à Narnia, et elle a grandit, elle n'est plus la même enfant, et beaucoup ont du mal à s'y faire.
Notamment Joy qui n'accepte pas le fait que sa petite protégée puisse prendre son envol. Alors dès que les gardes ont le dos tourné, elle prend la fuite, se transformant en parfaite jeune Narnienne de la classe normale.
Et rejoint toujours Taeil, ici, dans cette clairière, pendant quelques heures, avant que celui-ci ne s'en aille en lui faisant comprendre qu'elle sera retrouvée quelques minutes plus tard.
Taeil sait exactement le jour exact où Seulgi vient lui rendre visite, comme il connaît la date de tous les événements qui se passeront dans le futur, du moins, toutes celles qui le concernent et qui la concerne elle aussi.
C'est très frustrant pour elle, parce qu'il ne lui dit rien, son don reste secret, elle ne peut pas prendre conscience de l'étendue de ses capacités. Savoir que l'homme qu'elle aime connaissait ses sentiments depuis longtemps et peut prévoir tout ce qu'elle dit à l'avance la rend nerveuse.
Elle se souvient de son sourire en coin lorsqu'elle évitait son regard, parce qu'il savait que ce jour-là, elle lui ferait part de ses sentiments, de tout l'amour qu'elle ressent pour lui depuis leur première rencontre. Et encore aujourd'hui, elle est persuadée qu'il est au courant de tout, et un soupire s'échappe d'entre ses lèvres.
— Qu'est-ce qu'on doit faire, Taeil ? Cacher une chose comme ça est impossible, il faudra peu de temps avant que quelqu'un ne s'en rende compte.
Un sourire fleurit sur les lèvres du renard qui se tourne vers sa dulcinée. Elle le fixe avec des yeux aimants, mais un regard qui veut dire "tu sais, alors dis moi", mais le jeune homme se contente de caresser lentement le ventre de Seulgi qui arbore une petite bosse déjà bien dessinée si on l'observe assez.
Il s'approche pour embrasser le bout du nez de la jeune femme qui s'impatiente. Elle a toujours détesté le côté mystérieux de Taeil. Lui sait tout, et elle ne sait rien, comment ne pas être frustrée ?
— Ne t'énerve pas. J'ai beau connaître bon nombre de choses, je ne peux néanmoins pas tout savoir. Mon pouvoir ne s'étend que pour quelques semaines, je ne peux pas savoir ce qu'il en sera dans un an, comme je ne pouvais pas percevoir tes sentiments la première fois que l'on s'est rencontré.
Seulgi grogne, mais ne répond pas, comprenant que ça ne servirait à rien. Même si le renard avait une information, il ne lui dirait rien. Pour la protéger d'après lui ; c'est ce qu'ils disent tous. En tant que reine de Narnia aux côtés du couple fondateur, elle doit être protégée, surveillée, parce qu'elle est importante et qu'elle doit être traité comme la personne importante qu'elle est ici.
Elle a pris l'habitude, mais ce n'est pas pour autant qu'elle adore ça, au contraire, elle préfère vivre dans les bois, être à l'aventure, partir en mission. Elle aime le danger et l'adrénaline, la routine est ennuyante, beaucoup trop pour quelqu'un comme elle.
— Les gardes arrivent. Je te laisse, on se revoit dans deux jours.
Un dernier baiser, un dernier clin d'œil, et Taeil disparaît entre les arbres pendant que Seulgi rage déjà en entendant la voix des soldats qui la cherchent ardemment pour la ramener au palais.
Heureusement, malgré ses fugues répétées, personne ne l'oblige à rester enfermé dans sa chambre. Elle a toujours accès au village et peut vagabonder comme bon lui semble, sans avoir de majordomes à tous les coins de rue pour la surveiller.
Mais c'est un élément tellement futile comparé à tous les points positifs de Narnia. Ce monde restera le sien pour toujours, et elle compte bien finir sa vie ici.
Elle n'abandonnera pas ses terres.
***
Des cris de terreur, des hurlements de colère et des larmes de tristesse, Seulgi lutte comme elle peut, elle tente de s'échapper de la poigne des gardes, elle supplie Jaehyun de l'aider, de revenir sur sa décision.
Mais rien n'y fait, le lion reste droit, la tête haute, il ne flanche pas, contrastant avec son mari qui a la tête basse, ne supportant pas la vision qui lui fait face.
Il l'a décidé ainsi, Aslan est le roi, le fondateur, il choisit les morts et les vivants.
Ceux qui restent.
Ceux qui partent.
