Chapitre 24 | I, 1
Musique proposée : Beautiful Lie - Thirty Seconds To Mars. (En média).
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ATTENTION : Ce chapitre contient des scènes de violences physiques et morales détaillées, il doit donc être lu par un public averti. Âmes sensibles, faites attention à vous.
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PARTIE 1
Tous immobiles, nous fixons la même silhouette sombre sans oser émettre le moindre son. Mes prunelles passent d'une longue chevelure noire, aux épaules sur lesquelles elle tombe en cascade pour terminer sur un débardeur blanc qui s'approche dangereusement. La jeune femme se plante devant mon coéquipier, avant que ses iris clairs ne nous transpercent un par un avec aigreur. Incapable de soutenir son regard, je tourne la tête vers West et Gale, mais tombe nez à nez avec une crainte puissante que je ne m'attendais pas à trouver dans leurs traits crispés. Ce stress que je n'ai pas l'habitude de voir chez eux fait grimper mon rythme cardiaque en flèche, m'empêchant d'analyser la situation.
Perdu dans une admiration qui me déstabilise, Ian dévore Eleanor des yeux comme s'il n'y avait plus qu'elle dans la salle. Cette dernière, trop concentrée sur West qui la scrute avec méfiance, ne lui offre même pas une œillade. L'ambiance glaciale paraît accentuer l'angoisse qui règne en maître dans l'atmosphère, et je suis à deux doigts du malaise.
— C'est James qui a prévenu la cavalerie, annonce Eleanor avec flegme.
Toujours focalisée sur West, elle ne réagit pas lorsque Ian se retourne vers l'accusé d'un geste vif pour l'empoigner par le col de sa chemise. Imperturbable, James dévisage son agresseur sans même prendre la peine de se défendre.
— C'était toi ? T'as osé nous vendre ?! fulmine le blond, sur le point d'exploser.
Plus la rage l'anime, plus il s'acharne sur le col de sa victime, qui ne perd pas contenance une seule seconde. Comment peut-il être à ce point sûr de lui ? Ian est à la limite de le faire exécuter, la fille d'un des criminels les plus influents de Manhattan sait qu'il a prévenu la police et lui, il ne dit rien. Il ne bouge pas. C'est tout juste s'il ne se met pas à sourire. Estomaqué, je ne peux pas m'empêcher d'ouvrir de grands yeux ronds devant son manque de réaction. Il devrait crier au scandale, clamer son innocence, les supplier de l'écouter, mais non. Il n'en fait rien. Un ricanement vient briser le court silence qui s'était formé, attirant tous les regards.
— T'as pas encore compris, mon vieux ? lance West à son ennemi numéro un.
Le rictus provocateur vissé sur son visage m'effraie. Quand comprendra-t-il qu'il n'est pas en position de force ?
— C'est elle qui le lui a demandé. Elle a demandé à James d'appeler les flics, renchérit-il avec mépris.
Une surprise générale peut se lire dans chaque expression sauf celle d'Eleanor. Les sourcils froncés, je les scrute tous un par un. Tout s'embrouille dans mon esprit. Je ne comprends plus rien. Pourquoi la fille de Gambino aurait-elle mis le business familial en danger ? Qu'aurait-elle à y gagner ? Ça n'a aucun sens. Emporté par mes réflexions, j'ai un brusque mouvement de recul quand Eleanor frappe dans ses mains. Un sourire mauvais aux lèvres, elle m'envoie la réalité que j'avais presque fini par oublier en pleine figure.
— Décidément, tu es un garçon intelligent, West, se délecte-t-elle d'un ton langoureux. Je crois que c'est l'une des choses qui me manquera le plus chez toi. Enfin après...
Ses yeux descendent sur le corps de mon partenaire avec appréciation, et une violente nausée me ronge de l'intérieur. Elle pousse un soupir exagéré puis ancre de nouveau son regard dans celui de son interlocuteur.
— La plupart des pions qu'on recrute ne sont rien d'autres que des abrutis sans cervelle qui remuent la queue quand on leur donne une nouvelle mission. Mais toi... tu as toujours été différent. Tu as toujours cherché à comprendre le pourquoi du comment, et ça a fait de toi quelqu'un d'important. Du moins jusqu'à ce que tu rencontres ce sale...
La phrase d'Eleanor reste en suspend alors qu'elle me lance un regard lourd de menaces. Impressionné par tout le dégoût qu'elle éprouve à mon égard, je déglutis. Si je le pouvais, je reculerais de plusieurs pas, de peur qu'elle ne passe ses nerfs sur moi. Devant mon air alarmé, les muscles de West se tendent.
— Tu te méfies depuis combien de temps ? demande-t-il un peu plus fort, comme pour attirer l'attention de la brune sur lui.
