Chapitre 26 | 1

Musique proposée : Nightmare - All Time Low. (En média).


Beaucoup trop rapide, ma respiration semble tenter de concurrencer mon rythme cardiaque qui s'affole. Je me redresse d'un geste vif en regardant autour de moi avec frénésie. West. Où est West ? Le cœur battant, je rejette violemment les draps qui collent à ma peau moite alors que je scrute les murs sombres de la pièce sans répit. Désorienté, je sens la panique battre jusque dans mes tempes, mais finis par lever la tête pour tomber nez-à-nez avec Chester Bennington, accroché au plafond. Un cauchemar, ce n'était qu'un cauchemar. Soulagé, je jette un œil à la place vide qui se trouve à mes côtés, et décide de fuir mon sommeil angoissé.

Je sors du lit en silence, enfile le jogging de Gale, puis descends à pas de loup. Dans la salle à manger, affalé sur le canapé, ce dernier dort sur le ventre. Un petit sourire traverse mon visage lorsque je passe devant lui : ça fait du bien de le voir dormir un peu, d'observer une pointe de sérénité dans ses traits. Parce qu'au final, de nous trois, Gale est celui qui a le plus pris sur lui. Il a soutenu West sans relâche, m'a rassuré dans les moments critiques, mais n'a jamais montré aucun signe de faiblesse. Aucune faille. Une fois dans la cuisine, je m'apprête à me servir un verre d'eau, lorsque je remarque la baie vitrée entrouverte. Presque par automatisme, je la fais coulisser, avant de me diriger vers le petit étang où je suis certain de tomber sur West.

— Tu n'arrives pas à dormir ? me demande-t-il sans même se retourner.

Sa voix douce m'apaise, moi qui pensais ne plus jamais avoir l'occasion de la laisser m'emporter. Je redessine un instant sa silhouette du regard, mais ne trouve pas les mots pour lui répondre. La lumière lunaire paraît frôler sa peau nue, et les seules choses que je distingue correctement sont les formes harmonieuses de ses muscles sous sa peau. Happé par cette vision délicieuse, je cligne plusieurs fois des yeux, quand une question me frappe. Est-ce que son épine dorsale est recouverte par le même genre de cicatrices que celle de son frère ? Malgré moi, je scrute son épiderme pour tenter d'y déceler la moindre trace, mais l'obscurité protectrice de la nuit garantit au corps de West une intimité presque poétique.

Dans un long soupir, je chasse les affreuses balafres de Gale de mon esprit, puis m'assois à côté de l'homme que j'aime en douceur. Les prunelles accrochées aux pépites argentées qui remplissent le ciel d'encre, West ne se doute pas que je lutte de toutes mes forces pour ne pas lorgner sur son torse tatoué. Il semble si paisible lorsqu'il se perd dans les étoiles. Comme s'il était exactement au bon endroit. Comme s'il avait trouvé sa place.

— Mes peurs ne me laissent pas tranquille, finis-je par articuler, avant de me concentrer à mon tour sur la beauté qui nous surplombe.

Au même moment, je sens l'océan me submerger, mais fais mine de ne rien voir : je n'ai pas la force de m'y noyer tout de suite. West glisse alors sa main dans la mienne, et mes paupières tombent comme un voile pour m'autoriser à me délecter de la sensation de flottement que me procure la texture de sa peau. J'ai tellement besoin de le sentir, de le toucher... Incapable de résister à mon envie irrépressible, je m'approche de lui pour l'attirer contre moi. West pose sa tête sur le côté gauche de mon torse avec une infinie délicatesse, comme s'il avait peur d'abîmer ma seule épaule intacte. Resserrant mon bras autour de sa taille, je plante un baiser sur sa tempe et profite de ce joli moment pour laisser mes songes me submerger une nouvelle fois, sans qu'aucune crainte ne m'étreigne.

— West ? chuchoté-je, soudain hésitant.

Il relève la tête dans ma direction et j'ancre enfin mon regard dans le sien. Mes pupilles manquent de déraper sur ses lèvres qui m'appellent, mais se rattrapent bien vite à la lueur indescriptible qui brille dans une mer calme. Hypnotisé, il me faut quelques secondes avant d'enfin oser prononcer le moindre mot supplémentaire.

— Est-ce que les cauchemars cessent ?

L'homme que j'aime fronce les sourcils, et semble réfléchir. Il se redresse, pivote avec précaution pour ménager sa jambe toujours prisonnière d'une attelle, puis me fait face. Il attrape mes deux mains, avant de les serrer. Fort. Plus fort qu'il ne l'a jamais fait.

