Prologue

Je dédie cette histoire à Suna, comète éternelle, et bien-sûr aux autres comètes et amies qui se reconnaîtront (bitches).

Heathens - twenty one pilots featuring mutemath.


L'enfer sur terre. Voilà où je me trouve.

Une fournaise, une grotte remplie de serpents mortels, sur la scène d'un gigantesque concert en sous-vêtements... Je préférerais être partout plutôt qu'ici. Parce qu'en plus des questions auxquelles je dois répondre, il y a ces regards que j'ai l'impression de retrouver indemnes. Ils me font entendre les moqueries comme dans une projection parfaitement nette des situations passées, et je ressens à nouveau cette peur incontrôlable, presque panique, qui faisait partie de mon quotidien lorsque j'étais encore scolarisé.

Je garde la tête baissée pour éviter les regards. Pour le moment, je n'ai eu à parler qu'à deux reprises: une pour me présenter (ma voix n'a pas trop tremblé quand j'ai soufflé mon prénom, jusque-là, on pouvait encore me croire plus ou mois normal) et une pour signifier à une voix féminine qui me demandait si je n'étais pas au bord du malaise, que non, tout allait très bien.

C'était un mensonge parce que je n'avais jamais été très bien et ne le serai sans doute jamais.

Dix minutes ont passé depuis, et les tremblements du « non, tout va très bien » sont encore présents.

— J'ai conscience du fait que vous êtes loin d'être tous favorables à ce projet. Mais je compte sur vous pour vous y impliquer un minimum, nous avons organisé cela pour votre bien.

La voix de la thérapeute résonne dans la salle dorénavant baignée dans le silence. J'entends mon cœur battre et je me demande si mon voisin aussi.

Tandis que l'ennuyeux discours d'explications de la thérapie reprend, je songe au projet. Y suis-je favorable, moi ? Bien sûr que non ! Enfin, pas pour moi. C'est peut-être un coup de génie pour des jeunes comme eux, mais pas pour des jeunes comme moi ! Quand un gamin a peur du noir, vous lui mettez une veilleuse, non ? Alors qui peut-être assez horrible pour aller dans sa chambre, le réveiller, fracasser l'objet rassurant d'un violent coup de pied et fermer la porte en ricanant ?

Je prends une grande respiration en réalisant que mon cœur s'accélère bien trop vite pour que ce soit normal. Et miraculeusement, je me sens mieux.

Le projet. Une thérapie pour adolescents, imaginée par Aline Weil, thérapeute diplômée en psychologie et en psychiatrie d'après l'inscription sur la porte d'entrée du cabinet. Cette tortionnaire a convenu avec mon dernier psychologue en lisse de m'y inscrire, en soutenant que la seule et unique solution pour régler mon problème était de me confronter directement à sa source. Ma mère y a placé son dernier espoir, et en plus d'être incapable de refuser ou d'accepter quoi que ce soit, j'ai encore dix-sept ans. Voilà pourquoi je suis là aujourd'hui, à me mordre les doigts de ne pas avoir osé m'enfuir hier soir, alors que c'était encore possible.

Maintenant, les regards me paralysent. D'autant plus que j'ai l'impression que ce garçon aux cheveux blonds platine et au regard d'acier ne manquera aucune occasion de me sauter dessus. Il m'a fait un clin d'œil tout à l'heure, alors que mon regard a malencontreusement croisé le sien, et je ne serais pas étonné d'apprendre qu'il torture des gens avant d'aller au lycée, chaque matin. Alors c'est certain : je ne tenterai rien. Je vais me contenter d'attendre sagement la fin de l'heure et une fois la délivrance annoncée, me précipiter à la porte, courir jusqu'à chez moi et me terrer dans ma chambre jusqu'à la fin de ma vie.

Même si je fais tout pour éviter leur regard, j'ai immédiatement remarqué que les jeunes de la thérapie sont différents de ceux que j'ai eu l'occasion de rencontrer dans ma vie. Ils sont singuliers et dégagent chacun une souffrance particulière, que je n'ai croisé qu'à une seule reprise jusqu'ici : chez moi.

J'aurais donc pu aborder leur présence sous un angle positif, les voir comme des semblables, même comme de potentiels amis. Sauf que je suis Naos Dubois, le gars asocial de la ville qui bégayait quand il était petit, et tout le monde sait aussi bien que moi que je n'aurai jamais d'amis.

Tandis que la thérapeute reprend son discours sur les bienfaits du projet, une fille blonde et particulièrement jolie pose son regard sur moi. Je détourne le mien et me mets à trembler quand je réalise qu'elle chuchote à mon propos dans l'oreille de sa voisine.

Puis il y a ce garçon au regard sombre -mon voisin- qui tourne ses yeux dans ma direction. Je ne le vois pas, je le sens. Comme celui de cet autre garçon aux yeux clairs et aux traits doux mais effrayants, et celui de la thérapeute, maintenant, qui doit probablement être en train de parler.

Puis j'entends mon nom, je sursaute, et les rires fusent. Les trois regards se divisent pour mieux se multiplier, et me voilà au centre de l'attention, tremblant, transpirant, et essayant désespérément de me débarrasser de cette étreinte malveillante qui m'étouffe.

Il faut que je me calme ! Après quelques secondes de panique supplémentaires, je pense à cette chanson et je la fredonne en silence, dans ma tête. Cela fonctionne, et si je tremble toujours, les regards se sont calmés.

Je reprends mes esprits à la fin de ma chanson, quand la thérapeute souffle ces mots, annonçant la fin de mon cauchemar :

- A la semaine prochaine.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top