Chapitre 25 | 1
Musique proposée : Impossible - Nothing But Thieves. (En média).
Ses yeux s'écarquillent alors qu'il les pose sur mon torse, et une profonde fierté s'allume dans son regard. Les traits rayonnants de joie, mon petit frère semble avoir du mal à croire ce qu'il voit. Les coins de sa bouche remontent presque au ralenti, tandis que ses lèvres s'arrondissent dans un incroyable sourire. Un sourire pur, brillant, sincère. Ses prunelles émerveillées passent de ma poitrine à mon visage une bonne dizaine de fois pour m'offrir l'opportunité d'admirer les étoiles qui scintillent au centre de ses pupilles sombres. Qui ne rêverait pas de pouvoir rendre un enfant aussi heureux ? Je n'ai jamais été aussi content d'avoir déçu mes parents de toute ma vie. Les bras potelés de Charlie s'accrochent autour de mon cou alors qu'il se jette contre mon torse, et je referme une étreinte protectrice sur son si petit corps avant de l'attraper sous les aisselles pour le faire tournoyer dans les airs. Mon frère pousse un cri de surprise, puis se met à rire de cette mélodie que je voudrais éternelle.
— Tu as dessiné ça rien que pour moi ? me demande-t-il tandis que je le repose en face de moi.
Toujours focalisé sur les deux hirondelles qui ornent désormais mes pectoraux, Charlie les montre de son doigt minuscule sans oser les toucher. Ému par son enthousiasme, je me contente de hocher la tête. Après avoir été confronté à la colère de mon père et la désapprobation sourde de ma mère, le bonheur de mon frère me réchauffe le cœur plus qu'il ne le saura jamais.
— Celle-là, c'est moi... chuchote-t-il en désignant le tatouage de gauche. Et celle-là, c'est toi.
Étonné, je fronce les sourcils.
— Ah bon ? Je pensais que l'autre était pour Superman, bonhomme ?
Charlie replonge son regard dans le mien, presque attendri par ma question naïve.
— Oui, Superman c'est le héros que je préfère dans les livres que maman lit le soir. Mais toi, t'es le héros que je préfère dans la vraie vie. Alors l'hirondelle de droite, c'est pour le Superman de la vraie vie.
Pris de court, je dévisage le petit brun sans savoir quoi lui répondre. Je suis le héros de Charlie. Je suis le héros cet être formidable. L'envie de lui expliquer à quel point ça compte, à quel point son discours me touche me traverse l'esprit, mais je me ravise. Pour lui, c'est une évidence. Lui, il ne se torture pas à essayer de tout analyser. Il ressent, il partage, il aime, tout simplement. Je ne veux pas changer ça en ouvrant la bouche. Je ne veux pas qu'il se rende compte que son grand-frère n'est en fait qu'un étudiant raté qui ne fait que décevoir ses parents. Parce que c'est tout ce que je suis. Je ne suis qu'un gamin de vingt ans comme n'importe quel autre, sans talent particulier, sans courage exacerbé. Je ne sors pas du lot, je ne me démarque pas. Pas aussi brillant que ma mère ne l'espérait, pas fort comme mon père le voudrait, je n'ai pas la carrure d'un héros... mais je suis un grand-frère. Le plus fier de tous. L'admiration de Charlie m'honore, j'aimerais qu'elle dure toujours. Qu'il ne comprenne jamais ce que mes géniteurs ont compris.
— Merci, Wayne. C'est le plus beau de tous les cadeaux d'anniversaire de l'univers entier ! s'écrie-t-il, les bras levés vers le ciel. Moi j'aime toi, grand-frère.
Son murmure me chatouille l'oreille, alors qu'il me serre encore une fois contre lui et pose son menton sur mon épaule droite.
— Moi j'aime toi, Charlie...
Une douleur violente explose au même endroit, mais je refuse que mon frère me lâche.
— Wayne ? Wayne, est-ce que tu es réveillé ?
Une voix déchirée parvient à mes tympans avec difficulté, et la bouille d'ange de mon petit brun préféré s'efface lentement. J'aimerais pouvoir lui hurler de ne pas s'en aller, de rester encore un peu avec moi, mais aucun son de m'échappe et il s'éloigne en riant. Son rire restera à tout jamais la plus belle mélodie du monde. Plus Charlie s'évapore, plus une lumière vive apparaît. Ébloui, je tente de mettre ma main en visière pour me protéger les yeux, mais une nouvelle décharge électrique parcourt le haut de mon torse, rendant chacun de mes mouvements insupportables.
— Non, Wayne, ne bouge pas ton bras... Essaie d'ouvrir les yeux...
Ce ton rauque plus éraillé qu'à la normale... je pourrais le reconnaître entre mille. Un besoin soudain d'observer le seul océan dans lequel j'aime me noyer m'envahit, m'obligeant à lutter contre mes paupières lourdes et engourdies.
— Mais va chercher quelqu'un, bordel !
— Eh, t'as qu'à te bouger le cul au lieu de m'engueuler.
