Chapitre 22 | 2

Musique proposée : Too Far Gone - Hidden Citizen ft SVRCINA. (En média).


Même si je ne comprends pas un traître mot de ce qu'il raconte, mon sang ne fait qu'un tour. Je fronce les sourcils, et mes prunelles s'accrochent à l'homme que j'aime par réflexe.

— C'est ça ton idée ? répond celui-ci, médusé. Tu veux descendre trois étages par l'échelle bancale ?

Pas le moins du monde ému par la stupeur évidente de son frère, Gale pénètre dans la pièce devant laquelle nous sommes tous les trois plantés et la balaie rapidement du regard. Une fois la salle de réunion scrutée, le barman saisit une chaise en fer et la fracasse contre la paroi transparente qui nous sépare du vide. Par instinct, j'ai un mouvement de recul brutal, mais je ne dis rien. Je me contente d'observer la scène en sursautant à chaque coup que la fenêtre reçoit. Au bout d'une bonne dizaine d'attaques tonitruantes, le verre finit par se fissurer et Gale pose son arme pour carrément défoncer le vitrage à coups de pied. Lorsqu'il cède enfin, une douce brise s'engouffre dans le bâtiment pour caresser ma peau et deux iris argentés me font face une nouvelle fois.

— C'est exactement ce que je veux qu'on fasse, acquiesce leur propriétaire, répondant à une question que j'ai déjà oubliée. On peut pas risquer d'utiliser les escaliers parce qu'on tomberait nez-à-nez avec les fédéraux, et tu sais aussi bien que moi qu'on pourra accéder au sous-sol en pétant la vitre extérieure qui mène à la cave. Avec peu de chance, les flics seront trop occupés à essayer de rejoindre les étages pour fouiller l'endroit où est Spencer et on aura plus qu'à espérer qu'ils soient pas trop nombreux à le surveiller.

Visiblement en pleine torture, West expire de longues secondes en se frottant le front presque avec frénésie. Pourquoi est-il aussi nerveux ? Le plan de Gale est plutôt ingénieux et il pourrait nous permettre de retrouver Spencer avant qui que ce soit, alors qu'est-ce qui le fait encore douter ?

— Ouais, okay, ça se tente. Pars devant, le temps que j'explique à Wayne ton idée suicidaire.

Gale esquisse un sourire avant de faire volte-face.

— Et, frérot, le rappelle West.

Le barman s'immobilise, mais ne se retourne pas.

— Fais gaffe, s'il te plaît.

— Tu me connais ! réplique Gale.

Le rictus évident qui arpente son timbre rauque contraste considérablement avec la gravité de celui de son frère, mais je n'ai pas le temps de m'attarder sur ce détail qu'il se hisse hors de la pièce par la fenêtre qu'il vient de briser. Pas sûr d'avoir bien assisté à cette scène surréaliste, je fixe le trou béant du building comme s'il pouvait se refermer et recracher le grand brun qui semble s'être volatilisé. Au fur et à mesure que je réalise ce qui vient de se passer, tout mon corps s'affole, pourtant, la seconde d'après, plus rien n'existe que l'océan et les mains de West sur mes joues.

— Écoute-moi, à quelques centimètres de la fenêtre, y'a une échelle qui longe le bâtiment. Je vais pas te mentir... elle est flippante, elle devrait pas être là et elle est pas aux normes, mais elle est solide. C'est le moyen le plus direct et le plus sûr qu'on a d'arriver en bas en un seul morceau, alors fais-moi juste confiance. Ça va aller.

Comment ça « pas aux normes » ? Craintif, je ne peux pas m'empêcher de jeter un nouveau coup d'œil à la barrière défoncée qui nous protégeait de la chute mortelle. Le plan de Gale me paraît soudain moins ingénieux et je comprends beaucoup mieux la première réaction de mon partenaire.

— Wayne. Eh, fais comme tout à l'heure. Je passe devant et toi, tu me lâches pas des yeux, okay ?

Inconscient de mes propres gestes, je dois probablement avoir acquiescé puisque West s'éclipse à son tour par notre sortie aussi dangereuse qu'improvisée. Chancelant, je fais quelques pas, puis passe la tête par l'ouverture qui ne devrait pas être là pour retrouver West agrippé à une échelle en fer foncée et entourée de cercles métalliques. Je n'ai qu'à tendre le bras pour pouvoir l'atteindre, mais mon regard se voit happé par la route qui me nargue en contrebas. Tout paraît minuscule vu d'ici.

— Ne regarde pas en bas ! me crie Gale par-dessus le bruit des bourrasques glaciales que j'imagine arracher ces pauvres barreaux en métal et nous conduire à notre perte.