— J'ai eu des doutes quand tu t'es porté garant pour ce mec, ce n'est pas ton genre de prendre des risques aussi inconscients pour quelqu'un que tu connais à peine. Mais ce qui a fini de me convaincre, c'est ta petite pute, là, la rouquine. Elle a fait des pieds et des mains pour arriver jusqu'à moi, en affirmant qu'un certain West Hutchins était en train de cafter ce qu'il savait au FBI.
Étonnamment, aucune haine ne traverse la voix d'Eleanor. Elle n'est pas en colère contre West, elle semble plutôt... déçue. Comme si elle se sentait trahie et qu'elle avait encore du mal à croire que c'était vrai. Elle marque un temps d'arrêt en passant une main dans ses cheveux, puis se délecte de l'attente qui peut se lire sur les visages de son auditoire. On est tous pendu à ses lèvres et elle adore ça.
— Au début, je ne l'ai pas crue. Toi, le petit Prodige de Gambino. Toi, le gamin qui a monté les échelons plus vite que n'importe qui, tu nous trahissais ? Tu me trahissais ? Impossible. Pas après tout ce qu'on avait fait pour sauver ton cul. Mais la Rouquine a commencé à enchaîner les détails, elle a donné des noms, des preuves que son père était bien du FBI et qu'elle avait eu une relation toute particulière avec toi... Franchement West, comment tu as pu avoir aussi peu de jugeote ? Coucher avec la gamine d'un agent fédéral, vraiment ?
La fille de Gambino secoue la tête d'un air infantilisant, mais mon binôme ne cille pas. Il attend patiemment qu'elle en vienne au fait.
— J'avais donc la certitude qu'elle savait quelque chose, qu'elle ne racontait pas que des cracs, alors j'ai envoyé deux trois gars lui rendre une petite visite pour lui tirer les vers du nez, mais cette petite salope a voulu négocier sa dose avant de nous lâcher les infos. Si ça n'avait tenu qu'à moi, elle serait morte, mais Gambino n'a pas voulu. Il a même fait l'honneur à ta petite copine de la recevoir, mais la seule chose qu'elle a été capable de dire, c'est que tu étais venu chez eux et que ta déposition était enregistrée sur l'ordinateur de son père. Évidemment, vu son état de toxico affamée, il était hors de question de lui faire confiance pour récupérer l'appareil dans les bureaux bien protégés du FBI... Alors il a fallu improviser. C'est là que tes faiblesses entrent en scène, le Prodige, ricane-t-elle.
West paraît au bord de l'implosion, mais ses mâchoires serrées à s'en faire mal semblent fermement emprisonner le moindre de ses mots.
— Tu sais qu'elle nous a presque vendu le gosse pour avoir un peu de poudre ? Quel genre de mère ferait un truc pareil ?
Prêt à arracher ses liens pour la faire taire, mon partenaire peine à masquer la rancune qui transpire de son souffle rauque. Heureuse de son effet, Eleanor s'approche de lui avec langueur, dépose ses doigts répugnants sur sa joue avant d'en caresser la peau pâle. Une étincelle inconnue flambe dans ma poitrine alors que je lutte contre l'envie de me débattre pour qu'elle retire ses griffes de là.
— Oh ! Pardon... C'est vrai que ta maman chérie aussi était comme ça.
La réaction de West est tellement violente que je pourrais presque voir la haine exploser dans sa poitrine alors que l'adrénaline déferle dans ses veines. Comme s'il connaissait la faiblesse de ses liens, mon acolyte tire sur l'adhésif d'un coup de poignet hargneux et le fait céder sur-le-champ. Même si ses chevilles sont toujours prisonnières des pieds solides de la chaise en bois, il parvient à libérer ses deux mains pour attraper Eleanor par les cheveux.
— Je t'interdis de parler d'elle, siffle West avec une acidité que je ne lui connaissais pas.
Surprise par son geste de rage, la jeune femme bascule brusquement en arrière. En état de choc, je suis la chute d'Eleanor des yeux, alors que deux hommes baraqués se précipitent sur West pour le faire lâcher prise. Presque sans le moindre effort, les armoires à glace immobilisent la furie qui se débat contre leur poigne de fer alors que la fille de Gambino se relève d'un bond.
— Ce n'est pas parce que ton père a mal baisé ta mère que tu peux te permettre de juger la mienne, crache West d'un ton mauvais.