— J'ai l'air de pouvoir bouger ?
Même sans les voir, je sais que leur expression à la fois cynique et agacée aurait pu me faire pouffer. D'ailleurs, c'est exactement ce que j'ai envie de faire. J'ai envie d'éclater de rire. Un rire franc, un rire vrai. Je veux laisser ma bonne humeur leur exploser à la figure, parce que nous sommes là, tous les trois. Parce que nous avons survécu. Parce que même après s'être fait torturer pendant des heures, même après avoir bravé tous les dangers, risquer leur vie et ressenti toute cette impuissance, toute cette culpabilité, mes deux camarades trouvent encore le moyen de se chamailler pour savoir qui devra se déplacer et aller chercher le personnel soignant. La seule chose que je veux, là, maintenant, c'est trouver la force de les regarder, de me lever et de les serrer dans mes bras. Tous les deux. J'aimerais sortir aussi. Sortir et inspirer la plus grande bouffée de liberté que je n'ai jamais imposée à mes poumons. J'ai envie de sentir chaque tressautement de vie vibrer dans ma poitrine et m'emporter. Je veux hurler au monde entier que je suis vivant et que Gale et West sont en train de se disputer à côté de moi.
Qui aurait pu penser qu'un jour, entendre deux types têtus se prendre la tête pour un rien aurait pu devenir une telle source d'euphorie ? Finalement, je crois que lorsqu'on frôle la mort et qu'on manque de perdre ceux qui comptent le plus, on se rend compte à quel point la vie est précieuse. À quel point le détail le plus infime en mesure de nous raccrocher à notre quotidien banal et ennuyeux peut être l'expression même de ce que représente la bénédiction de respirer vraiment.
— Tu souris, Wayne.
Plus douce, la voix de West semble déborder d'émotions.
— Ton sourire m'avait tellement manqué... ajoute-t-il dans un souffle.
Quand sa paume se faufile dans la mienne, je la serre de toutes mes forces. Si seulement je pouvais le sentir contre moi tout entier... J'ai besoin de lui. J'ai besoin de le serrer dans mes bras en lui répétant que je l'aime, encore et encore. Un silence réparateur s'installe entre nous, seuls les bruits blancs des machines auxquelles je dois être relié dansent dans la pièce. Apaisé, je profite de ce moment d'accalmie pour reprendre du poil de la bête et faire face à la lueur aveuglante qui verrouille mes paupières. La pièce se met à tanguer, mais cette fois, je me concentre sur la lumière pour l'obliger à s'atténuer. Après quelques secondes de lutte, je finis par apercevoir ce qui m'entoure. Des murs clairs, glacials, presque moroses. Deux grandes fenêtres rectangulaires qui laissent quelques rayons de soleil se frayer un chemin jusqu'à mon lit. Une vieille télévision grise perchée sur une étagère en bois... Une chambre d'hôpital tout à fait banale, en somme. La tête tournée vers la gauche, je prends le temps d'observer les nuages qui continuent inlassablement leur course vers l'Est, et un nouveau sourire se dessine sur mes lèvres. Je pensais ne plus jamais vous revoir... Un bruissement me parvient de l'autre côté du lit, et j'abandonne mes amis cotonneux à leur voyage éternel pour lancer un coup d'œil vers West. Ses doigts toujours emmêlés aux miens, il en serre et desserre la pression comme s'il se persuadait qu'il ne rêvait pas.
— Hey... me salue-t-il d'une voix faible.
Perdu dans l'azur limpide de ses prunelles, il me faut de longues secondes avant de réaliser que ses yeux brillent de larmes qui ne coulent pas encore. La gorge serrée, je lâche sa main et caresse doucement sa joue pour essuyer les quelques perles salées qui finissent par lui échapper. Il ne prononce pas un mot, je n'émets pas un son. Notre bulle protectrice se reforme, le reste du monde s'évanouit et je reprends haleine. Cette sensation profonde d'intimité... de sécurité m'avait tellement manqué que, le temps d'un court instant, j'ai peur de me tromper. Et si tout ça n'était qu'une illusion ? Les coins de mes lèvres retombent. West fronce les sourcils, mais semble tout de même comprendre ma détresse. Comme si notre bulle nous connectait, comme si nous pouvions désormais communiquer sans ouvrir la bouche. L'air rassurant, il accroche mon poignet et dépose ma paume à plat sur son torse pour me prouver que tout est bien réel. Pour me prouver qu'il est bien vivant... et que j'ai échappé à la mort.
— N'aie pas peur, Wayne, chuchote-t-il.
— Je n'ai plus peur, affirmé-je sur le même ton.
À ces mots, son visage s'illumine, propageant une douce chaleur à l'intérieur de ma poitrine par la même occasion. Le voir sourire me paraît si nouveau que j'en oublierais presque les hématomes violacés qui recouvrent sa mâchoire, sa tempe et son œil droit ; sans compter son pansement à l'arcade sourcilière.
