Ambiance morbide...

Tanguy et Pierre sont dans l'appartement, un médecin à côté d'eux avec un sac. Celui-ci s'approche de Naël, toujours inconscient. J'ai réussi à le mettre bien sur le canapé, son sang n'a pas coulé depuis que j'ai mis le bandage. J'espère que c'est assez...

Le médecin sort de son grand sac des outils médicaux, retire ce que j'ai fait. La plaie me fait tourner de l'œil, j'en deviens nauséeuse. Tanguy me ramène une chaise pour que je puisse m'asseoir, je le remercie. Pierre pose sa main sur mon épaule, je stresse tellement que je ne réagis même pas à son contact.

— C'est un dur à cuir Naël. T'en fais pas.

Nos regards se croisent. Un tueur, une tueuse. Ambiance morbide.

— C'est ta faute. rétorqué-je, l'air menaçant. Tu vas finir par le faire tuer.

Pierre ne flanche pas, ses yeux restent rivés vers moi, aucune pointe de regret.

— Calme-toi Eileen ! intervient Tanguy, paniqué. C'est quand même Pierre !

— Et c'est Naël qui s'est pris une balle ! Pourquoi c'est pas Monsieur Pierre qui s'en prend une ? 

— Ça aurait pu être moi. répond-il, tout simplement.

— Ça aurait dû être toi. rectifié-je, le ton glacial. Connard.

Je m'en vais dans la cuisine puis me sers un verre de Whisky. Il se vide d'une traite, un autre se rempli, je m'assois sur la table de la cuisine.

La tension ne régresse pas, le médecin s'occupe toujours de Naël, il devra bientôt s'occuper de moi si je continue... Observer celui qu'on aime, inconscient, meurtri, inerte, il n'y a rien de plus horrible. Mon cœur se déchire puis se répare d'espoir avant d'à nouveau se disloquer. Un cycle sans fin, un cercle vicieux.

J'en viens à prier Dieu, celui en qui je n'ai jamais cru.

Lui qui m'a abandonnée dès ma naissance.

Lui que je déteste plus que tout.

Lui que j'implore désormais.

Après quelques minutes interminables, le médecin se lève. 

— Il est sorti d'affaire, la balle est extirpée de son bras. C'est étonnant qu'il ne se soit pas réveillé d'ailleurs. Il n'a pas perdu assez de sang pour être en danger mais il faut éviter les mouvements brusques pendant les premiers jours. Pas de sport pendant un mois, pas d'efforts non plus. Les bandages sont à changer tous les jours.

Je ne connais pas ce médecin, pourtant je le considère déjà comme mon deuxième sauveur.

— Merci beaucoup...

— Je ne fais que mon travail. Bonne journée.

Il part, je m'assois à côté de mon beau aux bois dormants, je caresse ses cheveux. Quand il dort, son visage est si beau, mieux qu'un film, plus divertissant, plus hypnotisant.

Tanguy finit par partir de l'appartement, il doit remplacer Naël pour les affaires. Je me retrouve seule avec Pierre, il m'observe toujours de son œil mauvais.

— Tu peux partir. Je t'avais même pas appelé de base.

— Eileen, qu'est-ce que tu veux de plus merde ? Vous avez l'argent, du temps ensemble, un avenir devant vous. Je vois pas ce que tu peux rêver de mieux.

Je pointe du doigt Naël.

— C'est ça ton avenir ?! Tu te moques de moi ? Je pourrais pas supporter longtemps de le voir aussi mal... Je veux juste Naël moi... Je m'enfiche du reste...

Soudainement, la sonnette de la porte retentit. Je regarde à travers le judas, Sarah est là. Elle a fait vraiment vite.

— Eileen... Ça va ma belle... Tu tiens le coup ?

— Oui... T'as vu mon message ? Il est sorti d'affaire...

— Il est où l'autre ?

— Dans la cuisine.

Sarah déboule celle-ci, en direction de Pierre qui sursaute. Elle lui met une tarte puis deux avant de le pousser sans qu'il réagisse.

— Putain d'enculé ! Je t'avais dit quoi Pierre ! T'aurais dû rester en taule ! 

— Calme-toi Sarah. menace-t-il, le regard noir.

— Qu'est-ce que tu...

Il la prend par le cou, je tente rapidement de les séparer, il m'écarte de son bras libre.

— J'ai dit, tu te calmes. Tu crois que ça me fait plaisir aussi ? Si Naël meurt, je perds un bon élément.

— C'est pas un outil Naël ! riposté-je alors que la colère monte en crescendo. Lâche Sarah !

Il lâche sa poigne, elle tombe par terre, la respiration coupée.

— Bon, j'ai autre chose à foutre que de vous entendre chialer les gonzesses. Eileen, tu m'appelles dès que Naël est réveillé. Si tu le fais pas, tu vas comprendre qui je suis.

— Tu pars où ? interroge Sarah, méfiante à son égard. 

