Chapitre 50

Bunker, chambre de Ash, lundi 7 heures du matin,

La lumière du couloir qui jaillit sous la porte et les bruits de pas réveillent Magda en sursaut. Déboussolée, elle se tourne vers la seule lumière de la chambre, celle de la salle de bains qu'ils ont oublié d'éteindre, alors elle comprend qu'elle a fini par passer la nuit avec Ash et qu'il dort à poings fermés, allongé sur le ventre.

Elle jette un œil au réveil et bondit du lit :

— Merde. Merde, merde, merde, merde, merde ! panique-t-elle.

— Quoi ? marmonne-t-il en plissant les yeux quand elle allume la lampe de chevet.

— Putain, t'as vu l'heure ? s'inquiète-t-elle.

Elle cherche ses vêtements cachés sous les couvertures tombées durant la nuit. Ash se lève en soupirant d'agacement et enfile son boxer tandis que Magda se débat avec son short, son haut en main. Malcolm frappe un coup et entrouvre la porte, tombant direct sur Ash, qui va à la salle de bains. Magda juste derrière la porte se fige et arrête de respirer, son débardeur plaquer contre ses seins nus.

— Cool t'es réveillé, s'enthousiasme Malcolm qui reste dans l'embrasure de la porte.

— Ouais, mais c'est pas un moulin ici, soupire Ash en se frottant le visage des mains pour se réveiller.

— T'inquiète, j'ai croisé Emma au réf, j'savais qu't'étais seul, réplique Malcolm.

— Qu'est-ce tu veux à part m'emmerder de bon matin ? grogne Ash.

— J'vais courir, tu veux venir ? lui demande Malcolm dans l'embrasure.

— Ouais, donne-moi dix minutes, accepte Ash.

— Cool, j't'attends au garage, approuve Malcolm qui referme aussitôt.

Magda tend l'oreille et ne reprend sa respiration que lorsqu'elle entend ses pas s'éloigner, alors que Ash sourit en la dévisageant.

— Comme on a failli se faire griller, s'indigne-t-elle.

— J'pensais qu't'avais fermé la porte hier soir, s'esclaffe-t-il.

— Je l'ai cru aussi, soupire-t-elle en enfilant son débardeur.

— On va sous la douche ? lui propose-t-il.

— Non, clame-t-elle. On va arrêter d'jouer avec le feu, insiste-t-elle en allant écouter à la porte les bruits dans le couloir.

— T'es folle, tu l'sais ? s'amuse-t-il tout en disparaissant dans la salle de bains.

Magda sort de la chambre et file dans la sienne...



10 h 23,

Magda rejoint Gilles dans la petite alcôve privée où trônent quelques premières éditions de livres rares, qui ont toujours fasciné cet ancien professeur d'histoire.

— Qu'est-ce que tu lis ? lui demande-t-elle en s'appuyant contre l'un des gros fauteuils en cuir vert.

— Le recueil de prophéties de Nostradamus, répond-il, les yeux brillants comme un enfant.

— Et tu y comprends quelque chose ? s'amuse-t-elle.

— J'aimerais ! s'esclaffe-t-il, fier de tenir ce livre entre ses mains gantées pour le préserver.

Magda lui sourit et s'assied dans le fauteuil.

— Comment tu vas, Magdalena ? s'inquiète-t-il.

— J'voudrais t'poser une question, souffle-t-elle en repoussant ses cuticules d'embarras.

— Je t'écoute, approuve-t-il en refermant le livre.

— Comment il est ?

— Sartraël ? précise-t-il.

— Oui, est-ce qu'on se ressemble, où... je sais pas, soupire-t-elle. J'devrais m'arrêter au fait que Nao a été conçu sans...

— Amour, termine Gilles, désolé pour elle.

— C'est absurde, hein ? marmonne-t-elle.

— Non, ça ne l'est pas, répond-il, serein.

— Pourtant, ça résume assez bien mon existence, lance-t-elle.

