Chapitre 2

Je me gare non pas dans l'allée de ma maison, mais sur le petit parking d'en face, le camion de location loué par mes amis prenant toute la place devant chez moi. Je ferme la voiture et traverse la route d'un pas lent, mon esprit resté à l'autre bout de la ville, au cimetière, à ressasser mes erreurs, ma douleur, mon manque.

— Chaud devant !

Je m'écarte juste avant que Sebastien ne me percute.

— J'en connais une qui est dans les nuages... chantonne-t-il avant de poser le pied de l'armoire d'Elliot sur le rebord du camion. Ouf, pour un peu, j'allais l'échapper.

— Pas étonnant quand on n'a pas de force, lui rétorque Thomas avec un sourire en coin, qui tient l'autre bout.

Sebastien, Seb pour les intimes, lève son majeur en sa direction avant de grimper à l'arrière de la camionnette. Il attrape le bord de l'armoire et, en accord avec son ami, il soulève le meuble, calé deux secondes plus tard contre le mur, entre le canapé et le lit de Léni.

— Vous avez déjà entreposé tout ça ? je leur demande en contemplant l'arrière du camion, remplit de moitié.

Seb est le premier à descendre. Une fois à terre, il me prend dans ses bras.

— Nous ne sommes pas du genre à traîner, me répond-il avant de m'embrasser sur la joue. Quoique j'ai surpris Thomas à plusieurs reprises sur le canapé. Trop fatigué, le pauvre.

Le concerné saute à son tour et croise les bras en fusillant son ami. Il veut nous montrer son énervement, mais son léger rictus le trahit.

— Dis celui qui se cachait pour fumer. Si Justine l'apprend, je ne donne pas cher de ta peau.

— Et je compte sur toi pour ne rien dire ! gronde-t-il avant de me pincer la joue. Je sais très bien que la naine tiendra sa langue, elle.

Je lui réponds en la lui tirant, avant de faire la bise à Thomas. Ses bras autour de ma taille, il lance une dernière grimace à Seb, derrière mon dos, avant de me sourire.

— Salut, toi. Comment vas-tu ?

Je hausse les épaules en feignant l'indifférence, bien que tout mon être me hurle de ne pas céder et de rester vivre ici.

Je me laisse bercer avant que les deux hommes ne continuent leur tâche périlleuse. Justine sort sur le perron en brandissant une tasse.

— Tu arrives au bon moment, je nous préparais un petit quelque chose pour nous donner du courage.

Thomas la contourne pour rentrer dans la maison. Seb, lui, la prend par la taille.

— Et nous, nous n'avons droit à rien ?

— J'ai pris un pack de bière en venant, ce matin. Vous en aurez quand vous aurez fini.

Elle lui lance un petit clin d'œil ironique, puis éclate de rire lorsque son petit ami plonge la tête dans son cou. Je me joins à leurs rires, mais reste à ma place. Je soupire tout en reportant mon attention sur la camionnette. Dans quelques heures, toutes mes affaires seront dedans. Ma maison sera vide. Enfin... la maison, étant donné que j'ai signé l'acte de vente, hier, chez le notaire.

Notre petit chez nous, notre cocon, que Noah a bâti nuits et jours non-stop, en compagnie de Thomas et de Sebastien. Un lieu gorgé de souvenirs. De bons souvenirs, comme la naissance de nos enfants, sa demande en mariage, nos crises de fou rire, notre amour. Un lieu qui, demain, accueillera des quinquagénaires proches de la retraite, voulant absolument une deuxième résidence pour leurs vacances.

Rien que cette pensée me tord les tripes.

Deux mains se posent sur mes épaules, me faisant sursauter, mais qui me sortent de mes tristes pensées. Thomas reste silencieux. Néanmoins, il me fixe avec attention, essayant de percer ma carapace. Peut-être y arrive-t-il, car il soupire avant de me sourire tendrement.

— Tu viens m'aider ? Ça occupera tes pensées quelques instants.

Il me désigne l'arrière de la camionnette ainsi que quelques cartons disposés ici et là. Je le suis et, pendant une quinzaine de minutes, nous essayons de les ranger afin d'avoir le plus de place possible pour le reste des meubles encore dans la maison. Ce ne fut pas long, mais mon ami avait raison. Pendant ce court laps de temps, mon esprit était concentré sur ma tâche et non sur les souvenirs que ce déménagement me procurait.

Je rejoins Justine dans la cuisine au moment où elle dépose un deuxième mug fumant sur la table, une assiette de cookies en plein milieu.

