02 - L'homme ébloui
Sur un parking sombre, une âme informe broyait le noir, cachait sa triste réalité de la douche froide des lampadaires. Tout juste une chose. Affamée, elle fouillait, mordait, déchiquetait les résidus infâmes d'une journée sale passée à s'asservir. L'homme, ou ce qu'il en restait sous son costume parfait, ruminait tel un veau conduit à l'abattoir les désespoirs de sa condition. Sur ses griffes de classe, les traces de son ambition. Vaine et fade, elle le tue. Elle le ronge avec l'avidité morbide d'un chien à qui on jette les restes avariés.
Invariable dans sa routine, il s'allume une clope puante dans l'espoir de crever enfin. Il le sait, il l'attend ; aux frontières de sa conscience il espère. Bagnard de vocation, il s'enchaîne chaque jour un peu plus à cette vie misérable qu'il embrasse avec passion. Dans ses yeux se reflète amère la braise qui l'a un jour animé.
Sur son visage cireux, l'esquisse d'un sourire éclairé. Il relève la tête et se perd dans la nuit, le regard accroché par les étoiles. Dans un élan sauvage, il rompt l'habitude et ses malsaines servitudes. Dans les lumières chaudes de cette scène improvisée, il se prend à rire et à tournoyer sous les spots de fortune. Il se souvient alors et rayonne. L'homme achevé quelque part se rêvait encore Petit Prince, libre d'être et de concevoir la délicatesse de son envie. Sous la couche crasse de son costard trop frais, il redécouvre l'enfant que le labeur torture et que l'effort ravit. L'homme ébloui danse et revit.
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