Le pardon d'un Ange

Je suis assise, en sueur, mes mains tremblent, Naël, recule prudemment avant de s'asseoir, il doit attendre que je me calme.

— Dé... Désolé, j'ai encore eu une crise...

— Je sais, tu veux en parler ?

Est-ce une bonne idée ? C'est vrai que le problème entre lui et moi est clair. Nous avons trop de faces cachées. Je devrais faire un effort, je pourrais ainsi en savoir plus sur lui...

— Hier j'ai encore fait un cauchemar, je me suis revue avec Julian...

Sa mine s'assombrit, mon passé reste un sujet sensible à ses yeux. J'aurais dû m'abstenir, ça me rassure qu'il réagisse comme ça. Je retrouve enfin celui dont mon cœur s'est entiché. 

— Et ensuite ?

Je respire profondément, il me regarde avec attention, avec l'envie de tout savoir sur moi. Si je me défile, Naël se sentira vexé, c'est ma dernière envie aujourd'hui. Nous devons consolider notre relation.

— Je t'ai pas dit toute la vérité... J'avais peur que tu me juges, que tu t'énerves...

— Il t'a...

Je fais un signe du doigt pour qu'il se taise, sans aucun commentaire, il obéit. À ce moment-là, l'intensité de notre jeu de regard est à son paroxysme. Pas de pression, pas de critique, juste de l'écoute.

— Oui. Au début tout allait bien avec Julian, je crois que je te l'ai déjà dit mais il m'a adoptée à l'orphelinat, pendant trois ans ça s'est bien passé, jusqu'à ce que je le voie tuer quelqu'un. C'est à partir de ce moment-là que j'ai commencé à avoir de sérieux doutes.

Cette pression au cœur quand je narre mon passé, elle s'étend. Je n'ai qu'une envie, fermer ma bouche à tout jamais. La seule chose qui me donne l'envie de continuer, c'est mon objectif. L'acceptation, ça commence par le dialogue, si j'en parle, c'est que j'accepte ce qu'il s'est passé, pour le meilleur ou pour le pire...

— Et donc... repris-je, avec difficulté. J'ai fini par vouloir m'enfuir, je me suis faite rattraper, il m'a emmenée dans sa cave... Puis... 

Les larmes montent, j'ai honte. Il va me trouver sale, souillée, mon regard se tourne vers le sol, lui ne peut pas me juger...

— Eileen, continue. Je te jugerai pas.

Sa voix est tremblante. Timidement, je lève la tête, ses yeux reflètent un abime de colère, l'incarnation même de la haine, je me trompais, il n'y a que moi qui me juge ici.

— Il m'a violée une première fois... J'ai fait tout ce que j'ai pu, je l'ai tapé, mordu, griffé, ça n'a rien fait, il a continué encore et encore. Il m'a fait subir des tortures physiques, psychologiques, c'était interminable, j'étais sa chose. Il descendait dans la cave, me violait, puis repartait comme si de rien était. J'ai fini par abandonner l'idée que j'étais une humaine à part entière, j'ai accepté d'être son objet, j'ai pu alors vivre dans la maison avec lui. J'étais trop lâche, j'ai jamais eu le courage de le tuer, au contraire... Il m'a... 

— Il t'a fait quoi Eileen ?

— Il m'a mise enceinte...

Les poings de Naël tremblent. Je savais que j'aurais dû attendre. Il est trop impulsif, émotionnel, pour entendre ça de la part de quelqu'un qu'il aime... Merci... Tu t'inquiètes toujours pour moi, alors même qu'on s'est disputés, tu veux m'aider. Peut-être que je devrais m'excuser, tu ne peux pas être parfait. Tu as sans doute des soucis, c'est pour ça que tu es dans ce gang...

J'ai peur du futur, vais-je replonger dans ce monde sordide ? Est-ce que ce sera de la faute de Naël ? De Julian ? D'une tierce personne ? Je n'en sais rien. La seule chose dont je suis sûre, c'est que si je suis loin de ce jeune homme aux yeux vert émeraude, je m'égarerai une nouvelle fois.

— Lee... 

— Quoi ?

— Pardon...

Je prends un air crédule, Naël qui s'excuse aussi rapidement, cet être borné ?

