Chapitre 19

Le portail est haut, tellement qu'il n'en voit pas le bout. Au moins dix gardes sont en place, surveillant les alentours dans les moindres détails. Winwin savait que le château était surveillé, mais pas autant.

L'espace autour de lui est assez désert, il est statique près d'une petite boutique, observant l'entrée avec envie.

Il peut directement effacer de son esprit le passage en force, même contre un seul d'entre eux il ne peut pas gagner, alors dix, la bataille est perdue avant même qu'elle ne commence.

Winwin secoue la tête et décide de ne plus se poser de questions. Il s'avance vers la porte et se fait bien entendu stopper juste devant puisque le portail est fermé. Néanmoins, aucun garde n'a fait le moindre geste. Il se poste devant l'un d'entre eux et soupire.

— Je dois absolument voir le Prince, c'est très urgent.

Le garde ne lui porte même pas un regard, aucune attention, il se contente de faire son boulot et de ne pas bouger. Winwin a l'impression de se retrouver devant Buckingham Palace en Angleterre, faisant face à ces drôles de gardes qui ne bougent jamais. C'est à se demander s'ils sont vraiment humains ou si ce ne sont que des statues fabriquées de toutes pièces.

Des rires fusent de derrière lui et quand Winwin se retourne, il aperçoit trois filles rigoler à gorge déployée en le reluquant de haut en bas. Il ne faut pas être un génie pour comprendre qu'elles se moquent de lui, et le Chinois n'a jamais vraiment aimé qu'on se paye sa tête.

Il retient un rictus d'énervement et se re concentre sur son objectif principal. Il est clair que les gardes ne l'écouteront jamais, après tout, c'est leur boulot, empêcher quiconque d'entrer au château pour déranger leur prince qui ne veut probablement aucune visite.

Winwin serre les poings lorsque les moqueries des filles arrivent à ses oreilles. Il sait pertinemment qu'elles ricanent fort pour qu'il entende leurs voix qui lui percent les tympans, et sans même savoir pourquoi, il a soudainement envie de disparaître.

Il a l'impression d'être le clown du cirque que personne ne prend au sérieux. Il a faim, il a soif, il est fatigué et tout ce qu'il veut, c'est dormir et rentrer chez lui. Il n'aime pas cet endroit, ce village, ce pays, ce monde tout entier, ce n'est pas lui.

Il n'aurait jamais pensé dire ça un jour, mais il veut retrouver la guerre, se retrouver au milieu des bombardements, même s'il doit avoir peur pour ça. Ici, il n'est pas maître de son destin, ce n'est pas lui qui fait ses propres choix, on décide toujours pour lui depuis que les sept garçons sont arrivés.

Fais ci, fais ça, écoute moi, suit le, ne parle pas, trouve cette personne, fais attention, avance, ne te retourne pas. Il ne décide rien, il est comme une marionnette et il a l'impression que tout le monde écrit sa propre vie sauf lui.

Winwin ferme fortement les yeux pour éviter qu'une larme de détresse ne coule sur sa joue et inspire une grande bouffée d'air. Il se retourne et se met à courir le plus loin possible, toujours sous les rires des filles qui ne s'arrêtent pas.

Le Prince s'appelle Yuta. Il connaît Taeil personnellement et à vécu la guerre d'il y a cent ans, dont Winwin ne connaît toujours rien malgré les questions qui tournent en boucle dans sa tête. Il connaît donc forcément Aslan et probablement la Sorcière Blanche aussi, ce qui fait qu'il pourra les aider à la vaincre en leur donnant des informations. Cet homme est d'après les dires des habitants, très attentionné avec son peuple, un roi généreux.

Si Taeil les a emmenés ici, c'est pour une raison, pour trouver des alliés. Et forcément, pour en avoir, il faut parler à Yuta, parce que c'est lui qui dirige les troupes, qui fait les lois, qui prend les décisions et qui donne les ordres. Si celui-ci accepte, alors Winwin à une chance de rentrer chez lui, de revoir Seulgi et Kyuhyun, ses parents, ses amis, et par extension de retrouver ses frères ainsi que ceux d'Hendery.

Alors non, il ne va pas abandonner et il fera tout pour entrer dans ce château.

— Réfléchis Winwin, trouve une solution, se chuchote t-il à lui-même.

Il lui faut un plan, mais pour l'instant rien ne lui vient en tête. Il faut réfléchir, après tout, c'est lui le plus intelligent de la famille, il devrait y arriver sans soucis.

