Chapitre 19

Vendredi 13 janvier, 16 h 16, bar,

L'établissement est quasi désert à cette heure, même si trois membres des Devil Dogs discutent autour d'une bière et que Crystal suce allégrement un autre, installé sur l'une des banquettes, tandis que les enceintes crachent à plein volume Lift Me Up de FFDP.

Comme convenu, Ash bosses au bar de Crow : officiellement pour trimer à la place de son VP, officieusement et ordonné par Snake, pour le laisser libre de ses mouvements si la chasseuse cherche à le contacter, même si Ash est persuadé qu'elle ne viendrait pas au bar, mais chez lui, en pleine nuit.

En tout cas, voilà trois jours qu'il se fait des films et imagine toutes sortes de possibilités, et dans aucune de ces situations, elle ne chercherait à obtenir son aide délibérément. Et encore faut-il qu'elle soit restée dans l'coin.

En tout cas, même s'il est déterminé à solder sa dette envers l'Originel, pour réparer une autre de ses putains d'erreurs de jugement, son seul cas d'conscience, c'est quand il se dit qu'à la place de Shinji, il s'en prendrait au père Sanchez, qui constitue le seul point commun qu'elle et lui possèdent. Sauf que même dans ce cas de figure, s'en prendre au Padre pour la faire sortir du bois et la traquer, ne l'enverrait pas jusqu'à lui.

Ash grogne d'agacement en portant la caisse de bières qu'il doit ranger derrière l'comptoir, car la situation lui semble tout bonnement inextricable. D'autant plus que Crystal s'obstine à vouloir travailler au bar quand il y est et que Naomie est persuadée qu'il la trompe avec elle, insistant pour faire des plans à trois à la place.

Pour l'heure, la pipe terminée, Crystal se relève radieuse car sollicitée par un autre Devil Dog, donc elle va s'agenouiller devant la bite dressée qui réclame toute son attention.

Quand la clochette de la porte tinte, il regarde machinalement tout en rangeant les bouteilles dans le frigo et la reconnaît aussitôt. Sous un long et épais manteau, elle est vêtue d'un costume tailleur féminin, sur des bottines pour supporter le froid et la neige. Brune, elle porte une frange et de longs cheveux qu'elle a tressés. Son apparence BCBG est complétée par une paire de lunettes sophistiquée.

Elle ignore la table des mecs qui rigolent en attendant que Crystal s'occupe d'eux, et elle retire son manteau qu'elle pose sur le tabouret à côté du sien, tout en souriant à Ash.

— Tu sais qu't'as rien à faire là, soupire-t-il en essuyant le comptoir devant elle.

— J'suis qu'une cliente aujourd'hui, déclare-t-elle en remontant ses lunettes.

— Qu'est-ce que tu fous là ? demande-t-il, l'air blasé.

— Déjà qu'tu fais peur à voir avec ta tronche tabassée, si en plus t'accueilles tous tes clients comme ça, tu vas faire faillite, lui reproche-t-elle.

— J'te sers quoi ? marmonne-t-il.

— Pas d'langue, répond-elle en faisant référence à la distribution de pipes. Mais surprends-moi quand même, s'amuse-t-elle, radieuse.

— T'as un pète au casque, soupire-t-il avant de tirer une bière pression.

— Dixit le mec à la gueule fracassée, réplique-t-elle amusée.

— Contrairement à toi, c'est temporaire, réfute-t-il en lui posant sa boisson sur un sous-verre.

— Une bière, soupire-t-elle. Waouh, pas d'doute, tu sais faire rêver une femme, se moque-t-elle.

— Alors qu'est-ce que tu fous là, réplique-t-il, agacé. J'te croyais partie au soleil couchant pour sauver la veuve et l'orphelin.

— J'suis restée dans l'coin pour surveiller l'Originel, le temps que Liam me dégote une nouvelle mission, avoue-t-elle.

— Vous allez l'tuer ? demande-t-il un peu trop intéressé.

— L'exorciser, rectifie-t-elle. Il est sur notre liste, mais pour le moment on doit gérer un plus gros cas, soupire-t-elle.

— Qu'est-ce que c'est ? se soucie-t-il.

— Pas tes affaires, clame-t-elle. Écoute... Je n'arrête pas de culpabiliser par rapport à ce que tes potes t'ont fait, alors voilà, ajoute-t-elle en sortant un morceau de papier de sa poche pour le déposer sur le comptoir.

— Tu m'as dessiné une autre bite ? tente-t-il sans le déplier.

