L'ange de la Mort
Je suis debout, le corps inerte à côté de moi, meurtrie par ce que je viens de faire. Mon âme, mes actes, ils s'approchent de plus en plus de lui, sans que je m'en aperçoive, je me suis imprégnée de sa noirceur. Je le redoutais, c'est arrivé, la maladie s'est totalement propagée en moi.
— Qu'est-ce que je fais maintenant...
Quand je regarde son corps, une chose me terrorise, elle s'est tellement développée que j'en suis venue à m'acharner sur lui alors qu'il est innocent. J'ai eu cette sensation qu'il allait me violer comme Julian le fait, alors qu'il venait juste se venger...
Quelque chose ne va pas chez moi... Je suis devenue complètement folle. La haine prend petit à petit le dessus...
Je prends ma douche, tout ça ne parait pas réel, si je sors de la salle de bain, il n'y aura peut-être aucun corps, c'est dans ma tête.
Oui, je me suis imaginée tout ça à cause de la solitude, j'ai déjà eu des hallucinations dans la cave, à cause de ces fichues enceintes. Peu à peu, je commence à craquer, des sanglots s'échappent, se mélangent à l'eau de la douche. J'ai atteint un nouveau cap, plus j'avance dans la vie, plus je plonge dans l'Enfer de la mort.
Je rejoins la cuisine, le cadavre me fait sursauter une nouvelle fois. Mon corps, pris de tremblements, ne veut plus avancer, il faut que je nettoie tout avant l'arrivée de Julian...
Une serpillière, un balai, un aspirateur, une éponge, un torchon, tout ce qui me passe sous la main peut m'être utile. Je mets quelque chose sur mon nez pour camoufler cette odeur nauséabonde.
Rien que le bruit que ça fait quand je plonge la serpillière dans le sang me dégoûte. Le sang qui se déplace à chaque mouvement de mon balai, une abomination. Je ressens un picotement à chaque fois qu'il touche le corps inerte de l'homme. Je l'aurais préféré vivant, c'est beaucoup moins apeurant...
Un peu plus tard dans la journée, je suis dans une impasse, il n'y a aucun moyen de cacher le corps, quant au mien, il est exténué, mon esprit aussi. Je n'ai plus aucune normalité en moi...
— Eileen !! Je suis rentré ! s'écrie la voix de Julian.
Une pression s'abat sur moi, mon cœur vacille, il est rentré bien plus tôt que prévu. Ses pas s'approchent, ça me rappelle ce que j'ai fait il y a quelques heures...
— Pourquoi tu...
Sa silhouette est désormais devant la mienne, ses yeux se dirigent immédiatement vers le cadavre de l'homme. Il est troublé, aucune peur, aucune réaction disproportionnée, juste un élan d'incompréhension.
— Putain de merde, il s'est passé quoi ici ?
Les larmes aux yeux, je baisse la tête, s'il me croit pas, je suis morte. Il s'avance, je me recroqueville sur moi-même, à mon grand étonnement, il fait volte face, je crois qu'il a remarqué la baie-vitrée cassée.
— Je sais que c'est pas toi qui a voulu t'échapper Eileen, les bouts de verre sont pour la plupart dans la maison.
— Je...
— C'est ma faute. Désolé que tu aies dû faire ça.
Il s'excuse ? C'est louche...
— Je peux vous poser une question ? tenté-je, la voix timide.
— Oui.
— Qui était cet homme ?
Il hésite quelques secondes avant de répondre.
— Le frère de celui que j'ai tué, un ancien partenaire à moi, les deux m'ont trahis.
Alors c'était bien ça... Pourquoi Julian s'est-il excusé pour ça ? Il me fait subir tellement d'autres choses sans aucun remords...
— Ce fils de pute, il a osé venir chez moi... Quelqu'un a dû donner mon adresse. MERDE !
Il me jette à nouveau un coup d'œil, je pense savoir ce qu'il veut, la boucle reprend, mon désarroi grandit. Il va s'asseoir sur le canapé, sans réellement se préoccuper du cadavre, il allume la télé.
Alors que l'homme que j'ai tué est à côté de nous, la seule chose à laquelle Julian pense, avoir sa chose dans ma bouche. Je n'ose même pas lui jeter un seul regard. S'il voit ne serait-ce qu'une flamme de rancœur dans mes yeux, ça l'excitera. Il voudra alors me violenter encore plus.
Son élan de gentillesse aura été de très courte durée.
Une fois qu'il s'est vidé dans ma bouche, il prend son téléphone et appelle quelqu'un, avant de partir du salon, il me regarde.
— Avale ma petite chienne.
Je fais ce qu'il me dit sans broncher, un goût horrible se répand dans ma gorge, une fois que je le vois partir dans le jardin, j'accours dans la salle de bain.
Le miroir montre une personne si différente d'avant, je me rappelle encore celle que j'étais dans l'orphelinat. Maintenant, je suis une fille violée, enceinte, j'ai tué un homme... J'essaye de faire abstraction de tout ça, je suis habituée désormais, à cette fichue vie.