Winwin parcourt les rues alentours sans trop s'éloigner du château et observe les différentes pancartes indiquant le nom des magasins. Il marche en faisant le tour, une fois, deux, trois fois, dix fois, réfléchissant encore et encore à une solution. Les cloches résonnent et indiquent cinq heures de l'après-midi ; le marché a fermé depuis longtemps, la plupart des écoliers rentrent chez eux, leur cartable sur le dos en riant tous ensemble.

Cette image ne fait que rendre Winwin encore plus nostalgique. Il soupire et fini par entrer dans un bar, commandant un simple verre de jus de fruit, puis deux, et trois. Il les boit rapidement, et il le regrette lorsque son ventre se met à grogner. Il a besoin de consistant, alors il commande une crêpe, et il attend toujours en réfléchissant.

Puis viens l'heure de payer et de partir. Winwin sourit, ses mouvements restent bloqués pendant que le serveur attend qu'il daigne l'écouter.

Les prisonniers sont forcément enfermés au château, quelque part à l'intérieur ; ceux qui ont commis un crime vont dans les prisons du palais.

Et s'il en devenait un ?

C'est une idée folle, complètement folle, mais c'est peut-être bien la seule idée qui marche.

Alors sous le coup de l'adrénaline et sans plus réfléchir, il se lève en poussant le serveur et sort du bar en courant sous les cris du propriétaire.

Il n'en revient pas, il vient de partir sans payer, comme un voleur. Lui qui a toujours été une personne qui déteste ça, il est devenu un hors-la-loi, comme Taeil.

Un sourire encore plus grand que le précédent prend place sur ses lèvres. Non, il ne regrette aucun de ces actes, il ne regrette pas d'avoir fui et agit comme un voleur, il se sent même incroyablement bien. Il entend toujours les cris du propriétaire derrière lui, et les pas de plusieurs personnes le poursuivre. Il accélère et jubile en voyant tous les regards intrigués sur lui, et il comprend Taeil.

Taeil a beau être solitaire, qu'est-ce qu'il a dû s'amuser pendant tout son voyage, se faire courser en sachant qu'il allait gagner, toute cette adrénaline en sachant qu'il n'avait de toute façon rien à perdre et tout à gagner. Cette excitation de briser les lois et de faire ce que l'on veut sans penser à ce qu'il pourrait se passer plus tard, juste courir à en perdre haleine et rire à gorge déployée.

Alors Winwin se met à rire sans pouvoir s'arrêter, il rit tout en courant vers les portes du château, puis il commence à ralentir en jetant des coups d'œil derrière lui. Et il rit de plus belle en apercevant le regard noir du propriétaire et les enfants autour qui l'encourage à s'enfuir encore plus vite comme s'ils étaient au cinéma observant une course-poursuite. Alors comme s'il retournait en enfance, il tire la langue vers le vieil homme qui s'énerve encore plus, et les rires des enfants se font plus forts. Il aperçoit même quelques sourires en coin chez certains adultes qui observent Winwin de leur fenêtre.

Enfin, il arrive devant les portes, et comme il l'espérait, les cris du propriétaire attirent l'attention des gardes qui comprennent la situation en entendant le mot "voleur". Il ne lui faut pas plus de trois secondes pour se faire arrêter et sentir le métal froid des menottes passer autour de ses poignets.

Les gardes parlent quelques secondes avec le propriétaire pendant que Winwin cherche du regard les trois filles qui ricanaient comme des hyènes quelque temps plus tôt. Elles le regardent avec un air choqué lorsque Winwin leur offre un baiser volant qui se veut provocateur et disparaît derrière les portes du château.

Il lève la tête et aperçoit les jardins du palais, avec la fontaine typique au beau milieu et les nobles qui marchent au soleil. Les deux gardes choisis pour l'emprisonner l'oblige à avancer et c'est presque comme si c'était Winwin qui les traînait tellement celui-ci marche vite.

Il repère l'entrée principale et ne l'a quitte pas des yeux, surtout lorsqu'il aperçoit un jeune homme en sortir entouré d'autres personnes de la cour. Les yeux de Winwin s'illuminent lorsqu'il voit une couronne dorée reflétant la lumière du soleil sur la tête de ce garçon.

Il n'en faut pas plus au Chinois pour hurler et prononcer le prénom du Prince en gigotant pour tenter d'échapper à la poigne des gardes. Malheureusement pour lui, seul le silence lui répond, les regards de dégoûts des nobles ne font que le faire pester, surtout que ce fameux prince ne lui offre pas un seul regard.

