Une vérité blessante...
La maison de Luna est propre, d'ailleurs, ma meilleure amie n'est pas dans le salon, ni dans le jardin. Pas de signe de Nathan non plus, il est rentré ? En tout cas, ses invités ont tout rangé, tous les humains ne sont pas des sales porcs après tout.
C'est juste moi qui n'ai pas de chance. Je suis rentrée dans un cercle vicieux, j'en ressors peu à peu. Deux facettes se combattent dans mon esprit, le Yin et le Yang.
Julian et Naël.
Un combat que mon sauveur gagne peu à peu, tant que mon créateur ne revient pas, tant qu'il ne m'arrive rien.
Et si un jour il m'arrive quelque chose ? Je lui ai dit que je m'effondrerais, le côté tranchant de l'épée de la Liberté, c'est qu'on ne veut pas la perdre.
N'y pense plus Lee... C'est derrière toi...
Naël est dehors, à côté de la piscine, il fume une cigarette, je la regarde bêtement se consumer. Lentement, je le rejoins, l'odeur de sa clope pénètre mon nez, la toux me prend. Il s'inflige ça à chaque fois qu'il fume ?
Quelle ignominie.
— Je comprends pas comment tu fais pour fumer...
— Il y a plein de choses que je comprends pas chez moi.
Son regard a changé, son comportement aussi.
— Je vois pas où tu veux en venir. soufflé-je, le regard fusillant.
— J'aurais pas dû... Faire ce que j'ai fait...
Non... Ne me mets pas ce couteau dans la chair, tu n'as pas le droit. Dis-moi que ce n'est pas de famille.
— Tu me dis ça après m'avoir eue dans ton lit ? m'indigné-je, le cœur battant à vive allure.
— Non... Tu comprends pas.
— Alors explique-moi putain Naël !
— C'est...
Il se tait, je m'approche rapidement de lui, je prends ses mains avant de le forcer à me regarder.
— Dis-moi Naël ! Dis le moi !
— J'ai peur... J'ai peur de te perdre... Je suis dans une merde pas possible...
Pour la première fois, la pluie ne coule pas de mes yeux. Les siens sont rouges de tristesse, de peur et d'amour.
— Raconte-moi, je suis là. Je serai toujours là...
Il me décrit, la tête baissée, ce qu'il a fait pour le compte de Pierre. Il n'est pas dans un gang mais bien dans une organisation criminelle, dirigée par le fameux Tahir dont j'ai déjà entendu parler. Naël n'est pas une grosse ponte, Pierre, le second de Tahir, l'a fait monter petit à petit, en lui faisant faire des tâches ingrates. Des coups de pression, de la vente de drogue, pas d'armes à feux. Puis, il y a eu la perte d'un territoire, pour ne pas perdre la face ils ont dû le récupérer, ce qui a entraîné le règlement de compte.
C'était bien Naël... Il y était... Il a failli mourir.
J'ai failli mourir.
Quand il s'absentait, c'était pour faire ce qu'on lui demandait. Il se laisse utiliser, sa dette à fait de lui un esclave, de son organisation, de sa culpabilité.
Alors qu'il est innocent, c'est une victime, une poupée cassée. Nous sommes pareils...
— Naël, je m'en fiche que tu sois là-dedans, tu croyais que ça suffirait à me faire fuir ?
Il secoue la tête, continue d'avoir l'air honteux.
— Tu ressors d'une putain de séquestration, d'un trafic d'humains... C'est pas pour tomber avec un criminel...
— Regarde-moi. Je t'en supplie... Tu m'as sauvée Naël, ma vie est à toi... Je m'en fiche de plonger dans un lac glacé, dans un lac de lave ou dans je ne sais quoi. Je veux juste être à tes côtés...
— J'ai pas envie que tu regrettes d'être avec moi.
— Je ne regretterai rien du tout, pour une fois dans ma vie, je veux faire un choix. Celui d'être avec toi.