— Ne t'en fais pas... Je voulais déjà te pardonner pour ça, c'est moi qui m'excuse de m'être énervée sans savoir ce que tu as vécu derrière ce choix...

— Ouais... Mais pas que pour ça...

— Pour quoi al...

Avant que je n'aie le temps de finir ma phrase, Naël s'approche rapidement de moi. Je sens son corps se blottir contre le mien, son parfum enivrer mon nez... Je ne ressens aucune peur, pas de spasmes qui me prennent d'un coup, malgré ma crise d'angoisse plus tôt. Ses bras sont devenus ma maison. C'est la première fois depuis que je l'ai repoussé qu'il réessaye, tu as été patient Naël...

— Désolé pour ça, je sais que tu as encore peur. 

Je le regarde, avant de ricaner, son air ahuri me fait d'autant plus rire, notre relation me fait penser à celle qu'il y a dans les séries américaines, ils mettent vingt ans pour se faire un bisou, même si c'est de ma faute, je ne peux pas m'empêcher de sourire, je me rends compte dans ces moments-là que Naël est vraiment une bonne personne.

— T'arrêtes de te foutre de ma gueule ? dit-il en me prenant par la taille.

Ça me fait du bien, cette complicité qu'on a entre nous. J'ai enfin l'impression d'être une adolescente normale, sans ce passé, sans Julian, juste une vie paisible, mon innocence et des possibilités d'avenir. Je finis par m'asseoir sur ses genoux, il est si confortable.

— Je vais être honnête Eileen.

— Quoi ?

— Julian, je vais le tuer.

Mon cœur se noue. Rien que de penser qu'il pourrait revenir dans ma vie me terrifie, alors que Naël se confronte à ce monstre ? Il en est hors de question.

— Non Naël... On en a déjà discuté...

— Je sais, mais putain il doit payer...

— La dernière chose que je veux, c'est qu'il revienne dans ma vie, je m'en sors mieux qu'avant tu crois pas ?

— Ouais... T'es déjà plus sûre de toi en apparence et tu es souriante mais ça se voit que tu souffres encore.

Je ne peux définitivement rien lui cacher. Mon côté énigmatique perd de l'ampleur au fur et à mesure qu'on se côtoie. Lui et Sarah doivent tout le temps m'entendre hurler la nuit, il y a toujours l'un des deux sur le fauteuil à côté de mon lit quand je me réveille. Depuis deux mois c'est comme ça...

J'essaye d'aller mieux en apparence pour me convaincre que c'est vraiment le cas, peut-être que je confonds me convaincre et être dans le déni finalement...

— Dis...

— Ouais ?

— Ça se voit tellement que ça ?

— C'est pas en deux mois que tu vas t'en remettre, t'es forte mais t'as un cœur et un esprit, ils doivent juste se réparer.

— T'as raison...

Après avoir parlé sérieusement durant un moment, Naël finit par me laisser me reposer. Je devrais profiter de lui, il va bientôt partir, mon corps lui ne veut pas, tout mon stress est enfin redescendu. Une seule question me trotte à la tête.

Est-ce que Naël m'a dit toute la vérité ?

Un peu plus tard en tout début d'après midi, Sarah vient dans ma chambre pour me prévenir qu'on va manger, elle était revenue ? Sans doute pendant que je dormais. En tout cas, cette routine normale m'emplit tellement de bonheur, je ne remercierai jamais assez... Je ne sais pas qui remercier mais merci beaucoup pour cette nouvelle famille qu'on m'a donné...

On est tranquillement dans le salon. Comme d'habitude, le bruit des informations s'ajoute à nos conversations. J'ai raconté notre soirée d'hier, la tête de Sarah me fait penser qu'elle a dû s'inquiéter. Je ne peux pas en vouloir à mon ange gardienne. Qui aurait crû que j'irais en soirée avec Aiden ?

En parlant de lui, il a l'air mécontent, peut être car je me suis mise à côté de Naël et non de lui ? Ça m'étonnerait qu'il soit jaloux, il a Luna, elle est sublime, intelligente, d'une gentillesse sans limites. Renier une fille aussi parfaite qu'elle pour moi ? Je n'y crois pas du tout.

