Premier cauchemar...
Un cri... Que se passe-t-il ?.. Je ne vois rien... J'ai si mal... Je sens que je sombre...
Je plonge dans mon cauchemar...
À l'aide...
Je me réveille dans un endroit lugubre et sordide. Un lieu glaçant et terrifiant... L'antre des démons...
Seule... Si seule... Papa... Maman... Pourquoi suis-je là ?.. Où êtes-vous...
Je suis dans cette sorte d'orphelinat depuis la naissance, je le sais, pratiquement neuf ans que je souffre le martyre. Ici il n'y a pas d'humains, juste des coquilles vides, abusées par leurs maîtres.
J'ouvre les yeux une nouvelle fois... Encore ma maudite chambre, sale, humide et mal entretenue. Même en la nettoyant, rien ne pouvait empêcher les moisissures de se propager dans le coin des murs. L'odeur nauséabonde de cet endroit me détruit le nez, à force on finit par s'y habituer, par s'adapter. Une chambre simple, une table, une chaise, un matelas troué, un coussin dessus ainsi qu'un drap, un calendrier insensé, une horloge au bruit régulier stressant, sans oublier le miroir. Je m'avance vers celui-ci, me regarde. Moi, petite, maigrichonne, les cheveux châtains et longs, coiffés naturellement, sans épis, mes yeux marron noisette reflètent quelque chose qui me fait peur. Une sorte de noirceur au fond de mon regard... J'ai un petit nez, des petites lèvres, mon joli sourire, gâché par des vêtements sales, juste un pyjama blanc muni de points bleus.
En regardant le miroir, je repense à M. Marie, le directeur de l'orphelinat que je n'ai vu qu'une seule fois... Je me demande ce qu'il a subi dans son enfance pour que cet endroit soit si horrible... J'ai l'impression de devenir de plus en plus folle, de plus en plus seule...
Je retourne sur mon lit, devant moi, la porte blanche, des salissures jonchant les extrémités de celle-ci. Je suis enfermée, sans aucun doute pour m'empêcher de voir les autres enfants en dehors des pauses ou des ateliers.
Les ateliers... Nous faisons des activités abominables, ça fait si peur... Heureusement, l'orphelinat regorge de livres. J'en ai dans ma chambre, ils sont cachés dans un gros trou qu'il y a derrière l'horloge, ils ne fouillent jamais cet endroit, ça me permet d'apprendre à lire et de m'occuper. Par chance, quand c'est à moi de nettoyer les couloirs, je peux aller dans une bibliothèque abandonnée, ils n'y font pas du tout attention. Pourtant c'est si bien d'apprendre à lire...
M. Marie, lui, il croit en la religion, il a ordonné à ce que l'on apprenne des trucs religieux dont je ne comprends pas vraiment le sens. On nous parle de Dieu à qui on doit tout et du Diable de qui on doit se méfier. Il y aurait aussi le Paradis, pour les personnes qui ont fait des choses bien dans leur vie et l'Enfer pour ceux qui ont fait de mauvaises choses. C'est trop bizarre car j'ai pas l'impression d'avoir été mauvaise. Malgré tout j'y suis, en Enfer, j'ai beau être gentille avec les autres, être souriante malgré la souffrance, rien n'y fait, je ne pars pas de cet endroit. L'impression de pourrir là-bas toute ma vie me terrifie au plus haut point...
La porte s'ouvre soudainement, la lumière s'allume, j'ai l'impression que mes yeux brûlent, je les ferme spontanément. J'entends des bruits de pas rapides s'approchant de mon lit avant de sentir une main ferme, prenant mon bras, me soulevant d'une force herculéenne, qu'ai-je encore fait ? J'observe la silhouette, me rends compte que c'est celle de M. Thomas, un surveillant de l'orphelinat, grand, les cheveux roux, courts, avec une calvitie avancée. Il est habillé d'un pantalon noir, serré et d'une chemise bleue, retroussée au niveau des bras, m'obligeant à voir ses longs poils sales. Ses yeux globuleux génèrent un malaise à l'instar de ses cernes violettes, de sa moustache et de sa barbe. Je ne peux même pas y penser sans être nauséeuse.
— M. Thomas, lâchez-moi !! supplié-je en me tortillant dans tous les sens en vain.
Je reçois une gifle, si forte que je tombe, mon cou craque, je touche instinctivement ma joue et mon nez, du sang. Des larmes coulent de mon visage, normalement impossibles à retenir, mais je le fais avec difficulté suite au regard menaçant de M. Thomas.
Il me traîne le long du couloir, je préfère me laisser faire, je le sais capable de monstruosités. Cet homme a déjà battu des enfants plus âgés que moi, un simple regard, un regard montrant aux adultes qu'ils ne sont pas tout puissants et une pluie de coups s'abat sur ces enfants rebelles. Mais moi je le sais, qu'ici, ils sont les maîtres, ils peuvent faire ce qu'ils veulent. J'ai bien compris que ce n'est pas un endroit de gentils. Peut-être suis-je ici pour ma méchanceté, peut-être que je le mérite, je ne suis sûre de rien.