Nos yeux se croisent une nouvelle fois, nos lèvres aussi. Dieu merci, il ne part pas. Le couteau se retire lentement de ma chair, de mon âme.
— Eileen ? T'es encore là ? s'étonne la voix de Luna.
Je me retourne, elle est là, avec une bonne mine. Ce qui est d'ailleurs étonnant, vu ce qu'elle a appris hier, Nathan est à ses côtés, bizarre, je ne l'avais pas vu dans la maison.
— Ils sont où les deux autres ? demande-t-elle, exaspérée.
— Comment ça "les deux autres ?" répond Naël, dans l'incompréhension. Il y a que nous.
— Ah bon ? s'étonne Luna, le regard inquisiteur. Pourtant, on a bien entendu deux bêtes sauvages dans la nuit. Et pourtant on y allait fort aussi.
Un volcan en éruption gronde sur mon visage rougissant. Mon regard se détourne de Luna pour se planter en direction de Naël. Ce n'est qu'après que je comprends sa deuxième phrase.
Elle et Nathan ? Ils ont...
— Attends Eileen... Me dis pas que... Non !!! s'exclame-t-elle, rayonnante. Tu t'es décoincée !
— Pour le coup oui ! ajoute Nathan, trahissant l'image loyale que j'avais de lui.
— Mais ça vous regarde pas ! me défends-je, morte de honte. D'ailleurs... Ça va Luna ? Je veux dire...
— Bah, je vais m'en remettre, c'est pas comme si ça faisait longtemps qu'on était ensemble. C'est un connard, point.
J'arrive pas à savoir si elle fait semblant ou non. Tant qu'elle se sent bien, personne n'a rien à y redire.
— Donc vous aussi vous avez baisé ? rajoute Naël, frisant l'impolitesse. Putain tu n'y vas pas par quatre chemins.
— Naël ! m'indigné-je.
Je regarde Luna, elle rigole à mon grand étonnement.
— Faut dire que Nathan a toujours été mon genre.
Naël n'a pas l'air très convaincu.
— Mouais.
On reste un peu avec eux, tandis que Luna guette chaque recoin de sa maison en quête de rangement, je regarde les personnes que j'ai ajoutées sur les réseaux sociaux quand j'étais défoncée. Plus d'une cinquantaine, c'est bien ce que je me disais, on était plus nombreux que prévu.
D'ailleurs, j'appréhende le moment où l'on va devoir rentrer à Juvignac. En bus sans doute. Je ne suis pas encore prête psychologiquement à faire face à Jeanne. Annoncer à une mère que son fils a drogué une fille pour tenter de la violer, très peu pour moi.
Pourtant c'est la réalité, on va devoir le dire. J'ai dû mal à le croire encore maintenant. Il s'est joué de moi d'une façon magistrale. Son jeu de flûte, envoûtant, son jeu d'acteur, terrifiant. Il faut l'arrêter maintenant, sa dangerosité va s'accentuer au fil des années. Il me convoitait, me veut toujours, sans aucun doute. L'amour qu'il me porte se rapproche plus de l'obsession.
Un Julian miniature, tout aussi pervers, tout aussi fou.
L'ironie joue son rôle à la perfection. J'ai fini par coucher avec son frère, il n'aura fait que me précipiter dans les bras de celui dont il voulait m'éloigner. C'est la seule chose qui me rassure dans l'histoire qui aurait bien pu mettre un terme à ma liberté fraichement acquise.
Vers midi, on s'en va, laissant Nathan et Luna à leurs activités torrides dont je ne veux rien savoir. Rien que leur relation me choque.
J'ai l'impression d'être restée dans cette maison une éternité, la quitter me donne une sensation de vide. À moins que ce soit la redescente de la drogue qui me met dans cet état ? J'en sais rien...
Naël, le visage de marbre, assombri, à l'égal du ciel gris qui nous rend maussades. D'ailleurs, il fait vraiment pas beau, c'est déprimant, toi aussi tu me déprimes.
On marche, silencieusement, la gêne s'assoit sur mes épaules, elle devient lourde, douloureuse.
