Chapitre 20 | 3

Musique proposée : Brother - Kodaline. (En média).


—     Mais c'est les fleurs de...

Toujours assis dans l'herbe, près du ruisseau, West et moi nous retournons d'un bloc alors que la voix de Gale s'éteint. Observant les cadavres de fleurs et les morceaux de terre cuite qui jonchent le jardin, le barman semble balancer entre choc et bouleversement. Conscient d'être la cause de ce triste champ de bataille, West soupire, puis se lève pour se planter aux côtés de son meilleur ami. Lorsque la chaleur de son corps vient à manquer au mien, je me redresse à contre-cœur et vais les rejoindre, la tête encore plongée dans le moment de sérénité qui a suivi la tempête. Après notre embrassade débordant d'émotions, mon équipier et moi avons eu besoin de prendre un temps pour nous remettre, pour nous retrouver... La tête vide et le cœur plein à craquer, nous nous sommes contentés de nous blottir l'un contre l'autre à écouter l'eau ruisseler devant nous. Un silence réparateur nous a alors enveloppé et nous nous sommes laissés bercer jusqu'à ce que Gale finisse par trouver le temps long.

Dans le calme le plus total, les deux frères s'accroupissent pour analyser les dégâts pendant que je me perds au milieu du ciel bleu qui commence tout juste à scintiller d'étoiles. Peut-être que c'est comme ça que j'aurais pu déceler une partie de mes sentiments pour West : en me fiant au silence. Depuis que je le connais, sa présence seule m'a toujours suffi. Les mots n'ont jamais été nécessaires pour que je me sente bien, épaulé, en sécurité. C'était un bel indice, il aurait dû me mettre la puce à l'oreille... Après tout, si on est en mesure de se sentir apaisé, complet, vivant en compagnie de quelqu'un d'autre sans même articuler la moindre phrase, c'est probablement que deux âmes sont en train de se lier, que deux cœurs décident de battre au même rythme. Et c'est exactement ce qui nous est arrivé. Malgré le brouillard épais et terrifiant que la vie nous oblige à traverser, aucun de nous deux n'a abandonné, nos liens n'ont fait que se renforcer. L'amour nous a aidés à suivre la cadence.

—     Bah merde...

Ramené de force à la réalité par le ton soufflé de Gale, je m'agenouille à mon tour sans pouvoir m'empêcher de scruter le massacre qui gît devant nous. Osant à peine effleurer les fleurs déchiquetées, le barman pâlit et lance un regard incertain à l'homme que j'aime, qui baisse les yeux. La détresse manifeste qui se lit sans difficulté sur les traits crispés de West me tord les boyaux, mais je parviens tout de même à m'en détacher pour me concentrer sur son meilleur ami qui tend la main. Ce dernier attrape deux pots ayant miraculeusement survécus à l'explosion de rage et les fixe tour à tour. L'air soudain nostalgique, il caresse le premier avec son pouce, puis le repose avec précaution comme si après tant de chocs, le récipient pouvait se briser au moindre de coup de vent. Il saisit ensuite le second qu'il avait déposé à ses genoux et un petit sourire illumine son visage, ainsi que celui de West.

—     Tu l'as gardé, se contente-t-il d'affirmer, la figure lumineuse.

La fierté que je perçois dans la voix de Gale me fait tellement chaud au cœur, qu'elle pique ma curiosité à vif et m'oblige à me pencher dans le but d'améliorer mon angle de vue. À la seconde où mes prunelles se posent sur l'objet à l'origine de tant d'émotions, les coins de mes lèvres se relèvent. Deux mains d'enfants de couleur verte marquent la céramique foncée. Un G majuscule tracé avec maladresse est peint sous la plus grande, alors qu'une espèce de « m » à l'envers qui doit sans doute être un W est inscrite sous la seconde. Un peu trop ému pour ne pas paraître niais, je retiens un gémissement attendri sans quitter l'œuvre d'art des yeux. Quel âge pouvait bien avoir West ? Onze ans ? Douze, à la limite, à en juger par la taille du dessin...

—     C'est l'un de mes plus beaux souvenirs, pourquoi je l'aurais foutu en l'air ? rétorque mon binôme, le vague à l'âme.

—     Ce sont vos mains ? les interrogé-je bêtement.

—     Ouais, affirment-ils en chœur, avant de se sourire l'un à l'autre.

—     Un peu après notre rencontre, West et moi on a... Gale se racle la gorge. On a eu besoin d'oublier, de s'échapper de notre quotidien merdique. Ses parents étaient morts, ma mère aussi... Alors il m'a amené ici parce qu'il pensait que ça nous ferait du bien à tous les deux. Qu'on pourrait souffler. Évidemment, on avait pas le droit d'être dans cette maison et vu le temps qu'on avait mis à venir, ils ont pas tardé à nous retrouver pour nous ramener au foyer, mais on a passé quoi, toute l'après-midi ici ?

—     Même une bonne partie de la soirée, renchérit West, perdu dans ses souvenirs.

—     On avait mangé des tas de conneries remplies de sucre, on avait mis la musique à fond, on avait joué du piano, on avait fait une bataille de coussins qui a fini en bataille d'un peu tout ce qu'on trouvait...

Un léger rire leur échappe simultanément et mon cœur se réchauffe encore un peu. C'est un vrai soulagement de les voir comme ça, de le voir rire et sourire de cette façon. Comme si l'oxygène qui m'avait été volé lors de cette journée infernale venait tout juste de m'être rendu et d'apaiser mes poumons endoloris.

—     On était libre... souffle mon coéquipier.