— Le patron m'attend, j'ai un rapport à faire.

Il part, sans un mot de plus, Sarah et moi sommes désormais seules. On est en début de soirée, Naël est inconscient depuis à peu près deux heures. Je me sers un énième verre de Whisky, Sarah m'accompagne dans ma beuverie.

— T'en fais pas Eileen, il va aller mieux.

— Oui...

On continue de boire, encore et encore. Jusqu'au trou noir.

Le lendemain je me réveille, me lève, ma tête explose. 

— J'ai mangé une bombe ou quoi...

Rapidement, je me rends compte que je suis dans mon lit, ma tête se tourne instinctivement sur le côté. Une impression de déjà vu me prend soudainement. La silhouette de Naël, en train de m'observer tandis que j'ai l'air perdue. Comme notre première rencontre.

— T'es enfin réveillée. dit-il, le ton ironique. Tu étais bien bourrée hier.

Je ne comprends pas directement, le réveil est rude, après quelques secondes, je réagis.

— Comment tu sais ça ?

— Sacré black-out. Je me suis réveillé vers vingt-et-une heure, tu m'as sauté dessus, j'ai cru que j'allais m'évanouir une deuxième fois. Après t'as pleuré parce que t'avais peur de me perdre. Tu as insulté Pierre de tous les noms et t'as voulu l'appeler. Tu t'es juste calmée quand tu étais dans mes bras. Sarah est partie un peu après pour nous laisser tranquille.

Je le regarde, l'air ahuri, je ne me rappelle rien du tout. Le principal c'est qu'il soit là, qu'il sourit comme à son habitude. Tant que je vois ça quotidiennement, le reste, peu importe. Une question me vient à l'esprit.

— Tu as vu tes agresseurs ? C'était qui ?

Il prend un air grave.

— J'ai rien vu du tout, à partir du moment où les coups de feu ont plu, je me suis barré sans me retourner. Pierre m'avait prévenu, maintenant que j'ai du pouvoir, on va vouloir me sauter. Je suis devenu bien plus visible, je suis en première ligne.

Je ne comprends vraiment rien à leur monde. Naël commence à être important, donc il est visé, ça c'est bon. Alors pourquoi Pierre n'est-il pas autant en danger que lui ? La question pèse trop, elle finit par sortir de ma bouche.

— C'est simple. répond-il, l'air maussade. Il tire les ficelles, il est l'ombre, moi la lumière. C'est comme ça que ça marche, il met ses meilleurs hommes en première ligne pour faire peur et pour se protéger. Remonter jusqu'au patron de ce genre d'organisation, c'est une plaie.

— Horrible, il fait ça à son propre petit frère.

— Cherche pas à comprendre Eileen.

**

Plusieurs semaines sont passées depuis qu'il s'est prit une balle. Je suis acceptée dans l'ancien lycée de Naël à Montpellier. J'ai eu la mention "Bien" au brevet en candidature libre, d'après Jeanne et George, je m'en sors très bien. Pour fêter ça, Naël m'a emmené dans un restaurant luxueux, sans doute payé par un argent moins beau. Il fait très attention en ce moment, j'évite de voir Luna et Nathan, de peur de les impliquer. Je m'éloigne aussi des Lemoine, même si ce n'est que temporaire, le temps parait si long, sans les voir. 

Heureusement, j'ai mon homme, c'est le principal. Pourtant, la plupart de ses subordonnés se sont fait attaquer, Pierre soupçonne une vengeance de ceux qu'ils ont attaqué dans le quartier il y a un moment maintenant. À ce qui parait, c'est leur plus grand concurrent. Depuis que Pierre est allé en prison, leurs ennemis savent qui il est. Quelqu'un aurait dénoncé sa relation avec Naël, ce qui explique qu'il soit bien plus visé qu'avant. Ils cherchent activement qui est le traître.

En tout cas, maintenant il y a toujours deux voitures devant l'appartement, mesure nécessaire.

J'ai au moins pu finir mes tatouages, ils sont magnifiques. Quand je mets un haut blanc en dentelle à manches courtes, ils se marient super bien. Naël est un grand fan, même si on en a eu pour plusieurs centaines d'euros.

Grâce à eux, je me sens bien mieux en me regardant dans la glace. Plus ça va, plus c'est difficile de me dire que je n'ai que seize ans. Je me fais la même réflexion en voyant Naël, je finis toujours par penser à ça. Moi, dans un bel appartement, avec un bel homme, pas beaucoup de gens n'ont ça à cet âge.

Ni cette belle routine qui s'est installée avec nous malgré son sombre travail. Il est souvent là, ne s'absente jamais plus d'une journée, il m'appelle dès qu'il a un problème, tout est parfait.

J'espère que ça va durer, je me fais pas trop d'illusions non plus. J'ai bien compris que la vie qu'il suit est compliquée et dangereuse.

C'est pour ça que je profite le plus possible de lui.

Car le lendemain peut être le dernier.

Il suffit d'une seconde...

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