22. Un invité surprise

Éléonore était tellement excitée par son emploi du temps qu'elle ne trouva pas tout de suite le sommeil. Après s'être retournée dans son lit pendant de longues minutes et avoir fait le tour de sa chambre, elle décida d'enfiler une robe de chambre et de sortir. Elle marcha, sans réel but, en essayant de mémoriser son trajet. La tâche devenait de plus en plus simple, car avec tout ce temps passé à se promener au sein du château, elle s'y retrouvait désormais. Elle avait jugé bon d'emporter sa dague, on ne savait jamais sur qui on pouvait tomber.

La jeune fille ouvrit des portes, et en referma d'autres, et tomba malgré elle sur un jardinet. Il y avait une fontaine, et ressemblait en tout point au jardinet en bas de sa chambre. Mais elle comprit que ça devait être une autre aile, peut-être pour les invités, ou quelque chose comme ça. Elle écouta, et entendit les bruissements des feuilles. Aucun autre bruit. Rassurée, elle avança vers la fontaine et leva les yeux vers ciel. Le ciel était dégagé, et elle redécouvrit les merveilleuses constellations du monde de Narnia qu'elle avait auparavant vu avec Caspian.  

- Bon, qu'est-ce que je vais faire, moi, maintenant, se demanda à voix haute Eléonore. Je vais pas rester toute la nuit ici, mais bon, y a pas de fête nocturne dans la ville où quelque chose comme ça ?

Son idée était prête. Elle allait se balader dans la ville, et essayer de trouver une fête de village ou une réunion de villageois où elle pourrait s'incruster. Sur le moment, se promener en robe de chambre ne lui parut pas important. Sortir d'un château entouré de gardes également. Son idée lui paraissait lumineuse. (Entre nous, on est d'accord qu'elle ne vole pas bien haut, cette idée...) 

Elle fit demi-tour et se dirigea vers la porte d'entrée, mais elle fut coupée par des pas qui arrivaient, la stoppant dans son élan. Elle réfléchit à toute vitesse : la cherchait-on ? Peut-être qu'elle n'avait pas le droit de se balader la nuit ? Pourtant elle avait vu de la lumière dans les couloirs, il y avait forcément une vie qui existait la nuit. Les pas passèrent devant elles et continuèrent sans lui accorder la moindre importance. Après réflexion, elle s'aperçut que ce n'était que des gardes qui effectuaient leur ronde. Elle était bien bête d'avoir paniqué comme une idiote. Ça lui apprendra à vouloir se promener durant la nuit.  

Eléonore se retourna prête à remarcher et là, elle étouffa un cri.  Elle venait de rentrer dans quelqu'un, de bien réel, qu'elle n'avait pas entendu arriver ni se poser là. Eléonore sentit son cœur lâcher, mais essaye de reprendre ses esprits. Elle sortit discrètement sa dague, prête à en découdre, mais la personne en face d'elle s'exclama : 

"Oh, je vous prie de m'excuser, je ne faisais pas attention, je vous ai confondu avec... non, laissez tomber."

Confondu avec quoi ? Une armure exposée là, une plante ? Elle ne reconnaissait pas la voix qui semblait comme étouffée par un voile. Elle garda à portée de main sa dague, au cas où.

Elle répondit :

- Ne vous en faites pas , je n'ai pas fait attention en me retournant, il y a plus de peur que de mal.

- Je ne savais pas que les invitées avaient le droit de se pavaner seules dans les couloirs pendant la nuit. Et qu'elles espionnaient les gardes.

- Et bien, je n'arrivais pas à dormir et je n'espionnais personne... mais... attendez ! Comment savez-vous qui je suis ? Et qui êtes-vous ? ET puis, ne serait-ce pas plutôt vous qui m'espionneriez ? "

Là, ça devenait bizarre. Dans la pénombre elle ne distinguait rien alors elle se décala près d'une fenêtre et invita son interlocuteur à faire de même. Pendant ce court laps de temps, elle déclara : "je vous retourne la question, que faites-vous dehors vous ?". Mais avant qu'il ne lui réponde, elle reconnut l'homme qui lui faisait face. Grand, de corpulence moyenne, elle remarqua qu'à en juger les tissus, les vêtements qu'ils portait étaient des vêtements de nuits. Elle observa son visage désormais. Il portait une  barbichette en pointe et une fine moustache élégante. Nul doute à présent quant à l'identité du personnage.

- Seigneur Iwen ? s'exclama Eléonore, interloquée.

En effet, il ne ressemblait pas du tout à l'odieux personnage qu'elle avait connue plus tôt dans la journée. Il semblait fatigué, mais son visage laissait transparaître une quiétude, loin des traits durs et sévères qui, habituellement, le caractérisaient.

- Je ne vous avais pas reconnu. Et puis, vous n'avez plus vos bandages ? 

- Oh non, répondit-il, je ne ressentais plus la douleur. Et puis, avant de dormir, on est bien mieux à l'aise sans frivolités, vous ne croyez pas ?

- Heu... Oui, certes.

- Feriez-vous un bout de chemin avec moi ? J'avais prévu de marcher quelques temps, pour trouver le sommeil. 

- Si vous le souhaitez, oui, je vous accompagne, Seigneur.

Bon, son idée de visiter la ville de nuit tombait à l'eau. Tant pis. A l'heure actuelle, Eléonore  était totalement perdue, elle ne reconnaissait absolument pas le Seigneur Iwen. Il était sympathique et n'était plus du tout méprisant comme il l'était plus tôt. Sa discussion avec Caspian lui revint en tête. Peut être qu'ils étaient partis sur de mauvaises bases et que c'était sa façon de repartir du bon pied ? Quoi qu'en soit la raison, elle devait prendre cette chance et elle accepta son bras, qu'il lui proposait, et ils commencèrent à marcher. Cela semblait bizarre, ils marchaient comme deux bons vieux amis et ils auraient pu discuter de la pluie et du bon temps qu'Éléonore ne serait même pas étonnée. Au lieu de ça, il attaqua un tout nouveau sujet :

- Vous vous sentez bien ici ? 