Suivant son conseil, je me focalise sur le ciel et me perds un instant dans les boules de coton qui suivent leur route sans moi. Accroché au temps grisâtre que j'envisage d'un bleu étincelant, le visage doux et souriant de mon petit frère m'apparaît au milieu des rayons de soleil imaginaires. Sa voix aigüe s'élève alors en moi comme un encouragement.

« Tu crois qu'un jour je rencontrerais Superman pour de vrai ? »

Sa frimousse angélique me rassure, et je m'autorise à la laisser m'emporter quelques instants.

« En fait, je crois que mon Superman à moi, c'est toi, Wayne. »

Ses petits yeux noirs brillent de fierté quand je le revois abandonner le dessin de son superhéros préféré qu'il tenait fermement contre lui.

« Parce que toi, t'es encore mieux que lui ! Toi, t'as pas besoin de voler pour être un héros. »

D'un hochement de tête à peine perceptible, je remercie Charlie en espérant qu'il ait trouvé sa place auprès des étoiles. Non, en fait je suis même certain qu'il est devenu la plus majestueuse d'entre elles. Un souffle de courage afflue désormais dans mes veines, me permettant de retrouver la force que j'avais perdue. Déterminé, je lance un regard vers l'échelle, puis vers West, qui me considère d'un air inquiet.

— Vas-y Wayne, c'est pas si loin que ça en a l'air, tu peux le faire, m'encourage ce dernier.

Le dos appuyé contre le cercle en métal, West me fait signe d'attendre et lâche un barreau pour fouiller dans sa poche. Alors qu'il place un écouteur dans son oreille gauche, je l'observe pianoter rapidement sur son téléphone sans comprendre. Quelques secondes plus tard, des vibrations animent la poche de mon pantalon, et je l'imite en décrochant.

— Comme ça je pourrais peut-être t'aider à oublier la hauteur, reprend-il d'une voix qui grésille dans mon oreillette.

Le sourire qu'il m'offre finit de me rassurer. Il me donnerait presque envie de lui sourire en retour, mais je reste concentré sur mon objectif et attrape la barre en ferraille d'une main aussi ferme que possible pour me hisser entre deux cercles de sécurité. Malgré le vent frais, la morsure de l'angoisse à l'intérieur de mon estomac rend mes mains moites, et je prie de toutes mes forces pour ne pas glisser et m'écraser sur le trottoir en contre-bas. Mes pensées bouillonnent, pourtant je n'ai aucun mal à contrôler mes gestes. Minutieux, je lutte pour éviter de baisser de nouveau le nez vers le sol et perdre tout le sang-froid que j'ai réussi à réunir jusqu'ici.

— Pour que l'échelle se voie pas trop, elle s'étend pas sur la totalité des étages. Elle s'arrête au niveau du motel miteux qu'on voit juste là.

Je tourne la tête vers le premier bâtiment qui croise ma route, un peu plus bas. Les lettres « OTEL » clignotent sur un panneau rouge, la peinture sur les murs jaunis semble écaillée, les fenêtres sont fêlées et les rideaux que j'y discerne ont tous l'air poussiéreux et déchirés. Qui aurait envie de passer ne serait-ce que quelques minutes dans ce taudis ?

— Ça va nous permettre de nous barrer et d'avoir plus de chance d'atteindre la Réserve en douce, continue West sans savoir que je m'accroche à ce qu'il me raconte avec autant de force qu'à cette échelle.

— 'La maison nous attend', qu'est-ce que ça veut dire ? le coupé brusquement, d'un ton à peine perceptible.

Un petit rire sec s'échappe de la gorge de mon binôme et je l'entends soupirer.

— On a vécu de sacrées merdes au foyer, Gale et moi. Le dirlo était un enfoiré alors parfois, pour échapper aux c... enfin aux punitions, je veux dire, on se tirait de là et on allait chez moi. Ça arrivait assez souvent, et y'avait des fois où on était obligés de se séparer, donc quand l'un d'entre nous partait sans l'autre, il laissait un code quelque part qui disait « la maison nous attend ». En gros, ça voulait dire qu'on allait avoir des emmerdes et qu'on avait besoin de se cacher, de se retrouver, de se réfugier quelque part pour reprendre des forces et faire face. À cette époque-là, ça signifiait qu'on se rejoindrait chez mes parents, mais maintenant, c'est plus un truc qu'on se dit quand on est en danger et que ce serait pas mal de décamper.