— J'en sais rien... je suppose que ça dépend. Ça dépend si tu parviens à te détacher de ce qui les provoque. Je crois que pour qu'ils s'arrêtent vraiment, faut apprendre à leur faire face et à les contrôler pour ne plus se laisser envahir.

Touché, je baisse les yeux. Est-ce qu'un jour, je serais en mesure de dompter la peur viscérale qui me ronge ? Est-ce qu'il est même possible que toutes ces horreurs arrêtent de tout ravager sur leur passage à la seconde où mes paupières engloutissent la réalité ?

— Et toi, est-ce que tes angoisses ont fini par s'évaporer ? murmuré-je timidement.

Un triste sourire se dépose sur le visage de West, et il baisse le nez vers nos doigts entrelacés.

— Certaines images ne peuvent pas s'effacer, on va dire, répond-il dans une simplicité déconcertante.

Je le dévisage, puis me rends compte à quel point il a raison. C'est vrai, on ne peut pas oublier ce genre de choses, alors comment apprendre à les gérer ?

— Quelles étaient celles qui t'ont fait sortir du lit, ce soir ? continué-je, le regard de nouveau plongé dans le sien.

Il prend une profonde inspiration, paraît se laisser le temps de trouver comment formuler sa phrase, et son sourire disparaît.

— Toujours les mêmes... Gale et son dos ravagé, au bord du malaise, qui s'accroche à moi comme jamais il ne l'a fait pour me supplier de faire quelque chose, de l'aider à supporter la douleur, de ne pas le laisser tout seul, et personne qui bouge. Personne qui fait rien alors qu'un gamin de treize ans est brûlé au second degré profond.

Un frisson désagréable me déchire, et je déglutis. Deux petits visages ravagés de larmes s'incrustent dans mes pensées alors qu'une envie fulgurante d'exterminer l'ordure qui les a torturés m'attrape à la gorge.

— Avant, ce que j'entendais dans mon sommeil, c'était ses cris, reprend West d'une voix faible. Je les entendais à chaque fois que je fermais les yeux. Mais maintenant, c'est toute la détresse qu'on pouvait lire sur son visage et dans ses gestes désespérés qui me hantent. Ça m'est insupportable... Peut-être parce que, quand j'étais gosse, je comprenais pas bien ce genre de langage, j'en sais rien. Je crois que je captais pas encore qu'un appel au secours qui passe par le regard est bien plus intense et déchirant qu'un hurlement.

À mon tour d'enserrer ses doigts avec force. Je crois que je comprends ce qu'il veut dire, pourtant, je n'y arrive pas. Je ne parviens pas à oublier ses cris, ses pleurs, cette souffrance pure qui lui éraflait la gorge avec une puissance monumentale. Contrairement à lui, je n'avais jamais été confronté à autant de violence. À la torture. Et, même si je sais qu'il a raison, mon subconscient refuse d'oublier. Il a enregistré la détresse de West, et rien ne pourra jamais l'effacer. Encore moins la nuit qui lui permet chaque jour un peu plus de revenir me persécuter.

— Tu sais, Gale t'a dit que je faisais plus facilement face à la douleur que lui, renchérit-il. Mais la vérité, c'est que c'est lui qui m'a appris à contrôler ça. À rester maître de la souffrance, aussi fracassante soit-elle.

Sidéré, je relève vivement la tête vers mon binôme pour le dévisager. Comment peut-on apprendre à maîtriser une chose pareille ? Je prends un instant pour réfléchir, et un détail me frappe : Je n'ai jamais vu West se laisser noyer par la douleur. Il dégustait, il hurlait, mais jamais il n'a laissé la torture gagner. Jamais il n'a perdu ses moyens parce qu'il avait mal. Je suis certain que n'importe qui aurait lâcher prise, se serait évanouit des dizaines de fois ou aurait tout fait pour que ça s'arrête, mais pas lui. C'est tout juste s'il ne provoquait pas ses assaillants pour les pousser toujours un peu plus loin. Mais comment peut-il à ce point garder le contrôle ? Comment parvient-on à gérer ce genre de choses à à peine dix-huit ans ?

— Comment tu fais ? le coupé-je sans retenue. Comment tu arrives à la contrôler sans te laisser submerger ?