Winwin tente une dernière approche en hurlant le prénom de Taeil. Peut-être que Yuta comprendra et demandera à lui parler, parce que rentrer dans le château est une chose, approcher le prince en est une autre complètement différente.

Il se laisse finalement faire et entre dans un bâtiment à l'allure délabré. Il descend les escaliers et grince des dents lorsque l'un des gardes appuie la pointe de son épée dans son dos, l'obligeant à aller plus vite. Winwin se retient de vomir lorsqu'ils arrivent dans les cachots tellement l'odeur est insupportable. Ils avancent encore au milieu des prisonniers qui tentent de le toucher par tous les moyens en braillant, ce qui dégoûte le Chinois qui se contente d'éviter les mains crasseuses de certains hommes.

Winwin se fait ensuite violemment poussé dans une cellule et tombe sur les genoux, s'égratignant au passage ce qui lui vaut un léger geignement de douleur. Il se retourne en fusillant furieusement les deux gardes des yeux qui se contentent de l'enfermer dans cette petite prison sans lui jeter un regard et de faire le chemin inverse toujours sous les cris des autres prisonniers.

D'ailleurs, plusieurs tentent d'attirer l'attention du Chinois qui se recule de sorte à plaquer son dos contre le mur froid de sa cellule. Celle-ci n'est que composée du sol humide et de pailles qui ne servent à rien si ce n'est à gratter. Le regard de Winwin dévie sur le plafond, il observe avec effroi les nombreuses toiles d'araignées habitées qui entourent sa prison et décide de ramener ses genoux contre son torse en soupirant.

Ne surtout pas paniquer.






***






Jeno s'étire de tout son long en sortant de sa tente pour apercevoir le soleil pointer le bout de son nez. Il s'avance jusqu'au réfectoire en saluant les quelques personnes déjà debout et récupère une clémentine et un biscuit pour nourrir son ventre qui crie famine.

Il se lève souvent tôt, parce qu'il adore voir le camp se réveiller petit à petit et pas à pas. Les adultes se dirigent directement vers la source d'eau qui s'écoule de la petite rivière créée spécialement pour eux, lavant les habits pendant que leurs enfants dorment encore. Parce qu'une fois les petits levés, le calme n'est plus maître et c'est le bruit qui règne. Si au début, leurs têtes fatiguées quémandent encore du repos, ils se dirigent très rapidement vers les plus grands pour demander de la nourriture ou pour jouer.

Le réfectoire devient très vite le chaos, tout le monde parle joyeusement et il arrive que les adolescents commencent à faire des batailles de nourriture, et la plupart du temps, c'est Hyunjin qui jette de l'eau en premier. Puis pendant un temps, les jeunes vont jouer au ballon ou à cache-cache, créant un beau bordel en courant au milieu des tentes. Le seul moment de répit est probablement en fin d'après-midi, après les entraînements quotidiens.

Comme de partout, les plus jeunes se sont tellement donné la journée qu'ils finissent par rentrer à la maison et faire une sieste bien méritée.

Jeno aime cette ambiance, même si parfois, c'est compliqué à gérer. Il n'a pas l'intention de partir, il veut vivre toute sa vie ici, au milieu de sa très grande famille dont il a participé à la construction.

Il ne veut rater aucun moment, garder en mémoire tous les souvenirs, et aider. Alors il se lève tôt pour accompagner les adultes faire les tâches ménagères ou pour s'occuper des enfants un peu trop matinaux.

Néanmoins, aujourd'hui, son regard est fixé sur une seule personne, un garçon assis juste à côté du terrain d'entraînement à l'air libre. Il observe devant lui sans bouger, il réfléchit à tout et à rien, à pas-grand-chose, puis à un simple détail qui mène à une situation importante.

Renjun n'a toujours pas eu de réponses. Taemin était absent toute la nuit et lorsqu'il s'est renseigné sur son retour, on lui a annoncé que ça pouvait prendre du temps. Alors il se retrouve une nouvelle fois tout seul, parce que sa source d'informations et la seule personne qui pouvait un minimum le comprendre n'est plus là au pire moment.

Il tourne la tête lorsque du bruit lui indique que quelqu'un a pris place juste à ses côtés. Il sourit en voyant Jeno et replonge son regard vers l'horizon.

— C'était gentil d'être resté avec moi quelques instants hier, lorsque j'étais à l'infirmerie, engage Jeno en posant ses deux mains à plats sur l'herbe derrière lui.

Renjun lui répond avec un hochement de tête, lui indiquant de ne pas en tenir compte. C'est normal, même s'il savait que Jeno allait ressortir très vite, il s'est quand même inquiété de le voir dans un si mauvais état.

