13. Être ou ne pas être imprévu

- Professeur, voici Eléonore. Elle a croisé notre route sur l'île de Yewill. Elle vient du même monde que les Rois et Reines de Narnia, mais est beaucoup plus âgée. D'une centaine d'année, un peu plus peut-être.

Eléonore, au centre de l'attention, s'inclina brièvement, ne sachant comment réagir avec un professeur. Cornelius lui adressa un signe de tête en souriant, et elle le trouva sympathique.

- Peut-on savoir ce qu'une demoiselle comme vous fait ici ?

D'ordinaire, Eléonore aurait tiqué au "comme vous" mais elle comprenait pourquoi le professeur l'avait définie comme telle. Elle n'était pas une guerrière ni une souveraine. Elle n'était rien ici. Pour l'instant.

- Je vous avouerais que je n'en sais rien.

- Vous n'avez pas l'air très effrayé par toutes ces découvertes, si je puis me permettre.

- Elle connait notre Histoire. Du début de l'ancien temps, à plus ou moins maintenant. Elle les a lues, m'a t-elle dit.

- C'est curieux, marmonna le professeur. Vraiment curieux.

- Majesté, professeur. Mademoiselle, salua un garde, il est temps de rentrer au palais. Un banquet a été préparé.

- Banquet ? Répéta Eléonore, dont l'estomac commençait à crier famine. Toujours faim celui-là.

- En l'honneur de votre retour, souffla le professeur à l'adresse de Caspian qui avait haussé les sourcils.

- Eléonore, suis-nous, indiqua Caspian après avoir remercié le garde et invité Cornelius à être à ses côtés.

Eléonore hocha la tête. Elle ne savait pas si elle allait dormir dans un beau lit, dans une belle chambre, ou si elle allait être reléguée dans les chambres de bonnes, voire les cachots, qui sait ?
Ça l'arrangeait de ne pas être inclue à la conversation dans un sens. De toute évidence, Caspian et Cornelius se connaissaient depuis l'enfance du Roi, et elle n'avait rien à faire et à y gagner à s'incruster dans leurs retrouvailles. Eléonore n'avait personne à retrouver ici, elle était, une fois de plus, contrainte de ne compter que sur elle-même. Elle ne connaissait pas ses habitants, et connaissait à peine leur Roi. La beauté et l'amabilité ne faisant pas tout, elle était obligée de faire attention à ce qu'elle faisait et disait. Cette situation était pire que lorsqu'elle était au lycée.

Bientôt, Eléonore entrevit les hautes tours du château, et en dénombra plusieurs. Un long chemin de pierre, pourrant être apparenté à un pont reliait le village et le château. Les habitants étaient sortis de chez eux, acclamant le retour du Roi et le succès de son épopée. Les enfants jetaient des pétales de fleurs autour de leur souverain, et les parents applaudissaient. Caspian se montra fort aise de la situation, en remerciant de la main, en souriant et en envoyant des signes à d'autres, il sut contenter plus ou moins tout le monde. Eléonore avait un peu plus reculé à ce moment là, se sentant clairement de trop. C'était une sensation très désagréable, alors, pour moins la supporter, elle se mit à côté de soldats, pour passer inaperçue, ou, du moins essayer. Se rapprocher de l'équipage Narnien ne serait que pure folie, eux aussi se faisaient acclamer. Parfois les soldats avançaient plus ou moins vite que la vitesse d'Eléonore, et celle-ci se retrouvait face à la foule. Elle ne la remarquait pas, la prenant sans doute pour un membre d'équipage, mais quand un jeune adulte vint vers elle en lui murmurant la question de si elle était la nouvelle Reine de Narnia, Eléonore rétorqua que non, absolument pas, qu'elle était juste un membre de dernière minute, pour éviter tout soupçon. Le garçon sourit, et lui déclara que si elle voulait être son imprévu, il n'y voyait pas d'inconvénient. Eléonore rit face à cette disquette des plus étonnantes, cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas plaisanté avec un garçon. Elle se doutait qu'il plaisantait - enfin elle l'espérait-, il la fit penser à un de ses amis dans son monde, toujours en train d'abuser. Elle sourit face à ces moments, mais se souvint qu'elle était en public et toujours en compagnie du jeune homme. « Je suis désolée, je vais devoir vous laisser, on m'attend » avait-elle déclarée en guise d'excuses.
Il lui répondait que ce n'était rien, mais que son offre tenait toujours. Après cela, il recula dans la foule, et Eléonore poursuivit un peu plus rapidement son chemin.
Cette petite discussion lui avait un peu remontée le moral, et tout compte fait, son périple ne lui semblait plus aussi morbide. Elle remarqua que les habitations se faisaient moins présente, plus espacées : le château de Caspian était à des mètres d'elles, séparé par un long pont. Caspian marchait toujours en discutant avec le professeur Cornelius, et Eléonore n'osa pas le déranger pour lui demander quelconque frivolité. Elle ne savait pas si elle était invitée au banquet. L'hospitalité présente dans le sang de Caspian l'obligerait à dire oui, mais elle ne voulait pas s'imposer. Elle soupira et eut une idée ; elle improviserait le moment venu, ça lui fera de l'entraînement.

- La ville te plait ?

Eléonore se retourna et reconnut Yrief, le faune qui la regardait.

- Pour l'instant, j'ai pas vu grand chose. Mais ça ne m'a pas l'air invivable.

- Attends de voir l'intérieur du château, tu vas fondre sur place, renchérit un autre.

- Oh oui ! Il y a de ces couleurs et de ces longs couloirs mystérieux !