Lié à moi par un regard lourd de sens, West pousse un profond soupir. Enfermée avec nous dans notre bulle protectrice, la connexion qui nous unit est si forte que rien ne pourrait nous atteindre. Le temps d'une fraction de seconde, nous sommes invincibles.

— Tu te souviens quand Gale t'a dit de penser à un joli souvenir avant que...

Sa voix s'efface, il se racle la gorge puis ferme durement les yeux. Comprenant avec exactitude à quel moment il fait allusion, je serre les dents. Juste avant que Ian ne tire et que je ne revois Charlie, Gale m'a conseillé de penser à quelque chose qui me rendait heureux. Pourquoi l'a-t-il fait ?

— Je m'en rappelle, affirmé-je pour sauver West des affres de ses pensées.

— Ben quand on était gamins et qu'on se prenait coup sur coup, Gale me le répétait sans arrêt. Alors à chaque fois, j'essayais de penser à mon plus beau souvenir. Celui qui m'emportait le plus loin. J'essayais de me créer mon petit monde autour de cette image unique. Un peu comme une sorte de... de dissociation. Je contrôle pas vraiment quoi que ce soit, je fuis. Je me réfugie dans des trucs du passé, dans des trucs qui me sauvent. Et puis, à force d'essayer encore et encore, j'ai fini par comprendre que je pouvais mettre la douleur de côté en me raccrochant au passé et que je pouvais aussi m'en servir pour choper la réalité quand je me sentais partir. J'ai eu l'occasion de m'entraîner, on va dire, ricane-t-il dans une amertume à peine dissimulée.

Les sourcils froncés, je tente de me rappeler de la morsure qui s'est emparée de mon épaule quand la balle m'a encore déchiré la peau, mais la seule chose qui me revient en tête est le sourire de Charlie. Mon petit frère m'a sauvé de la douleur qui explosait en moi. De nouveau focalisé sur West, je me rends soudain compte à quel point il a dû souffrir pour réussir à parfaire cette méthode de dissociation pour se protéger de la torture. Trop difficile à supporter, j'efface cette idée répugnante d'un revers de main et décide de changer de sujet pour adoucir l'atmosphère.

— Et c'était quoi, ce beau souvenir ?

Les lèvres de l'homme que j'aime se relève avec timidité, libérant quelques papillons à l'intérieur de mon ventre. Bon sang ce que j'aime son sourire.

— Quand j'étais petit, c'était les balades en mer avec mon père. On partait le matin, on naviguait toute la journée et le soir, alors que la nuit tombait, il jetait l'ancre n'importe où et je m'allongeais à côté de la barre pour observer le ciel pendant des heures. La plupart du temps, mon père venait s'allonger à côté de moi et il me racontait des histoires sur les étoiles et la lune. Des histoires qui existaient, des légendes, des faits, et même des trucs qu'il inventait complètement. Il me passionnait, raconte-t-il, les étincelles plein les yeux.

— Et maintenant ? demandé-je, curieux.

Son sourire s'agrandit encore un peu plus alors que ses prunelles s'attaquent à mon âme dans une tendresse absolue.

— Maintenant, ce sont tes yeux qui brillent, et tes lèvres collées aux miennes, murmure-t-il. Maintenant, mon plus beau souvenir, c'est le présent, c'est l'amour. C'est toi.

Mon cœur rate un battement et, sans réfléchir, j'attrape sa nuque de ma main valide pour l'inciter à approcher son visage du mien. Pendant une fraction de seconde, je cesse tout mouvement. Je laisse le temps nous noyer pour ressentir l'intensité incroyable que me procure notre proximité après un tel discours. Ses yeux brillent, incandescents. Ma respiration se calle presque sur les pulsations rapides qui cognent contre ma poitrine. D'un geste aussi léger qu'une plume, West hoche la tête, puis entrouvre les lèvres, comme pour me supplier d'aller jusqu'au bout. Nos souffles dansent, nos langues se rejoignent et notre amour explose dans une caresse divine. Une main dans mes cheveux emmêlés, West part à la découverte de mon torse avec la deuxième alors que notre baiser s'intensifie. Mes doigts quittent sa nuque pour parcourir sa peau nue jusqu'à son bassin, et un soupir lui échappe, envoyant de délicieuses décharges électriques dans le creux de mon ventre.