— D'ailleurs, tu vas mieux ?

Jeno hoche vivement la tête en souriant. Il est heureux que le plus jeune s'intéresse à lui et s'ouvre petit à petit. Il sait au combien ça peut-être difficile pour quelqu'un d'atterrir dans un tout nouveau lieu qu'il ne connaît pas et surtout, qu'il n'a pas choisi de connaître.

Si c'était l'inverse, et que c'était lui qu'on envoyait sur Terre en plein milieu d'une ville pleine de voitures, il aurait sûrement été encore plus perdu et terrifié, parce qu'il y a tellement de choses dans leur monde qui sont différentes d'ici. À Narnia, la technologie n'existe pas ; les métropoles ne sont rien que des villages éparpillés par-ci par-là, la population n'est pas aussi élevée que sur la planète bleue.

Et puis, les règles diffèrent, les habitudes de vie et les relations, tout doit être si étrange pour Renjun, que Jeno ne peut que le trouver très courageux.

Est-ce qu'il aurait été capable d'être la personne qui ferait pencher la bascule, l'homme que tout le monde recherche et qui peut faire apparaître la lumière ou éclater le chaos ?

— Dis Jeno, j'ai une question à te poser.

L'aigle tourne simplement la tête en observant Renjun détendre les muscles de son cou.

— Ça veut dire quoi s'imprégner de quelqu'un ?

Jeno ouvre les yeux, surpris que le Chinois lui demande quelque chose pareil. Il ne cherche pas à savoir où celui-ci a entendu le mot, ça ne le regarde pas et il préfère éviter de poser trop de questions pour ne pas brusquer Renjun. Parce que l'adolescent n'aime pas répondre aux questions qu'on lui pose, il est toujours distant et méfiant, même s'il s'ouvre de plus en plus en fonction des personnes avec qui il est.

— L'imprégnation consiste en plusieurs phases. Pour faire court, c'est semblable à se lier avec quelqu'un, comme être en couple, néanmoins, si tu t'imprègnes de quelqu'un, c'est pour la vie. Tu n'auras plus aucun autre partenaire, jamais, même si vous finissez par vous séparer. Du moins, il n'y a personne que tu aimeras autant que ton âme-sœur. Mais en vérité, c'est un peu plus compliqué que ça.

— Développe, demande doucement Renjun en fronçant les sourcils.

L'idée que Jisung se soit apparemment lié à Chenle n'est pas vraiment ce qui lui pose problème ; après tout ils font bien ce qu'ils veulent, ils sont vaccinés, bien que pas majeurs. Le problème résulte du fait que son petit frère risque de s'imprégner lui aussi de Jisung, et ça a l'air d'être quelque chose d'assez sérieux qui pourrait être un danger, surtout au vu de la réaction que Mark a eu en l'apprenant.

— Ce n'est pas toi qui décides de t'imprégner de quelqu'un, c'est une chose aléatoire que tu ne contrôles pas. Il se peut que tu ne t'imprègnes jamais de ton partenaire, par exemple, Ten et Taeyong ne le sont pas, même s'ils s'aiment. Il y a deux phases lorsque tu t'imprègnes de quelqu'un, la première phase où ton pouvoir de Narnien se réveille, c'est-à-dire que les sentiments apparaissent et commencent à te ronger entièrement jusqu'à te rendre fou si tu ne peux approcher la personne. Dans ce cas, le mieux à faire serait de rester auprès de ton âme-sœur autant que possible parce que la distance pourrait psychologiquement te détruire. Mais la première phase n'est qu'une préparation, tu commences à t'imprégner, mais tu ne le fait pas entièrement, donc tu n'es pas complètement rattaché à cette personne et tu peux encore réussir à briser le lien. Par exemple, c'est ce qu'a fait Félix lorsqu'il s'est rendu compte que son âme-sœur était un servant de la Sorcière Blanche, il s'est caché et a simplement attendu que le lien soit brisé. Mais il en a gardé beaucoup de séquelles, peut-être même trop d'ailleurs, ça fait des années qu'il n'est pas bien mentalement, lui qui est pourtant si gentil. Si tu ne brises pas le lien à temps, alors il te sera impossible d'aimer autant quelqu'un d'autre que la personne qui t'a été désignée, tu pourrais même en mourir si tu venais à t'éloigner trop longtemps. C'est comme ça, c'est l'amour, mais il y a encore plein de choses que tu dois apprendre Renjun, tu n'es pas au bout de tes surprises.

Tu es très loin d'être au bout de tes surprises Renjun...

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