— Tu as eu le temps de cuisiner ?

— Ne crois pas que je n'ai pas aidé les garçons. Il ne s'agit que d'organisation, voilà tout. Tiens !

Je prends le gâteau encore chaud qu'elle me tend, mais préfère le déguster par petites bouchées. Ma meilleure amie, elle, termine déjà son deuxième. Elle s'essuie la bouche et boit quelques gorgées de son capuccino, non sans me quitter des yeux.

— Alors, comment ça s'est passé ?

Je repose mon mug délicatement, mon regard braqué sur la table. Derrière moi, de lourds pas accompagnés de bruits étouffés me laissent imaginer Thomas et Sebastien en train de porter un meuble encombrant. Leurs rires s'éloignent, pour s'évanouir complètement. Je finis par hausser les épaules. Un geste récurrent me permettant de poursuivre ma bataille mentale sur une quelconque réponse à donner.

— Comme d'hab.

— Mais tu as réussi à lui dire au revoir, comme tu voulais ?

Je hoche la tête en me pinçant les lèvres.

— Je n'y arriverai pas, Justine, je souffle en levant mes yeux vers elle. C'est comme si je le quittais une nouvelle fois.

En captant ma détresse, mon amie pose une main réconfortante sur la mienne.

— Mais non. Et puis, tu pourras toujours revenir. Il ne s'agit que de soixante kilomètres. Il en faut plus aux Mousquetaires, tu ne crois pas ?

Mes lèvres s'inclinent légèrement, mais leurs tremblements ne s'estompent pas. Au contraire, ils s'amplifient à l'évocation de notre nom de groupe.

Les cinq Mousquetaires. Sebastien, Thomas, Justine, Noah et moi. Au temps du lycée, nous portons fièrement ce nom, bien que ridicule en y repensant. Liés comme les cinq doigts de la main. Inséparables, toujours partants lorsque l'un d'entre nous avait une idée. De nombreuses tranches de rigolades et très peu de disputes.

Aujourd'hui, les cinq Mousquetaires ne sont plus que quatre. Demain, ils finiront à trois. Ça me déchire le cœur.

— Je n'ai pas envie de partir.

Je le répète inlassablement, comme si, à force de le dire, mon souhait se réalise et je peux rester ici.

— Tu veux que je te dise sincèrement ce que j'en pense ?

Je relève la tête et attends qu'elle poursuive. Justine, dont son regard ne décroche pas le mien, termine son capuccino avant de poser ses coudes sur la table et de me pointer du doigt.

— Il te faut du changement. Rebondir. Ici, tout te fait penser à Noah. Cela peut être une bonne chose, mais pour toi, ça t'empêche de te relever. Il faut que tu partes avec tes enfants et reprennes ta vie en main.

— J'ignore si j'aurai assez de force.

— Tu y arriveras, Charlotte. S'il y a bien une triste chose que j'ai apprise, c'est que la vie ne tient qu'à un fil. Ne gâche pas la tienne, s'il te plait. Pense à Elliot et Léni. Ça leur fera du bien de voir leur maman heureuse.

J'allais répliquer, mais Thomas et Seb arrivent en trombe dans la cuisine et s'affalent sur les chaises, essoufflés.

— Bon, nous avons fini avec les gros meubles, soupire Sebastien en prenant un cookie. Il ne reste que quelques cartons. Donc, on se détend et vous, vous continuez. Vous vous êtes assez reposées comme ça.

Justine lève les yeux au ciel et décoiffe son petit-ami avant de faire craquer ses doigts et de s'engouffrer dans les escaliers, où de nombreux cartons nous attendent dans ma chambre. Je termine ma boisson, souris aux deux hommes et rejoins ma meilleure amie.





La journée passe rapidement. Trop rapidement. Justine et moi terminons les cartons tandis que Thomas et Sebastien les emmènent dans la camionnette. Ainsi, la maison est vide juste avant d'aller chercher Elliot et Léni à l'école. Evidemment, lorsque mes enfants ont vu mes amis, ils étaient fous de joie. Leurs yeux brillaient d'un éclat tel que j'aurais voulu les voir tous les jours. Une lueur difficile à décrire, mais qui gonfle ma poitrine d'amour et d'espoir.

Nous avons décider de camper dans le salon, pour le plus grand plaisir des enfants. Des sacs de couchage envahissent le sol, ainsi que des cartons de pizzas et des boissons gazeuses. Tout ce que j'interdis à mes enfants en temps normal. Cependant, il ne s'agit pas d'un temps normal.





