Chapitre 7

La chaleur des flammes m'avait réveillé. Elles commençaient déjà à dévorer ma chambre. Je crois que le feu avait démarré dans la salle de bain. J'entendais les cris de Liam. Je ne parvenais pas à comprendre ce qu'il disait. Je ne parvenais pas à comprendre ce qu'il se passait.

    C'est l'impression de brûlure sur mon visage qui m'a fait réagir. Je ne sais pas combien de temps je suis resté immobile, mais quand j'ai repris mes esprits, je n'entendais plus Liam. Je n'entendais plus rien en fait, juste le crépitement du feu, le bruit des poutres qui gémissent, les craquements du bois qui supplie. Et ma respiration, qui s'est soudain accélérée, qui s'est emmêlée alors que la fumée envahissait mes poumons. Rapidement, je me suis précipité vers la fenêtre, la seule issue possible. Mes mains tremblantes se sont accrochées à la poignée. Ma fenêtre a toujours été dure à ouvrir. Et, alors que le feu grandissait, je murmurais des non paniqués et m'acharnais sur mon unique porte de sortie, qui refusait définitivement de s'ouvrir.

    Je ne pouvais pas sortir. J'étais bloqué dans ma chambre, seul, terrifié, désespéré. J'ai vraiment cru mourir. Les mêmes pensées m'obsédaient, me paralysaient.

    C'est la fin. C'est la fin, Tyler. Tu vas mourir.

    J'ai soudain entendu une voix, qui avait réussi à survoler le barrage des flammes. Pas Liam, cette fois, mais papa ; c'est lui qui peut crier le plus fort. Il hurlait mon nom. J'ai perçu la douleur dans sa voix, la terreur dans ses appels. Je ne l'avais jamais entendu crier comme ça. Je ne sais pas si c'est ça ou la fumée qui a déclenché mes premières larmes.

    Le feu était partout et je ne bougeais pas. Je n'en avais pas envie. Je n'en avais pas la force.

    J'ai observé les flammes. Elles étaient jolies. Comment la destruction peut être quelque chose d'aussi beau et fascinant ? J'ai trouvé la mort accueillante, ce jour-là, pour la première fois de ma vie. J'ai pensé à me laisser faire, à me laisser emporter sagement. Je n'ai plus eu peur. Lentement, je me suis assis, et j'ai regardé le feu s'approcher pour me prendre dans ses bras. J'entendais la sirène des pompiers, les cris de toute ma famille qui s'était jointe à papa, les exclamations d'autres gens. Tout semblait venir de loin. Tout semblait si insignifiant, presque ridicule. J'ai laissé un rire rauque, cassé, s'échapper de ma gorge sèche. Ils se démenaient pour moi, mais c'était déjà trop tard.

    Je ne sais pas ce que je pensais vraiment. Je me suis senti libre, un instant. Les flammes ont commencé à s'approcher de mon bras. Mon pull a pris une couleur plus sombre. Je n'ai pas eu le temps de sentir la brûlure sur ma peau : quelque chose m'a tiré en arrière, si brusquement que j'ai failli tomber à la renverse.

— T'as pas le droit de faire ça, Tyler !

    Je n'ai pas reconnu ce timbre clair et rocailleux à la fois, qui pourtant m'a paru particulier, familier. Lorsque je me suis retourné pour voir le propriétaire de cette voix, je n'ai vu personne. Seulement, la fenêtre était ouverte. Je sentais le vent effleurer mon visage, réconfortant et protecteur. Il repoussait les flammes, me donnait du temps. Sans réfléchir, j'ai appuyé mes deux mains sur le rebord de la fenêtre et je me suis hissé, les membres tremblants, terrifiés, épuisés, le cœur affolé, les yeux humides, le souffle rauque. L'espoir m'a recueilli dans son enveloppe apaisante. J'allais vivre. J'allais m'en sortir. J'allais rejoindre la famille et tout s'arrangerait.

    Je ne cherchais pas à comprendre comment la fenêtre s'était ouverte, ni pourquoi les flammes ne dévoraient pas déjà mon corps. Une seule chose comptait : la vie. J'aurai tout mon temps pour réfléchir à tout ça plus tard.

