Chapitre 23 | 2

Musique proposée : Point Of No Return - UNSECRET ft Sam Tinnesz. (En média).


— James ! S'écrie Peter, me faisant sursauter. Tu t'en charges !

Un type aux cheveux châtains et indisciplinés sort de nulle part pour se diriger dans notre direction d'un pas rapide, un détecteur de métaux noir dans une main. Il claque des doigts de l'autre, et trois gros bras s'approchent de Gale, West et moi pour libérer nos poignets de leurs liens. Lorsque le morceau de plastique tombe aux pieds de mon binôme, je ne peux pas m'empêcher de fixer les marques rouges qui scient sa peau blanche.

— Tourne-toi, les mains sur le mur et les jambes écartées. Magne-toi, ordonne le dénommé James à l'attention de Gale qui s'exécute.

Bien que l'angoisse pulse toujours dans mes veines, l'image du barman qui rirait au nez du mec que je crois reconnaître a le don de me soulager un peu. Je suis sûr que s'il avait pu, Gale lui aurait même envoyer une réflexion cinglante dans les dents. Silencieux, James fait passer ses mains le long des mollets de son captif, puis le long de ses cuisses, avant de s'attaquer à ses côtes et ses bras. Le détecteur de métaux prend sa suite, parcourant le même chemin que ses paumes pour ensuite répéter l'opération sur le corps de West et le mien. Lorsque le détecteur arrive à hauteur du col de ma chemise sans se mettre à sonner, je remercie Jennifer de toute mon âme pour son travail irréprochable qui vient probablement de me sauver la vie.

— Enlève-leur ce qu'ils ont sur la gueule, et attache-les, qu'on les entende un peu plus, exige Ian en rejoignant la porte blanche.

Sans perdre un instant, le sous-fifre bien dressé s'exécute. Il retire le bâillon de Gale qui se met, comme prévu, à ricaner.

— J'espère qu'au moins ça t'a fait kiffer de me tripoter, lance-t-il, insolent.

Le regard hétérochrome de James s'obscurcit tandis qu'il gratifie Gale d'un coup-de-poing brutal dans la mâchoire sans prendre la peine de lui adresser le moindre mot. Face à ses traits sombres et fermés, je me surprends à froncer les sourcils. Ce James me fait étrangement penser au garçon à la capuche qui accompagnait toujours Peter et Ian. Le barman se masse la joue et jette un coup d'œil au chien de garde qui se trouve derrière lui, comme pour évaluer les conséquences que lui vaudrait une vengeance musclée. Après avoir scruté les épaules larges et le AK47 du grand barbu, Gale finit par s'abstenir, laissant son assaillant libérer West de sa camisole.

— Alors ça y est, ils ont fini par te retourner le cerveau à toi aussi, lance ce dernier, la déception plein les yeux.

Visiblement contrarié par la réflexion de West, James l'attrape par le col de son tee-shirt noir pour le plaquer contre le mur sans ménagement.

— La ferme, West. Tu ne sais pas de quoi tu parles, fulmine James à quelques centimètres du visage de sa victime.

Pas le moins du monde impressionné, l'homme que j'aime n'essaie même pas de masquer le profond dégoût qui le traverse de part en part. Pourquoi West semble-t-il à ce point désabusé ? Qu'y a-t-il d'étonnant à ce que ce sale type se conduise comme tous les autres ? Troublé, je sursaute brusquement lorsque James m'arrache l'adhésif du visage. La serviette s'échappe de ma bouche, provoquant une douloureuse quinte de toux alors que mes poumons s'embrasent. La gorge en feu, il me faut plusieurs minutes pour réussir à me calmer et rattraper un peu d'oxygène à la volée. La seconde d'après, trois molosses nous poussent à avancer vers les chaises qui trônent au centre de notre cachot et je rue mes prunelles dans celles de mon acolyte dans une inquiétude mal dissimulée.

D'une simple pression sur nos épaules, les montagnes de muscles nous ordonnent de nous asseoir sans un mot, incitant mon cœur à tambouriner contre ma cage-thoracique avec violence. Le criminel attache solidement nos poignets et nos chevilles aux accoudoirs et aux pieds des fauteuils avec la même bande adhésive que tout à l'heure, avant d'admirer son œuvre. Immobilisé et au bord de la crise de panique, je tourne la tête vers la gauche pour me réfugier dans l'océan sombre de West une nouvelle fois. En silence, il articule « n'aie pas peur », comme s'il savait que ces quelques mots pouvaient m'éviter la noyade et que j'allais m'y raccrocher de toutes mes forces.

— Ne bougez pas, on va venir s'occuper de vous dans quelques minutes, les enfants, ricane James en tournant les talons.