A vingt-trois heures, Nous nous retrouvons tous quatre dans la cuisine, à même le sol maintenant que la table et les chaises sont dans le camion. Les enfants dorment à poings fermés dans le salon depuis maintenant deux bonnes heures.

— Il reste de la bière ? demande Thomas en se levant.

— S'il y en a, elles sont sur le rebord de la fenêtre.

Faute de ne plus avoir de réfrigérateur dans la pièce, nous pouvons toujours garder nos boissons fraîches grâce aux basses températures. L'hiver s'installe, pour ma plus grande peine.

Thomas referme la fenêtre, deux bières dans ses mains. Il en tend une à Sebastien avant de se rassoir contre l'évier, face à moi.

— On se lève à quelle heure, demain ?

Sa question m'est destinée, mais je ne trouve pas le courage de répondre. Le cœur serré, j'inspire profondément tout en fermant les yeux.

— Ma tante sera à la maison à neuf heures tapantes, répond Justine en posant sa tête sur l'épaule de Seb. Mais attention, elle est très ponctuelle. Si vous vous pointez à dix heures, elle sera probablement partie.

— Donc, si on calcule deux heures pour le trajet... commence ce dernier.

— T'exagère ! riposte Thomas avant de boire au goulot. Je ne vais pas mettre autant de temps pour soixante bornes. Il n'y a que de la ligne droite. Ça ira vite.

— Peu importe si l'on met deux heures. Rien ne sert de se dépêcher.

Je me mords l'intérieure de la joue. J'ai parlé sur un ton légèrement cinglant. Thomas ne mérite pas ma peur de la route par temps de gel, et encore moins mes remarques blessantes. J'ai une confiance absolue en lui, tout comme pour mes deux autres amis.

Thomas triture sa bouteille, le visage soudain crispé. Son regard se rive au mien et, avant d'avoir pu baisser mes yeux, il me sourit tendrement.

— Tu n'as rien à craindre, Charlotte. Je ferai attention.

Je hoche la tête et cherche désespérément un moyen de changer de conversation, en vain. Je viens de plomber l'ambiance, encore une fois. Plus personne ne parle, ou plutôt, n'ose dire quoi que ce soit, de peur de recevoir mes réflexions en plein figure. Ma respiration se fait saccadée. Je manque d'air. Je me sens oppressée.

Ne tenant plus, je me relève en titubant et sors de la cuisine. J'attrape mon manteau, marche sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller les enfants dans le salon et, précautionneusement, j'ouvre la baie vitrée.

Sur la terrasse, je frissonne, mais le vent glacial a le don de calmer mes nerfs en pelote. Depuis ma prise de conscience, il y a quelques semaines, et de ma triste décision de quitter cette ville, je redeviens à fleur de peau. Rien ne va, mes larmes menacent constamment de sortir, les bons souvenirs me reviennent en pleine figure.

C'en est trop.

Assise sur les marches en bois de la terrasse, mes coudes sur les genoux, supportant ma tête, je ne prends pas la peine de la relever lorsque j'entends la baie vitrée. Au parfum qui me parvient, je devine Justine désormais assise à mes côtés. Une main sur mon épaule, elle garde le silence pour ne pas troubler cet instant.

— Je suis désolée, je souffle douloureusement. Je ne voulais pas blesser Thomas.

— Ne t'inquiète pas, il est déjà en train de planifier la route avec Seb.

Résignée, je pose ma tête sur son épaule. La pleine lune éclaire le petit jardin, me laissant apercevoir le toboggan et la balançoire. Eliott et Léni adorent jouer dehors, en été, durant des heures. La maisonnée bercée par leurs éclats de rire. L'abri de jardin, au loin, avec tout le matériel que Noah s'était empressé d'acheter. Il était tellement fier de cette maison qu'il avait hâte de l'entretenir. Malheureusement, cet abri n'a jamais servi.

— Ça va aller, me susurre Justine en frottant mon dos d'un geste affectueux. Tu verras, ça ira.

— Tu le penses vraiment ?

Ma meilleure amie me sourit tendrement avant de m'embrasser sur la joue.

— Oui. Je crois même que tout ceci te fera du bien. Comme je te l'ai dit ce matin, cet endroit est gorgé de souvenirs. Des bons, certes, mais douloureux. Là-bas, tu pourras te reconstruire et non te laisser entraîner vers le bas. Et...