— Eileen ! Dans ta chambre !
Je m'exécute, quelques instants plus tard, des voix d'hommes, je crois qu'ils vont se débarrasser du corps, dans ma tête il sera toujours dans l'entrée de la cuisine.
Quelques jours plus tard, l'histoire est enfin terminée. Julian rentre plus sereinement à la maison. Il est venu dans ma chambre tous les soirs afin de m'apporter un plateau. Est-ce parce que je porte son bébé qu'il est aussi gentil ? Ces derniers temps, j'ai juste eu à utiliser ma bouche, c'est déjà mieux que tout mon corps.
Je m'endors sans penser que tout pourrait basculer.
**
Dans la matinée, plusieurs contractions me prennent, je ne devrais pas en avoir à ce stade, je me suis renseignée. La douleur devient vite insupportable, du sang coule, je vais le plus vite possible aux toilettes. Le sang coule à flot, je suis prise de nausées rien que d'y penser.
Puis soudainement, quelque chose me vient à l'esprit.
— Non... Du sang qui coule de là...
Le burger, il y avait bien un truc dedans...
C'est pour ça qu'il tenait tant à faire à manger et qu'il voulait m'emmener le plateau...
Julian.
Tu le paieras.
**
Un an plus tard, mon plan est parfait, ma détermination aiguisée au fil de cette année, l'heure est venue.
Ça fait presque un an que j'ai perdu tous mes privilèges, nous sommes revenus à la case départ, la cave.
Je le savais après qu'il m'ait sortie la première fois pour aller dans la clinique du Doc, qu'il y avait un gros problème suite à mes contractions. Comme je m'en doutais, il a mit des médicaments pour avorter dans ma nourriture à plusieurs reprises. Je me sentais fatiguée, j'avais des nausées tout le temps, les saignements ne s'arrêtaient pas.
J'ai pété un câble alors que Julian ne voulait que du sexe, je l'ai claqué et j'ai voulu m'enfuir désespérément. Il l'a eu en travers de la gorge, il m'a redressée comme il fallait, tellement bien que maintenant, il faut que ça cesse.
L'ange de la Mort va venir à moi aujourd'hui, mon quotidien est le même depuis trop longtemps, je m'y suis complètement accoutumée. La faucheuse va me reprendre ce que j'ai volé à quelqu'un. La vie.
Julian est en train de dormir, j'ai le briquet en main. Sans prendre le temps de réfléchir, je commence à brûler le rideau du salon, puis de la cuisine, je passe alors à ma chambre.
Au bout de quelques minutes, le feu se propage, l'odeur prend de l'ampleur.
— EILEEN !! IL SE PASSE QUOI LÀ ?!
Non... Il s'est réveillé trop vite...
Si j'en suis arrivée à cette conclusion, c'est à cause de mon indécision, je n'arrive pas à tuer Julian, ça me fait trop mal, je n'y arrive pas... Je vois toujours en lui celui qui m'a libérée de l'orphelinat, qui m'a appris tellement de choses, j'espère qu'il s'en sortira...
Je te déteste quand même, l'enfant que tu m'as fait, que tu m'as pris, je l'ai toujours au travers de la gorge, comme tous tes actes... Tu m'as traumatisée, transformée en une chose qui n'est pas moi. Je vais revivre dans la mort, c'est ma seule solution.
La vie n'est qu'une malédiction, son extinction est une bénédiction.
Des bruits de pas précipités, armée d'une poêle à frire, je me cache dans un coin. Une fois l'ombre de sa silhouette assez proche, je lui assène de toute ma force un coup en pleine figure.
Il jure de tous les noms, son hurlement rempli de haine me donne envie de mourir dès maintenant. Il remue son poing dans tous les sens, tellement que je finis par m'en prendre un dans les côtes, puis dans la figure. Je me tape le recoin du mur, commence à tituber.
Il faut que je m'éloigne de Julian, il est désorienté, je l'entends tousser, l'atmosphère devient infernale, il fait une chaleur étouffante. Je sens que je vais m'effondrer, mon plan a échoué...
— ET MERDE ! EI... PUTAIN !!
Alors que je m'écroule sans qu'il me voie, Julian sort en toussant de la maison, les flammes ont pris complètement le dessus sur la maison. Je me lève une dernière fois, ma peau me brûle, ma tête me fait mal, je tente de me mettre debout avant de m'effondrer...
Je fais toujours des choses inutiles... Même avant de mourir...
— Il y a quelqu'un ?! crie une voix inconnue, quelque part dans les flammes.
Alors que je sombre, une seule phrase sort de ma bouche.
— Aidez-moi... supplié-je, avant de sombrer.
Le feu a même consumé mon cauchemar, de l'ombre, je suis passée à la lumière.
Du Diable, je suis passée à l'Ange.
De l'Enfer, je suis passée au Paradis.
De mon Bourreau, je suis passée à mon Sauveur.
De la Haine est né l'Amour que j'ai pour toi.
Naël...
**
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