    Ma famille était de l'autre côté de la maison, ils ne pouvaient pas me voir. En fait, personne ne pouvait me voir. Il fallait que je fasse le tour par la rue pour les retrouver. Je pouvais bien faire ça, encore. Je pouvais bien en trouver la force.

    J'essayais de descendre du toit sans risquer une chute douloureuse quand j'ai entendu une nouvelle voix, claire et parsemée d'excuses muettes.

— On ne peut encore rien confirmer, mais il y a peu de chances que votre fils s'en sorte. Le feu est difficile à maîtriser. Il nous faudra du temps pour atteindre sa chambre. Qu'il survive d'ici là serait un miracle... le simple fait qu'il soit encore en vie est difficile à imaginer. Mais ne...

    Je n'ai pas entendu la suite. Un craquement sonore a retenti, prouvant que la maison faiblissait. J'ai entendu plusieurs cris affolés sans pouvoir en comprendre les mots. Quelques secondes plus tard, une partie du toit s'écroulait. Rapidement, je me suis laissé glisser vers le vide. Ce n'était qu'une question de temps avant que tout ne soit détruit, et moi avec. Il fallait que je descende. Il fallait que je retrouve tout le monde, pour leur dire que non, je vais bien, je suis vivant, j'ai réussi à sortir.

    Nouveau craquement menaçant. Je n'avais plus le temps d'attendre. Maladroitement, je me suis jeté dans l'arbre le plus proche, tout en sachant que je ne pourrais pas m'y agripper. Au moins, il minimiserait les conséquences de la chute.

    Les branches m'ont griffé les bras, les jambes et les mollets. Le choc m'a coupé le souffle. J'ai serré les dents. Je pouvais encaisser. Ça en valait la peine. Ma survie en valait la peine. Rapidement, je me suis relevé. J'ai couru vers la rue à toute vitesse, malgré mon corps douloureux. Alors que j'arrivais à les retenir jusque là, les larmes ont débordé de mes yeux pour dévaler à toute vitesse sur mes joues. Derrière moi, j'ai entendu quelque chose d'autre grincer et s'écrouler. Je n'ai pas pris le temps de me retourner pour observer les dégâts.

    J'ai tourné à droite. J'ai couru à toute vitesse. Il n'y avait personne dans la rue, il était tard, les premières étoiles commençaient à apparaître. Je suis tombé. J'ai pleuré encore. Mes larmes se sont multipliées. Je me suis relevé. J'ai couru. J'ai encore tourné à droite. J'allais y arriver, j'allais les retrouver, j'allais survivre. Je le devais. Pas pour moi ; pour ma famille. Pour maman, papa, Lily, Ana, Liam. Je devais y arriver pour eux.

    Mes poumons me brûlaient. Je me suis arrêté quelques secondes, alors que la maison n'était plus qu'à une cinquantaine de mètres. Je voyais les flammes qui crépitaient dans la pénombre. Je suis tombé, éreinté. Lentement, je me suis traîné contre le mur pour me reposer un peu. Ma respiration était devenue sifflante, comme celle de mon chat peu avant qu'il ne meure. La peur a resurgi. J'allais mourir. Je ne pouvais pas y échapper. Je n'avais plus la force d'avancer, ni de faire le moindre mouvement, ni même de penser à quoi que ce soit. Je voulais juste fermer les yeux, ne plus jamais les rouvrir, ne plus jamais avoir mal, ne plus jamais souffrir.

    C'est à ce moment-là que j'ai entendu le cri. C'était un hurlement de douleur, une supplication désespérée. Mon prénom, résonnant dans la rue. La voix de maman.

    C'est à ce moment-là que j'ai compris. J'étais mort. Ils me pensaient mort. Le pompier avait commencé à en parler, et maintenant le toit s'était écroulé. Il n'y avait aucune chance que je sois en vie.

    C'est à ce moment-là que j'ai pris ma décision. J'ai accepté ma mort. Je me suis dit : ils seront mieux sans toi, tu es libre, maintenant. J'ai fermé les yeux, hoché la tête.

    Puis, je me suis relevé et d'un pas trébuchant, je suis partit.

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