Chapitre 23

Savannah, Géorgie, dimanche vingt-neuf janvier, 20 h 53,

À l'extérieur de la petite chambre double du motel, la nuit est sombre, mais le ciel dégagé dévoile un pâle et fébrile croissant d'une lune montante. En plus, la neige a fait place au froid et au verglas et le souffle du vent murmure à la fenêtre, en jouant avec les branchages de la haie d'ornements dépouillée de ses feuilles.

— Tu es sûre qu'tu veux pas venir ? demande Ash.

— Nan, feule Magda, alias Prudence O'Connor, qui défait son sac pour prendre sa trousse de toilette.

— Tu fais encore la gueule, parce que j'nous ai pris une chambre double, s'amuse-t-il.

— Deux semaines qu'on bosse ensemble et j'te répète tout l'temps que j'veux qu'on ait chacun notre piaule, alors oui, ça m'saoule, grogne-t-elle.

— J'suis tout à fait d'accord avec toi, avoue-t-il. Mais vu l'temps d'merde dehors et l'peu d'argent qu'il nous reste de nos gains au billard, j'ai fait au mieux pour la réservation, s'agace-t-il. Si t'es pas contente, tu feras toutes les réservations à l'avenir !

— Tu parles d'un boulet, feule-t-elle en s'asseyant sur son lit pour retirer ses bottes.

— Et toi, t'es la pire casse-couilles qu'il m'ait été donné de rencontrer, grogne-t-il en enfilant son blouson.

— Rappelle-moi combien de fois la casse-couilles a dû sauver ton cul, déjà ? déclare-t-elle en lui jetant un regard mauvais.

— On a fini notre troisième affaire de fantôme les doigts dans l'nez, objecte-t-il.

— J'me suis encore tapé tout l'boulot, se plaint-elle.

— Faux, réfute-t-il. Hier, c'est moi qui aie trouvé l'objet qui retenait l'autre Desséché et j'l'ai cramé !

— Bravo, après qu'je m'suis farcie toutes les recherches, c'est cool, bon boulot Sherlock, ironise-t-elle.

— Ça t'fait tellement mal d'admettre que j'fais bien ma part du taf, que tu t'mens à toi-même, insiste-t-il conscient que l'ambiance part en vrille.

— Bon, allez, va manger, j'dois me laver et appeler Liam, ordonne-t-elle.

— Ouais, mieux vaut qu'j'assiste pas à ta séance de masturbation pendant qu'tu seras au téléphone avec ton mec, se moque-t-il.

Magda se lève en le menaçant de son index :

— Fous-moi la paix avec Liam, le prévient-elle, les sourcils froncés et le regard mauvais.

— Au moins, tu nies pas qu'tu te tripotes en pensant à lui, s'esclaffe-t-il.

— Pour ta gouverne, c'est l'meilleur amant qu'j'ai connu et crois-moi, des mecs j'en ai eus un paquet, lui affirme-t-elle.

— Il a aucun mérite, t'es qu'une fille facile, clame-t-il.

Magda ouvre la bouche d'indignation :

— J'me contrefous de ton opinion, réplique-t-elle, furieuse.

Ash se frotte le visage des deux mains, conscient que la situation dégénère :

— T'as l'don d'me taper sur l'système, soupire-t-il. Bon, écoute, j'suis désolé d'nous avoir pris une chambre double, j'sais qu'on passe toutes nos journées ensemble et qu'on a besoin d'avoir notre espace perso, mais j'ai pas pu faire autrement.

Magda soutient son regard vert et croise les bras sur la poitrine :

— J'accepte tes excuses, lâche-t-elle difficilement.

— C'est pas des excuses, mais passons, s'agace-t-il. J'ai la dalle, alors est-ce que j't'attends pour aller bouffer ou pas ?

— Nan, j'ai besoin d'un peu de solitude, refuse-t-elle, plus calme. Alors, ne m'attends pas et surtout ne ramène pas d'meuf dans la chambre !

— On n'est pas sur une affaire, donc si j'veux baiser, je baise ! objecte-t-il.

— Ouais, mais pas dans cette chambre, insiste-t-elle.

— Ça pourrait t'apprendre quelques trucs sympas à faire, s'esclaffe-t-il, moqueur.

— Dégage, soupire-t-elle, dépitée.

Amusé, Ash sort, tandis que Magda va à la salle de bains qui est séparée de la chambre par une cloison avec porte coulissante.

Elle pose ses produits de beauté sur le plan de travail au fur et à mesure qu'elle les utilise, puis elle retire sa perruque brune aux longs cheveux, se déshabille et file sous la douche.