—     Enfin bref, reprend le barman. Avant de partir, West a eu l'idée de marquer l'un des pots de fleur de sa mère, comme ils l'avaient fait avec celui-là, me raconte-t-il en montrant le premier récipient du menton.

De nouveau plongé dans une contemplation détaillée, je remarque que, comme pour le premier pot, la terre cuite est marquée de deux paumes colorées : celle d'un adulte est peinte en jaune, tandis que celle d'un enfant qui ne doit pas avoir plus de cinq ans la recouvre d'un orange vif. Le reste de la céramique est rempli par un « maman » enfantin et baveux écrit en rouge.

—     Je voulais avoir un souvenir de notre liberté parce que je savais qu'elle allait pas durer, s'explique West en fixant la peinture sèche. Je voulais qu'on ait notre truc, notre symbole du bonheur qu'on avait un jour ressenti... Mais j'ai tout fracassé et maintenant, les fleurs de maman sont foutues.

Voyant la tristesse reprendre peu à peu du terrain sur le visage de l'homme que j'aime, je bondis sur mes pieds, déterminé.

—     Non, attends, on peut encore arranger ça. T'as pas du terreau ou quelque chose qui y ressemble ?

Nous avons donc passé le reste de la soirée à jardiner avec le peu de matériel que nous avons trouvé dans le garage des Hutchins. Récupérant les trois derniers pots intacts ainsi que les fleurs qui n'étaient pas trop abîmées, nous avons tout replanté, le sourire aux lèvres. Mais au moment où je pensais que notre travail était terminé, mon acolyte s'est éclipsé, nous laissant, Gale et moi, quelque peu décontenancés. Immobiles, nous nous sommes contentés d'attendre qu'il revienne, plantés au mieux du jardin comme deux abrutis. Après une bonne dizaine de minutes, notre camarade a déposé une assiette pleine de gouache en face de chacun d'entre nous et Gale a tout de suite compris l'intention de son meilleur ami. Bien moins alerte que lui, je me suis contenté de froncer les sourcils, jusqu'à ce que je l'aperçoive se saisir de trois pots vierges. Tous les trois très appliqués, nous avons dessiné nos initiales sur notre récipient à l'aide de notre index. Les miennes étaient rouges, celles de Gale bleues et West, lui, les a peintes en noir. Ce ne sont que de simples taches de couleurs, mais elles ont suffi à graver l'existence d'un bonheur éphémère sur des pots de fleurs qui contiennent sans doute un peu de nos sourires après la tempête.


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Salut tout le monde ! (Non, je suis pas en retard, vous avez rien vu).

Hier j'ai eu une journée un peu chargée, mais j'ai avancé sur certains trucs que vous connaîtrez bien assez tôt, alors même si j'ai pas posté, c'est pas totalement une journée perdue.

Je voudrais profiter de la journée mondiale du Coming Out pour vous rappeler que vous pouvez faire votre ou vos Coming Out quand vous voulez et comme vous le voulez. Il n'y a pas de bon ou de mauvais timing, il n'y a pas de bonne ou de mauvaise façon de le faire. Faites le quand vous êtes prêt.e.s et de la façon qui vous protège vous, qui vous met à l'aise vous. Ne laissez jamais personne vous mettre la pression pour faire votre ou vos Coming Out, c'est quelque chose de personnel et vous êtes la seule personne qui a le pouvoir de savoir quand le bon moment arrive. Et si vous ne vous sentez pas prêt.e.s ou pas en sécurité, c'est aussi okay de ne pas le faire. Vous êtes légtimies que vous soyez out ou pas.

Pour les personnes qui n'ont pas de Coming Out à faire, rappelez-vous : On n'out pas quelqu'un sans que cette personne ne l'ait explicitement demandé. Ça peut être très dangereux et très compliqué à gérer pour la personne concernée. Ne mettez pas non plus la pression à quelqu'un parce que vous considérez que c'est le moment ou que ça fait trop longtemps que la personne "se cache", ce n'est pas à vous de choisir ce genre de choses, vous n'avez même pas d'avis à avoir sur la question sauf s'il vous est demandé.

Et comme hier c'était la journée mondiale de la santé mentale, je voudrais aussi vous rappelez à tou.te.s que c'est okay d'être heureux, que c'est aussi okay de pas aller bien. C'est okay d'avoir des moments de doutes, des moments où on a plus envie de rien. C'est okay de faire une pause, de se reposer, de remettre à plus tard. C'est okay d'être fatigué.e. C'est okay d'être un peu égoïste et de se protéger de choses qui blessent, même si ça doit vexer quelqu'un d'autre. Vous êtes légitimes, vous êtes aimé.e.s, vous n'êtes pas seul.e.s et vous êtes incroyables exactement comme vous êtes. Et si quelqu'un a besoin de quoi que ce soit, mes DM sont ouverts ici ou sur n'importe quel réseau.


Je sais que c'est beaucoup de blabla, mais ça me tenait à coeur. J'espère en tout cas que cette petite partie vous a plu et qu'elle vous redonne de la force pour ce qui va suivre. Et, tenez, puisque c'est bientôt la fin de N'aie Pas Peur :

Quel est votre moment préféré jusqu'ici ?

Quel est le moment qui vous a le plus surpris ?

Qui est votre personnage préféré et celui que vous aimez le moins ? Pourquoi ?

Sinon, un grand classique, celle-là, mais la musique vous plait ? Personnellement, j'adore Kodaline, j'écris beaucoup avec certains de leurs albums, je trouve leur musique inspirante.


Voilà, voilà, j'ai assez déblatérer pour aujourd'hui. Je vous dis à très vite les potes.

Prenez soin de vous.

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