Son corps bouillonne, ses muscles sont tendus à l'extrême et la colère bat furieusement dans la veine de sa tempe. Il est hors de lui, comme en transe. Je n'aurais même jamais cru possible de voir autant de haine s'enflammer dans un seul corps un jour. Quand la brune prend conscience des mots qui s'abattent sur elle, elle se rue vers Ian et lui prend son arme des mains avant de se diriger vers moi. Au moment où le canon du calibre se colle contre mon front, je retiens mon souffle. Terrorisé, je lance des regards d'alerte à West, occupé à lutter contre les chiens de garde qui l'attachent par les épaules au dossier du fauteuil à l'aide d'une espèce de ceinture en cuir marron. Ses poignets sont de nouveau recouverts par plusieurs couches d'adhésif, eux-mêmes solidifiés par deux liens en plastiques pour éviter tout autre dérapage. Après quelques secondes à se battre contre sa nouvelle prison, mon binôme se fige, les yeux ancrés dans les miens.
— Qu'est-ce que tu viens de dire ? demande mon assaillante, glaciale.
Le visage de l'homme que j'aime se vide, sa rage s'envole et la tempête que renfermaient ses prunelles disparaît derrière un brouillard épais.
— Répète ce que tu viens de dire ! s'énerve soudain Eleanor en m'enfonçant le dangereux cylindre dans la peau.
Désespéré, j'aurais aimé pouvoir me retrouver dans un film. J'aurais voulu voir ma vie défiler devant mes yeux comme certains personnages de fiction. J'aurais tout donné pour entendre une dernière fois le rire de mon frère, pour revoir le sourire de ma sœur. Sacha... Je ne pourrais jamais lui expliquer, je ne pourrais jamais lui avouer que même derrière ma rancune protectrice, elle est déjà toute pardonnée. Pourquoi est-ce que je n'ai pas essayé de la retrouver ? Je me hais. Je regrette tellement qu'elle ne sache pas à quel point elle me manque, à quel point j'ai besoin d'elle, à quel point je voudrais pouvoir la serrer dans mes bras. Les remords se mélangent dans ma tête, l'air bienveillant de ma mère me revient en mémoire, et je me rends compte qu'elle aussi, je voudrais pouvoir l'observer une dernière fois. Sentir tout l'amour qu'elle m'a toujours offert malgré ses défauts et ses erreurs. J'en viens même à prier pour revivre ce jour unique où mon père m'a affirmé qu'il était fier de moi... La respiration de West s'intensifie, me reconnectant plus ou moins à la réalité. Perdu dans l'admiration sans limite que je lui voue, je réalise qu'il n'aura jamais l'occasion de vraiment rencontrer ma famille. Et moi, je n'aurais jamais plus l'occasion de sentir la vague de frissons qu'il déverse sur ma peau lorsqu'il pose ses lèvres sur les miennes.
Au bout du compte, je crois que les films ont toujours menti. Lorsqu'on est sur le point de mourir, on ne voit rien. On ne revit rien. On ne redécouvre aucune sensation du passé. Tout ce qu'on a réellement, ce sont les regrets des souvenirs enfouis et l'horreur du moment présent. Une horreur que j'aimerais gommer, puis redessiner. Une horreur que je voudrais pouvoir transformer en quelque chose de fort, quelque chose de beau parce que je refuse de finir ma vie sur toute cette souffrance. Pourtant, malgré les prières sourdes que j'envoie au ciel, je suis incapable de trouver le morceau de magie auquel me raccrocher dans une situation comme celle-ci. En temps normal, je me serais laissé emporter par l'océan qui ruissèle dans les prunelles de West, mais même lui, il ne brille plus. La brume semble y avoir absorbé toute trace d'espoir. Il a peur. Il est terrifié à l'idée de me perdre, et je crois qu'en y réfléchissant, c'est peut-être ça la belle lueur que je pourrais emporter avec moi lors de ce dernier voyage : son amour. S'il ne m'aimait pas au moins autant que je l'aime, il ne tremblerait pas à l'idée qu'Eleanor appuie sur la gâchette. Il m'aime, et me savoir aimé par ce garçon à la fois exaspérant et impressionnant me donne l'impression d'avoir assez de cran pour faire face à ce qui m'attend. Je pensais que nos sentiments étaient notre faiblesse, mais en fait, ils sont bel et bien notre force. West m'a donné le courage de vivre, et maintenant il me donne l'audace de mourir.
Ses lèvres remuent sans que je ne cherche à comprendre ce qui s'en échappe. Le monde autour de moi ne tourne plus. Je n'ai plus rien d'autre en tête que lui, ses gestes doux et l'amour qu'il me porte. Lorsqu'un cliquetis finit par faire exploser le calme que j'avais appelé à moi, West articule cette phrase qu'on ne s'est jamais dite et que je ne pourrai pas oublier : « je t'aime ». Les yeux clos, un triste sourire se dépose sur mon visage humidifié par les larmes qui s'écroulent désormais sur mes joues. Un peu plus serein, j'attends que la mort vienne m'envelopper de sa cape noire pour m'aider à retrouver Charlie, mais un timbre guttural éclate dans la pièce.
