Chapitre 8

Je me réveille en sursaut. Les flammes dansent encore devant mes yeux, les cris résonnent dans mon esprit. Un étau glacé enserre mon cœur qui se débat à toute vitesse contre ses liens. J'ai mal. J'ai mal partout. Par réflexe, je tourne mon regard vers ma manche brûlée. C'est réel. Tout ça est bien réel. Je voudrais tellement que ce soit un rêve !

Les sanglots me brûlent la gorge, de la même manière que la fumée semblait consumer mes poumons, là-bas. Je cligne rapidement des yeux, pour refouler de nouvelles larmes. Il n'y a personne, mais j'ai l'impression que les murs me regardent et iront tout répéter à Azelle, après. Ou alors, je m'imagine qu'il y a des caméras cachées un peu partout, et on ne doit pas me voir pleurer comme ça dès que je suis seul. Les autres ne peuvent pas voir ma peur, ma colère, mon égarement. Ils ne comprendraient pas, ils ne comprendront jamais. Et je préfère encore être seul au milieu de mes démons plutôt qu'être entouré de gens inquiets, qui finalement me font me sentir encore plus isolé.

Je me frotte les yeux, efface les larmes et le sommeil. Mes mains sont moites, chaudes, encore tremblantes face aux souvenirs de l'incendie.

Respire, Tyler.

Je n'ai pas le droit de me laisser abattre. Pas après tout ce qu'il s'est passé. Je me redresse et me lève, manque de perdre l'équilibre et retomber sur le matelas, m'agrippe à une étagère pour me stabiliser, puis la lâche presque immédiatement en entendant un petit craquement plaintif venant du bois. Je souffle, lentement. Ça va aller.

J'ai déjà envie de retourner sous ma couverture.

Une pensée positive. Quelque chose d'important à faire aujourd'hui, qui mérite que je me lève.

La forêt. Azelle qui va m'emmener en forêt. Une sortie. Je ne peux pas rater ça, et pour y aller, je dois être prêt. Donc, il faut que je délaisse mon lit.

Je repense aux paroles d'Azelle. Va prendre une douche. Voilà, je vais faire ça. Je ne me suis pas beaucoup douché, ces derniers temps. C'est quelque chose qui me demande beaucoup d'efforts. Pourtant, je n'ai rien contre mon corps. Je ne m'en suis jamais réellement préoccupé, même s'il m'est arrivé de trouver mon nez trop grand ou trop gros, je ne sais pas, ou ma silhouette trop frêle. Mais l'eau qui glisse sur moi, j'aime moins ça. C'est comme si elle arrivait à me rendre encore plus nu que je le suis déjà quand je suis déshabillé. Comme si je ne pouvais pas la tromper, ni me cacher d'elle. Je déteste ce sentiment. Je déteste être mis à découvert.

J'y vais quand même, pour prouver à Azelle que je suis capable de prendre soin de moi, même si ce n'est pas totalement vrai. Et puis, elle sera contente et je lui dois bien ça, elle m'offre tellement.

En trainant des pieds, je rejoins la salle de bain. C'est la seule pièce que je n'aime pas dans cet appartement. Trop étroite, trop petite. J'ai l'impression que si je ne fais pas attention, les murs vont se refermer sur moi et que je ne pourrais jamais ressortir.

Le miroir est sale, ce qui rend mon reflet flou, brouillé. Ça, j'aime bien. Je n'ai jamais eu l'impression de vraiment être moi. Avec mes cheveux maintenant rouges, je me ressemble déjà un peu plus. Pas encore assez, cependant. Alors, je préfère voir mon reflet brouillé, comme si ce n'était pas l'extérieur de moi, mais plutôt l'intérieur, avec mes pensées emmêlées et rapides, mes sentiments qui débordent et mes doutes, mes angoisses, mes larmes, mes blessures.

Je retire mes vêtements et les laisse tomber dans un coin. Dans ma chambre, je faisais tout le temps ça, et papa s'en plaignait beaucoup. Liam, lui, il planquait tout sous le lit, pour faire croire que sa chambre était rangée. Chaque fois, les parents tombaient dans le panneau et on s'échangeait un sourire complice. Mais la pire en matière d'ordre, je pense que c'est Lily. Même elle est incapable de retrouver ses affaires dans son bazar ! Comme c'est l'aînée, je pense que les parents ont été plus tolérants avec nous.

L'eau jaillit dans un sifflement étouffé. Je l'observe tomber jusqu'au sol, exactement comme la pluie. Mais ce n'est pas la pluie, et je n'aime pas les douches. Je prends une inspiration, me dit que je suis ridicule, puis m'avance pour laisser le jet heurter mon corps, détruire mes barrières aussi facilement que l'océan avale les châteaux de sable sur la plage. Ça me fait mal.

Liam aime bien l'eau, lui. Il fait de la natation toutes les semaines. Une fois, il m'a dit que lorsqu'il est un peu perdu, ou qu'il est dépassé par les événements, il va dans le plus grand bassin et nage jusqu'à l'endroit le plus profond. Là, il reste le plus longtemps possible, en retenant sa respiration. Il dit que ça l'aide à faire le vide. Moi, rien que l'imaginer ainsi, je sens mon estomac se serrer si fort que j'en ai la nausée.

Je ferme les yeux et reste immobile. L'eau trop chaude me brûle, mais je ne réagis pas, exactement comme dans ma chambre lors de l'incendie. Je suis tétanisé, paralysé, incapable de réfléchir.

Puis soudain, je me rappelle de la voix qui m'a sauvé. Je n'y ai pas pensé depuis l'incendie. Pourtant, c'est important. Sans cette mystérieuse intervention, je serais réellement mort. Et je n'ai pas envie de mourir. J'ai trop peur pour mourir. Cependant, j'ai souvent eu envie de disparaître. De simplement plus exister. Jamais je n'aurais cru que ça m'arriverait un jour, et encore moins de cette manière là.

Je pense que je deviens fou. C'est la seule explication logique que je trouve. Qui d'autre entend des voix alors qu'il s'apprête à mourir ?

Je deviens fou.

Fou. Fou. Fou. Fou.

J'entends des voix, je fuis ma famille, je fait croire à ma mort, je pleure pour un rien, je n'ai envie de rien, je veux fermer les yeux, je veux me cacher, je veux disparaître, disparaître, disparaître...

Mes ongles s'enfoncent dans mes paumes alors que je serre toujours plus fort mes poings, encore plus fort, toujours plus fort, si fort que mes poignets se mettent à trembloter. Je me mords les lèvres pour ne pas hurler.

Je deviens fou et mon état actuel ne le prouve que trop bien.

L'eau ruisselle sur mon corps et me brûle, m'abîme, me détruit. Ça me fait mal. J'ai l'impression de ne plus pouvoir bouger, que les murs se rapprochent de moi jusqu'à m'étouffer. Et il y a toujours plus d'eau, partout. Je perds pied. Je me noie, je me perds. Ma respiration se bloque, j'étouffe au milieu de mes sanglots, je suffoque au milieu de la pénombre de mes peurs. Ça me fait mal, ça me fait mal, ça me fait mal et je veux juste m'effacer, fuir ce monde qui ne me plait pas, être oublié, disparaître.

Je veux juste disparaître.

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