— Oh, c'est pas vrai... On peut pas vous laisser cinq minutes tous les deux sans que vous sortiez les violons !
Le timbre grave de Gale résonne à l'entrée de la chambre, et je pouffe de rire. West se redresse sur son fauteuil en levant les yeux au ciel alors que son frère s'avance vers moi.
— Alors Gueule d'Ange, enfin fini de pioncer ? renchérit-il, joueur.
Je m'esclaffe de nouveau avant d'acquiescer. Le barman baisse les yeux quelques secondes, arborant un air plus sérieux.
— Content de te revoir, mec.
— Content d'être revenu parmi vous, bafouillé-je, touché.
Les prunelles grises de Gale se mettent à briller, mais celui-ci secoue la tête en levant les bras.
— Non, tu me feras pas chialer. Je rentre pas dans votre mélodrame, moi !
***
Engourdi, j'ouvre lentement les yeux pendant que la fatigue s'éclipse. Le temps de sortir de mon état de léthargie avancée, je jette un œil à la fenêtre et tombe nez à nez avec les millions de pépites argentées qui illuminent le ciel sombre de New York. Étonné, je scrute l'horloge qui surplombe le poste de télévision qui ne fonctionne pas : 23 heures. Prenant appui sur mon bras gauche pour tenter de me redresser un peu, je remarque que West s'est endormi, la tête posée sur mon matelas et le corps en équilibre sur son fauteuil. Un instant attendri, je me retiens de caresser ses cheveux et me contente de l'observer en calant ma respiration sur la sienne. Il semble tellement paisible.
— C'est la première fois qu'il dort depuis que t'es là.
Je me détourne de l'homme que j'aime pour regarder Gale, assis sur une chaise avec un magazine dans les mains.
— Et je suis là depuis combien de temps ?
— Tu ne te souviens de rien ? demande-t-il, surpris.
Les sourcils froncés, j'essaie de fouiller dans ma mémoire, sans rien y trouver. Je me rappelle des cris, de la douleur, de l'eau... Mais je ne me souviens pas être sorti de cet enfer.
— Je revois la salle... Les coups de feu... La douleur, et puis... Et puis plus rien, hésité-je, le regard dans le vague.
— Je peux te raconter, si tu veux.
La voix encore ensommeillée de West me sort de mes pensées, et je plonge dans sa mer turquoise pour la laisser m'envelopper complètement.
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Coucou tout le monde,
J'espère que ça va et que vous passez de bonnes fêtes malgré les temps qui courent. J'espère que vous faites bien attention aux distanciations et aux règles de sécurité aussi, parce que même si c'est dur, c'est important, surtout depuis les nouvelles informations qui circulent. Je souhaite aux personnes qui fêtent Noël d'avoir été gâtées de bons moments et/ou de jolies intentions. D'ailleurs, celleux qui ont eu des cadeaux, vous avez eu quoi ?
Pour ma part, je voudrais vous envoyer un immense merci. Un merci par personne, si ce n'est plus. N'aie Pas Peur vient de dépasser les 10K lectures et c'est une étape importante pour moi parce que c'était l'étage que cette histoire avait dépassée lors de sa première publication sur mon ancien compte. En la republiant, je m'étais dit qu'elle ne repasserait jamais la barre des 10K parce que personne n'aurait envie de relire quelque chose qui avait déjà été posté et que j'ai tellement confiance en mes écrits que je ne pensais pas trouver de nouvelleaux lecteurices. Vous m'avez prouvé le contraire et vous avez permis à cette histoire de retrouver ce qu'elle avait perdu quand j'ai supprimé mon compte, alors merci pour ça. Merci beaucoup, ça compte bien plus que vous ne pouvez l'imaginer et j'espère que le tome 2 saura suivre le même chemin.
J'ai si hâte de reprendre le tome 2, de faire découvrir le début aux personnes qui ne l'ont pas lu pour ensuite passer enfin à quelque chose d'inédit ! C'est tellement excitant de me dire que bientôt, je posterai des choses sur cette saga que personne n'a jamais lues... ça me fait tellement bizarre de voir le tome I se terminer encore, d'ailleurs. Sans compter tout ce que vous ne savez pas encore... C'est incroyable les potes, incroyable.
Sinon, soulagé.e.s après la lecture de ce chapitre ?
Les tatouages pour représenter d'autres gens, ça vous parle, à vous ? Vous comprenez la joie de Charlie ?
Je vous avoue que j'adore Gale dans ce chapitre (oui, je sais je l'adore tout le temps), et vous ?
Et puis ben, je suis amoureux de cette chanson, elle vous plait ?
La team West, préparez-vous pour le prochain chapitre, un petit quelque chose spécial pour vous vous y attend !
Encore merci à tou.te.s, je vous souhaite encore de bonnes fêtes, parce que ces conneries sont loin d'être finies. Et je vous dis à très vite.
Prenez soin de vous, faites attention aux autres.
Je vous envoie plein de bonnes ondes.
Coeurs sur vous.
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