Du côté de Snake,

Quand Ash l'a appelé trois jours plus tôt pour l'informer qu'il était à proximité de Providence et qu'il allait avoir besoin d'aide à son retour, il n'a pas tardé à mettre les lieutenants à contribution ainsi qu'le Doc.

À peine rentré au QG, ils lui sont tombés dessus et l'ont emmené dans un petit local dans la zone industrielle, qu'ils ont transformé en chambre sans fenêtre pour l'occasion. À la va-vite, ils ont fait une ouverture dans une paroi en parpaings pour lui donner un accès aux chiottes et au lavabo, mais ils ont condamné toute autre issue.

Dans leur méthode de sevrage improvisée, les gars lui ont fait retirer ses groles et sa ceinture, pensant que ça empêcherait toute tentative de suicide pour fuir la souffrance, qu'il allait devoir endurer.

— Comment il va ? demande Snake au Doc qui sort de la cellule.

— Mal, soupire le Doc inquiet. Il a eu un épisode psychotique cette nuit, explique-t-il.

— Il est de plus en plus agité, intervient Matrak. Il n'a pas dormi cette nuit non plus, et il s'est dégobillé dessus. On a dû lui retirer son matelas et Vic est allé chez lui prendre quelques fringues.

— On n'a pas assez anticipé les conséquences d'une cure de désintox, déclare Snake en s'allumant une clope.

— Il parle de plus en plus de l'Enfer et de démons, s'inquiète le Doc. Je devrais peut-être faire intervenir un confrère spécialisé.

— Spécialisé ? répète Snake.

— Un sevrage ne consiste pas uniquement à enfermer quelqu'un pour l'empêcher de consommer, clame le Doc. Il a besoin d'un soutien psychologique et de médicaments appropriés, insiste-t-il.

— Il veut pas d'médocs, objecte Matrak en ajustant son bandana rouge par habitude.

— Nan, c'qui veut c'est s'punir pour c'qu'il a fait à sa nana, confirme Snake.

— À ce propos, clame le Doc. Elle est morte ou elle est partie ? demande-t-il. Quand il parle d'elle il est en pleine confusion, explique-t-il.

— Il a cru qu'elle était morte, mais elle est vivante, répond Snake en réfléchissant. Si tu penses qu'il lui faut un calmant, n'hésite pas, ordonne-t-il au Doc.

Du côté de Ash,

Assis sur son lit de camp, en sueur et tremblant, Ash a les bras crispés contre son ventre, parce qu'il a la sensation d'avoir ingéré de l'acide et que ça le ronge de l'intérieur. Cet effet est amplifié quand les voix de Snake, Mat et du Doc, qui lui parviennent à travers la porte de sa cellule, évoquent Magda.

Privé de drogue, d'alcool, et de sommeil, Ash vit un calvaire d'autant plus que son esprit ressasse encore et encore : Magdalena, sa vie de chasseur, Shinji, Huriel, le cimetière et l'Après : le sexe, l'alcool et la coke. « Un bon rail pour anesthésier tout ça, c'est c'qu'il me faut » pense-t-il en salivant presque.

Une envie de gerber le fait se lever brutalement, plus par réflexe que par volonté de ne pas réitérer son exploit de la nuit. Il tangue jusqu'aux chiottes, l'estomac contracté par des haut-le-cœur et la langue chargée par une hypersalivation. Il a à peine le temps de s'agenouiller que ses spasmes s'amplifient. N'ayant rien mangé depuis la veille, il n'a rien à dégobiller hormis de la bile et l'exercice est d'autant plus douloureux, que l'acidité gastrique qui lui irrite la trachée aggrave à son impression de brûler de l'intérieur.

Dans le couloir,

En entendant Ash vomir, le Doc retourne dans la cellule, Mat et Snake sur les talons. Quand ils le rejoignent, Ash s'assied et s'adosse au mur pour les fixer de ses yeux cernés :

— Elle est complètement conne d'être allée en Enfer, déclare-t-il. Lucifer et ses démons pensent que Nao est morte et elle ne trouve rien de mieux à faire que d'aller en Enfer.

— Elle a ses raisons, lui répond Snake d'un haussement d'épaules alors que le Doc s'agenouille pour prendre son pouls.

— Sa raison, c'est qu'elle en aime un autre, crache Ash en repoussant le Doc.

— Ça suffit, clame le Doc en se relevant. Je te laisse le choix, ajoute-t-il serein. Soit, tu me laisses t'aider, soit je fais en sorte de te sangler sur ton lit pour t'administrer des calmants.

— On choisit la manière forte, affirme Snake.

— T'as pas l'droit d'faire ça, s'énerve Ash qui refuse d'être attaché.

— Alors prends c'qu'il va te donner, réplique Snake. Sinon, j'te sangle moi-même sur ton pieu !

— Nan, réplique Ash. T'as des nouvelles ? demande-t-il à Mat.

— Nan et faut qu't'arrêtes de m'poser la question, affirme l'intéressé.

— Il te dira c'que tu veux savoir quand tu seras devenu raisonnable, ordonne Snake.