Eléonore sourit face à cet engouement. Le pont était à présent sous ses pieds, et les conversations s'étaient assidues pour laisser place à un léger brouhaha. Eléonore en profita pour demander des informations à Yrief et Tavros, qui étaient les seules personnes auxquelles elle avait le plus parlé. Ils répondaient à ses questions avec un plaisir non dissimulé, et Eléonore fut ravie de découvrir quelques anecdotes sur le Roi, ses manies, les repas, et encore plein d'autres choses. Ils étaient arrivés, à présent, dans la grande cour, qui permettait l'accès au château, avec ses multiples tours, passages, ponts... Et tous ces soldats qui applaudissaient encore Caspian ne  paraissaient que toujours plus nombreux. Bien vite, la troupe entra dans une grande salle. Cette salle faisait à penser à une salle de couronnement. C'était une grande pièce, avec un énorme vitrail, avec en dessous, un grand fauteuil en velours, magnifique. Eléonore se mit à penser que posséder un fauteuil dans le même genre dans sa chambre ne lui poserait aucun problème.

- Majesté, bonsoir à vous, meugla un Minotaure étranger à Eléonore, et bonsoir à vous voyageurs, marins, qui avez rétabli la paix sur notre royaume. Un banquet des plus somptueux a été préparé, et je vous invite tous à aller vous installer.

Il fit une révérence à Caspian qui passait devant lui, et se retira. Eléonore était toujours plus ou moins paumée. Contrairement à d'autres, elle n'avait jamais vécu dans un château, et les seuls qu'elles voyaient étaient ceux de personnes mortes il y avait plus de mille ans, avec une décoration plus que douteuse. "Bon, je fais quoi ? Je vais gratter gentiment leur nourriture, qui sent d'ici divinement bon, ou je vais manger de l'herbe et des baies ? Tout cela me semble facile : je vais sortir et me délecter de petites baies au goût étrange !"  pensa Eléonore. Qu'elle était drôle, décidément, son sens de l'humour s'était nettement amélioré depuis son arrivée ici. Enfin, mise à part ça, elle était toujours plantée là, comme une de ces colonnes, pendant que les autres s'empiffraient plus ou moins proprement.

- Tu ne manges pas, demanda une voix à ses côtés.

- Non, je préfère crever de faim, répondit-elle banalement.

Elle se tourna vers son interlocuteur, et se souvint que Caspian n'était pas son pote.

-  Pardon, je voulais pas dire ça...

Sous le regard suspicieux de son Roi, elle décida de baisser les bras en rétorquant :

- D'accord, d'accord, je voulais dire ça, mais pas à toi.

- Je ne me souviens pas avoir entendu quelqu'un te dire de ne pas manger, fit-il en se grattant le menton.

- Tu as sans doute raison, répondit Eléonore en souriant.

Sur cette phrase, elle s'élança rapidement vers les amuses gueules et les mises en bouches qu'elle trouvait les plus ragoûtantes. Elle était complètement cinglée, et un jour elle était sûre qu'elle serait pendue par le cou pour avoir profané de telles insanités. Au roi en plus ! Caspian était derrière, et la laissait aller en souriant face à ses mimiques de toujours regarder et manger plus. C'était limite un estomac sur patte. A présent, il n'avait plus aucun doute sur son appétit.

Le banquet se déroula allègrement, malgré la fatigue des marins qui commençait à se faire ressentir. Caspian ayant senti ce fait, déclara à ses hommes qu'ils pouvaient aller dormir dans les suites correspondant à leur noms, demain serait le jour des retrouvailles en intimité avec les familles. Il voulut trouver Tavros et Harry, car il ne les avait pas vu de la soirée. Mais Eléonore, pendant qu'il parlait à ses hommes, avait disparu. Il se mit en quête de la chercher. Harry et le Minotaure sauraient se défendre en cas de danger, il avait beaucoup plus de doutes sur le cas de la jeune fille. Il la chercha dans toute la salle, mais ne l'ayant pas trouvé, se décida à aller sur l'unique balcon de cette salle, un peu à l'écart de tous. La jeune fille était posée là, une main sur son ventre, l'autre sous sa tête, gonflant sa poitrine, celle-ci agrémentée de légers soubresauts, signifiant que la jeune fille respirait calmement.

- Vous n'êtes pas vraiment discret.

- Comment as-tu su...?

La jeune fille se releva comme un chat, et s'étira.

- Oh, en réalité, je ne le savais pas, je bluffais, dit-elle en riant.

- Tu es vraiment imprévisible, déclara-t-il. Tu débarques comme ça, à l'improviste...

- Je suis un imprévu, en quelque sorte ?

- Oui, c'est cela même, répondit-il en la regardant.

- Quelqu'un m'a proposé d'être son imprévu tout à l'heure..., commença la jeune fille.

- Ah oui ? Et qu'as-tu répondu ? fit-il Caspian, curieux, en s'approchant d'Eléonore.

- Que j'étais attendue ailleurs, s'exclama-t-elle. Je ne suis pas venue ici pour faiblir à la première flatterie, Monsieur fit-elle d'un ton pompeux. Même si je connais tout mon potentiel, je ne peux me le permettre, cela nuirait à ma réputation de dure à cuire.

- Tiens donc, rétorqua Caspian.

Ils se regardèrent et éclatèrent de rire.

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Salut ! Comme promis, voici le chapitre 13 ! (Promis, il ne porte pas malheur)
Et je suis ravie de vous revoir ici !
J'espère que le chapitre vous a plu ! On entre doucement dans l'action, a Narnia même. N'hésitez mas a me dire ce que vous en pensez ! Je prends le temps de lire et de répondre alors profitez en x))

A la semaine prochaine ! Et bon courage a ceux qui ont repris les cours depuis plus d'une semaine (rip moi) ou ceux qui ont repris aujourd'hui, ou encore bon courage a ceux qui vont reprendre dans quelques jours, semaines... bref !

:)) bonne journée !

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