Tous les deux chamboulés par ce baiser, nous finissons par nous séparer pour nous rallonger dans l'herbe. Le regard rivé vers le ciel, je tente de me remettre mes émotions tandis que je réalise que jamais je n'ai vécu d'expérience comme celle-ci. C'était si puissant... Presque douloureux. Est-ce que c'est ça l'amour, le vrai ? Celui qu'on croise dans les livres ? Est-ce que c'est cette chose indescriptible qui se situe à la limite du supportable, mais pour lequel on ferait n'importe quoi tant qu'il ne s'arrête pas ? Est-ce que cette chose que j'ai toujours fuie et haïe a finalement réussi à m'avoir à mon propre jeu ? La joue fraîche de la cause de tous mes tourments se dépose sur mon torse, et m'aide à sortir de mes réflexions insensées. Je l'entoure d'un bras protecteur en souriant. Si c'est ça l'amour, alors je suis prêt à défier l'insupportable.

— Et toi Wayne, qu'est-ce qui t'a fait sortir du lit, ce soir ? chuchote-t-il contre moi.

Je prends une longue inspiration, avant d'expirer bruyamment.

— Toi, affirmé-je, sincère.

Hésitant, je marque un temps d'arrêt pour trouver les mots justes. Comme s'il avait compris, West ne pose aucune question, il attend juste que je trouve la force de formuler ma phrase.

— À chaque fois que j'arrive enfin à m'endormir, les images me reviennent. Elles se succèdent. Elles m'empêchent de respirer, chuchoté-je d'un ton vacillant. Tout ça me hante... Les claquements sur le dos de Gale, ses plaies béantes, ses gémissements... Les coups de feu, la panique omniprésente, mais... Mais surtout...

Ma gorge se serre, et je mords l'intérieur de ma joue de toutes mes forces pour retenir les larmes qui menacent de m'échapper quand je revois son visage déchiré. Son visage déchiré à lui.

— Surtout toi. Tes hurlements, ta détresse, ton angoisse... Tes hématomes, les vagues de sang, la souffrance pure qui traversait ton visage... J'arrive pas à oublier ta douleur, West. Je peux pas...

Dans ma trachée, la brûlure s'accentue et je ne suis plus capable de lui faire face. Submergé, je me redresse pour passer une main tremblante sur mon visage et me détourner de mon binôme. Je soupire une énième fois pour tenter de calmer l'anxiété qui naît dans ma poitrine alors que West, soudain devant moi, accroche mon menton de son index.

Nos regards brillants entrent en collision.

— Mais c'est fini, Wayne. Tout va bien maintenant. Je suis là, mon cœur bat.

Machinalement, je pose ma main à plat sur sa poitrine alors qu'il la recouvre de sa paume avec un sourire ému.

— On est ensemble. Et tant qu'on sera ensemble, ça ira, ajoute-t-il, sûr de lui.

— Je t'aime, West.

— Moi aussi, je t'aime. 


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Salut tout le monde,

Désolé pour le retard, mais hier, pour les gens qui me suivent pas sur Instagram ou sur Facebook, j'ai été chez la tatoueuse toute la journée et j'ai pas eu le temps (ni la force) de poster en rentrant. D'ailleurs, cette partie est un peu plus longue que d'habitude parce que le chapitre est découpé en 2 et pas en 3 (parce que ça avait aucun sens de le couper en 3). J'espère que ça vous gênera pas trop. 

Du coup, avec tout ça, ça veut dire qu'il ne reste plus que deux semaines à partir de la semaine prochaine avant la fin de N'aie Pas Peur... Ce qui signifie qu'une page va bientôt se tourner et que vous allez bientôt rencontrer Willow et Axel... Je suis à la fois heureux, excité, effrayé et stressé aha. 

Et du coup, vous pensez que West a des cicatrices comme celles de Gale ? 

Pour vous, les cauchemars finiront par cesser ou si Wayne ne fait rien ils ne s'arrêteront jamais ? 

En ce qui concerne le courage potentiel de West, vous êtes d'accord avec Wayne ? Vous aussi vous trouvez ça fou qu'il soit capable de "contrôler"/"fuir" la souffrance ? 

Quant à la musique, elle vous plait ? 


Voilà, voilà, c'est tout pour moi. Quand l'épilogue sera publié, je ferais comme la première fois, je vous laisserai poser des questions aux personnages (ou à moi) donc vous pouvez déjà noter vos idées dans un petit carnet si jamais vous comptez participer. Vous pourrez leur poser des questions ici et sur instagram et les personnages répondront ici, sur Wattpad, pour que tout le monde puisse y avoir accès. 

Bon, je fois y aller, mais je repasse ici très vite. 

À très vite les potes. Je vous envoie plein de bonnes ondes. 


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