— Monte un peu le son de la télé Eileen s'il te plaît. intervient George, concentré.

Je me lève et me dirige vers la télécommande, posée sur le canapé, je la prends et augmente le son.

" Pendant la journée du 20 avril, dans un des quartiers sensibles de l'Est de Montpellier, un règlement de compte a fait au moins une dizaine de morts et une vingtaine de blessés. D'après de nombreux témoignages, plusieurs véhicules noirs se seraient arrêtés en plein milieu du quartier, une vingtaine de personnes habillées de la même couleur auraient commencé à tirer avec des armes automatiques. D'après les experts, il s'agit d'un règlement de compte, non comme on pourrait le penser, entre jeunes de citées, mais bien entre plusieurs organisations criminelles qu'on pourrait qualifier de Cartel. Le motif principal serait effectivement, une guerre de drogue et de territoire. Malheureusement, comme pour toutes les autres attaques, la Police ne parvient toujours pas à trouver les auteurs des faits."

Une organisation criminelle... En plus c'était hier... Je me tourne, Naël paraît impassible, il ne tremble pas, ne détourne pas le regard. Sarah quant à elle, semble plutôt inquiète, pensons-nous à la même chose ?

Naël... Dis-moi que tu n'y es pour rien... 

Le repas se finit sans qu'on y prête attention. Jeanne et George ne se doutent même pas que leur fils aîné s'avère être un membre de gang. Alors que je me dirige vers ma chambre, je remarque Naël et Sarah s'éclipser dans le jardin. Désolé, vous suivre est une mauvaise idée, mais il faut que je sache.

— Naël je t'en supplie, c'est pas ton groupe qui a fait ça quand même ! sanglote Sarah.

— Putain Sarah, non c'est pas moi, tu me vois faire ça ?

L'ambiance entre les deux est pesante, leurs regards accusateur s'entrechoquent.

— Je sais très bien ce que tu es prêt à faire Naël, depuis ce qui s'est passé chez notre père, tu te sens endetté de Pierre.

—Ferme-la Sarah, tu sais pas de quoi tu parles.

Alors Naël a une dette envers quelqu'un ? Et ce Pierre...

Je me souviens, j'ai entendu ce prénom quand on était chez Tanguy. Je crois que c'est leur supérieur, avec... Comment il s'appelait déjà... Ah oui, Tahir.

— Il faut que j'en parle à George et Jeanne... Pierre te manipule, c'est pas ta faute.

Naël prends les épaules de Sarah, elle se tord de douleur.

— Sarah, regarde-moi bien... Tu ne dis rien, Pierre les a déjà déçus, ils n'ont pas à supporter ça en plus, si tu leur dis que j'ai rejoint un gang à cause de lui... Ils vont...

— Tu me fais mal...

— Promets-moi que tu vas rien dire ! rugit Naël, furieux.

— Lâche Sarah ! crié-je, accourant vers eux.

Sous l'effet de la surprise, il s'écarte d'elle, ce qui est le plus surprenant, c'est que Pierre fait partie de la famille Lemoine... C'est à n'y rien comprendre...

— Désolé... Je me suis encore emporté... T'as tout entendu je suppose.

— Oui. Je pense aussi qu'il faut rien dire, mais... Je savais pas que ce Pierre est de la famille.

Sarah émet une exclamation. Je la comprends, son instinct lui dit qu'il faut que tout ce cinéma cesse, ça finira mal. Je me sens désolée, pour l'instant j'ai envie de faire confiance à Naël...

— Ca fait cinq ans qu'il ne fait plus vraiment partie de la famille. explique Sarah. Depuis qu'il est allé en prison après une fusillade, il sort bientôt, mais je pense pas qu'il reviendra voir nos parents.

— Je vois... Pourquoi tu as une dette envers lui ? C'est pour ça que tu es dans un gang ? Si tu ne me dis tout, je ne dirai rien, sinon je reviendrai sur ma parole...

Ils se regardent, j'ai l'impression que tout ça a un lien avec le passé de Sarah...

Ils savent tout de moi, je ne sais rien d'eux...

Le dénouement de leur histoire va-t-il enfin arriver ?

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