— Assez !
La salle réapparaît. Le monde tourne de nouveau. Je suis toujours vivant. Désorienté, j'aurais presque cru qu'après tant d'émotions, cet endroit et ses cauchemars se seraient envolés, mais non. Ils sont toujours là, à narguer mes nerfs à vif. Quelques secondes me sont nécessaires pour reprendre mes esprits et remarquer que toutes les expressions figées sont dirigées vers un seul et même homme. La moitié du visage dissimulé derrière un tissu noir semblant provenir de sous sa chemise blanche, il se dirige vers nous d'un pas décidé.
— Ne l'élimine pas maintenant, Eleanor. Même si ça ne va pas durer, nous avons encore besoin de lui. Ils seront tous tués en temps voulu, mais certainement pas par toi.
Mon cœur rate un battement. Est-ce que c'est... Une bouffée d'angoisse m'envahit. C'est lui. Je suis sûr que c'est lui. C'est Gambino. Sonné, je le scrute des pieds à la tête, alors qu'il reprend l'arme des mains d'Eleanor en lançant un regard assassin à West. Grand et très imposant, Gambino pourrait intimider n'importe qui sans prendre la peine d'ouvrir la bouche et ses sourcils aussi épais que fournis renforcent son air patibulaire si effrayant. Ses muscles saillants se tendent sous son costume vert foncé quand ses iris dorés protégés par de longs cils noirs s'attardent quelques instants sur Gale et moi ; comme s'il prenait tout juste conscience que nous étions également présents. Malgré son regard hostile et sa carrure auguste, je dois bien avouer qu'il ressemble plus à un homme d'affaire qu'à un tueur à gages. Pourtant j'ai bien peur qu'il ne sache interpréter les deux rôles avec brio.
— Maintenant, occupez-vous de ces traîtres. Quand je reviendrai, je veux qu'ils aient craché le morceau. Je veux savoir tout ce que la police a pu apprendre.
L'ordre glacial semblait être adressé à James, mais c'est vers Ian que se tourne le grand patron pour continuer.
— Et celui-là, je veux qu'il vous supplie de mettre fin à ses jours une fois qu'il aura chialé tout ce qu'il sait, crache Gambino en désignant mon binôme d'un geste sec.
Bon sang, mais qu'est-ce que West a de si spécial ? Pourquoi tout tourne autour de lui ?
Les traits de Ian se durcissent, et il hoche la tête comme s'il venait de recevoir une mission de la plus haute importance. Le boss d'Eleven Stars entoure sa fille par les épaules pour l'entraîner vers la porte blanche avec lui, nous laissant seuls face à Peter, Ian, James et leur maudit chariot.
— Eh bien, puisque Gambino veut t'entendre, c'est à toi que je vais poser les questions, le Prodige, ricane Ian.
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Salut tout le monde,
Comme ce chapitre est très long, il est découpé en deux grosses parties. Ces deux grosses parties étant elles-mêmes trop longues pour un chapitre Wattpad, je les ai découpées en deux et vous les posterai à un jour d'intervalle pour que ça ne vous coupe pas au milieu d'une partie. Donc, demain, une nouvelle partie sera postée et les deux suivantes seront publiées la semaines prochaine.
Comme vous avez pu le remarquer en début de partie, ce chapitre risque d'être difficile à lire. Pour cette partie, la violence commence, mais le disclaimer sera présent sur chacune d'entre elles, donc si vous préférez ne pas lire ce chapitre, ne le lisez pas. Si vous avez besoin de faire une pause ou de prendre votre temps pour le lire, faites-le aussi. Cette histoire n'est pas plus importante que votre bien-être mental. Je sais que certaines personnes peuvent être très sensibles à ce genre de choses, alors faites attention à vous les potes.
Bon, pour les personnes qui ont quand même lu cette partie, des avis ? Des ressentis ? Dites-moi tout.
Vous vous attendiez au fait que ce ne soit ni West ni Ian qui ait prévenu les flics sur le terrain vague ? Vous l'aviez vu venir pour Eleanor ?
Et à votre avis, qu'est-ce que West a de si spécial ? Pourquoi tout tourne toujours autour de lui ?
La musique sera la même pour la partie suivante, du coup, j'espère qu'elle ne vous déplait pas.
En attendant demain, je vous souhaite une belle soirée, les potes. Je ne sais pas si vous avez vu sur Instagram, Facebook, Twitter ou même ici, mais Le Temps d'Une Nuit a aussi subi une petite correction rapide. Donc Le Choix, Le Temps d'Une Nuit et Adieu et à Demain sont désormais toutes neuves, si jamais elles intéressaient certain.e.s d'entre vous !
J'arrête de blablater. Prenez bien soin de vous et à demain.
Je vous envoie plein de bonnes ondes.
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