— Paul a pris quelques photos quand on étudiait l'affaire, explique-t-il. Je vais m'assurer que tu les vois.

— J'me sens conne, soupire-t-elle.

— Chercher à comprendre d'où l'on vient est une quête normale, objecte Gilles. Pour la plupart des gens, la généalogie n'a rien de caché et même dans ces conditions, certains secrets de famille peuvent peser.

— Mon arbre généalogique doit avoir la taille d'un mini Bonsaï, ou pire, c'est une brindille avec deux rameaux, souffle-t-elle dépitée.

— John n'avait pas une grande famille non plus, se rappelle-t-il, soudainement conscient qu'elle n'a que les Chasseurs comme liens dans sa vie.

— Ouais, bref... J'aimerais bien voir une photo, j'te remercie, sourit-elle en le fixant droit dans les yeux.

— Autre chose ? s'inquiète-t-il.

Magda soupire en se frottant le front :

— Depuis août l'année dernière, il m'arrive de faire un cauchemar angoissant, avoue-t-elle. Maintenant que je sais que je suis une Nephilim, je m'demande si ça n'est pas l'expression d'un don de précognition, soupire-t-elle.

— C'est peu probable, réfléchit-il. Je reconnais que ton instinct est extrêmement aiguisé, et c'est peut-être ça le témoignage de ce qui reste de ta grâce angélique. Mais dis-m'en plus sur ton cauchemar.

Magda lui décrit son cauchemar...

Oui, Liam m'en a parlé, se souvient-il. Avant que l'on sache que tu étais Nao, tu craignais que Shioban donne naissance à Nao, à cause de la prophétie « des cendres de nos ailes brûlées renaîtra Nao » récite-t-il.

— C'est exact, souffle-t-elle en se frottant le front une nouvelle fois. Mais, récemment, mon cauchemar a un peu changé, hésite-t-elle.

— En quoi ? s'intéresse-t-il.

— Maintenant, c'est moi qui suis sur le point d'accoucher, marmonne-t-elle.

— Que je comprenne bien, insiste Gilles. Ton point de vue change du tout au tout où...

— Non, ça ne change pas, j'avance dans le couloir, la Mort me dépasse et rejoint la salle avant moi, et là je me reconnais, je vois que c'est moi sur la table d'accouchement.

— D'accord, s'étonne Gilles en ajustant ses lunettes. En général, c'est notre subconscient qui tente de nous parler, déclare-t-il réfléchissant.

— Ok, mais comment faire pour que ça s'arrête ? demande-t-elle, soucieuse.

— Il faut en comprendre le sens caché, suppose-t-il.

— C'est pas clair, Gilles, se plaint-elle.

— Réfléchis Magdalena, qu'est-ce qui a changé ?

Court silence.

— Quel était ton état d'esprit l'année dernière ? lui demande-t-il pour l'aider.

— J'm'inquiétais pour Liam, répond-elle après réflexion.

— C'est à cette période qu'il s'est fiancé avec Shioban, affirme-t-il.

— La malédiction, approuve-t-elle.

— Ensuite, tu as appris que tu es Nao, tu as voulu mourir pour ne pas attirer anges et démons, énumère-t-il. Après quoi, tu as dû fuir, coopérer avec les Hommes de Lettres, puis tu as subi des tests, tout en sachant que ton temps était décompté. Et maintenant, tu viens d'apprendre que tu peux cesser de vivre au jour le jour, parce que le sort est levé...

— Tu penses que mon cauchemar me dit que j'ai peur de l'avenir ? s'étonne-t-elle.

— Eh bien, vu le contexte et le stress que tu as subi depuis l'année dernière, affirme Gilles. Ça me paraît plausible, mais je ne suis pas psy, essaie d'y réfléchir à tête reposée, et bien que ton cauchemar soit angoissant, essayant d'aller au bout, affronte ta peur !

Magda le dévisage, le front plissé d'inquiétude.

— T'as raison, accepte-t-elle. Je vais suivre ton conseil, merci, Gilles !


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