cinq

à lire avec Secret's safe with me -
Weathers

Chapitre 5

« Arrête. »

Nous arrivâmes probablement chez lui au bout d'une trentaine de minutes. Contre toute attente, lorsqu'il avait commencé à rouler à bonne vitesse sur son deux roues, la montée d'adrénaline m'avait procuré un bien fou.

Lorsqu'il s'arrêta, je descendis en première et lui tendis le casque d'un air nonchalant. Je devais paraître désintéressée et lui répondre méchamment si je voulais atteindre mon objectif, mais lorsque je le regardai et que je vis son visage dépité, j'eus peur de ne pas pouvoir pas y arriver. Ça le blessait, il n'était certainement pas dupe et voyait bien que je le faisais exprès. Il devait simplement se demander pourquoi.

Sans un mot, nous nous dirigeâmes vers l'entrée de sa maison et, après avoir inséré la clef dans la serrure, il y rentra, moi sur ses talons. Mais je m'arrêtai de justesse, manquant presque de lui foncer dedans lorsqu'il cessa d'avancer, stoïque.

- Jacks—?

- Salut mon grand, t'étais passé où? entendis-je dire une voix doucereuse et féminine. C'est à ce moment-là que je compris que je ne devais pas faire de bruit.

- Coucou maman, j'étais avec Justin et William, on se faisait un petit match de basket, lâcha-t-il naturellement pour répondre à ce que je devinai être sa mère qui se trouvait apparemment dans leur cuisine. Je passe juste prendre une bouteille d'eau, détailla-t-il en s'avançant dans la pièce, après m'avoir fait signe de ne pas bouger d'un geste discret de la main.

- Hmm, répondit-elle alors en coupant des légumes; le bruit régulier d'un couteau découpant de la nourriture sur le plan de travail me parvenait aisément. Passe leur le bonjour de ma part! D'ailleurs, ça fait longtemps qu'eux et leurs parents ne sont pas passés manger à la maison, invite-les pour ce week-end non?

- J'y penserai, promis. Bisous, à ce soir, fit-il en lui déposant un baiser sur la joue, conclus-je d'après le bruit qui suivit sa phrase.

- Mh. Ne rentre pas trop tard! Et ne mange pas trop, crois pas que je t'ai pas v—.

Il me rejoignit, claquant la porte avant que sa mère n'ait le temps de terminer sa phrase.

- Je ne suis pas très discret apparement, souria-t-il timidement en ouvrant son gilet gris de survêtement, me laissant découvrir une boîte de pizza qu'il avait apparemment volé dans sa cuisine.

Je souris à mon tour mais me repris quelques secondes après. « Détestable », me soufflait ma conscience.

- Suis-moi, on va passer par le toit de ma chambre.

Le toit de quoi...? Je ne posai pas de questions et me contentai de le suivre. Nous contournâmes alors sa maison, descendîmes de petits escalier avant de marcher le long d'un étroit sentier fait de petits cailloux blancs, bordé d'un précipice au bas duquel une grande rivière, ressemblant presqu'à un fleuve se mouvait dans une gracieuse danse, déployant ardemment ses courants.

Sans me consulter, Jackson attrapa fermement ma main pour me permettre de garder mon équilibre. Nous étions plus bas par rapport à l'altitude de la ville et de sa maison.

On atterrit finalement sur une sorte de plateforme, espèce de carré recouvert à moitié de béton, à moitié de verdure. En m'approchant de l'endroit recouvert par un toit, je remarquai que dans le coin où l'herbe poussait, il y avait même un arbre, un pommier.

C'était incroyable. Cette maison semblait normale en apparence alors que son architecture était bien plus particulière. C'était comme si l'on avait rogné une pièce de la maison pour y planter un arbre et des fleurs, c'est-à-dire qu'il y avait un étage au dessus de nous, sans doute le rez-de-chaussée, que nous étions juste en dessous, dans un étage qui avait la taille d'une pièce mais en plein air, sans porte et juste entouré de murs constituant les autres pièces de sa maison. Pour résumer, nous étions comme il l'avait dit, sur le toit de sa chambre. Alors qu'il allait continuer à avancer, je fis pression sur sa main pour attirer son attention.

Il se retourna vers moi interloqué, alors que je ne détachais toujours pas mon regard du spectacle qui s'offrait à moi à quelques mètres de là, au rebord du sentier exigu, émerveillée. Je me retournai même totalement pour y faire face, lâchant sa main.

Un magnifique couché de Soleil nous faisait face, caressant nos peau de sa tiède chaleur. Au dessous, une forêt bien plus basse encore que l'étage dans lequel Jackson résidait, chatouillait nos narines de sa fraîcheur automnale de plus en plus glaciale. Mais elle était à hauteur parfaite; elle ne gâchait pas le spectacle que nous jouait le Soleil qui se reflétait à travers la rivière. Jamais je n'aurais cru me retrouver à un endroit pareil. Le ciel avait prit des teintes rosées, orangées et presque violacées à certains endroits. Les nuages, un peu plus sombres, venaient apporter une touche de réalité illusoire dans ce paysage semblant imaginaire, presque féerique.