- C'est à dire ?

- Et bien, votre vie ici vous plaît ?

- Oh, euh, et bien, oui je m'y plais grandement. J'étais un peu perdue au début, comme dans tout nouveau pays, mais je me suis faite à l'idée.

- Ah oui, répondit Iwen, l'air compréhensif. J'oubliais que vous ne veniez pas de ce monde. Si je peux me permettre, vous semblez comme un poisson dans l'eau.

- Merci, c'est gentil de votre part, Iwen.

- Oh, je vous en prie, appelez-moi Adriel.

Eléonore lui sourit. Ils continuèrent à marcher et la jeune fille décida de l'interroger, pour savoir s'il faisait semblant d'être sympathique ou non.

- Dites-moi, Adriel... s'enquit Eléonore. Pourquoi êtes-vous venu ici rencontrer le Roi Caspian ?

Elle regarda l'homme qui l'accompagnait pendant qu'il cherchait sa réponse.

- Je suis venu ici pour permettre de renforcer mon alliance avec Caspian. Nos aïeux ont commencé le travail et je m'attelle à le continuer du mieux que je peux. Et puis, après l'oppression de Miraz, mes conseillers et moi avons déterminé que ce serait le bon moment pour venir à la rencontre de notre Roi.

- Je vois, c'est seulement une affaire politique ?

- Oui, et pour faire allégeance à mon souverain. Qu'en serait-il d'autre ?

- Je ne sais pas. Renverser Caspian pour prendre sa place ?

Eléonore se tut, satisfaite de sa pique. Sa discussion avec Adriel lui revenait la première fois qu'il l'avait rencontrée, où il était avachi dans le fauteuil royal de Caspian, et qu'il avait manifesté sa déconvenue de voir le jeune roi sur le trône. Elle se souvenait de son gros médaillon rouge qui ornait son cou. D'ailleurs, il ne le portait pas actuellement.
Elle attendait sa réaction, lorsqu'il serait démasqué ; ainsi, elle pourrait faire comprendre à Caspian que sa première impression était la bonne, et il s'excuserait pour ne pas l'avoir cru. Elle était diabolique !  Mais la réponse d'Adriel n'eut pas l'effet escompté. Pas le moins du monde.

- Comment ? Mais d'où vous vient cette idée ? Caspian est le fils de Caspian IX, mon père a combattu à ses côtés, fut un temps. Voir Caspian X, son digne héritier monter sur le trône est la meilleure chose qui pouvait arriver !

Éléonore crut qu'il était vexé par ses paroles (à charge de revanche, pensa-t-elle), alors elle s'excusa, en justifiant qu'à présent, elle se méfiait des inconnus pour protéger Caspian, et la nation pour laquelle il se battait. "Ce n'est rien, c'est tout à votre honneur" lui répondit-il. 
Mais il n'empêche qu'il avait paru extrêmement surpris qu'elle ait eu une idée de la sorte... Se trompait-elle définitivement à son sujet ? Ou jouait-il à merveille un rôle ? 

- Vous entendez ? continua Adriel, les oiseaux commencent à chanter. Le jour ne va pas tarder à se lever, je pense qu'il serait temps d'aller se coucher, ne croyez-vous pas ?

- Oh oui ! Bonne idée ! 

Comme Adriel la suivait jusqu'à sa chambre et qu'elle ne souhaitait pas non plus qu'il connaisse l'emplacement exacte de sa nouvelle chambre, -on ne sait jamais-, elle préféra lui indiquer qu'elle prenait congé.

- Adriel, merci pour ce moment, je vous laisse ici, je vais continuer seule. Passez une bonne nuit.

- De même, Mademoiselle, passez une agréable nuit. Nous nous verrons demain.

Il s'éloigna en lui adressant un sourire charmant. Eléonore l'observa partir, puis se rendit dans sa chambre. Elle se coucha sans un bruit, et s'endormit plus rapidement qu'elle ne le pensa.
Le lendemain, elle eut l'impression de ne pas avoir dormi de la nuit. C'était bien sa veine, elle qui avait un programme bien chargé. Aujourd'hui, elle devait apprendre les diverses coutumes et traditions narniennes, et il vaudrait mieux pour elle qu'elle soit apte mentalement et physiquement. Elle se leva sans grande envie, partit se rafraîchir à l'eau glacée le visage et s'habilla prestement. Aujourd'hui, elle voulait mettre de la couleur, malgré sa fatigue, elle se sentait joviale et amusée à l'idée de son programme ! Elle choisit une robe rouge et blanche, avec des manches larges et un joli col brodé. Elle laissa tomber ses cheveux sur ses épaules, et se trouva vraiment jolie quand elle s'admira devant le grand miroir? Mais, ce n'est pas son apparence qui la troubla de plus lorsqu'elle s'observait. Non, au fond, derrière elle, elle discernait un bouquet de fleurs magnifiques, colorés et chargé, avec de multiples nuances de lavandes et de bleu. Un instant, elle se demande qui avait pu les poser là. Elle ne réfléchit pas longtemps, ce ne pouvait être que Caspian. 

Elles étaient magnifiques. Eléonore vérifia que tout allait bien, et se rua hors de sa chambre pour trouver Caspian et le remercier. Sa journée commençait divinement bien ! La fatigue semblait s'être envolée, et elle avait hâte de la commencer.

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Bonjouur ! Voici un nouveau chapitre ! J'espère qu'il vous plait ! Bonne journée :))


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