Et tu ne seras jamais sûre de rien...
Au bout du couloir se trouve le bureau du surveillant. Plusieurs sont comme le sien, cinq en tout, comme le nombre de blocs, qui vont du A au E. Je suis dans le D. Architecture simple, deux couloirs, un dans le premier étage, l'autre dans le deuxième. Je suis dans le plus haut, on est séparé des autres bâtiments. Les seuls moments où l'on peut voir les enfants des autres bâtiments, c'est lors des pauses. On a le droit de se promener dehors sous la surveillance du personnel mais nous pouvons aussi nous voir lors des repas dans la cantine qui se trouve au milieu des autres blocs.
On entre dans son bureau, je remarque des tableaux représentant des personnes qui ne me disent rien.
Ils sont obligés de mettre ces têtes horribles dans leur bureau ? Bien fait.
Son lieu de travail est muni d'une étagère étrangement vide et poussiéreuse, d'un bureau, ainsi que deux chaises, dont l'une occupée par un jeune garçon qui sanglote. Il se tait de la même façon que moi suite au regard de ce fichu surveillant. Il est petit, maigrichon. Ses cheveux blonds, mal coiffés, partent dans tous les sens et il porte des lunettes rondes bleues qui se marient très bien à la couleur de ses yeux. Le visage du petit ne m'est pas inconnu.
Plus tard, il sera mignon.
Malheureusement, je comprends de suite la raison pour laquelle je suis là. M. Thomas me sonde de la tête au pied, son sourire sadique, satisfait, me donne la nausée. Je sais d'avance que je vais passer un sale quart d'heure dans le cachot, non, au moins deux journées dans cet endroit dégoutant. La porte est juste en face de moi.
— Tu sais ce qui t'attend petite... murmure le surveillant de sa voix malsaine, reflétant sa jouissance intérieure. Je t'ai pourtant prévenue, tu ne détaches pas le petit....
— Il a volé de la nourriture car il meurt de faim ! protesté-je en m'engouffrant dans son regard.
— Les règles sont les règles, il n'y a pas d'objections qui tiennent donc maintenant tu fermes ta gueule et tu vas te laisser faire.
Ses yeux devenus monstrueux, me terrifient, je tente de reculer, il me tient si fermement la main que je n'arrive même pas à me déplacer de quelques centimètres.
— Vos règles sont pas humaines ! crié-je tout en lui frappant le bras. Il n'a que sept ans et vous l'attachez !! Vous êtes des monstres !
En une fraction de seconde je sens une claque me faire voler contre la porte d'entrée, j'ouvre les yeux, le sol. Il me soulève sans problème sous les pleurs du jeune garçon, terrifié, je ferme les yeux tout doucement pour lui dire que tout va bien et je souris. M. Thomas m'emmène de l'autre côté de la pièce. Il ouvre la porte menant à des escaliers en pierre puis en bas de ceux-ci, il en franchit une autre pour donner place à une pièce glauque. Il m'y jette, me déshabille, je me sens tellement à sa merci... Il agrippe une chaîne accrochée au plafond, prend mes mains et les attachent à celle-ci, je ne peux même pas m'asseoir, il me fait un clin d'œil. Mon sang se glace.
— Si tu avais été plus grande, je me serais bien amusé avec toi...
— Que voulez-vous dire ? interrogé-je, apeurée.
— Une ignare, tu ne sais pas ce qu'est le viol ?
Je le regarde d'un air crédule, qu'est-ce qu'il raconte...
— Je vois que tu ne connais vraiment pas... C'est quand un homme rentre dans une femme qui pleure, il lui fait toute sorte de choses, du sexe si tu préfères, tu comprends la conne ? Je t'en avais déjà parlé non ?
— Vous êtes dégueulasse !
— Ferme là petite pute, c'est ce qui t'arrivera un jour, attends ce moment avec impatience.
Il veut vraiment me faire ça ? Il me dégoute, je le déteste, j'ai si peur... Il va un jour me faire encore plus mal, me détruire. Je n'attends pas ce moment avec impatience, je le redoute tellement... Il finit par sortir du cachot, la porte se ferme complètement.
Du noir, de l'humidité, du silence, pas si différent de ma chambre finalement. Soudain, j'entends un cri, il ne provient pas d'un enfant, plutôt d'une femme, le monde autour de moi change, je ne vois plus le cachot mais du flou...
— Maman !!! hurle la voix d'un garçon assez mûr. Je t'ai entendu crier, putain... Ça va ?!
Des pleurs... Une femme... Qu'est-ce qui se passe ?.. J'étais dans le cachot...
— Regarde Naël... sanglote-t-elle, tombant à genoux. Son corps...
Mon corps... Oh... J'étais dans un cauchemar... Dans mon passé...
Le jeune garçon se tourne alors vers moi, malgré tout le flou, j'arrive à distinguer les silhouettes ainsi que leurs mouvements, leurs mains plaquées devant leur bouche, l'air scandalisé.
Oui, mon corps est marqué de nombreuses cicatrices, elles sont le reflet de ce que je suis dorénavant. Une poupée cassée...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top