Emporté par son récit, il me faut quelques secondes pour prendre conscience que nous arrivons en bas de l'échelle. Un peu étonné, je comprends alors pourquoi West tenait à me parler pendant notre descente périlleuse : il voulait m'occuper l'esprit. Je n'ai pas le temps de ressentir pleinement toute la reconnaissance qui s'empare de ma poitrine que j'entends un bruit sourd à mes pieds. Les yeux baissés, j'observe Gale atterrir sur le toit du vieux motel qui se trouve désormais à quelques centimètres de ma cage de fer. West suit son meilleur ami sans la moindre hésitation, mais lorsqu'il se réceptionne avec souplesse et que mon tour arrive, je suis incapable de me lancer. Incapable de sauter. Si je me rate, c'est la mort assurée.

— Descends jusqu'en bas et décale-toi le plus possible vers la droite, Gueule d'Ange ! me crie Gale.

— Tu peux le faire, Wayne, c'est pas si loin que ça, t'inquiète pas, ajoute son frère.

Accroché à la voix de l'homme que j'aime, j'acquiesce sans réussir à bouger. Je sais qu'il a raison, je sais que s'ils ont pu le faire je peux y arriver aussi, mais mon corps refuse de m'obéir. Les muscles engourdis, la force commence à manquer, pourtant je ne lâche rien. Il faut que je me reprenne. Lentement, mes paupières se ferment et je prends une longue inspiration pour pouvoir écouter ma respiration bruyante.

« Aller, souffle... Attrape une grande bouffée d'air et saute. »

L'image de Savannah dans son petit maillot de bain bleu nuit me revient en mémoire en même temps que sa voix enfantine. Je la revois encore pointer l'eau turquoise du doigt, le sourire aux lèvres, alors que j'étais tétanisé sur le rebord du rocher. J'avale encore un peu d'oxygène, comme pour suivre le conseil avisé de ma petite sœur, mais ne quitte pas ma bulle de souvenirs.

« Tu n'as pas peur de la chute, Wayne. Tu as peur de ce qui pourrait se passer quand tu atterriras. »

Déjà à l'époque, elle avait percé mes peurs à jour... Un peu trop ému, je rue mes prunelles vers Charlie, qui remue ses petites mains dans les bras de grand-mère pour m'encourager.

« Tu verras, quand tu sortiras la tête de l'eau et que tu respireras encore, tu te sentiras vivant pour de vrai. »

Comme lors de nos vacances en Californie, les mots de Sacha me revigorent. Un souffle nouveau m'envahit, me permettant de plonger sans crainte dans l'océan qui s'agite dans les yeux de West. Sans réfléchir plus longtemps, je desserre ma poigne et me propulse sur la toiture du bâtiment d'en face. Après une réception catastrophique, je m'écroule sur le gravier blanc recouvrant la totalité de la plateforme rectangulaire dans un gémissement. Un biceps puissant me relève avec fermeté, puis mes camarades et moi avançons d'un pas rapide vers l'escalier de secours du motel. Aussi caduc que le reste de l'établissement, il grince à chacun de nos mouvements et j'ai un instant l'impression qu'il risque de s'écrouler avant que nous n'atteignions la terre ferme. Une fois au pied de l'immeuble, je m'appuie durement contre le mur, hors d'haleine.

— Et merde ! On est mal, les gars... blêmit Gale en ravivant le stress qui coule dans mes veines. 


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Salut tout le monde, comment ça va ? 

J'ia pas grand chose à vous raconter aujourd'hui, tout ce que j'ai à dire, je ne peux pas le dire parce que ce ne sont que des surprises, alors j'espère simplement que vous allez bien et que ce chapitre vous a plu. 

Vous sentez la fin arriver un peu ? À votre avis, qu'est-ce qui les attend en bas de du Motel ? 

L'idée de Gale, elle vous paraît délirante à vous aussi ? Vous l'auriez fait, vous, descendre sur une échelle pas trop stable pour sauter sur me toit d'un autre batiment ?

Ben je me rends compte que j'aime beaucoup Hidden Citizen, il arrive pas encore au niveau de Tommee Profitt, mais y'a des chances que je fouille un peu dans son répertoire pour les ambiances qu'il propose. Vous en pensez quoi, vous ? 

Voilà, voilà, c'est tout pour moi. Je vais passer sur les trois quatre commentaires que j'ai vu sur la partie précédente et je vais me remettre au boulot parce que je suis un peu en retard. En plus je dois préparer l'arrivée de mon nouveau bébé (j'ai si hâte de vous le présenter) alors faut vraiment que je m'active. 

J'espère que cette période n'est pas trop pesante pour vous et que vous êtes dans un environnement safe. Je vous envoie plein de force et de courage malgré tout. 

Coeur sur vous les potes. 

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