— Tu vas être comme ça combien de temps encore ? reproché-je, froidement.
— J'arrive pas à croire que tu m'en veuilles pas.
Je m'arrête, surprise.
— Hein ?
— Je t'ai caché plein de choses. Pourquoi tu me pardonnes ?
J'avais la gêne sur les épaules. Lui a la culpabilité sur tout le corps.
— Je savais déjà que tu me cachais des choses, avant je me disais que j'avais pas à m'en mêler, que je devais attendre que tu me les dises. Je voulais pas te brusquer et te faire fuir.
— Putain Eileen. Ça me rend fou que tu sois comme ça.
— Qu'est-ce que tu racontes à la fin ?
— Ta gentillesse, ton empathie, ton charme, putain tu t'en rends pas compte ? Ça me bouffe, j'ai peur de détruire ce que tu es devenue, j'ai peur qu'on t'enlève à moi, j'ai peur que tu t'intéresses à quelqu'un d'autre.
Naël me pique une crise de jalousie ?
— On en a parlé ce matin... Je te lâcherai jamais...
Il met du temps à répondre, il me fixe, semble trouver la paix.
— Ok... D'accord... Désolé, je psychote...
Il s'empresse de me prendre dans ses bras, d'installer la bulle qui nous protège du monde extérieur, de ses dangers.
Naël prend du terrain sur Julian, encore.
Bientôt, ce ne seront que des mauvais souvenirs, le traumatisme sera toujours là, Naël aussi, il soignera mes plaies, me rassurera. Je ferai pareil pour lui.
C'est aussi ça l'amour.
Il a un cœur blessé, une âme brisée, des ailes déchirées.
Un ange déchu, tout comme moi.
Notre ressemblance me fascinera toujours autant.
**
Cette maison, refuge d'antan, danger de maintenant. Elle m'a permis de m'ouvrir, d'apprendre énormément, de connaître le véritable amour, la paix intérieur. Dorénavant, je n'y vois qu'un malaise, que l'esprit d'un futur violeur, peut être d'un actuel. On en sait rien.
Naël pose sa main sur mon épaule, on franchit ce portail qui m'a sauvée il y a trois mois. Puis viens le tour du garage par lequel on est passés, Jeanne stressée, Naël essoufflé, Moi décolorée.
Aux portes de la mort.
On rentre dans la cuisine, George, Jeanne et Sarah mangent, ils sont surpris de nous voir ensemble. Ils nous regardent, l'air dubitatif.
— Qu'est-ce que vous faites ensemble ? demande Sarah, pressentant sans doute quelque chose.
— Bonjour ! dis-je, avant regarder Sarah. Tu aurais dû me dire que tu mangeais ici. Et...
— Il est où Aiden ? demande Naël, impatient.
— Tu pourrais au moins nous saluer. reproche George.
— Et tu pourrais au moins bien éduquer ton fils.
Je plaque ma main devant ma bouche, ses mots sont durs, la colère parle pour lui. Sarah lâche ses couverts, Jeanne nage dans un flou complet.
— Quel est le rapport ?
— Le rapport c'est qu'hier Eileen m'a envoyé un message pour que je vienne à une soirée où elle était avec Aiden, il lui avait dit que c'était une petite soirée.
— Et donc ? coupe Jeanne, contrariée. C'est une raison pour...
— Attendez. ordonne Naël, la voix glaciale. J'arrive donc à la soirée qui ressemblait plus à un projet X, je vois Eileen, en culotte, sans soutif, en train de pleurer.
Tous les regards se portent alors vers moi, qui baisse la tête.
— Vous voulez savoir pourquoi ?
Le silence est leur réponse.
— Il se trouve que votre fils, Aiden, l'a droguée un peu plus tôt en mettant de la MD dans son verre de Whisky pour ensuite tenter de la baiser dans la chambre de sa meuf.
Le choc se lit sur leurs yeux.
La verité sur Aiden, éclate au grand jour.
Jeanne éclate en sanglot.
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