— Nan, s'esclaffe-t-elle. Il s'agit de la formule magique pour obtenir la baraka aux jeux, avoue-t-elle. Apprends-la par cœur et brûle le papier, ordonne-t-elle. C'est plus sûr et évite l'établissement de Shinji, ça vaut mieux ! insiste-t-elle.

— Pourquoi ?

— Il peut lire dans les pensées...

— Nan, la coupe-t-il. Pourquoi tu m'files ça ? ajoute-t-il en montrant le papier.

— J'savais pas quoi t'offrir d'autre pour soulager ma conscience, réplique-t-elle. Liam me dit tout l'temps que j'devrais réfléchir avant d'agir, et dans ton cas il avait raison. J'ai jamais pensé que t'aurais à souffrir de mes actes, mais c'est c'qui s'est passé, et t'as pris cher ! se désole-t-elle.

Ash la dévisage, étonné qu'elle se sente vraiment fautive :

— Ça t'fait mal de m'dire ça, réalise-t-il. Mais j'veux de vraies excuses ! clame-t-il, l'air sévère.

Elle plisse les yeux d'agacement :

— Je suis affreusement désolée de ce qui t'est arrivé ! déclare-t-elle.

— Et ? insiste-t-il.

— Et je te présente toutes mes excuses... pour avoir agi sans réfléchir aux conséquences, que mes actes ont eues sur toi et ton groupe.

— J'sais pas si j'vais les accepter, t'as pas l'air sincère ! feule-t-il.

— Tu fais chier, Ash ! grogne-t-elle.

— Ouais et j'adore ça, sourit-il. Alors t'as une nouvelle mission ? tente-t-il pour en savoir plus tout en s'allumant une de ses roulées.

— J'pars ce soir, explique-t-elle.

— Pourquoi attendre, t'espérais qu'on tire un coup pour se dire adieu ? suppose-t-il en se servant une bière.

— Entre ta blonde et ta rouquine, t'es déjà bien servi, objecte-t-elle alors qu'il fait le tour du bar pour s'asseoir à côté d'elle.

— On peut s'faire un plan à trois, si tu veux pas d'meuf, j'demande à Mat de s'joindre à nous, lui propose-t-il, un sourire moqueur aux lèvres.

Elle lui prend la clope qu'il a coincée entre deux doigts :

— Non merci, s'exclame-t-elle avant de tirer une taffe. J'me suis fait déglinguer par deux magnifiques étalons la nuit dernière et j'ai encore un peu mal, avoue-t-elle. L'ardeur de la jeunesse, s'enthousiasme-t-elle pour lui rappeler qu'il est plus vieux qu'elle.

— Ah, c'est pour ça que t'es d'si bonne humeur, s'esclaffe-t-il en lui reprenant sa clope des lèvres.

— Et comment va Barbe-sanguinolente ? lui demande-t-elle rayonnante, crachant la fumée.

— Mat va bien, déclare-t-il en redevenant sérieux.

Il la dévisage et cherche comment obtenir ce qu'il veut.

— Alors, comment j'dois t'appeler aujourd'hui ?

— Merci de me poser la question, répond-elle, sérieuse, tout en lisant sa longue tresse qui pend sur son épaule. Je me présente, Prudence O'Connor, journaliste, clame-t-elle d'une voix ferme, limite hautaine, tout en lui tendant la main.

— Prudence ? répète-t-il en la lui serrant, amusé par son changement de personnalité. Nan, ça m'plaît pas, avoue-t-il.

— Parce que tu crois que Ash, ça me plaît ? répond-elle, snobinarde. Non Monsieur, mais je fais avec, parce que c'est à ce sobriquet que tu réponds le mieux !

— Ok, arrête ça tout d'suite, grogne-t-il.

— Raahh, t'es p't'être trop vieux pour t'adapter, suppose-t-elle.

— Ouais c'est ça, marmonne-t-il. Écoute, Magdalena, soupire-t-il. J'te remercie pour ton cadeau, plutôt cool en fait, mais t'étais pas obligée, ajoute-t-il en lui rendant le papier. J'te l'ai dit, c'est pas ta faute, j'ai fait mes choix et j'les assume.

— À cause de moi, t'as perdu plus que ce que tu m'as donné et c'est pas juste, insiste-t-elle.

— Ça change rien, soupire-t-il avant de boire sa bière. Alors qu'est-ce qui te r'tient encore en ville jusqu'à ce soir ?

— J'ai vendu mon pick-up contre une berline plus récente et plus rapide, en mettant au bout évidemment, avoue-t-elle. J'dois attendre que l'concessionnaire ait terminé les papiers pour prendre la route.

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