Alors qu'il disparaît rejoindre Peter et Ian derrière la porte blanche, mon binôme s'énerve.

— Où veux-tu qu'on aille, connard ? murmure-t-il, tendu.

— Qu'est-ce que ça veut dire, ils vont « s'occuper » de nous ? demandé-je à toute vitesse.

L'air de West se veut à la fois tendre et triste, tandis que Gale me dévisage avec désolation sans qu'aucun des deux ne réponde à ma question.

— Qu'est-ce qu'ils vont faire ?

J'ai beau insister, mes larmes ont beau menacer de s'écrouler sur mes joues, je n'obtiens aucune réaction. Au fond, je connais la réponse, je sais ce qui est en train de se passer, mais je ne veux pas me l'avouer. Je refuse de l'accepter. Un nœud bouillant se forme à l'intérieur de ma gorge, un feu puissant ravage mon estomac, m'obligeant à tenter quelque chose. Pris d'une peur incontrôlable, j'essaie de tirer sur mes liens, mais les trois couches d'adhésif se montrent bien plus résistantes que mes poignets. À deux doigts de me mettre à hurler la première phrase de détresse qui me vient à l'esprit, un bruit sourd me stoppe net. Soudain fixé sur la porte claire, j'observe la poignée s'abaisser dans une lenteur effroyable.

— Écoute-moi, Wayne. Écoute-moi attentivement, chuchote West sans réussir à capter mon regard toujours rivé devant moi. Quoi qu'il puisse bien se passer, ne dis rien.

Ses mots me frappent, et je finis par lui accorder toute mon attention. 

— Quoi que tu puisses bien voir, quoi qu'ils fassent, il ne faut pas que tu craques. Tu n'ouvres pas la bouche, compris ?

Mon rythme cardiaque s'emballe, mes pensées se mélangent, je n'arrive ni à réfléchir, ni à comprendre. Je suis perdu. L'angoisse me fait perdre mes moyens alors je me contente de hocher la tête. Les scénarios catastrophes se sont évaporés, laissant place à un vide brumeux à l'intérieur de mon esprit perturbé. J'ai tout juste le temps de m'y perdre que Ian et Peter apparaissent, suivis de près par James qui pousse un chariot en inox. Recouvert d'un bout de tissu vert foncé, le contenu du chariot reste un mystère sur lequel je n'ai pas envie de lever le voile. Arrivés à notre hauteur, Peter se place devant Gale, Ian devant West et James stoppe son engin en face de moi.

— Bon, je vais expliquer les règles du jeu pour le petit nouveau, et on va pouvoir commencer, se gargarise Ian, un rictus mauvais au coin des lèvres. Des questions vous seront posées et, même si elles sont adressées à l'un d'entre vous en particulier, chacun peut y répondre. Plutôt simple, non ?

Terrorisé, je dois me mordre l'intérieur de la joue pour ne rien laisser paraître tandis que cette enflure prend un malin plaisir à analyser la moindre de mes réactions. J'aimerais pouvoir me mettre à hurler, à crier à l'aide, mais je sais que nous sommes pris au piège, complètement seuls face au sort qui nous attend.

— Mais attention, le but du jeu, c'est de toujours répondre à une question par la vérité... Sinon il y a des conséquences, continue-t-il sans perdre son satané sourire. Prenons un exemple simple pour vous aider à comprendre : Gueule d'Ange, que ressens-tu pour notre petit Prodige ici présent ?

Stupéfait, je passe du visage de Ian à celui de West avec frénésie. Qu'est-ce que je suis censé répondre à ça ?

— Voilà, là, par exemple, je n'ai pas eu ce que je voulais, alors je fais ça...

Son poing fermé s'élève pour s'écraser sur la mâchoire de West avec une violence inouïe. Ce dernier grimace alors qu'à côté de lui, son meilleur ami semble bouillir de rage.

— ... Jusqu'à ce que j'obtienne ma réponse, rajoute Ian avant de frapper West une seconde fois.

De nombreux signaux d'alarme retentissent dans ma tête, mais je ne sors pas de ma torpeur. En pleine détresse, je jette des regards à Gale, qui lui reste imperturbable malgré ses muscles tendus à l'extrême. Un nouveau heurt s'abat sur mon binôme, mais celui-ci ne bronche toujours pas. Il absorbe les coups comme une éponge. Ce n'est que lorsque le poing de Ian s'écrase contre ses côtes que son silence presque effrayant s'effrite. Ses gémissements m'arrachent le cœur, et je ne me contiens plus.

— Je l'aime ! J'aime West ! m'écrié-je sans prendre le temps de respirer.