Bien des années après son arrivée à Narnia, il a été décidé qu'aujourd'hui était la fin du voyage pour la belle femme. Aslan a estimé que son temps était fait, et que Seulgi devait retourner dans son monde naturel pour qu'un nouveau roi ou une nouvelle reine la remplace.
Le changement à une place importante à Narnia, elle a eu le droit à sa chance, d'autres après elles se verront offrir le même sort, et ceux d'avant l'ont vécu également. C'est l'ordre même des choses, quelqu'un part et un autre le remplace, et le remplaçant finira par devenir le remplacé.
Le regard timide et perdu du nouvel humain fraîchement arrivé observe la scène, ne sachant pas quoi faire, ni comment se comporter ; mais personne autour ne lui porte d'attention.
Tous ont les yeux rivés sur Seulgi qui hurle comme une sauvage, continuant à se débattre. Ses yeux rencontrent ceux de Joy alors qu'une nouvelle rafale de larmes coule de ses joues trempées. La nymphe ferme les yeux fortement, ne voulant pas craquer face à son amie la plus proche.
La main d'Irène se pose sur l'épaule de Joy qui n'arrive plus à supporter l'expression de tristesse infinie sur le visage de Seulgi.
Tout le monde savait, les adieux sont difficiles lorsque tu t'attaches, pourtant Aslan avait prévenu. Qu'importe la personne, elle ne restera pas indéfiniment, et personne ne lui fera changer d'avis, ni Joy, ni Taeil, ni même Doyoung qui pourtant à essayer maintes et maintes fois de permettre à Seulgi de rester à Narnia.
— Tu savais ! Tu savais et tu ne m'as rien dit... Pourquoi ?
La force semble avoir quitté le corps de la jeune femme qui se calme, tombant à genoux. Sa gorge lui fait mal, ses yeux piquent et ses jambes sont lourdes. Elle lance un regard peiné à son mari qui ne bouge pas.
Taeil se trouve près de Yuta, ses yeux restent encrés dans ceux de Seulgi. Il savait, bien entendu, il s'en doutait, et il avait connaissance de ce qui allait se passer ce jour même des semaines plus tôt. Distant, il n'a pas cherché à l'être, plus protecteur ou amoureux non plus, il ne disait rien, il profitait des derniers instants avec la jeune femme sans même qu'elle ai conscience du futur.
Il ne peut rien faire, le destin de Seulgi est scellé. Elle disparaîtra de Narnia pour toujours et jamais ils ne se reverront.
Crier n'y changera rien, supplier non plus. C'est l'heure, l'heure, l'heure, l'heure, l'heure...
Une main sur son ventre maintenant bien arrondi, comme pour protéger son bébé, Seulgi sent ses forces la quitter, lançant un dernier regard amoureux vers Taeil avant de disparaître pour ne laisser qu'une traînée de poussière derrière elle.
Une seule larme coule sur la joue droite du renard qui se retourne ensuite vers d'autres aventures, seul.
Il a perdu l'unique personne qui le faisait se sentir vivant, la seule personne pour qui il aurait pu remuer ciel et terre.
À partir de cet instant précis, il restera seul, caché, comme s'il n'existait pas, comme s'il s'était évaporé lui aussi. Il ne pardonnera pas, il n'oubliera pas, qu'on lui a arraché la personne qu'il aimait le plus au monde.
Seulgi n'oubliera pas non plus. Pleurant à chaudes larmes sur le sol de sa chambre, à Séoul, juste en face de cette armoire qui ne s'ouvrira que sur des manteaux divers, pas de passage secret, plus de Narnia.
Les mains ensanglantées, le regard horrifié, elle observe son ventre se rétrécir, comme si elle n'avait jamais été enceinte, comme si tout ça n'était qu'un rêve.
Pourtant, le sang qui s'écoule encore et encore de son corps montre que ce n'est pas un rêve, mais le plus grand cauchemar, une réalité cauchemardesque qui la changera pour l'éternité.
Ce n'est plus qu'une épave brisée, les morceaux cassés d'une femme qui ne se remettra jamais vraiment de ce traumatisme.
Jisung.
C'est son nom.
Ils voulaient l'appeler Jisung, ce bébé.
Mais jamais il ne verra le jour.
Et jamais plus Seulgi ne tombera enceinte.
Jamais plus elle ne verra Taeil.
Car personne ne reste indéfiniment à Narnia.
***
Personne ne reste indéfiniment à Narnia, Doyoung.
Il n'y a aucune exception, Doyoung.
Tu commences à mourir, Doyoung.
Il est temps de partir, Doyoung, car personne ne reste indéfiniment à Narnia.
Personne ne reste indéfiniment à Narnia...
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