"- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?"

Il jouait avec ses doigts glacés, les dessinant inlassablement, descendant parfois jusqu'à la paume en traçant ses lignes harmonieusement entremêlées ça et là rejoignant parfois la base de ses doigts, il le laissait faire tandis qu'il prenait son temps pour répondre. Cela faisait sûrement bien une trentaine de minutes qu'ils laissaient le silence peser dans la pièce à présent silencieuse elle aussi, parfois perturbée par le bruit des draps être légèrement froissés quand l'un d'eux bougeait. C'était lorsque le calme était revenu, que leurs souffles s'étaient apaisés que Jisung avait recommencé à réfléchir, à penser à tout et rien, rougissant parfois à certaines choses que même en privé dans sa boîte crânienne c'était gênant à dire et c'était à un moment ou à un autre qu'il se rappelait que Minho lui avait avoué qu'ils ne l'avaient jamais beaucoup fait, le nombre l'avait quelque peu surpris. Une fois ? Ne s'étaient-ils pas fréquenté pendant longtemps, vie après vie pour le revenant ? Était-ce avant ou à la première rencontre ? Ça expliquait pourquoi il ne lui sautait pas constamment dessus, Jisung appréciait cela, ça prouvait au moins que ce n'était pas que physique apparemment. Comment c'était ? Était-ce différent de maintenant, à présent qu'il n'était plus mortellement ennuyeux ? Est-ce que même Minho avait pensé que son humanité fragile était dérangeante ou aberrante ? Il se demandait s'il voyait les choses différemment auparavant.

"- C'était un décembre, notre 15eme ensemble, c'était la même année que notre majorité, à l'époque tout du moins."

      Le blondinet souffla du nez, "c'est vraiment une blague d'immortel" se disait-il.

"- A l'époque, disons que ce qu'on partageait n'était pas bien perçu par les Hommes et la peine que nous encourions si nous étions découverts t'aurais couté la vie.

- Et vous ?, demandait-il par curiosité en tournant la tête comme il le pouvait pour observer son petit-ami, le bras au dessus de lui, se reposant sur un coude, sa bouche embrassant parfois son épaule quand l'envie lui prenait.

- Les Anges ne meurent pas, sourît-il.

- Mais le vampire oui, chuchotait le blond en reposant sa tête sur l'oreiller, approchant la main qui n'était pas le sienne de ses levres pour le poser dessus.

- Tu sais, je ne l'ai jamais vraiment compris, long soupire, il est parfois sur le même longueur d'onde que l'autre mais en d'autres moments il a juste envie de se rebeller contre lui, comme une bataille pour le pouvoir.

- Quel pouvoir ?

- Celui d'être en front, d'être ma conscience."

Un nouveau silence s'installât mais il ne fût pas tendu, ni pesant, il était seulement présent. Il laissait entendre le souffle lent et profond du plus vieux qui n'avait pas jugé bon de continuer, cela se déroulait sûrement dans sa tête, dans ce que Jisung ne pouvait pas atteindre. Il ne dit rien pour autant, venant simplement entrelacer ses doigts aux siens comme pour lui signifier qu'il comprenait. Lui non plus n'avait jamais vraiment compris pourquoi il était comme ça, si différent de son âme-sœur, pourquoi a cause de ça il était perdu, quelque peu incontrôlable et parfois dangereux, il ne comprenait pas pourquoi il se sentait si bien près de la chaleur quitte à se faire mal avec, pourquoi il appréciait tant se jeter d'une falaise, se laisser tomber et seulement s'envoler à quelques millimètres du sol, pourquoi il voulait que Minho le morde à tout prix, quelques fois. Mais il avait appris à vivre avec, grâce à lui, sa patience, alors qu'il avait peur de lui, qu'il en était parfois terrifié. Il se rappelait parfois que Minho bondissait à bonne distance quand il réussissait à enflammer un énorme tas de branches ou encore juste l'air, au dessus de sa paume et de la lancée au ciel, il avait bien vu le nombre de fois que son instinct lui avait ordonné de déguerpir en vitesse avant de denouveau être blessé. Pourtant il était resté. Mais pour lui, qui avait été là ? Est-ce que Jisung avait été là pour lui ?

"- Ça n'est arrivé qu'une fois, et c'était cette fois-ci que j'ai perdu le contrôle. "

Il ne dit toujours rien, écoutant seulement la voix légèrement meurtrie de celui qui se trouvait dans son dos à lui raconter le énième souvenir qu'il avait perdu parmi les milliers d'autres.

"- Je ne vais pas te mentir que pendant chaque vie d'humain, ton odeur c'était quelque chose, rigolait-il.

- C'est une moquerie ? Je puais ?

- Non, non, loin de là, dit-il rapidement en forçant sur son bras pour que le jeune homme se retrouve dos sur le matelas, c'était la plus délicieuse et tortueuse des odeurs que j'ai pu rencontrer dans ma vie, il le regardait, prenant son temps sur son front, son menton, ses yeux surtout, tu n'as pas idée la complexité d'apprendre à ne pas te sauter dessus et te vider de ton sang lorsque nous étions enfants. Tu venais presque tous les jours me voir sans que tes parents n'aient la moindre idée de mon existence, nombres de fois j'avais dû envoyer ma mère te dire que je n'étais pas disponible tant j'avais peur de perdre complètement le contrôle.

- Ça a duré longtemps ?

- Quelques longs mois où nos rencontres étaient réduites et écourtées. Mais je n'ai jamais perdu le contrôle après, enfin presque.

- Cette fois-ci seulement."

Il hocha la tête en se mordillant intérieurement la lèvre inférieure.

"- C'était merveilleux, dit-il en souriant de toutes ses dents, jusqu'au moment où je t'ai mordu, il voyait son visage prendre cet air grave que Jisung n'appréciait guère, je n'ai pas su m'arrêter et c'était déjà trop tard.

- Oh.. fit le revenant surprit que cela ait tant mal tourné, il s'attendait à moins dramatique et moins.. mortel.

- Cela avait été la première et dernière fois que nous l'avions fait. Mais, sortant un sourire en coin, la patience est une vertue."

Jisung rougît presque immédiatement, se rappelant tous les moments plus ou moins croustillants de précédement, tout était important. Évidemment qu'il avait aimé. Minho avait rigolé juste après la fin de sa phrase avant de délicatement embrasser les lèvres brûlantes de son amant. Minho avait donc attendu tout ce temps sans le touché ? Au moins ne l'avait-il pas encore ôté la vie malencontreusement. Mieux valait voir le positif dans ce cas-ci.