Elle laisse sa phrase en suspens, puis se pince les lèvres. Enfin, après avoir sûrement pesé le pour et le contre, elle finit par soupirer.

— Et peut-être que tu trouveras quelqu'un.

Tout de suite, je vois rouge.

— Tu plaisantes ? je rétorque en haussant le ton.

— Ça fait deux ans, Charlotte. De plus, tu n'as que vingt-neuf ans et encore toute la vie devant toi. Tu ne peux pas rester seule indéfiniment.

Je serre et desserre mes poings en tentant de réguler ma respiration, de plus en plus saccadée au fil de ses explications. Bien que je puisse la comprendre, je me sens trahie.

— Noah est le seul. Il a toujours été le seul. Je ne désire personne pour le remplacer.

Nous nous sommes connus à l'école maternelle. Nous étions les meilleurs amis, jusqu'à ce qu'un jour, durant l'été de nos seize ans, il a franchi le pas et m'a embrassée sous un pommier. Dès cet instant, nous ne nous sommes jamais quittés. Il a été mon seul petit-ami. Jamais je n'ai pensé avoir quelqu'un d'autre dans ma vie. Aujourd'hui, encore moins.

— Charlotte... commence-t-elle doucement. Il faut que tu comprennes que Noah n'est plus là. Et sache que je comprends parfaitement ton raisonnement, parce que je n'imagine personne d'autre à la place de Sebastien... mais je reste convaincue qu'un homme à tes côtés te ferait du bien...

— Justine, s'il te plaît...

Cette conversation devient une torture. J'aimerais me lever et fuir le plus loin possible, mais mes jambes ne me répondent pas, comme pour me montrer ma faiblesse d'esprit.

Oui, je suis faible. Constamment. Pour tout. Avec tout le monde.

— Cela ferait également du bien à Eliott, ajoute Justine. Il a besoin d'une figure paternelle, d'un homme qui puisse lui dire non et qui soit comme un ami, un confident. Cela lui éviterait de passer ses nerfs sur toi et de monter Léni à sa cause.

Je tourne la tête pour ne pas qu'elle remarque la larme solitaire qui coule le long de ma joue. Me parler de mes enfants et de la rébellion de mon aîné de sept ans me comprime le cœur. Des deux, lui seul garde le souvenir de son père. Pas beaucoup, vu son petit âge lorsque Noah nous a quittés, mais de très beaux moments partagés en sa compagnie. Léni n'avait qu'un an. Du coup, il ne chéri sa mémoire que par les récits de son grand frère ainsi que sa photo, cachée sous son oreiller.

Eliott a changé. Très proche de moi jusqu'à ses cinq ans. Depuis l'accident, il est constamment en colère. Il s'éloigne peu à peu et trouve toujours une ou deux remarques cinglantes pour que j'abandonne mes tentatives. Avec la douleur de la perte de Noah, je n'ai pas le courage pour un tel combat. Une erreur dont je me mords désormais les doigts.

— Eliott a besoin que l'on s'occupe de lui, réponds-je lorsque je suis certaine que ma voix ne tremble plus. Et il est vrai que j'ai négligé mes enfants. Mais je vais me rattraper. Je trouverai un emploi et, lorsque ça ira mieux financièrement, nous ferons des sorties. Au cinéma, au cirque, et j'espère même qu'il y a une arcade à côté pour que je puisse lui donner un peu d'argent à dépenser. (Je soupire) J'aimerai revoir ses yeux pétiller devant moi, juste pour me conforter dans l'idée qu'il peut y avoir une réconciliation.

— Voilà exactement ce que je veux entendre de ta part ! s'exclame-t-elle en me donnant un léger coup d'épaule. Te voir faire des plans sur la comète. Ça faisait longtemps que tu n'en faisais plus.

— Parce que je ne pensais qu'à moi, réponds-je, amère.

— Cependant, je reste convaincue que, même avec tes bonnes idées, tout irait pour le mieux si tu rencontrais quelqu'un.

Je soupire en secouant la tête. Justine agite les mains.

— Je sais, je sais, je peux être pénible par moment.

— Sans blague ! De même. Imaginons un instant que j'ai envie de retrouver quelqu'un. Qui s'intéresserait à une dépressive avec deux enfants turbulents ?

Non pas que je veuille me pencher sur cette question, mais honnêtement, qui serait assez fou pour une telle relation ?

— Si je peux me permettre... tente-t-elle en triturant ses doigts. Il y a bien quelqu'un qui n'attend que ton approbation.