- C'est magnifique, hein?

Je me contentai d'un hochement de tête. « Détestable. », me rappelai-je. Mais... c'était tellement apaisant... cette quiétude dans laquelle je reposais actuellement, je ne l'avais pas sentie depuis plusieurs années. C'était le genre de sérénité dans laquelle j'aspirai a vivre.

Comme piégés dans l'atmosphère qui nous enveloppait peu à peu, nous nous assîmes sous l'arbre, contre le mur blanc du fond. Sans un mot, il ouvrit la boîte et me tendit une part de pizza qui réveilla un appétit que je n'avais encore jamais eu. Mon ventre en gargouilla même.

Je me sentis doucement rougir de honte. Être détestable avec lui, c'était mon premier et seul objectif, mais voilà que je me retrouvais à manger une pizza à ses côtés, sous un pommier, et devant un magnifique couché de soleil. C'en était presque ironique. Je ne réussissais réellement rien dans ma vie, pathétique. Vraiment, pathétique.

Mais, malgré mon envie féroce d'être méchante, et ce, dès le début pour ne pas le blesser par la suite, je ne parvenais plus à être aussi confiante que tout à l'heure. Je n'arrivai déjà plus à lui  parler aussi méchamment. Ce n'était pas moi, ni mon caractère et, même si je ne savais plus tellement qui j'étais en réalité, je savais que je n'étais certainement pas une fille qui se sert de sa méchanceté pour atteindre son but. Et je ne voulais pas l'être non plus.

Pourquoi est-ce que tout était si compliqué? Je ne savais pas, j'étais perdue. Quand est-ce que je pourrai, finalement? Toutes mes tentatives étaient des échecs et dès que j'y pensais, j'avais les larmes aux yeux. Tout ce que je souhaitais, c'était d'avoir la paix. C'était tout, pas plus, pas moins. Je ne croyais pas au bonheur, du moins, plus depuis bien longtemps. Alors, que Jackson essaie sans cesse de me faire vivre me touchait, mais...

Je soupirai sourdement. Je n'avais pas les mots. C'était peut-être aussi dur à expliquer qu'à comprendre après tout... mais je me devais de partir, partir pour de bon. Parce que même s'il le voulait, il ne pouvait— il ne pourrait pas me garder indéfiniment chez lui et que, j'avais déjà cherché de l'aide partout, je n'en avais pas trouvé. Rien n'avait marché. Personne ne m'avait tendu la main, ni même ne serait-ce qu'un doigt. Je n'avais aucun lieu où loger ni d'argent pour en trouver, alors je n'aurais plus aucun endroit où aller. C'était comme ça, le monde était cruel. Mais visiblement, il ne s'en était pas encore rendu compte. Certains, même s'ils ne le méritaient pas forcément, certains vivaient et d'autre mourraient. Certains en avait le droit, et d'autres non. Je faisais effectivement partie de cette deuxième catégorie. Je n'étais pas dans mon droit.

Je profitai alors finalement de ces quelques instants en me rendant bien compte qu'ils étaient précieusement uniques, et que je ne les revivrais probablement plus jamais.

Lorsque j'eus fini de manger ma part, je tournai ma tête vers lui, cet incroyable garçon qui avait tenté de me sauver de mes suicides, et qui avait réussit les doigts dans le nez.

Il était visiblement plongé dans ses pensées, ses iris grises en direction du ciel. Je l'observai comme pour la première fois, des tonnes de questions passant les unes après les autres en se bousculant dans ma tête réveillaient ma migraine endormie. Mais il n'y en eut seulement qu'une qui parvint à se détacher du lot pour aller franchir la barrière de mes lèvres.

- Jackson?

Ma voix sortit de ma gorge timidement. Il tourna sa tête vers moi après quelques secondes, sa part de pizza toujours en suspension dans sa main.

- Pourquoi?

Il fronça les sourcils, dans l'incompréhension la plus totale.

- Pourquoi? il répéta calmement, juste après moi.

- Pourquoi... pourquoi me sauver encore et encore? À deux reprises tu as eu l'occasion de ne pas agir, mais tu l'as quand même fait alors que... Tu n'as rien en échange et rien à y gagner non plus alors... explique-moi; pourquoi?

- C'est pourtant logique, Alicia.

- Donc ça ne dépasse pas la logique, c'est ça ? fis-je, C'est pour te prouver ton humanité c'est cela? Pour garder bonne conscience?

On se regarda longuement, muets. Je fixai longtemps ses yeux. Ceux-ci semblèrent cacher d'innombrables secrets, ils semblaient avoir vu beaucoup trop de choses. Ils étaient sombres. D'ailleurs, il me sonda du regard avant de me répondre, quelques minutes après.

- C'est bien plus compliqué que ça mais... arrêtons-nous là.

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