La violence cesse. Les gémissements aussi.

— Vous voyez, on se comprend... susurre notre bourreau. Maintenant, passons aux choses sérieuses : Qui a prévenu les flics lors de la transaction du terrain vague ?

Perplexe, je scrute Ian sans retenue. Comme West, j'ai toujours cru qu'il était à l'origine de la descente de police de ce soir-là. J'étais persuadé qu'il avait fait ça pour convaincre Eleanor que West était un traître, qu'il se servait de ce prétexte pour tuer son ennemi juré avec l'appui de Gambino. Se pourrait-il qu'il bluff ? Mais dans quel but ? Sauver sa peau ? J'ai à peine le temps de réfléchir à mes interrogations qu'une pluie de coups s'abat sur mon acolyte. D'abord, au moment où les attaques sont dirigées vers son visage, West ne dit rien, mais à la seconde où son abdomen est touché, il perd son sang-froid et ses complaintes étouffées se transforment rapidement en cris déchirants. Gale paraît à deux doigts d'exploser, mais contrairement à moi, il parvient à se contenir.

— Arrête ! Ian, arrête ! le supplié-je.

Ne prêtant pas une seule seconde attention aux larmes qui contrôlent la déchirure de ma voix, le blond continue de s'acharner. Les règles du jeu. Il ne s'arrêtera pas tant qu'il n'aura pas de réponse.

— C'était pas nous ! On a pas prévenu les flics ! Putain, on a rien fait ! m'époumonné-je.

L'assaillant de West se calme, puis tourne lentement la tête vers moi, le regard fou. Toujours à la même vitesse, il s'approche de moi, alors que mon binôme reprend son souffle avec difficulté.

— Je te conseille de ne pas me mentir, Gueule d'Ange.

— Il ne ment pas, affirme un ton ferme au fond de la pièce.


___________________

Salut tout le monde !

Voici la dernière partie du chapitre 23. Le chapitre 24 est également en deux parties, mais comme il est extrêmement long (j'ai toujours pas fini d'ailleurs, croisez les doigts pour le week-end prochain) il sera découpé en quatre. Les deux premières parties seront postés dans le week-end de la première semaine (partie 1 samedi et partie 2 dimanche) et pareil pour la seconde partie du chapitre. J'aurais pu faire semaine par semaine, mais je pense que c'est mieux que vous ayez la suite des parties tout de suite. Je vous préviens d'avance, le chapitre 24 est compliqué à lire, un trigger warning sera d'ailleurs disponible au début de chacune des parties de ce chapitre. 

Sinon, je vais republier Le Choix et Adieu et à Demain (et oui, elles avaient disparu) juste après la publication de ce chapitre. J'ai fait des corrections dans les deux histoires et, si jamais, Adieu et à Demain est une nouvelle de Noël, si jamais vous chercher de la lecture de Noël et que vous ne l'avez pas lu. (Et Le Choix c'est un drame/histoire d'amour, si jamais). Les couvertures vont être changée, mais ce n'est pas une réécriture, comme pour N'aie Pas Peur, c'est vraiment des corrections, des reprises de certaines formulations, rien de plus. J'avais besoin de corriger ces histoires, mais je ne voulais pas dénaturer l'essence qu'avait ma plume à l'époque où j'ai écrit ces deux nouvelles, je voulais qu'on puisse quand même voir mon évolution en lisant mes histoires plus récentes. 

D'ailleurs, en parlant d'histoire plus récente, le titre, la couverture et le résumé de NSP seront dévoilés mercredi sur mon compte Instagram les potes ! (le post sera disponible sur Twitter et Facebook, pour les personnes qui n'ont pas Instagram), mon bébé approooooche ! J'ai trop trop hâte que vous rencontriez Axel et Willow. (Enfin pour les personnes qui vont aller lire). 

Bref bref, j'arrête de parler, à vous maintenant. 

Il vous inspire quoi, James ? Vous sentez qu'il a un truc différent de Ian ou pas ? Si oui, vous pensez que c'est quoi ? 

Bon, on déteste Ian, c'est officiel ? À moins qu'il n'y ait des fans de méchants parmi vous ? 

J'ai pas vraiment de questions pertinentes, alors j'aimerais beaucoup que vous me donniez un peu votre ressenti sur ce que vous venez de lire et sur ce que vous imaginez pour la suite. Je suis vraiment curieux de savoir votre façon d'appréhender les choses. 


Bon, je vois m'en aller dans 40 minutes donc je cours republier Le Choix et Adieu et à Demain. 

Prenez bien soin de vous les potes !

Je vous envoie plein de bonnes ondes. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top