Je recule la tête afin de la dévisager. Elle semble cependant très sérieuse.

— Charlotte, t'arrive-t-il d'ouvrir les yeux ? N'as-tu pas remarqué que Thomas en pince pour toi depuis le début ?

J'ouvre la bouche, puis la referme, sous le choc.

— Thomas ? je répète, incrédule.

— Il a flashé sur toi en seconde, mais n'a jamais osé te l'avouer. Ensuite, tu es sortie avec Noah, son meilleur pote. Du coup, il s'est fait une raison. Avec l'accident et ta dépression, il t'a soutenue du mieux qu'il pouvait, tout comme nous, d'ailleurs. Néanmoins, je sais que, si un jour, tu décides d'ouvrir à nouveau ton cœur, il sera là.

Bizarrement, je tente de me remémorer nos quinze années d'amitié. Thomas était proche, mais Sebastien également, ainsi que Justine. Noah l'a toujours été sachant que je l'ai connu en premier. Néanmoins, je n'arrive pas à me souvenir d'un quelconque rapprochement plus qu'amicale de Thomas. Elle doit rêver.

D'un coup, elle se lève en frottant ses mains, sûrement aussi glacées que les miennes.

— Rentrons. On va finir en esquimaux avec ce froid de canard. De plus, on doit se lever tôt. Thomas a décrété six heures trente. Ça ne nous laisse pas beaucoup de temps pour nous reposer.

Je prends la main qu'elle me tend et me lève. La seconde suivante, nous rentrons dans le salon.





— En voiture, tout le monde !

Le ton de Justine, quelque peu enjoué, contraste terriblement avec sa mine grave. Comme nous tous, elle veut se montrer forte, au moins pour les enfants. Cependant, à l'intérieur, elle est dévastée.

En tout cas, je le suis, moi.

Léni saute dans les bras de Sebastien et l'embrasse tout en le serrant fort. Eliott, quant à lui, semble plus réservé, moins démonstratif. Silencieux, il fait des câlins à Justine et son petit-ami, et reste ainsi jusqu'à ce que ma meilleure amie, les larmes aux yeux, lui demande de monter dans la voiture.

— Tu viens pas ? demande Léni en grimpant sur son rehausseur.

— Non, mon petit chou. Je dois manger avec ma famille, aujourd'hui.

— Mais tu viendras nous voir avec Seb ? enchérit Eliott en bouclant sa ceinture.

— Quelle question ! Bien sûr que l'on viendra.

La mort dans l'âme, je jette un dernier coup d'œil à la maison. Ce lieu était mon havre de paix, mon cocon. Je pensais y vivre pour le restant de mes jours avec mon mari et mes enfants. Sauf que le destin en a décidé autrement.

J'essuie rapidement mes joues lorsqu'une main se pose sur mon épaule. Thomas, l'air compatissant, me désigne la maison d'un coup de tête.

— S'il te faut faire un dernier tour, vas-y.

— Non, c'est bon. Si nous ne partons pas maintenant, je ne le pourrai jamais.

Il acquiesce avant de m'annoncer qu'il me suivra avec le camion. Sûrement une façon de me promettre qu'il n'a pas l'intention de rouler au-dessus de la limite autorisée. Etant désormais craintive, je conduis lentement. Mais avec l'hiver qui arrive, c'est pire.

Mes embrassades avec Sebastien et Justine n'en finissent pas. Les larmes également.

— Promets-moi de m'appeler lorsque vous serez arrivés, murmure ma meilleure amie à mon oreille. Et surtout, vis ta vie.

Je hoche la tête et la serre tout contre moi. Je n'ose la lâcher et la quitter. Jamais nous n'avons été séparés. Comment vais-je y arriver sans mes piliers ?

Thomas, dans la camionnette, attend que je passe devant avec la voiture. Lorsque je le dépasse, j'entends le bruit du moteur, signe qu'il accélère. Je regarde derrière moi et réponds aux signes de mes amis. Mes larmes coulent en silence, mon cœur se comprime douloureusement. Si je le pouvais, j'appuierais sur la pédale de frein et ferais demi-tour. Mais pour quoi ? Si je dois déménager, c'est de ma faute. Il faut donc que j'assume mes erreurs.

Et, peut-être que Justine a raison. Une nouvelle ville pour une nouvelle vie. Un nouveau départ, en espérant que, cette fois-ci, je puisse tenir ma tête hors de l'eau.

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