Dix minutes plus tard, elle en sort avec l'impression que son irascibilité s'est écoulée par ses pores en même temps que l'eau glissait sur sa peau. C'est sereine qu'elle se sèche et enfile son gros pyjama, ses épaisses chaussettes et son gilet. Son apaisement vacille quand elle veut se sécher les cheveux et que l'appareil fixé au mur est HS.

Résolue à rester zen, elle enroule une serviette autour de sa tête et va appeler Liam comme elle a pris l'habitude de le faire chaque soir.


Du côté de Ash,

— J'sais pas quoi t'dire, Shinji, souffle-t-il au téléphone. On s'est encore tapé une affaire de fantôme.

— Force-la à parler de Nao, insiste le démon.

— Elle est proche de leur leader et s'il était sur un gros coup, elle serait avec lui à traquer ton Nao et pas à chasser des fantômes avec moi.

— L'info est sûre, déclare Shinji. Les Chasseurs sont à la recherche de Nao, si t'as p'tite copine n'est pas dans le coup, c'est qu'l'affaire est sérieuse et risquée, si leur chef ne l'implique pas c'est parce qu'il veut la protéger, suppose Shinji. Change de partenaire, demande à chasser des démons et passe à la vitesse supérieure ! ordonne-t-il.

— C'est pas possible pour l'moment, se désole Ash. D'après c'qu'elle en a dit, ils sont peu nombreux et ce cercle n'est pas seulement restreint mais aussi méfiant, ils m'connaissent pas, ils voudront pas bosser avec moi.

— Tu n'essaies pas de m'entuber ? demande Shinji. Tu sais ce qu'il se passera, si je vois débarquer des Chasseurs ou si tu cherches à gagner du temps pour qu'ils trouvent Nao avant nous ?

— Y'a pas d'embrouille, affirme Ash. J'te dis tout c'que j'sais ! insiste-t-il.

Shinji soupire et raccroche sans un mot. Ash range son téléphone et décide d'aller manger un morceau et de trouver une jolie vide-couilles pour se détendre, mais son portable sonne, alors il prend l'appel de Snake, inquiet de ce que Shinji peut avoir fait ou dit envers ses frères.

— T'en es où ? lui demande Snake.

— Pour le moment, on nous met que sur des affaires de fantômes, explique-t-il.

— Et la pute, elle sait des trucs ? s'intéresse son Préz.

— Sur toutes les créatures qui peuplent le surnaturel, c'est une mine d'infos, avoue Ash. Sur ce que cherche Shinji, que dalle ! soupire-t-il.

— Tu la baises ?

— Bien sûr que nan, feule-t-il, agacé.

— P't'être que tu devrais, affirme Snake.

— Quoi ?

— Si tu la baises pas, c'est qu'tu fais pas tout pour qu'elle ait confiance en toi, insiste Snake.

Ash a envie de répondre qu'elle est raide dingue amoureuse de son Bruce-Lee-à-deux-balles et qu'personne ne pourra le faire tomber de son piédestal.

— C'est pas des séances de baises intensives qui vont lui donner confiance en moi, réplique-t-il.

— Donc elle te fait toujours pas confiance ! feule Snake.

— Pas assez pour m'parler des autres Chasseurs et d'leurs affaires en cours, avoue-t-il.

— Alors, trouve comment changer ça ! ordonne Snake.

— J'fais c'que j'peux, clame-t-il, irrité qu'on lui dise quoi faire. Alors, comment ça s'passe sinon de votre côté ? demande-t-il.

— Les affaires roulent tranquilles, approuve Snake.

— Bonne nouvelle, déclare-t-il.

— Mat doit t'appeler, soupire Snake.

— Pourquoi ? s'étonne-t-il.

— Naomie n'est pas rentrée à Providence, elle vit au QG, explique-t-il.

— Dans ma piaule ? s'agace-t-il.

— Mat va t'appeler, répète Snake.

— Oh, il la baise !

— Ouais, s'esclaffe Snake.

— Tant mieux pour lui, elle est super bonne au pieu, approuve-t-il.

— Tu t'en fous ? demande Snake.

— Ouais, totalement !

— Il s'ra content d'l'apprendre, s'amuse Snake.

— Bon, j'te laisse, faut qu'j'trouve comment faire avancer mon problème, soupire Ash.

— Bonne chance avec la pute, approuve Snake.

Ash a trop marché et a dépassé le bar où il voulait aller manger, mais il est pile devant une petite pizzeria qui vend à emporter.

Conscient que Magda n'est pas la meuf la plus sociable du monde, il doit opérer avec tact pour l'obliger à s'ouvrir un peu plus à lui. D'ailleurs, bien qu'ils travaillent ensemble depuis quinze jours, le peu de conversation qu'ils ont en dehors de leurs affaires de Chasseurs, et d'une banalité affligeante, « j'dois changer ça » s'ordonne-t-il.

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